Bonjour et bienvenue à vous pour cette nouvelle fanfiction.
Pour tous les fans de HPDM qui sont là, désolée, mais cette fic traitera principalement du GWDD. J'espère que malgré ça, vous ne fermerez pas de suite la fic pour vous en aller vers d'autres aventures. Si toutefois c'est votre choix, laissez-moi vous conseiller L'appel de Londres de Leenaren qui vaut le détour et qui, même si elle n'est pas complète, encore, mérite qu'on s'y arrête. Vraiment.
Pour tous ceux qui sont encore là, merci.
Évidemment, comme on s'en doute, tous les personnages développés dans cette fanfic, Erin mise à part, appartiennent corps et âmes à JK Rowling.
J'espère que ça vous plaira comme j'ai pris plaisir à la composer.
Le Pavillon des Lauriers – 1
Sa main potelée, tachée d'encre, s'écrasa sur le klaxon de la voiture plusieurs fois de suite alors qu'il invectivait le conducteur de l'horrible véhicule qui lui avait fait une queue de poisson. Dans son rétroviseur, il jeta un regard sur la jeune fille qui s'était endormie et il soupira légèrement, son visage entier se contractant de contrariété.
Les paupières d'Erin masquaient ses grands yeux bleus, si semblables à ceux de sa mère, alors qu'elle tenait de lui sa silhouette potelée. Ses longs cheveux, blonds et fins, retombaient en désordre pendant que sa tête ballotait à chaque sursaut de la voiture qu'il conduisait. Lâchant le volant quelques secondes, il passa ses mains sur son visage, pour tenter de remettre ses idées en place.
Dudley Dursley aurait donné n'importe quoi pour ne pas se trouver sur cette route. Ça aurait pu dire que sa vie n'avait pas pris l'eau sans prévenir. Pendant vingt ans, il s'était obstiné à faire semblant de croire que tout allait bien et qu'un second monde ne vivait pas en parallèle du sien, peuplé d'hommes en robe brandissant des bouts de bois magiques et dangereux. Il avait mené des études qu'il avait réussies avec brio. Ayant déménagé avec sa famille à dix-sept ans, il avait perdu la plupart de ses amis et n'avait eu d'autre choix que lire pour pouvoir passer le temps.
À la fac, il avait rencontré une jeune femme dont il était tombé amoureux. Ils s'étaient mariés et avaient fait un enfant. Erin. Lorsque la gamine eut quatre ans, il sut, en voyant son doudou s'envoler de la commode, que des problèmes allaient venir plus tard. Il avait nié, quand son épouse avait assisté à ça, prétexté sa fatigue, esquivé à l'hallucination due au surmenage.
Puis ça s'était reproduit. Et il avait dû expliquer à Brittany, brisant ainsi le mur qu'il avait pris soin d'ériger entre ce monde magique où les rats peuvent être des verres à pied et où les chocolats sautent quand on les sort de leur paquet et son univers. Évidemment, elle n'avait pas voulu supporter. Elle était partie, laissant Dudley seul avec leur « erreur de la nature ». Les explosions magiques de sa fille étaient de plus en plus régulières et il ne pouvait plus gérer. Il ne savait pas faire et avait appris par l'expérience que rien ne pouvait empêcher un sorcier d'être sorcier, comme personne ne pourra interdire à un blond d'être blond.
Il avait attendu d'être en vacances d'été, puis il avait pris sa fille à l'école, sauté dans la voiture et avait jeté son carrosse sur les routes sans un regard en arrière. Il lui fallait de l'aide d'un sorcier. Et le seul qu'il connaissait s'appelait Harry Potter et vivait un petit village de campagne.
La maison de son cousin se profilait sur l'horizon de verdure et Dudley ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux en voyant la beauté du bien immobilier de Harry. Une si grande demeure… Combien d'enfants avait-il ? Était-il marié ? Jamais le Moldu ne s'était posé ce genre de questions. Il avait juste effectué quelques recherches et finalement trouvé un acte de propriété au nom de Potter, Harry, pour un terrain qui s'étendait à perte de vue.
