Disclaimer : Cette histoire a été écrite par ElvenDestiny et l'univers ainsi que les personnages autre que OC appartiennent au fabuleux J.R.R Tolkien.

Note de l'auteur : Les premiers chapitres peuvent sembler relativement juvéniles, mais l'histoire devient sérieuse très rapidement et est destinée aux lecteurs d'âge mûr. Cette fiction traite de sujets relativement lourds, d'où le Rating M. Si vous espériez des licornes et des arc-en-ciel, vous ne les trouverez pas ici.

Note de la traductrice : Me voici avec une nouvelle traduction ! Cela faisait longtemps... Encore et toujours un Legolas/OC (quand on aime, on n'arrête pas xD). Cette histoire compte 35 chapitres et j'espère que vous aimerez suivre les fabuleuses aventures de l'héroïne, comme moi !

Bonne lecture à tous,

Manelor.

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"Un serment, c'est plus qu'une promesse" ... Manelor

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Chapitre 1 – liés par un serment de sang

Le couteau trancha la paume de sa main vite et proprement, retardant la douleur durant quelques instants avant que la brûlure ne commence à se faire sentir. Sariel se mordit la lèvre et essaya de garder une expression neutre alors que Belderon répétait l'action sur lui-même, coupant légèrement la paume de sa main. Avant que le sang ne s'écoule de leur blessure et ne tombe en gouttes pourpres sur le sol, Belderon joignit leurs mains ensemble et laissa leurs deux sangs se verser dans deux fioles minuscules de verre.

« By blood, Sariel Nightstar, I bind thee (Par le sang, Sariel Nighstars, j'en appelle)

By blood-oath you are bound to me. (Au serment de sang et je te lie à moi)

As you are reborn in death's shadow (Pour que lorsque tu te réincarnes en ombre de la mort)

Elven blood will become its own greatest foe. (Le sang elfique soit notre plus grand adversaire.)

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For vengeance, death shall be his fate (Pour la vengeance, la mort sera son destin)

The son of Thranduil solely mine to assassinate. (Le fils de Thranduil me devra son trépas.)

His life now yours, as you desire to be free (Sa vie est maintenant tienne, en paiement de ta liberté)

In this exchange which binds for all eternity. »* (De cet échange qui nous lie pour l'éternité.)*

Malgré sa détermination à cacher sa crainte, Sariel trembla légèrement. C'était seulement la troisième fois qu'elle faisait un serment de sang, mais les deux dernières fois faisaient partie des pires moments de sa vie. Cette fois, elle en était sûre, cela serait différent - mais pas en mieux. Cette fois, c'était le prince héritier de Mirkwood que Belderon voulait, et les intérêts qui en découlaient étaient extrêmement ambitieux. Sa mère et sa sœur seraient délivrées de Belderon, ainsi qu'elle-même, si elle menait sa mission à bien.

Lui jetant à peine un coup d'œil, Belderon plaça une des fioles sur une fine chaîne d'argent et la lui donna. Il garda l'autre et la déposa dans une boîte sous clé, qui disparut dans ses appartements, un endroit où Sariel n'avait jamais osé aller. Ses gestes sûrs malgré son malaise, Sariel attacha le collier autour de son cou et essaya de ne pas tressaillir quand le petit objet prit la forme d'un petit sablier en touchant sa peau. Le sang qui se trouvait à l'intérieur le rendait encore chaud. Sa main continua à la lancer malgré le bandage qu'elle se fit, lui rappelant que le serment de sang était un rituel sombre et un lien puissant. Après tout, ceci se vérifiait pour la plupart des rituels qui impliquaient une offrande par le sang.

« S'il vous plaît, puis-je voir ma sœur et ma mère avant de partir ? » demanda-t-elle doucement. La longue expérience de Sariel lui avait appris que Belderon était véritablement quelqu'un d'impitoyable, mais pas nécessairement irresponsable. En effet, c'était sa cruauté logique qui était plus terrifiante qu'autre chose. Elle savait qu'il ne lui refuserait pas cela, pas quand cette dernière rencontre n'aurait que pour effet de réaffirmer son choix, comme c'était toujours le cas. Rien ne pourrait cependant renforcer sa résolution. Elle voulait simplement mettre sa famille hors de danger, que sa mission soit juste ou non.

