BONJOUR A TOUS !
Donc voici la fic que j'avais commencé sur AO3 et que je posterai désormais ici également. Elle est en trois parties (basées chacune spécifiquement sur un couple) :
- Iwaizumi/Oikawa - Partie I : Les Braises ;
- Yahaba/Kyoutani - Partie II : Les Flammes;
- et Akaashi/Bokuto - Partie III : Les Cendres.
Après je me laisse encore le temps de peut-être changer les titres ou des trucs comme ça.
Elle s'inspire de la période de la Rome Antique et de la série Spartacus (3 big love), donc elle n'est évidemment pas exacte vis-à-vis de la Rome Antique (non seulement parce que ce n'est pas mon intention mais aussi parce que lol ç'aurait pas été pratique + flemme).
Je préviendrai en début de chapitre s'il y a des trucs choquants ou quoi (oui parce que dois-je redire que c'est inspiré de Spartacus et ceux qui ont vu Spartacus savent très bien ce qui peut se passer).
J'ai mis des précisions sur l'histoire à la fin du chapitre (la note du bas ?) par rapport à des détails techniques.
Voilà, c'est à peu près tout ?
BONNE LECTURE :D
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Chapitre 1_Enfance
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Naissance
Le jour où naquit Hajime Iwaizumi, il créa un bonheur infini dans le cœur de ses deux parents.
Sa mère, après avoir fait disposer la sage-femme ainsi que sa propre mère qui l'avaient aidée à accoucher, tentait de rester éveillée, attendant que son mari accepte l'enfant comme il était coutume de le faire. Elle n'eut heureusement pas à patienter longtemps, le récent père revenant rapidement à son chevet, portant dans ses bras le petit corps enroulé d'un drap de lin. Seule la tête recouverte d'une touffe de courts cheveux noirs apparaissait, un léger babil s'extrayant de sa bouche et faisant rire faiblement sa mère. Elle croisa alors le regard plein d'amour de son mari et, sans rompre le charme du moment presque sacré, elle chuchota tendrement :
« Il a déjà la vivacité de son père, ne trouves-tu pas ?
– Et la force de sa mère, répondit-il aussitôt, se penchant et effleurant de ses lèvres le front encore humide de sueur de sa femme. Je n'ai jamais été plus heureux et fier qu'en cet instant.
– Moi non plus... Cet enfant est une bénédiction, nous qui l'avions tant attendu, murmura la femme alitée, songeant aux longues années de doute et d'attente qu'ils avaient endurées, sans savoir si leur plus grand souhait se réaliserait jamais.
– Il est là maintenant... nous n'avons plus à nous inquiéter, murmura l'homme en réponse, déplaçant son poids le long de sa femme comme pour la rassurer et chasser de son esprit des souvenirs désagréables. »
Ils échangèrent un sourire qui n'avait jamais cessé d'être complice et, penchés l'un contre l'autre, ils observèrent leur enfant qui s'endormait alors même que le soleil se couchait, envoyant ses derniers chauds rayons le long des murs de leur foyer où résonneraient bientôt les rires de leur nouvelle petite famille.
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Un mois plus tard, tout au plus, naquit Tooru Oikawa qui eut, lui, plus de difficultés à se creuser une place dans les cœurs durs et défiants de ses parents.
Sa mère lui en voulait pour la grossesse pénible qu'il lui avait fait endurer et s'endormit bien vite après l'avoir mis au monde, ne se souciant guère du jugement de son mari. Elle lui avait, après tout, déjà donné un fils – dont la grossesse et l'accouchement avaient été bien plus agréables –, et n'avait pas à s'inquiéter de devoir bientôt se refaire engrosser afin de fournir un héritier au célèbre laniste Oikawa. Cette deuxième grossesse n'avait même pas été prévue et la femme avait, après coup, amèrement regretté d'avoir été si enthousiaste dans ses rapports sexuels avec son mari.
Celui-ci, d'ailleurs, peut-être bientôt père, se trouvait donc debout, face au bébé à terre qui se tortillait en geignant faiblement sur le sol dur. Il était perdu dans ses pensées, ne sachant réellement quelle décision prendre.
S'il ne se décidait pas à prendre cet enfant dans ses bras, celui-ci finirait jeté dans les rues d'Aoba et deviendrait sans aucun doute un esclave – s'il lui arrivait de survivre. Un tel acte n'avait jamais particulièrement eu de charme ou d'honneur aux yeux d'Oikawa et il concentra donc de nouveau son attention sur le bébé.