Il réduisit l'allure en passant, faisant taire son GPS qui s'écriait « vous êtes arrivé », avant de ranger son véhicule à proximité du break familial à la couleur très discutable qui était devant un garage immense. Il serra le frein à main, retira ses clés du contact, respira un grand coup et détacha sa ceinture de sécurité. Sortant de la voiture, il fit le tour pour ouvrir la portière côté passager arrière, afin de recueillir entre ses bras sa petite princesse qui papillonnait des cils, les yeux pleins de sommeil.
— C'est chez tonton Harry ?
La gorge trop nouée pour pouvoir parler, il hocha la tête avant de tourner le regard vers la résidence. Plus que quelques mètres. Un rideau bougea sur une fenêtre à sa droite, juste devant une volée d'escaliers qui reliait le jardin à la maison. Dudley, tenant toujours sa fille qui avait glissé son index dans sa bouche, se caressant le nez avec le bout de son doudou, gravit les marches de la honte pour appuyer lourdement sur la sonnette. Il était maintenant trop tard pour faire demi-tour.
Il n'attendit qu'une poignée de secondes — une trentaine tout au plus — avant que la porte ne s'ouvre sur un brun aux cheveux en bataille, de grands yeux verts rehaussés par des pattes-d'oie se cachant derrière des lunettes à la monture fine. Un torchon rejeté sur son épaule, une tache de farine sur la joue, Harry Potter était, semble-t-il, en congés. Dudley aurait pu fondre en larmes tant il était heureux de voir son cousin. Pourtant les sourcils de celui-ci s'arquèrent et c'est un regard interrogateur qui se fixa sur le moldu. Dudley sourit, quoiqu'un peu vexé.
— Tu ne me reconnais pas, n'est-ce pas ?
.&.
Cette voix. Harry écarquilla les yeux et observa l'inconnu, incapable de masquer sa surprise. La silhouette engoncée dans un costume laissait deviner un homme bien en chair et il fallut quelques secondes supplémentaires au Survivant pour associer le timbre qui venait de prononcer cette phrase d'un ton mal assuré à la personne qui se tenait devant lui.
La quarantaine naissante de Dudley le rendait très différent de son propre père. Peut-être que ses quatre-vingt-dix kilos, qui avaient fait disparaître son double menton et laissaient deviner un cou très petit étaient pour beaucoup dans le manque de discernement de Harry. Mais sans doute était-ce la présence d'une enfant dans ses bras qui était le plus choquant. Il n'avait jamais pensé que son cousin puisse un jour serrer contre lui un être humain si jeune, dont la silhouette potelée évoquait sans problème l'enfant qu'avait été Dudley Dursley.
— Big D, c'est toi ? articula Harry, toujours un peu halluciné.
Dans une grimace gênée, Dudley hocha la tête, alors que la gamine se frottait les paupières et lui offrait un sourire rayonnant, tendant ses petits bras vers lui :
— Tonton Harry !
Interloqué, le Survivant accueillit l'enfant, s'écartant de la porte pour faire signe à Dudley de le suivre.
— Vous arrivez de Londres ?
— Oui, confirma son cousin en observant le décor.
Partout, des photos animées, des objets dont il ignorait tout. Les couleurs pastel du salon étaient apaisantes et les canapés un peu fripés évoquaient un confort qu'il n'avait pas connu depuis que sa femme était partie. Harry lui indiqua un des sofas dans lequel il s'installa et sa fille le suivit rapidement, se blottissant contre lui, dévorant l'endroit du regard. Dans un éclat de voix, le Survivant appela les enfants à venir les rejoindre au salon, les enjoignant à abandonner le gâteau qu'ils étaient tous en train de faire.
Quelle ne fut pas la surprise de Dudley de voir non pas deux, mais cinq adolescents pénétrer dans le séjour en conquérants ! Bouche bée, il regarda l'ensemble de la clique aux physiques disparates entrer, avant de jeter une œillade à son cousin.
— Ils sont tous à toi ?
Dans un rire, Harry secoua la tête et se tourna vers les jeunes sorciers qui venaient d'entrer. Il désigna un grand dadais à la tenue pataude, cheveux auburn, dégingandé comme tout adolescent, un sourire espiègle sur les lèvres.