« Oui. » lui dit Belderon après un silence réfléchi qui avait tendu à l'extrême les muscles de Sariel. « J'écouterai cependant votre entrevue. Tu n'as pas le droit de leur parler de ta mission, ou de ce que tu as fait sous mes ordres. Les sentiments que tu ressens pour ta famille t'affaiblissent, ma chère. Rappelle-toi ce que je t'ai enseigné. »

Sariel fut soulagée durant quelques secondes, mais elle n'avait pas encore été congédiée et elle savait mieux que personne qu'il était préférable qu'elle ne prenne pas congé avant qu'il n'en ait fini avec elle. Il regarda fixement les flammes du feu, impassible.

« Je te verrai le matin avant ton départ. » dit finalement Belderon après l'avoir fait attendre durant de longues minutes dans un calme oppressant.

Sariel acquiesça et disparut, fermant la porte derrière elle, espérant secrètement et de toutes ses forces faire ainsi sortir son maître de sa vie à tout jamais. C'était sa fantaisie, bien plus que ses sentiments, qui était sa faiblesse. Son imagination et ses espoirs l'avaient incessamment rapprochée du danger, autrement plus que n'importe quelle affection qu'elle aurait pu avoir pour quelqu'un. Même les membres de sa famille étaient des étrangers pour elle. Sa loyauté était plus due au fait qu'elle regrettait de les avoir entrainés là-dedans, qu'à ce qu'ils représentaient réellement à ses yeux.

Elle descendit le hall en pierres grises, se forçant à ne pas courir... parce qu'il n'y avait nulle part où elle pouvait aller. Elle détestait seulement être en sa présence. Elle savait que Belderon pouvait entendre ses pas ; comme tous les Elfes, son audition et sa vue étaient incroyablement aiguisés. J'aurais dû le savoir, pensa-t-elle, l'amertume se mêlant à sa logique. Après tout, j'ai reçu les mêmes dons.

Enfin elle parvint à une autre porte et l'ouvrit, entrant dans une pièce péniblement austère avec des murs en pierre froids. Ils étaient gris, comme le reste de la pièce, et la couleur semblait comme aspirer la lumière. À l'intérieur de cette pièce sa mère était placidement assise sur une chaise, donnant l'impression d'être immobile, comme une invalide ayant besoin de repos. Sa sœur était couchée en position fœtale sur le lit, levant à peine les yeux en direction de Sariel quand elle entra. Celle-ci évita de la regarder, ne voulant pas faire face aux yeux sans vie sur le si joli visage de Lessena. Sa mère ignora complètement Sariel.

Toutes deux avaient de lourdes chaînes de fer autour de leurs poignets et de leurs chevilles, comme des prisonnières. Sariel savait que c'était simplement pour le spectacle. Belderon avait à sa disposition de bonnes cordes d'attache, mais la pièce faisait office de prison même si son pouvoir sur elles toutes, annihilant toute tentative de désobéissance, n'était pas contesté. En comparaison à elles, Sariel semblait rayonner d'une vitalité pure, la faisant ressembler à une personne d'une race complètement différente. Ce n'était pas qu'il y avait de quelconques blessures physiques sur le corps des deux Elfes dans la pièce, sauf peut-être le fait que leur peau semblait être comme un parchemin tendu sur des os fragiles. Cependant, peu de méthodes de torture étaient aussi efficaces que celles de Belderon pour briser l'esprit.

« Mère, Lessena, je dois partir demain. Je peux seulement vous dire que si tout se passe bien, nous serons toutes libérées. Je ne sais pas quand, mais cela ne sera que plusieurs mois après que ma tâche n'ait été accomplie. » Elle faisait toujours des phrases courtes, parlant le strict minimum car elle savait que sa mère n'écoutait pas. On lui avait chuchoté trop d'horreurs, trop de vérités déformées et elle occultait tout autour d'elle, même sa propre fille.

Sariel embrassa doucement sa mère, pensant presque la briser si elle exerçait un peu trop de force sur son corps. L'apparence autrefois glorifiante de Lorianiel était désormais décharnée et défaite, sa peau semblable au gris des murs impitoyables autour d'elles. Ses cheveux d'or avaient laissé place à un blanc jauni, et ses yeux bleus étaient assombris comme si elle avait vécu plusieurs vies d'hommes. Le film laiteux sur le bleu saphir de ses yeux se posa sur elle, et Sariel ressentit tout d'abord un léger dégoût, suivi par une honte grandissante.

Sa mère ne dit rien, mais quelque temps après, le visage en cire de Lessena revint à la vie. Cela semblait lui demander beaucoup d'efforts et ses paroles étaient désarticulées, comme minutieusement choisies pour flotter dans les airs.