Il n'était pas laid, ni difforme, et ne poussait pas de cris agonisants comme certains nouveaux-nés pouvaient le faire. Il ne méritait en somme toute pas de mourir dans la crasse de la ville ou de vivre en esclavage. Éduqué, il ferait peut-être un fils formidable, et, si son aîné venait à faiblir ou à être victime d'un accident, il pourrait le remplacer et prendre le pouvoir que son père voudrait bien lui accorder.
L'homme le ramassa donc et, aussitôt, l'enfant parut s'apaiser, remplaçant ses petits bruits d'inconfort par des gazouillis baveux.
« Peut-être ne seras-tu pas un si lourd fardeau, murmura l'homme, contemplatif, ramenant l'enfant à une nourrice qui daignerait bien le nourrir, sa mère n'y étant pas disposée pour le moment. »
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5 ans
La mère de Tooru se trouvait dans une bien vilaine posture.
C'est du moins ce qu'elle aimait à se dire alors que cette femme aux manières à peine correctes et à la familiarité bien trop grande se penchait vers elle, riant et regardant leurs enfants avec un mélange de fierté et d'affection écœurant.
C'était bien sa veine que Tooru ait encore une fois décidé d'échapper à la poigne de l'esclave personnelle mise à son service (il faudra d'ailleurs qu'elle pense à la punir pour cela), et d'aller courir où bon lui semblait dans les rues d'Aoba.
Et il semblerait que son but ait été de foncer dans un autre petit garçon du nom de Hajime Iwaizumi, dont la mère, aussi bienveillante que de faible importance dans le monde de l'aristocratie, avait pris bonne garde de retenir Tooru alors que sa mère accourrait, les voiles de soie bleue de sa toge voletant derrière elle. Tooru n'avait de toute façon visiblement pas envie de repartir dans une course folle, collé qu'il était à Hajime qui lui montrait l'impressionnante file d'insectes qui longeait un mur de la rue, et cela avec un peu de réluctance. Après tout, il s'attendait aussi peu que la mère de Tooru à ce que le fils de celle-ci lui fonce littéralement dessus. Il parlait néanmoins avec de plus en plus d'excitation au fur et à mesure qu'il s'habituait à la présence de l'autre petit garçon tandis que ce dernier, un peu effrayé, l'écoutait raconter hardiment toutes les fois où il avait attrapé des cigales – qu'il avait relâchées aussitôt après, ne voulant pas abréger encore plus leur courte vie.
« Que Hajime puisse trouver un ami en votre fils, cela serait formidable ! babillait la mère du garçon, l'air comblée. Ils semblent déjà si bien s'entendre... »
La mère de Tooru eut encore une fois bien du mal à se concentrer sur ce que l'autre femme pouvait bien déblatérer, son regard venant s'égarer près du pendentif cruellement simple qu'elle portait autour du cou et qu'on aurait plus communément vu autour de celui d'une esclave. Voilà une véritable plébéienne, elle frissonna, n'apercevant déjà plus aucune valeur qu'elle aurait pu trouver chez son interlocutrice. Elle réussit à forcer un sourire poli et de répondre, la voix aussi mielleuse et chaleureuse qu'elle en était capable sur le moment (elle avait connu bien pires situations, cela était certain) :
« Oh, oui, cependant, une fois que Tooru atteindra l'âge de raison, il sera bien occupé avec l'éducation que son père daignera lui faire enseigner par d'autres, ou par lui-même. Alors je ne sais si l'amitié fera partie de son futur, à partir de ce moment-là.
– Mais n'a-t-on pas toujours besoin d'amis pour se fructifier ? remarqua la mère de Hajime, inconsciente du mépris qu'elle engendrait déjà chez l'autre femme. Ces garçons pourraient devenir très forts en étant ensemble et, de plus, l'âge de raison ne viendra que dans deux ans.
– Je préférerais, pour Tooru, qu'il soit entouré de personnes de son rang pour l'influencer à l'avenir, coupa, sans jamais changer le ton de sa voix, la mère du petit garçon qui, celui-ci, comme ramené silencieusement à l'ordre, releva finalement la tête pour apercevoir sa mère à quelques mètres.
– Mère ! il s'exclama joyeusement, courant pour aller se jeter dans ses bras alors même que celle-ci s'éloignait bien volontairement de l'autre femme. Pourrais-je voir de nouveau Iwa-chan ? J'aime vraiment beauco–
– Nous devons rentrer, Tooru. Et nous allons avoir de nouveau une conversation sur ce que je pense du fait que tu partes vagabonder dans les rues sans personne avec toi.
– Mais, Mère...
– Pas un mot jusqu'à ce que l'on soit à la maison. Mes courses sont heureusement finies, nous allons enfin pouvoir échapper à cette chaleur intenable.