— Mon fils aîné, James.
Son doigt glissa jusqu'à montrer un garçon de belle allure, chevelure noir de jais, yeux verts sans lunettes, des traces de farine similaires à celle de son père ne parvenant pas à masquer quelques taches de rousseur.
— Mon cadet Albus.
— Mais tout le monde m'appelle Sev, commenta celui-ci. Pour mon second prénom.
— Non, intervint la fille du groupe. Il n'y a que Scorpius qui t'appelle comme ça. Je suis la benjamine de la fratrie, Lily.
Harry sourit à Dudley avant de continuer en désignant un jeune homme qui portait ses cheveux mi-longs, noirs et broussailleux, avec de profonds yeux bleus et un nez un peu retroussé.
— Voici Teddy, mon filleul. Et le dernier, c'est Scorpius, le meilleur ami d'Albus.
Le dernier était blond comme les blés et son regard bleu électrique mettait en relief son port altier. Mal à l'aise devant ce regard inquisiteur, Dudley se tortilla un peu. Il baissa les yeux sur sa fille, qui dévisageait tout ce monde nouveau avec une figure émerveillée.
— Moi ze m'appelle Erin. Et z'ai sizan, commenta-t-elle sans retirer l'index qu'elle avait dans la bouche.
Lily fondit. Clairement. Elle se précipita pour attraper l'enfant dans ses bras et l'entraîna plus loin pour jouer avec elle, en partie parce qu'elle comprenait que son père avait des choses à dire à cette personne qu'il ne leur avait pas présentée.
Teddy et James s'installèrent dans le canapé, alors que, ayant obtenu l'autorisation, Scorpius et Albus s'évaporèrent vers les étages. D'un coup de baguette, faisant sursauter Dudley, des tasses lévitèrent vers eux avec du café, qu'Harry proposa à son cousin qui, malgré la chaleur, accepta de bonne grâce.
— Que me vaut ta présence, Dudley ? J'imagine qu'après vingt ans de silence, ce n'est pas une simple visite de courtoisie.
Dans une œillade espiègle, pleine de plaisanterie, James se pencha pour chuchoter à Dudley sur le ton de la confidence :
— Mon père a toujours été un fin limier.
— Jamie, si tu veux garder ta langue dans ta bouche, je te conseille de cesser de la faire fonctionner, rétorqua Harry en tentant de dissimuler son sourire.
L'adolescent grommela quelque chose qui ressemblait à « mauvaise influence du père Malfoy » avant de se coller dans le canapé et de ne plus bouger. Teddy, lui, fronça les sourcils, ce qui eut pour effet de transformer ses cheveux en un rouge profond qui fit reculer Dudley au fond de son assise. Il jeta un coup d'œil à son cousin, inquiet.
— Teddy est métamorphomage. C'est une particularité qu'il tient de sa défunte mère. Ne fais pas attention.
— C'est très difficile de ne pas faire attention, rétorqua Dudley d'une voix blanche avant de secouer la tête. Tu as raison. Je suis venu te voir pour une cause précise. Ma femme m'a quitté.
Harry grimaça. Les deux adolescents se regardèrent avant, sans concertation autre que cet échange succinct, d'aller rejoindre leur sœur qui jouait toujours avec Erin.
— Pourquoi ? demanda Harry sans prendre garde au choc qui le secouait.
Pourtant, c'était logique. Si Dudley avait une enfant, il avait bien fallu qu'une femme la mette au monde. Son cousin s'était marié. Et avait divorcé. Et dans le canapé, Dudley soupira de plus belle, cherchant visiblement ses mots.
— C'est à cause d'Erin… Elle… Comment… Elle fait voler des objets.
La voix d'outre-tombe du Moldu ne masqua qu'à peine le hoquet de surprise qu'Harry tenta de dissimuler.
— Une sorcière !? Oh merde, Dudley, c'est la pire chose qui aurait pu t'arriver.
— Bien sûr que non, affirma l'autre. Je me fiche qu'elle en soit une, je l'aime quand même. C'est juste que… Je ne sais pas gérer. Elle fait exploser des objets et… Elle fait peur aux enfants à l'école et… Je ne m'en sors plus.