« Sariel, ne nous donne pas de faux espoirs. Laisse-nous mourir pour que toi, au moins, tu sois libre. » lui dit-elle. « Il admet que tu viennes si souvent parce qu'il connait les limites exactes pour punir l'âme, qui demeurent suffisantes pour que nous continuions à survivre, comme des coquilles vides. Que veut-il de nous ? Pourquoi te sépare-t-il de nous ? » Les sanglots se firent alors entendre dans la voix de Lessena, les mots sortant aisément, comme s'ils avaient été retenus bien trop longtemps.

« Lessena... » commença par dire Sariel, mais sa sœur l'arrêta d'un regard.

« Tu deviens différente à mesure de tes visites, Sariel. Tu sembles désormais aussi froide et lointaine que les bois de la Lothlórien où nous vivions jadis. Tu empestes le sang, bien qu'aucune trace ne soit visible sur toi. Tu resplendis la vie, mais la passion semble t'avoir abandonnée. Quelque chose de sombre torture ton âme, je le sens ! Tu étais des nôtres, autrefois que t'a-t-il fait pour que tu deviennes comme cela ? »

Sariel semblait ne plus avoir de voix pour lui répondre, même si elle avait les mots justes. Ses yeux se floutèrent de larmes mais elle les réprima difficilement, frustrée par son impuissance. Elle laissait ses émotions la contrôler, montrant à Lessena ce qu'elle voulait voir. Le torrent de mots qui voulait sortir de sa bouche n'était pas empli de compassion, mais d'accusation. Finalement, Sariel déglutit difficilement et répondit.

« Garde espoir car l'espoir est permis désormais. Comment peux-tu simplement abandonner après tant d'années, alors que nous sommes si proches de la liberté ? Tu parles de la Lothlórien... notre vraie maison. Pense aux mallorn en Lórien – rappelle-toi l'automne, où les feuilles prennent une couleur brun-roux, tourbillonnant et se froissant doucement sous le souffle du vent. Te souviens-tu ? Si je le fais – si je fais ce que Belderon me demande, nous pourrons retourner là-bas. Il nous libérera ! » La main bandée de Sariel alla jusqu'à son cou pour saisir la dure texture de la petite fiole chaude. Le dégoût qu'elle ressentit en sachant qu'elle portait un peu de sang de Belderon sur elle fut maîtrisé par ce qu'il lui avait promis : un assassinat en échange de sa liberté à elle et à sa famille.

Lorianiel sembla reprendre vie, montrant les dents à Sariel comme un animal sauvage. « Que sais-tu de la vie dans cette cage ? Comment peux-tu savoir à quoi cela ressemble ? Toi, au moins, tu es libre à l'inverse de nous ! Va-t'en, Sariel, et laisse-nous tranquilles. Ne nous promet pas la liberté et ne te réfère pas aux bons souvenirs du passé, en cherchant à nous consoler par de sombres illusions. Belderon ne t'a pas enseigné que les plus grands rêveurs connaissent les plus dures chutes ? Va-t'en ! »

Les mots tombèrent durement et firent voler en éclats le doux rêve que Sariel avait cherché à entrelacer avec ses mots, et ils la blessaient comme si c'étaient des couteaux. Sariel bloqua son souffle en un halètement, fermant les yeux brièvement. La voix de Lorianiel s'élevait dans la pièce presque mélodieusement, pour une fois. Mais dans ses paroles se trouvaient bien plus de dureté.

Sariel cligna des yeux pour chasser ses larmes, et elle regarda la situation avec des yeux désormais différents, sachant qu'elle avait tout donné pour les sauver, mais devant aujourd'hui faire face à son impuissance et à son échec. Elle les appelait mère et sœur, mais l'étaient-elles réellement, en dehors du sang qui coulait dans leurs veines ? Leur rejet cuisant ressemblait à une trahison, mais elle savait que ceci était aussi sa faute. Elle avait ignoré la réalité pendant trop longtemps et s'était enfermée dans un rêve où les derniers membres de sa famille l'aimaient – tout ceci était bien trop dur à accepter pour elle. Les leçons répétées par Belderon se mirent à tourner en boucle dans sa tête et elle s'y accrocha.

Malgré tout, Belderon était un Elfe sage, qui savait beaucoup de choses. Bien qu'il soit un monstre, il avait toujours raison. Les sentiments l'avaient rendue faible, mais même en connaissant ses propres défauts, cela n'avait rien changé. Elle marcha presque aveuglément, et chancela jusqu'à la porte d'entrée, malade et emplie de chagrin.