– Oui, Mère, marmonna Tooru, regard baissé et son esclave (une grande jeune fille à la peau mate et aux cheveux noirs qui venait de Nekoma) vint lui prendre rapidement la main, la serrant davantage désormais. »
Une dernière fois, il tourna la tête vers Hajime qui, lui-même confus et les sourcils froncés, s'était rapproché de sa propre mère qui paraissait accablée et dont les grands yeux verts s'étaient écarquillés légèrement sous le choc. Tooru eut honte quand son esprit encore enfantin comprit vaguement que la cause du désarroi de la mère de Hajime n'était autre que sa propre mère.
Mais je voulais aller jouer avec Iwa-chan...
Les deux lui adressèrent un bref signe de main, timide et incertain, et il ne put que penser que la famille Iwaizumi semblait bien douce en comparaison de la sienne. Entre son père et sa mère, il ne connaissait que trop l'embarras, la déception et la tristesse. Et cela commençait à devenir pesant.
Son esclave tira sur sa main – comme lui ordonnait subtilement et d'un simple geste de main la mère de Tooru – et il dut suivre le petit groupe, laissant derrière lui ce qu'il aurait voulu appeler son premier véritable ami. Un qui ne sache rien des constellations ni des manières exigées quand on rencontrait quelqu'un, mais qui puisse lui parler d'insectes pendant des heures, et cela toujours avec une expression renfrognée que Tooru aurait voulu contempler bien plus longtemps.
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10 ans
« Iwa-chan ! »
Tooru accéléra le pas, les semelles en or massif de ses sandales battant les pavés terreux de l'agora et les pans de sa toge restreignant le mouvement de ses courtes jambes. Agacé, il tira dessus, libérant ses mollets et, sans perdre le rythme de sa course effrénée, il se redressa et engloutit les quelques derniers pas qui le séparaient de son ami.
Il eut à peine le temps de croiser le regard vert et surpris de Hajime avant qu'il ne s'écroule presque sur lui, riant, l'enserrant dans ses bras à lui en briser les os.
« Iwa-chan ! il répéta, heureux, collant son front moite à celui, tanné et tout aussi suant de Hajime. Cela fait une éternité que je ne t'ai pas vu !
– Idiot... tu m'as croisé hier, ici même, grogna Hajime, le repoussant sans manière (ce qui était si peu convenable pour quelqu'un d'un rang inférieur au tien !, comme aimait à le dire la mère de Tooru – mais celui-ci préférait ne jamais l'écouter quand il s'agissait de Hajime et de sa famille). Et cesse donc de te coller à moi alors que la chaleur nous écrase !
– Oh, mais n'es-tu pas aussi ravi que moi que l'on se rencontre à nouveau ? protesta Tooru, se contentant de laisser flotter un bras autour des épaules tendues de son ami. J'ai attendu ce moment toute la nuit ! Nous nous sommes si bien amusés, hier... »
Hajime parut hésiter à conserver l'expression morose et boudeuse de son visage encore rond mais finit par la faire s'évaporer d'un sourire qui semblait bien plus réel par sa complicité et son affection. Cependant, du haut de ses dix ans et possédant un mois de plus que Tooru, il se considérait comme le plus mature d'entre eux et se devait donc de rappeler à l'autre ses priorités et ses responsabilités.
« Ta mère va sans doute bientôt apparaître, après t'avoir poursuivi à travers toute la ville, et elle me regardera encore comme si j'étais une bien vilaine merde sous son talon, il fit nonchalamment remarquer, sachant que la vulgarité amusait immensément Tooru, lui ne pouvant en user aussi sciemment. »
Celui-ci éclata en effet de rire, les yeux écarquillés et emplis d'une admiration envieuse, sa main volant aussitôt à sa bouche afin d'en contenir les gloussements incontrôlés. Hajime le laissa patiemment se reprendre, comme tout fils de riche famille se doit de le faire quand ses émotions le débordent – et en particulier, le fils du laniste le plus célèbre de l'Empire –, avant de reprendre la parole, perdant de sa malice :
« Te permettra-t-elle de venir dans ma maison ou devrons-nous rester près du marché comme hier ?
– Oh... je ne sais pas, murmura Tooru, jetant un coup d'œil inquiet derrière lui avant de se retourner vivement et de prendre les mains de Hajime dans les siennes : mais pourquoi ne pas venir chez moi ? C'est vrai, mon père sera occupé par les combats de cet après-midi dans la grande arène, et ma mère... ma mère ne verra sans doute aucun mal à ce qu'un ami me tienne compagnie !
– Elle ne m'apprécie guère, Tooru, rappela Hajime, comme si cela fut nécessaire. Et ton père n'apprécierait pas de te voir en telle compagnie. Tu as essayé de me le cacher mais je sais qu'il me déteste peut-être encore plus que ta mère...