L'Élu laissa passer une minute pendant laquelle le Dursley se trémoussa sans toucher à la tasse qui fumait.
— Je vois, commenta Harry. Elle a juste besoin d'apprendre à canaliser un peu. Ma femme ne rentrera que la semaine prochaine, mais si tu veux, en attendant, tu peux rester là avec elle. Être dans un environnement magique, où elle n'aura pas peur de faire exploser des objets, sera déjà un très bon moyen de lui permettre de contrôler le flux qui se dégage d'elle. La magie instinctive d'un enfant se calme assez rapidement, sauf pour les enfants de Moldus.
Soulagé, même s'il ne comprenait pas tout ce que disait son cousin, Dudley relâcha la pression, acceptant de bonne grâce l'accueil qu'il recevait, en dépit des années et des sévices.
. &.
Erin était en compagnie de Scorpius et Albus, qui lui apprenaient des tours de magie au-dessus d'un chaudron vomissant des étincelles de toutes les couleurs et le parc s'emplissait des rires enfantins de sa petite princesse. Pourtant, il se trouvait toujours dépassé.
Installé sur une chaise, dans l'ombre bienfaitrice du pavillon de jardin qui dormait à l'ombre des lauriers, Dudley ne pouvait pas s'empêcher de regretter sa présence. Il n'avait rien à faire là. Il comprenait bien que les enfants de son cousin le dévisageaient avec méfiance et ils avaient raison. Sans doute avaient-ils entendu parler du grand méchant Dudley, qui avait harcelé leur père durant leur jeunesse.
La culpabilité avait commencé à lui nouer la gorge au troisième jour. Il ne se mentirait pas en disant qu'elle avait toujours été en lui. Vingt ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'il avait vu Harry. Heureusement pour lui que ses erreurs ne l'avaient pas empêché d'avancer. Il avait été à l'abri des bêtises du passé et c'est en tendant le sel à son cousin, à table, que soudain un souvenir avait jailli et l'avait forcé à détourner les yeux. Depuis, il évitait de se retrouver seul en présence d'Harry.
Il n'avait pas été très difficile de fuir le sorcier, cependant. Harry passait de longues heures enfermé dans son bureau, laissant ses enfants vaquer à leurs occupations, leur rappelant parfois mollement de penser à faire leurs devoirs d'été.
Ce jour-là fut une exception. Alors que Dudley observait sa petite fille s'émerveiller devant les étincelles rose princesse qui s'échappaient du chaudron en cuivre, essayant d'en attraper quelques-unes, il sentit plus qu'il ne vit une présence à ses côtés. Relevant la tête, il croisa le regard de son cousin.
— Tu es bien morose, ces derniers jours…
— Ouais. C'est le passé qui me poursuit. J'ai tellement gâché ta vie…
Partant d'un rire clair, Harry se laissa tomber sur la chaise en fer forgé à côté de celle de Dudley, posant sa bière sur la petite table de pierre qui semblait jaillir du sol du pavillon. D'un geste ample, il désigna sa famille, sa propriété, ce qui rythmait désormais son existence.
— C'est du gâchis, tout ça, selon toi ?
— N… Non, hésita Dudley. Mais je me rends compte que je faisais de ta vie un enfer.
Le regard hanté que posa sur lui Harry le fit déglutir. Son cousin secoua la tête avant de rediriger ses yeux sur les deux jeunes qui jouaient avec Erin.
— Quand j'étais à l'école, je me suis fait un ennemi. Un vrai. En plus de Voldemort, bien sûr.
Dudley hocha le menton. Il avait entendu parler de Voldemort, la Marque des Ténèbres et la guerre, pendant son exil temporaire. Harry avait quelque peu complété cette histoire, racontant comment le mage noir avait été vaincu. L'Élu reprit son récit avec un sourire sur les lèvres, le regard braqué sur Scorpius qui emportait Erin dans ses bras pour la faire tournoyer dans les airs.