Les mots de Lorianiel étaient vrais, et Sariel pouvait simplement arborer un air hébété tout en se demandant combien cela devait être encore pire pour sa mère et sa sœur. Chaque jour, elle avait très envie de les voir et pourtant à chaque visite se répétait le même cauchemar. Belderon la laissait errer dans les bois comme elle le voulait, sachant qu'elle ne pouvait pas le quitter tant que sa famille était retenue prisonnière ici. Elle regardait ses proches mourir un peu plus chaque jour, jusqu'aux jours tant redoutés faisant suite aux saisons infinies et aux longues années de leur existence, où elles n'avaient que les souvenirs de ce dont elles avaient été privées – il n'y avait pas d'ironie plus impitoyable. Au long de la très longue vie d'un Elfe, comment la haine pouvait remplacer l'amour, et ainsi faire ombre aux liens familiaux jusqu'à ce que ceux-ci ne disparaissent ?

Elle savait qu'elles étaient tout ce qui lui restait et ceci gardait Sariel prisonnière, traînant des chaînes invisibles autour de ses chevilles. Elle ne les laisserait pas mourir, même si cela signifiait la mort d'un autre innocent. Rien ne valait plus que leur liberté. Elle pourrait même devoir en tuer cinq, voire cinq cents. Si c'était le prix à payer, alors elle le ferait. Cette fois, la liberté était bien trop douloureusement proche – tout ce qu'elle avait à faire, c'était tuer le prince héritier de Mirkwood, que Belderon haïssait.

La raison pour laquelle Belderon avait proposé de leur rendre leur liberté après si longtemps était pourtant encore obscure. Peut-être s'ennuyait-il de ses petits jeux et avait-il décidé d'en finir en lui confiant une toute dernière mission. Peut-être que ceci était l'apothéose d'un plan minutieusement organisé, celui que Sariel n'avait jamais compris depuis qu'il l'avait envoyée courir les royaumes pour tuer des cibles aléatoires. Cela ne comptait pas ; pour Sariel, la fin était proche, aussi proche que l'étaient ses os de ses côtes.

Pourtant Lorianiel et Lessena refusaient d'espérer quoi que ce soit et en son for intérieur, Sariel criait de rage face à leur réticence, parce qu'elle ne pouvait même plus se rappeler la dernière fois qu'elle les avait vues 'vivantes'.

Revenant dans ses propres appartements, Sariel s'allongea sur son lit sans dormir, se calmant en récitant les règles que Belderon lui avait enseignées, focalisant son esprit sur sa mission. Progressivement, la colère et le chagrin disparurent pour laisser place à une irritation modérée qui était la seule preuve damnée de ses sentiments avec l'humidité salée sur son oreiller. Son cœur se serra quand elle pensa que ce voyage débutait le lendemain. Elle allait revenir en Lothlórien, là où se trouvait sa maison. Malgré elle, quelques larmes coulèrent silencieusement de ses yeux quand elle se rappela les ruines carbonisées du bel arbre où sa famille avait vécu dans une joie presque idyllique. A l'époque, ils n'étaient qu'une famille parmi beaucoup d'autres, jusqu'à ce que le mal n'arrive et ne change tout.

Comme d'habitude, ses dernières pensées avant de dormir furent pour son père, tombé sous les lames de Belderon. Il apparaissait dans ses souvenirs, intact et inchangé, contrairement aux autres membres de sa famille. Même son étreinte fantomatique semblait réelle et rassurante, bien qu'elle sache que ceci n'était qu'un tour de son esprit. « Je te vengerai… » lui promit-elle dans un chuchotement, sa voix se perdant rapidement dans l'obscurité. Cela était resté promesse en l'air durant trop longtemps. Elle ne pouvait même pas se libérer, ou libérer sa mère et sa sœur.

Le fantôme de son père attendait toujours, calme et sage. Il tendait une main vers elle, le visage souriant et aimant, sans ombre dans ses yeux comme dans ceux de Lessena, quand elle avait senti la mort qui suivait sournoisement l'âme de Sariel. Celle-ci ferma les yeux, posant son menton sur sa poitrine, écoutant les lents battements de son cœur. « Après notre libération, je reviendrai et Belderon ne sera plus. » Elle avait répété ces mots tant de fois qu'elle pensait, de façon assez fantasque, que la pièce en avait désormais un souvenir, qui resterait après son départ et dont les prochains invités entendraient le chuchotement, bien après que les Elfes ne redeviennent cendres et poussière.

Il y avait maintenant une chance pour que toutes ses promesses n'aient pas été faites en vain.