– Tu es mon ami, Iwa-chan ! Tous les autres garçons sont inintéressants et toutes les filles... toutes les filles...
– Qu'ont-elles, les filles ? ricana Hajime, observant la frustration de son ami se mêler d'embarras alors qu'il n'arrivait pas à finir sa phrase.
– Elles sont timides ! il cracha enfin, les joues rouges et une moue caractéristique tordant sa bouche. Elles ne veulent jamais me parler ! »
Hajime s'apprêtait à lui répondre quand un « Tooru ! » passablement strident et affolé coupa net leur paisible conversation. Encore. Cela n'était pas la première fois que la mère de Tooru venait rompre le moindre contact qu'ils aient pu avoir ; elle n'aimait pas Hajime, elle n'aimait pas sa mère, elle n'aimait pas beaucoup de choses si ce n'est celles qu'on lui offrait dans une villa luxueuse et auprès de son laniste de mari. Hajime ne pouvait que lui vouer une haine toute réciproque.
« Tooru ! Et voilà que je te retrouve encore à traîner parmi le bas peuple ! Combien de fois devrais-je te dire de ne pas t'enfuir ainsi ? Les rues sont dangereuses ! »
Une esclave – la nouvelle qui avait été réservée à Tooru, l'ancienne ayant été vendue il y a des années pour une obscure raison (aux yeux du garçon, en tous cas) – s'empressa aussitôt de le rattraper, de se saisir de sa main et de le diriger vers sa mère qui arrivait moins rapidement derrière. Elle avait cet air pincé qu'elle réservait à Hajime et sa famille ou à toute autre personne qu'il lui déplairait de côtoyer.
Hajime fronça les sourcils, combattant son envie de voûter les épaules et de se donner l'air plus menaçant. Il redressa le dos, cherchant du coin de l'œil si sa mère et son esclave personnelle – qu'ils considéraient tous plus comme un membre de la famille qu'une esclave – n'étaient pas loin. Il savait que sa mère voulait acheter des épices et cela faisait maintenant un moment qu'elle s'était éloignée, le laissant déambuler sur l'agora, seul et dans l'espoir de rencontrer Tooru ou un autre de ses amis.
Et voilà que la harpie se mêle à la danse, comme d'habitude...
« Bonjour, Oikawa-san, il salua poliment, tentant d'ignorer le regard pétillant d'amusement de Tooru.
– Bonjour, Hajime-kun, elle répondit, posant sur lui et avec résignation ses grands yeux marrons, si similaires à ceux de Tooru – mais tellement plus froids. Ne devrais-tu pas être accompagné pour te promener sur l'agora en cet après-midi si... agité ?
– Ma mère n'est pas loin. Je tenais à rencontrer un de mes amis, et Tooru est apparu.
– Quel malheur que nous dev–
– Mère ! coupa Tooru, semblant aussi déterminé qu'impatient : Hajime (il prenait garde de ne pas l'appeler Iwa-chan devant sa mère ; cela semblait toujours la rendre plus irritable), pourrait-il venir à la villa ? Je m'ennuie là-bas, tout seul !
– Et tes leçons, Tooru ? répliqua sa mère, tendue, sa beauté n'accentuant que davantage la laideur de ses expressions.
– Père n'est pas là et Mizoguchi-sensei m'a déjà donné cours ce matin. »
Hajime observa avec un mélange d'incrédulité et de joie surprise la mère de Tooru céder lentement face aux suppliques de son fils. Ce dernier était, après tout, capable d'une véritable performance professionnelle quand il s'agissait de supplier sa mère – ou quelqu'un d'autre ; Hajime avait trop souvent été la cible de ses grands yeux, ses geignements incessants et de sa façon de s'accrocher avec insistance à sa toge.
Il eut la chance d'apercevoir sa mère à quelques mètres et alla la prévenir qu'il allait jouer avec Tooru chez le garçon après que la mère de celui-ci ait donné avec résignation son accord. Sa mère à lui s'en réjouit aussitôt, bien qu'elle lui intima d'être méfiant – elle ne pouvait plus se résoudre à croire en la supposée bonne nature de la mère de Tooru. Dès les premiers instants de leur rencontre, elle avait prouvé qu'elle n'en possédait aucune. Elle embrassa Hajime sur la joue et il s'envola vers l'aristocratique famille et leurs esclaves.