— Mon ennemi s'appelait Draco Malfoy. C'était un sorcier de Sang-Pur — il n'avait donc que des sorciers dans son arbre généalogique — et il était d'une arrogance crasse. Méchant, opportuniste, c'était un vrai salaud. Il n'arrêtait pas de juger Ginny et sa famille, parce qu'ils n'avaient pas d'argent, ou d'insulter Hermione. Draco Malfoy et moi, c'est allé très loin. On s'est fait beaucoup de mal, des choses qui ne sont pas que des paroles d'enfants. Quand tu dansais devant moi avec une glace en pleine canicule, lui me jetait un sortilège impardonnable du nom de Doloris, qui provoque une douleur telle qu'elle peut rendre fou.
— Ah quand même… Effectivement, je… Heureusement, je n'étais pas à la hauteur.
Harry hocha la tête.
— Le meilleur ami de mon fils, Scorpius, il s'appelle Scorpius Malfoy. C'est le fils de Draco.
— Tu as le pardon facile ! s'exclama Dudley en jetant un œil neuf sur le blondinet qui occupait sa princesse.
— Tu trouves ? sourit Harry en portant sa bouteille de bière à la bouche. Pourtant Scorpius n'est qu'un gosse. Peut-on le blâmer pour des erreurs commises par d'autres ?
— Non, en effet.
— C'est pareil pour Draco, et pour toi. Il reste un connard, la plupart du temps. Mais quand sa verve ne se dirige pas contre toi, ça peut être très amusant à contempler. Et puis, si les parents agissent mal, les enfants font de même. Tu n'es pas l'adulte qu'était ton père.
Un nouveau silence, bien plus confortable, celui-ci, s'installa alors qu'Harry couvait du regard les enfants en respirant à pleins poumons l'air délicat des lauriers. Ce n'était pas si mal, finalement, de fréquenter des sorciers, pensa Dudley. C'était bien la première fois qu'il se sentait aussi tranquillisé pour sa fille. Si elle faisait exploser son chaudron, il y aurait plusieurs adultes capables d'intervenir. Si un accès de panique la faisait disparaître, Harry la retrouverait en moins de temps qu'il n'en faudrait pour le dire.
— Quand doit rentrer ta femme ? demanda-t-il alors qu'Harry commençait à somnoler.
— Elle a retardé son retour. Ils jouent les prolongations…
— C'est une sportive ? s'étonna le moldu.
Harry esquissa un sourire, sans rouvrir les yeux.
— Une ancienne sportive. Elle jouait au Quidditch à haut niveau — un sport assez dangereux qui se joue sur des balais volants —, mais elle a dû arrêter sa carrière. Maintenant, elle est journaliste pour la Gazette du Sorcier et travaille parfois avec le Département des Sports Magiques.
— Et toi, que fais-tu ?
Dudley ne pouvait s'empêcher d'être impressionné par le curriculum de madame Potter. Son ex-épouse, elle, restait à la maison, comme Pétunia Dursley le faisait. Il avait toujours considéré comme étant normal qu'une femme s'occupe du foyer, mais en fait, il s'apercevait que toute la famille Potter était active.
— Je suis Auror, chasseur de Mages Noirs. Directeur du département, très exactement. De la paperasse, des enquêtes… Je faisais ça avec mon meilleur ami, mais il a préféré raccrocher sa baguette pour aider son frère à la boutique de farces et attrapes. Et, bizarrement, il est plus épanoui qu'en tant qu'Auror.
Un sourire.
— Et toi, Dudley ?
— Je suis dans l'immobilier. Rien d'aussi extraordinaire que toi. Ben dis donc… Chasseur de mage noir…
C'était la première fois qu'une petite boule d'un genre nouveau se formait dans la poitrine de Dudley quand il pensait à son cousin. Il avait toujours cru qu'à presque quarante ans, les affres de la jalousie seraient bien loin de lui. Pourtant, c'était bien ça qui enserrait son cœur.
Quand lui s'imaginait mener une existence exaltante en tant qu'agent immobilier, son cousin revenait dans sa vie pour lui annoncer d'une voix plate qu'il était un chasseur de mage noir, quelque chose à ranger au même niveau qu'être espion.