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Sariel se réveilla tôt le lendemain matin, bien avant que les cieux mornes ne soient éclairés par la lumière du soleil. Elle se vêtit d'une simple chemise vert foncé et d'un caleçon long de couleur brune avant de dissiper dans ses pensées le léger brouillard de ses rêves. Lâchant un soupir, elle commença à emballer ses affaires en des mouvements amples, s'assurant de terminer bien avant que le soleil ne soit haut dans le ciel. Tout devait être organisé pour qu'elle puisse le trouver facilement. Elle prit son temps pour méticuleusement nettoyer toutes ses armes et stocker dans ses sacoches les douces et sucrées pâtisseries qu'elle avait soigneusement enveloppées dans des feuilles, comme elle le faisait souvent lorsqu'elle préparait les missions de Belderon. Pour sa nourriture, Belderon la laissait préparer ce qu'elle voulait, et elle essayait maladroitement de se remémorer quelques souvenirs de son enfance, avec plus ou moins de succès. Cette fois, les pâtisseries paraissaient sans saveur et sans odeur, comme si elle avait méjugé de la quantité de miel nécessaire dessus. Cependant, ses vaines tentatives pour se remémorer son passé la maintenaient assez distraite pour manger, et ceci était suffisant.

Avec d'autres affaires, elle se rappela d'emballer deux manteaux longs, un bleu foncé et un noir. Elle portait le troisième sur elle, un manteau vert forêt avec de complexes entrelacements d'argent. Elle l'avait volé il y a longtemps, quand son Maître l'avait envoyée en mission d'espionnage la première fois.

Belderon l'attendait dans ses appartements, mais à son arrivée il se leva et partit, s'attendant à ce qu'elle le suive à l'extérieur. À sa surprise il lui dit d'apporter toutes ses armes, qu'elle avait déjà sur elle pour la plupart.

« Un petit test, mon animal de compagnie. » Il lui sourit de façon séduisante. « Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que je te laisse partir si aisément, n'est-ce pas ? »

Sariel l'aurait parié, bien sûr. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'elle assassinait quelqu'un, et elle était assez expérimentée en la matière. Jamais elle n'avait fait preuve de négligence au cours de sa formation, et Belderon le savait bien, puisqu'il était celui qui l'avait entrainée.

« Non, Maître. » Elle s'adressait toujours à lui avec déférence, parce qu'il attendait une réponse. Malgré tout, elle devait lui plaire.

« Montre-moi ce que tu as appris. Prends ton arc et sois prête à viser ce morceau de tissu flottant dans le vent sur cet arbre. »

Sariel regarda l'endroit qu'il indiquait. Elle fut étonnée de la cible qu'il avait choisie. Même elle, avec sa vue déjà aiguisée par la pratique, pouvait à peine voir le morceau minuscule de tissu rouge qui se roulait et se déployait sous les rafales de vent. L'envie soudaine de la tester, peu habituelle chez Belderon, lui faisait ressentir un sentiment étrange. Elle savait déjà que ceci était un cas spécial, considérant le fait qu'il lui avait offert leur liberté à la clé, vu qu'apparemment il n'aurait plus besoin d'elle après cela. Ainsi, qui était donc exactement ce prince héritier de Mirkwood ? Pourquoi était-il si important pour Belderon, qui n'avait jamais douté de ses capacités - parce que, après tout, il l'avait personnellement formée et elle n'avait jamais échoué – de la tester soudain ?

Sariel mit de côté tous ses doutes quand Belderon lui remit ses trois flèches. Celles-ci n'avaient rien à voir avec les flèches parfaites qu'elle avait elle-même fabriquées. Elles étaient légèrement abîmées mais utilisables. Elle allait devoir prendre en compte leurs défauts de fabrication et la vitesse du vent. Sariel avait besoin de toute sa concentration ici, et n'avait plus le luxe de pouvoir penser.

« Trois flèches, consécutivement. Débute seulement lorsque je taperai dans mes mains. » dit simplement Belderon en s'éloignant d'elle.

Elle attendit son signal, sachant que cela faisait en soi partie du test. Quand le doux son retentit, elle tendit une main jusqu'à son dos pour prendre une flèche, s'inclinant presque instinctivement quand un nuage cacha le soleil, faisant une petite pause pour noter que Belderon avait délibérément attendu pour pouvoir la tester aussi avec cette difficulté supplémentaire. Les mouvements de visée et le tir de la première flèche furent aussi naturels pour elle que sa respiration, régulière bien qu'un peu difficile. Elle se concentra deux fois plus, sa vitesse et son attention décuplées pour détailler l'élément essentiel en recherche d'exactitude. Le vent ne présentait pas une bien grande difficulté, bien que la troisième flèche ait une faiblesse dans le bois et menaçait de faire bifurquer le tir. Donc Sariel apprécia la distance et ne visa pas le drapeau, mais un peu plus à gauche.