C'est donc quelques longues minutes plus tard et un trajet pour le moins pénible (seul Tooru se permettait de parler) que Hajime se retrouva pour la première fois face à la villa Oikawa. Enfin, ceci était faux ; il était déjà passé de nombreuses fois devant mais jamais n'avait eu l'immense honneur de pénétrer dedans et d'y découvrir les pièces somptueuses et bien entendu le célèbre ludus et ses gladiateurs. La villa se trouvait près du centre de la ville et de la grande arène, facilitant ainsi les déplacements des gladiateurs entre les deux lieux, et permettant une véritable notoriété pour le laniste Oikawa. Hajime contempla avec admiration les pierres brossées des murs et le marbre qui entourait l'imposante porte de bois précieux et reluisant.
Hajime entra dans la maison, suivant Tooru qui était devenu de plus en plus excité au fur et à mesure qu'ils approchaient de leur destination. Sa mère s'écarta bien vite vers sa chambre, suivie de ses esclaves, et ils se retrouvèrent seuls de nouveau, à leur plus grand soulagement.
« Viens, viens, Iwa-chan ! Je vais te montrer ma chambre, et les bains, et nous pourrons aller observer les gladiateurs, si tu en as envie ! Ils sont vraiment, vraiment impressionnants ! Un jour, je les battrais tous ! »
Tooru avait conclu cela d'un sourire canaille et déjà victorieux que Hajime avait complimenté d'une tape derrière la tête et un « ne dis pas de stupidités, imbécile de Tooru ». Il l'avait ensuite suivi de près durant toute la visite de la villa, les yeux plus souvent sur le visage rempli de joie de Tooru que sur les pièces luxueuses qu'ils traversaient.
Il avait néanmoins porté une attention plus intense au fameux ludus où, en effet, se battaient une vingtaine de gladiateurs, suant, hurlant et frappant toujours plus fort.
Il est évident, en les voyant s'entraîner, qu'ils se préparent à affronter la mort…
« Regarde, regarde, Hajime ! L'attaque de celui-là… Un jour, j'apprendrais à me battre comme eux et je les vaincrais tous.
– Eux se battent pour leur vie, toi tu n'as aucune raison de le faire, répondit tranquillement Hajime, jetant un coup d'œil curieux à Tooru qui écarquilla les yeux, manifestement surpris.
– Je veux faire quelque chose de mon existence, il murmura finalement, presque boudeur, après un long silence, se penchant un peu plus sur le bord de pierre qui longeait le balcon où ils se trouvaient, contemplant en bas les gladiateurs : Et je veux aussi être le plus fort pour que nos gladiateurs soient toujours forcés de s'améliorer et ne meurent jamais. »
Hajime ne répondit rien, ne sachant quoi dire.
C'est étrangement brave et intelligent de sa part… pour quelqu'un qui n'ose pas même effleurer un insecte.
Il sourit, se sentant irraisonnablement fier de son ami, et afin de cacher ce sentimentalisme peu digne de lui, il demanda juste à Tooru s'ils pouvaient aller jouer à l'intérieur maintenant qu'il avait pu constater l'étendue des mérites de la maison Oikawa.
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15 ans
Hajime était avec son père aujourd'hui. Celui-ci avait en effet prévu de l'amener aux arènes car il n'y avait que là-bas que l'on pouvait finalement vraiment faire de bons accords et rencontrer « les bonnes personnes » – qui étaient très clairement des patriciens, Hajime ne se leurrait pas là-dessus. Les moins intéressants potentiels clients, ceux-là, son père pouvait les rencontrer en ville ou même dans son atelier – c'était eux qui se déplaçaient alors.
Hajime estimait pourtant que son père n'avait pas à s'inquiéter de ses affaires, étant un des plus réputés forgerons de la ville, mais il comprenait bien que le fait d'être plébéien le poussait à toujours devoir prouver sa valeur.
Et donc, à apparaître régulièrement aux combats d'arène qui étaient le sport favori des habitants d'Aoba et du monde entier, en général, et de s'y faire voir des riches de cette ville. Hajime était contraint de venir car son père voulait le préparer à récupérer l'entreprise familiale et savoir avec qui (et comment) il était sage de converser était quelque chose qu'il avait à apprendre. D'autant plus que, même parmi les plus précieux clients du père Iwaizumi, beaucoup étaient toujours très durs à convaincre de payer le bon dû. Rares étaient ceux qui ne marchandaient pas pour économiser le moindre denier.
« Et surtout, fils, n'imagine pas un instant que les riches soient moins avares ; oh non, ce sont les pires de tous ! »
Cela, Hajime l'avait tant entendu répéter – ça et maintes autres critiques à l'égard des aristocrates de la ville – qu'il avait parfois du mal à cacher sa profonde condescendance quand il venait à traîner avec des amis plus hauts placés. Tooru compris.