Quand lui avait une épouse qui restait à la maison en attendant qu'il rapporte de quoi vivre plus que confortablement, Harry en avait une qui travaillait et qui conseillait le gouvernement. Un peu comme quelqu'un qui s'installerait à la gauche de la Reine pour murmurer dans son oreille.
Quand lui peinait à s'en sortir pour élever sa fille sorcière, Harry s'occupait sans sourciller de cinq adolescents en pleine possession de leurs pouvoirs et de leur besoin de faire des bêtises avec.
Quand lui luttait fort pour entretenir un physique plutôt peu attirant, son cousin entamait une quarantaine de bel homme irrésistible.
Tout ceci, ajouté à la fortune et la célébrité, donnait à Dudley l'envie féroce d'être ailleurs, avec une compagnie qui le ferait se sentir moins misérable. Il prit comme ça la décision d'appeler Piers en rentrant chez lui. Il partirait de toute façon assez rapidement. Hélas il n'avait pas non plus des vacances illimitées, quoiqu'il aimerait bien.
— Ta vie est vraiment parfaite, grogna-t-il.
Harry haussa les épaules, palissant un peu. Dudley fronça les sourcils, sans comprendre la raison de ce soudain mal-être et, sentant que le sujet était glissant, lui demanda plutôt de lui expliquer les règles du Qui-truc, qui semblait être le sport des sorciers par excellence. Harry se dérida totalement et s'enflamma, racontant qu'il jouait en tant qu'Attrapeur et qu'il avait été le plus jeune de son école, du temps où il n'était pas encore trop fourbu par sa profession.
.&.
Ce fut pendant le repas qu'il s'aperçut que si pour lui, sa vie ordinaire de moldu banal n'avait rien de bien hors du commun, ce n'était pas le cas du jeune Sang-Pur qui s'était assis face à lui.
Le couvert avait été dressé sur la large table de la terrasse et Harry s'était occupé de faire les grillades, diffusant une douce odeur de vacances en France partout dans le jardin. D'un sort insecticide, il avait empêché les moustiques de voleter autour des boules lumineuses qui s'allumeraient à la nuit tombée. Le soleil allait mourir derrière les arbres au fond du parc, projetant l'ombre étirée du pavillon de jardin sur la façade rosâtre de la maison.
Il avait la bouche entr'ouverte et les yeux écarquillés en écoutant Dudley expliquer le principe d'internet.
— Vous voulez vraiment dire que tout est accessible simplement en disant à l'ordinatueur ce que l'on souhaite ?
— Pour les connaissances, oui. Tu peux trouver tout ce que tu cherches. Il faut faire attention, parce que bien souvent des gens mal intentionnés ou mal informés inscrivent des choses fausses, mais oui.
Lily, elle, ne touchait qu'à peine son assiette, la tête penchée sur sa gauche, perplexe. Elle repoussa finalement son repas, se contorsionnant pour croiser le regard de son père.
— Peut-être que je vais prendre étude des moldus, l'année prochaine. Tout ce qu'Oncle Dud nous raconte me donne envie d'en savoir plus.
Scorpius hocha vivement la tête.
— C'est dommage que j'aie presque fini l'école. J'en viens à regretter de ne pas avoir choisi cette option. Le monde moldu me semble vraiment curieux.
La nuit était déjà tombée quand les enfants cessèrent de lui poser mille et une questions sur le monde qu'il y avait au-delà de la magie. Scorpius partait le lendemain, et Albus et lui avaient cherché à veiller le plus tard possible, pour pouvoir savourer la compagnie de l'autre le plus longtemps possible.
Lily et Erin avaient fini par dormir dans le même lit, blotties l'une contre l'autre et Dudley avait regardé le spectacle avec des yeux attendris. James et Teddy s'étaient éclipsés dès le début du repas, pour rejoindre des copains. Harry avait haussé les épaules en disant « Fais ce que tu veux, tu as dix-sept ans, tu es majeur. » puis des milliers de questions avaient jailli dans l'esprit de Dudley. Il se retrouvait donc les yeux grand ouverts, en plein milieu de la nuit, se demandant dans quelle mesure les lois sorcières entreraient dans sa vie et si sa fille finirait par l'abandonner pour le monde de la magie.