Quand elle en termina, elle regarda Belderon. Il lui fit signe de s'approcher et ils marchèrent ensemble jusqu'à la cible. Le petit morceau de tissu était épinglé au tronc par les trois flèches, bien que la troisième soit un peu plus éloignée du centre que les deux autres. Sariel les retira soigneusement, espérant pouvoir les réutiliser. Les deux premières semblaient intactes donc elle les remit dans son carquois, se rappelant mentalement de vérifier celles-ci plus tard. Même une mince fente dans le tube, ou des plumes légèrement endommagées mettraient en péril l'efficacité de la flèche. La troisième pouvait être jetée.

Belderon ne fit aucun commentaire, retournant à leur point de départ, laissant le morceau de tissu sur l'arbre, désormais avec trois trous. Il se rapprocha de la cible, comptant ses pas pour la faire se positionner à la distance qu'il souhaitait. « Le poignard. » dit-il. Il y avait quelque chose dans sa voix qui lui indiquait que Sariel ferait mieux d'être parfaite cette fois, et elle se demanda ce qu'elle avait fait pour lui déplaire. La troisième flèche aurait été mortelle, elle aussi. Le drapeau rouge faisait seulement la largeur d'une main.

Sa concentration se reporta sur ce petit morceau de tissu, flottant au loin devant elle, et elle le jeta. Le poignard frappa directement sur la marque, enterré presque à mi-chemin dans le tronc. Elle le retira avec difficulté, reconnaissante que la lame soit restée toujours aiguisée et se demandant quels autres tests Belderon allait exiger qu'elle exécute. Elle utilisait rarement le poignard, préférant ses couteaux Elfiques plus légers à la place, ou bien sûr le couteau. Cependant, son habileté avec des couteaux dépassait ses autres capacités. Non seulement elle avait une affinité naturelle pour les armes plus petites, plus légères, mais Belderon avait aussi passé deux fois plus de temps à l'entrainer avec. Bien sûr, elle ne s'était pas encore réellement exercée à l'épée, mais ceci était un aspect de son entrainement qui faisait rarement appel à beaucoup de ses talents.

Sariel ne pouvait pas s'empêcher de se demander si ceci était réellement un test, ou seulement une étrange façon pour Belderon de s'assurer qu'elle allait être efficace. Elle n'avait jamais échoué ; il exigeait toujours le meilleur d'elle-même. Pourquoi aurait-il changé d'avis, simplement parce que sa cible était différente ?

Belderon découpa un autre morceau de tissu en huit parties égales avant de les laisser tomber à terre avec ses deux couteaux, testant non seulement ses compétences, mais aussi le soin qu'elle mettait dans l'entretien de ses armes, s'assurant qu'elles soient fréquemment aiguisées à la perfection. Il s'engagea alors dans un combat à l'épée avec elle. Sariel avait de bons résultats mais assez timides, jusqu'à ce que le regard noir de Belderon ne la rende craintive. Malgré ses efforts, elle n'avait jamais réussi à battre Belderon à l'épée. Il était une fine lame et il se battait avec une cruauté presque sauvage.

Le problème des stylets, pensa Sariel. De toutes les armes, elle était celle qui convenait le plus pour un assassin. L'épée pour le combat, l'arc et les flèches pour le combat à distance, les couteaux attachés à ses avant-bras pour le combat rapproché, et l'esquive et le poignard comme arme de poing. Le stylet était petit, mortel, mais la lame aiguisée faisait à peine deux centimètres de large et peut-être dix-huit centimètres de long. C'était utile pour forcer un chemin jusqu'au cœur, et merveilleusement subtil, mais presque inutile pour quoi que ce soit d'autre que le meurtre. Malgré les propriétés spéciales du métal Elfique blanc argenté, la lame mince pouvait toujours se briser en donnant la bonne pression sur l'arme.

En donnant le signal de départ du combat, elle se rendit compte que Belderon la regardait de nouveau, attendant avec une patience serpentine. Il lui demanda de s'approcher de lui tandis qu'il l'ignorait - il voulait qu'elle arrive à poser son stylet sur son cou, juste assez proche pour le faire légèrement saigner.

Ceci était un vrai défi. De tous les couteaux différents et poignards qu'elle portait sur elle, le stylet n'était pas son favori, mais c'était le mieux pour ce qu'elle devait faire. On lui avait dit de l'utiliser pour tuer les deux Elfes qu'elle avait dû assassiner sous serment de sang, auparavant. Il lui avait cependant laissé le choix pour les autres assassinats qu'elle avait commis et elle utilisait une variété de méthodes, allant du poison jusqu'au garrot exotique. Il y avait un nombre infini de façons de tuer et elle choisissait simplement celles qu'elle estimait être les plus efficaces. Parfois, Belderon voulait simplement se venger, mais le plus souvent il voulait qu'elle ne laisse aucune trace de son passage, lui demandant de faire mystérieusement disparaitre le corps.