Celui-ci, cependant, ne semblait jamais s'outrer des commentaires parfois extrêmement déplacés de Hajime, s'en amusant beaucoup (toujours autant que dans leur enfance) au contraire, et lui chuchotant parfois quelque rêve qu'il aurait d'une société plus égale. Hajime aimait alors l'écouter réfléchir à haute voix, des plans audacieux, fous et parfaitement interdits évoluant au fur et à mesure qu'ils grandissaient et découvraient dans quel monde ils vivaient réellement. Hajime comprenait bien qu'il n'y avait que son oreille pour écouter le garçon parler de ce genre de projets, sa famille et ses autres amis n'y étant sans aucun doute nullement disposés.
Ainsi Hajime avait grandi, lui aussi, entre l'amour chaleureux de ses parents, leur légèreté moqueuse à l'égard des plus riches (sa mère n'avait décidément pas oublié l'arrogance dont avait fait preuve la mère Oikawa), et les objectifs inatteignables de Tooru. Il avait appris à battre le fer, créer des épées, des fourchettes et des couteaux, et également, à bien s'exprimer, à lire et à écrire, sa mère l'y éduquant (elle-même ayant eu la chance d'avoir un mari daignant bien lui apprendre).
Il savait que Tooru avait finalement obtenu le droit de son père de se battre avec les gladiateurs – comment il avait pu obtenir cette permission, jamais Hajime ne le sut (et jamais ne le saurait), mais il était persuadé que le père de Tooru aurait été bien sot de refuser à son fils, aussi déterminé, fort et persévérant qu'il était, d'entraîner ses propres gladiateurs.
Il se souvenait, cependant, que la lutte avait été dure pour Tooru de se faire respecter en tant que combattant par les gladiateurs. Tout d'abord, ceux-ci n'osaient jamais lui faire le moindre mal (il ne manquerait plus qu'ils blessent le fils du laniste Oikawa et ils auraient été fouettés jusqu'à la mort), et après, une fois qu'ils l'eurent accepté, Tooru fut constamment couvert de bleus et fourbu par l'entraînement intensif. Mais il n'avait jamais été aussi heureux qu'à cette époque où on le voyait tout le temps blessé et la peau trop caressée par le soleil pour un aristocrate de son rang.
Des mois et des mois plus tard, il était devenu le plus fort de tous les gladiateurs du ludus Oikawa, et plus aucun de ces derniers désormais n'osait retenir ses coups dans un combat contre lui. Mieux valait d'ailleurs pour eux qu'ils ne le fassent pas.
La mère de Tooru ne s'était jamais remise de cette décision de son fils et une froideur dérangeante (avait confié Tooru à Hajime) s'était installée entre son père et elle. Eux qui, de prime abord, semblaient le plus puissant (et soudé, selon le bon public qui ne croyait qu'aux apparences) couple de tout Aoba, étaient désormais séparés par des ambitions personnelles et des rancunes secrètes dont Tooru imaginait bien ne pas connaître la moitié de celles-ci.
Éventuellement, le travail continu, presque excessif par moments, de Tooru sur son corps avait chassé ses bras fins, ses genoux cagneux et sa poitrine creuse. Il était désormais grand (cet idiot dépassait Hajime de plusieurs centimètres alors même qu'il était plus petit que lui dans leur jeunesse), mieux bâti que l'ensemble de ses riches amis (pas mieux que Hajime néanmoins, lui battant le fer constamment), et – malheureusement – il n'avait également cessé de gagner en beauté.
Et, cela, Hajime ne pouvait le supporter. Pas qu'il soit jaloux, non, mais cette beauté n'avait pas manqué d'attirer nombre d'attentions. Féminines, pour la plupart, bien que Tooru ait déjà raconté à Hajime qu'il ne comptait plus également les regards qu'avaient pu lui lancer les amis et les fils des amis de son père. Cela semblait être une source d'amusement sans fin pour Tooru qui se flattait de cette attention, notamment celle des filles, qu'il ne recevait jamais avant.
« Elles sont toutes après moi, Iwa-chan, tu les verrais ! Elles rougissent, bégaient… Et c'est bien une des seules choses qui rendent le sourire à Mère, en ce moment ; elle doit sans doute penser que me marier ne sera pas difficile. »
C'était toujours à ce moment que la conversation s'arrêtait, Hajime tapant Tooru et lui reprochant sa suffisance, mais uniquement parce que la pensée de Tooru marié à une de ces filles lui donnait froid au cœur et le faisait se sentir absent, étranger, de son propre corps.