Finalement, soupira-t-il vers six heures en entendant le réveil de Harry sonner dans la chambre à côté, il aurait préféré que sa fille n'ait jamais le moindre pouvoir magique. Parce que ça s'annonçait particulièrement pénible à gérer pour lui.
Comme il savait qu'il ne trouverait jamais le sommeil, il s'extirpa du lit dans lequel il avait élu domicile quelques jours avant, et se dirigea vers la cuisine où Harry était déjà, glissé dans une robe de chambre dont le dos était zébré d'un éclair. Il prit garde à se faire entendre, ayant retenu qu'Harry était particulièrement anxieux quand on l'approchait sans bruit. Les pas de Dudley le firent sursauter malgré tout et il renversa la bouilloire sur le plan de travail dans un juron grondant, s'attirant les regards de toutes les photos de la pièce.
— Oh merde, grogna-t-il en se précipitant pour éponger l'eau qui ruisselait. Je ne t'avais pas entendu.
— Excuse-moi, souffla Dudley d'une voix un peu atone. Je ne voulais pas te surprendre.
Harry lâcha le torchon qu'il tenait, imbibé de liquide, pour se tourner vers Dudley et lui tendre un sourire hanté.
— Ce n'est rien. C'est moi, je… J'étais perdu dans mes pensées. Tu n'arrives pas à dormir ? Quelque chose te tracasse ?
Dudley tira à lui un des tabourets du haut plan de travail qui bouffait la moitié de l'espace de cette cuisine ouverte sur un salon un peu désordonné. Il attrapa une tasse dans la colonne qui trônait au milieu, saisissant un sachet de thé et la bouilloire qu'Harry avait délaissée à moitié vide.
La maison de son cousin respirait la vie. Elle n'était pas froide et tirée à quatre épingles comme l'était le 4, Privet Drive. Il y avait çà et là des objets qui traînaient, mi-moldus, mi-sorciers, donnant une légère impression de chaos contrôlé. Une bibliothèque marquait la séparation entre la cuisine et la pièce principale du rez-de-jardin. Le côté gauche des rangées de livres était composé de grimoires pleins de recettes. L'autre côté traitait de la magie de façon générale, regroupait divers manuels scolaires délaissés là par les enfants au fil des années qui passaient.
Dudley déglutit en se rappelant qu'Harry attendait une réponse.
— Tout ça… Erin, la vie qu'elle va mener… Elle va… Elle va me quitter, n'est-ce pas ?
Si Harry voulut démentir quand il ouvrit la bouche, il finit par la refermer aussi. Il était vrai que c'était un risque. Le problème était qu'il ne savait pas si Hermione se serait éloignée de sa famille, avec le temps. Et le Sauveur n'avait jamais pensé ça du côté de ceux qui restent, ceux qui ne deviennent pas des sorciers et qui ont pourtant vue sur un monde extraordinaire. Il chercha désespérément un mot, une phrase, quelque chose qui pourrait réconforter son cousin moldu. Mais rien ne vint.
Dudley écarta ses inquiétudes d'un geste de la main, avant de tendre ses doigts vers un fruit, plutôt que sur la viennoiserie qui lui faisait de l'œil. Il n'avait jamais eu de cesse de lutter contre les dégâts irréparables que son enfance obèse avait causés sur lui.
— Et d'un point de vue juridique ? Je ne sais rien. D'après ce que j'ai compris, la majorité, chez vous, c'est dix-sept ans. Mais du coup, Erin deviendra quoi, par rapport à moi, à ce moment ? Je veux dire, dans mon monde, c'est à dix-huit ans. Il y a des procédures d'affiliation à votre monde ? Des papiers à faire ? Et les impôts ? Je fais comment pour payer mes impôts ? Je suis une buse en administration. C'était Brittany qui s'en occupait.
L'appétit coupé par l'évocation de son ex-femme, Dudley reposa sa poire un peu grignotée et tenta de se noyer dans sa tasse de thé. Sans grand résultat. Harry lui tapota gentiment sur l'épaule, resplendissant de joie.