Elle était aussi experte en utilisation du stylet que pour ses autres armes, mais s'approcher silencieusement d'un Elfe qui avait les mêmes capacités qu'elle-même, tout en devant le blesser au cou, c'était une perspective plutôt terrifiante. Belderon était déjà en garde, attendant son assaut, tandis qu'elle attaquait la plupart de ses victimes par surprise.

Il était temps de se prouver à elle-même qu'elle pouvait surpasser son Maître, et Sariel se sentit brusquement déterminée. Elle s'accrochait férocement à son désir de venger son père, comme si ceci était son but pour survivre. Ce test signifiait beaucoup pour elle, beaucoup plus que ce que Belderon soupçonnait.

Elle disparut dans les bois, gardant un œil sur Belderon qui était assis le dos contre un arbre, ses yeux brillants cherchant à capter la moindre erreur pouvant lui servir à cerner sa position. Une attaque instantanée pourrait le surprendre car il pensait probablement qu'elle allait attendre et évaluer la situation, mais Sariel ne voulait pas s'y risquer. Il serait difficile de supporter un haut niveau de conscience constante, donc elle attendit.

Finalement elle se glissa derrière lui, près de son côté droit, priant pour que les feuilles sous ses pieds ne se froissent pas lors de ses déplacements. Aucune compétence ne pourrait contourner les avantages que la nature avait donnés à Belderon. La chance, cependant, était de son côté. Le terreau forestier absorbait ses bruits de pas, au moment où Sariel se réprimanda pour la tension dans ses mains. Quel assassin habile succombait à ses nerfs au beau milieu d'un combat ? Elle prit quelques profondes respirations, essayant délibérément de détendre ses muscles pour que ses mouvements soient plus maîtrisés, et elle s'approcha soigneusement de l'arbre contre lequel Belderon était appuyé.

Elle étudia attentivement la scène quand elle se rapprocha, repérant les angles morts où elle pourrait se soustraire au regard de Belderon, du moins temporairement. En quelques rapides mouvements, elle l'atteignit, le couteau dans la main. Belderon bougea et elle se raidit, mais le bruissement du vent la couvrit et elle sut avec une certitude particulière qu'il ne se retournerait pas pour regarder dans sa direction. Sa main s'élança vers l'avant et elle abaissa la lame, la pointe du stylet touchant légèrement son cou. Sa peau se coupa doucement elle avait un contrôle extrême sur sa lame. Elle partit en toute hâte avant qu'il ne puisse la capturer et réapparut devant lui, voyant Belderon poser une main sur son cou.

Il y avait une simple goutte de sang qui s'écoulait de la blessure minuscule. Pas une piqûre d'épingle, qui l'aurait blessé immédiatement et l'aurait alerté de son attaque, mais une coupure superficielle précise.

« Bien. » dit Belderon en effaçant le sang sur sa peau à l'aide de ses doigts. « Va et tue le prince de Mirkwood. »

Elle ressentit de la crainte mélangée à une certaine dose d'irritation. Sariel détestait sa condescendance. Elle n'était plus l'enfant distraite, stupide qu'il avait enlevée il y a tellement d'années, mais il pensait qu'elle était encore aujourd'hui une simple marionnette. Que cela soit vrai ne rendait pas la chose plus facile à accepter.

« Je te contacterai la nuit tous les deux jours. Ne pense même pas à t'enfuir, mon animal de compagnie. Une seule erreur et ta mère et ta sœur souffriront pour ton affront. Échoue et elles en payeront le prix. »

Il y avait seulement un prix suprême que Belderon exigeait de quelqu'un - la mort.

Sariel hésitait à parler fort mais elle avait trop de pressentiments pour cette mission. Pourquoi ne lui donnait-il pas plus d'informations ? Au lieu de cela, il lui avait seulement donné le titre de sa cible, comme si c'était cela qui comptait le plus. Il n'était jamais aussi vague dans ses ordres.

« Maître... son nom ? » lui demanda-t-elle.

« Tout ce que tu dois savoir, c'est qu'il est le prince de Mirkwood. » Le caractère définitif dans sa voix était clair.