D'autant plus que Tooru courtisant et se laissant courtiser par des jeunes femmes était devenu vision commune lorsque Hajime se promenait dans les rues d'Aoba. À chaque coin de rue, avait-il l'impression, il tombait sur le stupide séducteur aux mèches trop souples et aux grands yeux marrons (leur couleur rappelait à Hajime celle d'un miel de thym sombre et extrêmement cher que son père avait un jour acheté pour sa mère et lui), toujours entouré d'une volée de jeunes filles, généralement de bonne famille, qui cachaient leurs gloussements derrière des éventails colorés.
Et aujourd'hui n'était pas exception à la règle. Alors que Hajime écoutait d'une oreille distraite le résumé amusé que son père faisait d'un de ses clients, il remarqua du coin de l'œil un fourmillement de voiles aux couleurs vives et marques d'une grande richesse pour la plupart, qui s'agitaient, tremblaient d'excitation, alors qu'un visage au sourire charmeur les dominait et les amusait de clins d'œil et de récits, sans doute, de sa vie palpitante.
Pas encore…
Hajime tenta de faire accélérer le pas à son père mais celui-ci était encore plus solide et ferme que lui-même alors il ne put que se résoudre à regarder résolument devant lui, vers l'arène qui se dressait devant eux, et à tenter d'ignorer les rires aigus qu'il pouvait entendre, même à travers toute l'agora.
« Iwa-chan ! »
Malheur.
Il n'y avait qu'une personne qui puisse encore l'appeler par ce surnom ridicule depuis qu'ils avaient cinq ans et que Hajime avait eu l'idiotie de se vanter auprès d'un petit patricien de toutes les informations qu'il connaissait sur ces stupides insectes qui le passionnaient. Son père lui donna un – pas si – discret coup de coude, lui indiquant du menton le grand jeune homme qui se ruait sur lui, s'étant visiblement rapidement excusé de la foule de ses admiratrices pour aller saluer son meilleur ami. Hajime soupira et se tourna finalement complètement vers Tooru, sachant pertinemment que celui-ci allait, comme à son agaçante habitude, lui foncer dessus à l'en faire tomber par terre.
Et cela ne loupa pas ; avant même qu'il n'ait pu se préparer à l'impact, Tooru était déjà dans ses bras, l'étranglant presque avec les siens, ses cheveux lui chatouillant le visage et sa voix résonnant bien trop fort dans son oreille :
« Iwa-chan ! Est-ce que tu tentais de m'éviter ? Je sais que ma popularité peut parfois être effrayante mais… »
Hajime, à l'entente de ses mots, poussa un long et pénible grognement, repoussant brutalement Tooru qui geignit aussitôt à la perte de contacts – et surtout à l'acte de rejet (dont il devrait pourtant avoir l'habitude, depuis le temps).
« Il ne faudrait pas t'étonner que je t'évite, crétin. Tu deviens infréquentable depuis que les filles ont enfin décidé de te donner un peu d'attention...
– Un peu, Iwa-chan ? Serais-tu jaloux que tu n'aies, toi, l'attention d'aucune ? ronronna Tooru, passant son bras sur les épaules de Hajime et se penchant vers lui, souriant bien trop sournoisement pour que l'action paraisse innocente. »
Hajime lui tapa les côtés de la tranche de la main sans hésiter, s'écartant du garçon et ne se donnant même pas la peine de répondre, une veine pulsant à sa tempe. Il suivit son père qui, riant légèrement, commençait à s'écarter vers l'arène, le signe pour lui qu'il pouvait le rejoindre quand il le souhaitait.
Le plus tôt serait le mieux.
« Aïe, Iwa-chan ! Ne t'a-t-on jamais appris que la violence ne résout jamais aucun de tes maux ? s'indignait Tooru derrière lui, ne se résignant visiblement pas à l'abandonner maintenant.
– Non, il répondit courtement mais avec un rictus satisfait, avant de reprendre, jetant quelques coups d'œil curieux autour de lui : Ta mère n'est-elle pas là pour t'empêcher de m'approcher ?
– C'est avec mon père que je suis en ville aujourd'hui, marmonna Tooru, sa moue caractéristique ramenant sa lèvre inférieure vers celle du haut. Il a insisté pour que nous allions voir les combats de cet après-midi, ceux qui sont les plus importants et durant lesquels se battront ses gladiateurs. »
Cela lui arracha une grimace que Hajime ne manqua pas de remarquer. Haussant un sourcil, il demanda posément, presque prudemment :
« Tu n'apprécies donc toujours pas les spectacles de l'arène ?