— Je… Ma meilleure amie travaille au Département de la Justice Magique. Je lui demanderai si elle peut me conseiller des livres, ou des textes de loi qui pourraient te guider. Ça, je peux le faire.
D'un hochement de tête reconnaissant, Dudley replongea son nez dans sa tasse fumante. Il aurait beaucoup à réfléchir. Peut-être devrait-il laisser à Harry le temps de trouver ces bouquins avant de retourner au travail ? Il ne pouvait pas vraiment se le permettre. Il aviserait.
La matinée passa lentement, au rythme des heures qui défilaient calmement, jusqu'à ce que, sur les coups de neuf heures trente, un homme tout aussi blond que Scorpius apparaisse comme par enchantement en plein milieu du salon, faisant sursauter Dudley qui laissa le roman sorcier qu'il lisait s'écraser sur le sol dans un bruit, portant la main à son petit cœur, cherchant vainement comment se défendre. Doucement, une fois remis de sa surprise, il soupira fortement.
— Ah bonjour. Vous devez être Draco Malfoy, le père de Scorpius ?
L'homme hocha la tête alors que Dudley se redressait et s'approchait de lui, une main en avant.
— On peut dire que vous m'avez fait peur, j'ai cru que c'était quelqu'un de mal intentionné. Je suis Dudley Dursley, le cousin de Harry.
Si Draco grimaça de dégoût en empoignant les doigts potelés de Dudley, tant à l'idée de toucher un moldu que parce que celui-ci avait eu l'outrecuidance de le penser inoffensif, le cousin n'en vit rien, trop occupé à regarder le plafond comme s'il pouvait le traverser.
— Harry est dans son bureau, si vous le cherchez. Je vais aller prévenir Scorpius que vous êtes arrivé ?
Hochant la tête une nouvelle fois, Draco se détourna. Il savait où se trouvait le bureau de Potter. Une fois qu'il eut le dos tourné, Dudley haussa un sourcil en contemplant la silhouette vêtue d'une robe qui semblait de bonne facture. Il avait été prévenu que Mr Malfoy était loin d'être l'homme le plus aimable de la Terre. Mais force était de constater qu'il n'avait pas daigné prononcer un mot pour Dudley.
Finalement, il se déplaça, pour aller chercher Scorpius, qui attendait déjà.
.&.
Quand une heure fut passée et que Draco ne redescendait toujours pas, pendant que le petit blond s'impatientait, Dudley escalada les marches jusqu'à se trouver devant la porte du bureau d'Harry. Il s'apprêtait à frapper lorsqu'un éclat de voix le surprit. Il provenait de derrière le battant.
— C'est toi qui as choisi cette putain de merde, Draco !
— Je sais, siffla la voix de l'homme blond et élégant.
Il y avait des bruits de pas, l'un des deux faisait sûrement des va-et-vient sur le tapis.
— Et que voudrais-tu que je fasse ? continuait Draco d'un ton acerbe. Que je le dise à ma femme, que je le crie sur tous les toits ?
— Et pourquoi pas ? persiffla Harry. Pourquoi pas mettre ta couardise de côté l'espace d'un instant ?
Un rire bref, comme un aboiement.
— Potter, ça va bientôt faire trente ans qu'on se connaît. Ai-je jamais fait preuve d'autre chose que de lâcheté ?
Le silence fut éloquent et Dudley choisit cet instant pour frapper à la porte, poussant le battant quand son cousin l'invita à entrer. Les deux hommes étaient rouges de colère, le moldu grimaça intérieurement. Il était heureux de ne plus être celui qui énervait autant Harry.
— Excusez-moi, mais Scorpius s'impatiente dans le couloir.
Dudley sut qu'il offrait une porte de sortie à Draco. Il le sut à l'instant même où Harry darda sur lui un regard assombri de ressentiment. Finalement, le brun rabattit ses yeux sur l'autre.
— Va-t'en. Mais tu ne pourras esquiver éternellement cette conversation.
Il n'en fallut pas plus à Draco pour se retirer rapidement, drapé dans une fierté blessée, comme si la dispute qu'il venait d'avoir avec Harry le heurtait.
Merci d'avoir pris le temps de lire ce chapitre et à bientôt !