Sariel ne demanda rien de plus, bien qu'elle dut ravaler ses questions. Connaitre le contexte l'aiderait à mieux comprendre la situation et Belderon avait précisé que ceci n'était pas un cas ordinaire. Faciliter ses assassinats devrait logiquement être une priorité. Une cible non définie signifiait qu'elle devrait rester durant un certain temps à ses côtés pour en apprendre ses habitudes. Au moins, en tant que prince, elle allait rapidement connaitre sa cible. Durant un instant, la pensée de princes multiples la déconcerta, mais Belderon ne ferait jamais cette erreur. Le prince héritier ou le prince, il y avait seulement un héritier mâle à Mirkwood, si c'était son titre.

L'instant suivant, la bouche de Sariel s'assécha soudainement sous le regard fixe et incolore de son Maître et elle se sentit malade sous la peur. Tant d'années passées à ses côtés et elle était toujours aussi mal quand il la scrutait de cette façon, comme si la date de sa mort était évidente pour lui et comme s'il envisageait que cela soit sous sa propre lame.

« Va aux écuries et prends Myste. Elle te servira assez bien. » Ces dernières paroles sonnèrent comme un affront, et elle se demanda ce qu'elle avait fait pour mériter son mécontentement. Il se retourna brusquement et s'éloigna.

Sariel regarda fixement sa silhouette disparaitre, ses genoux semblant soudain trop affaiblis pour pouvoir supporter son poids. Il était en colère, elle en était sûre. Pourtant il n'avait presque rien montré de son mécontentement. Cela faisait partie de ce qu'il lui avait enseigné, mais le feu dans ses yeux lui avait montré qu'il n'était pas aussi impartial que d'habitude. Alors pourquoi cet assassinat était-il si différent ? Pourquoi était-il son dernier ?

Elle essaya de ne pas trop penser tandis qu'elle entrait dans les écuries. Belderon serait furieux s'il savait comment elle cédait à son affection pour les chevaux, mais peu importe. Elle apporta un morceau de sucre au box de Myste. La pouliche blanche enfumée hennit en signe de salutation et elle sourit presque.

Myste avait été son seul compagnon depuis le jour de la naissance de la pouliche. Sa mère était morte pendant l'accouchement et Sariel s'était souciée de Myste depuis lors, développant un fort lien avec le poulain dégingandé. D'autres animaux évitaient la citadelle de Belderon et les autres chevaux n'étaient pas de vrais chevaux, mais plutôt les coursiers de Belderon, élevés pour leur caractère et leur nature sauvage. Quoi qu'il leur ait fait, ils ressemblaient peut-être à des chevaux, mais même leur apparence laissait transparaitre quelque chose de plus.

Logée à côté de ces bêtes cauchemardesques, Myste avait développé une tolérance à la peur, s'attachant elle-même à Sariel, qui avait besoin d'une monture n'étant pas facilement effrayée. La pouliche était aussi naturellement obéissante et douce, et bien que Sariel n'ait aucun point de comparaison, à part ses souvenirs d'enfance brumeux, Myste semblait beaucoup plus vive que beaucoup d'autres de sa race.

Cela prit seulement quelques minutes à Sariel pour préparer ses sacoches. A part sa nourriture et ses vêtements, elle avait besoin de peu. Elle avait simplement quelques biens personnels, et elle n'avait pas le courage de demander à Belderon si elle pouvait voir une nouvelle fois sa mère et sa sœur. Une partie d'elle savait que c'était parce qu'elle redoutait de faire face à sa famille, mais une autre partie d'elle-même ne s'en souciait tout simplement pas. Elle voulait être libérée de Belderon, libre de tous les liens qui liaient son âme, libre même de ces liens de sang qui étaient comme une justification de son meurtre. Pourtant Lessena et Lorianiel étaient ses seules raisons de vivre, les seules choses qui comptaient pour elle dans son existence, même si elles n'étaient pas la mère et la sœur de son imagination. Il n'y avait rien d'autre.

C'est un sentiment aigre-doux qui l'envahit quand elle monta Myste et avança, refusant de regarder derrière. Elle allait quitter la maudite prison de Belderon durant quelques mois, bien qu'elle sache qu'elle devrait y retourner. Cette liberté n'était qu'une simple illusion, surtout en sachant qu'elle devait laisser ce qui comptait le plus pour elle derrière – deux Elfes qui continuaient à vivre à cause de ses actions, peu importe qu'elles soient presque sans vie. Elle avait déjà voyagé auparavant, mais cette fois, il y avait cet espoir interdit qui lui dictait que ceci serait sa dernière mission.

Avec Myste, elle s'éloigna lentement du Lac Evendim vers la vie qui l'attendait – direction le Bois D'or, la Lothlórien.