– Je n'y peux rien ! dit Tooru, haussant la voix presque désespérément et triturant la fibule, petite agrafe d'or, retenant sa toge. Je n'y vois simplement pas d'intérêt... et c'est barbare. »
Il avait affirmé cela haut et clair, relevant son menton comme il avait vu les riches romains le faire, et Hajime ne pouvait que l'admirer pour faire preuve d'un tel aplomb, tout en en étant profondément irrité.
« Cela distrait Aoba et ses habitants, il murmura donc en réponse, recommençant à marcher vers l'amphithéâtre des massacres, effleurant à peine le bras nu de Tooru afin de l'inciter à le suivre (vu que celui-ci ne voulait décidément pas le quitter, de toute façon...).
– Est-ce que cela te distrait, Iwa-chan ? répliqua pensivement l'autre garçon, observant avec une attention clinique le début d'une bagarre à l'entrée du marché où se trouvaient toujours des marchands aux airs de malfrats.
– Non. »
Sa courte réponse attira de nouveau le regard couleur de bronze et, nerveux, il ne put s'empêcher de poursuivre, tentant d'expliquer son hostilité, guère naturelle à cette époque, envers les jeux :
« Mais moi, je n'ai pas à m'y habituer, je ne deviendrai pas laniste comme toi. Et puis, je ne m'intéresse même pas aux qualités combatives des gladiateurs tandis que, toi, tu les possèdes même.
– Oh… mais ce n'est pas pour cela que j'aurais envie de voir les hommes que j'ai appris à respecter et à combattre mourir dans l'arène sous les coups, peut-être chanceux, d'un adversaire, murmura presque Tooru, le regard plus dur, plus triste soudainement. Je ne vois pas comment l'on pourrait vouloir voir mourir des camarades. Des amis. »
Hajime eut du mal à détourner son regard surpris du visage chiffonné de son ami, n'ayant pas imaginé que ce dernier ait créé d'aussi forts liens avec les gladiateurs.
Il m'étonnera toujours.
« Eh bien, ne montre pas ce genre d'expression à ton père ou celui-ci risque bien de ne plus vouloir te voir approcher du ludus.
– Oh, non, non ! Je ferai attention. Sinon Iwa-chan risque de s'inquiéter pour moi, n'est-ce pas ? s'enhardit aussitôt Tooru, lui pinçant la joue et lui faisant un clin d'œil.
– Peut-être que je dirais quelques mots à ton père de ce que tu viens de me confier, tout compte fait, grogna Hajime, battant la main du garçon loin de sa joue, avant de demander, changeant de sujet : Est-ce que tu dois aller dans la tribune d'honneur pour voir les combats ?
– Oui ! gémit promptement Tooru, ne s'affectant pas du changement de conversation : Père a insisté.
– Oh. Eh bien… je dois te souhaiter bons jeux alors ; je vois que mon père m'attend là-bas. »
Tooru tourna la tête également, remarquant le père de Hajime qui patientait à l'entrée de l'arène, chassant poliment mais fermement les vendeurs véreux ou les putains qui s'approcheraient un peu trop de lui.
« D'accord ! il s'exclama néanmoins, tentant de ne pas paraître trop déçu (Hajime pouvait très bien voir à travers lui mais il ne lui faisait jamais remarquer). À tout à l'heure, peut-être, alors, Iwa-chan !
– À tout à l'heure, idiot de Tooru. »
Ils se quittèrent avec des sourires complices et des mains qui s'amadouaient plus qu'elles ne s'affrontaient, les coups cachant des caresses que ni Hajime ni Tooru ne pouvaient finalement comprendre et accepter, assumer et donner, aux yeux du monde.
Leurs chemins se séparèrent petit à petit, écartés par des responsabilités absurdes… pour finalement se rejoindre trois ans plus tard, dans la plus inattendue des situations.
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Voilààà. Je vais poster tout de suite le second chapitre, étant donné qu'il est déjà prêt et ensuite, on verra.
Les précisions :
- La ville où se trouvent Tooru et Hajime s'appelle Aoba. Elle appartient au pays de Seijou, et il existe une autre ville nommée Jousai (j'apporterai des précisions au fur et à mesure que de nouveaux lieux apparaîtront).
- Les patriciens et les plébéiens, durant la Rome Antique, c'est des citoyens de classes sociales différentes (en gros les patriciens c'est les richoux de la Rome Antique et les plébéiens, c'est le peuple MAIS libre tout de même, jor ils sont pas autant dans la merde que les esclaves - youpi, n'est-ce pas ? Sachant que les patriciens ont de gros avantages, il me semble, et si t'es plébéien et que tu veux vivre bien, il vaudrait mieux pour toi que tu t'associes à une famille de patriciens).
Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas, et pareil pour me donner votre avis, je le lirais avec plaisir !
Passez une bonne journée ou une bonne nuit et à bientôt !
