Entre tristesse et bonheur
Chapitre 1 :
Le calme revenait doucement à Fairy Tail, après une journée mouvementée. Grey venait de rentrer de mission, et Natsu n'avait pas attendu bien longtemps pour venir lui chercher des noises.
Fatigué, Grey avait finalement décidé de rentrer chez lui tranquillement, profitant de la fraicheur du soir et de la lumière qui s'estompait doucement. La ville était calme, presque déserte, et c'était assez agréable de se promener. Il ne lui manquait qu'une chose. Sortant son paquet de cigarettes de sa poche arrière, il saisit une cigarette, l'alluma et fuma. Que demander de plus, maintenant ?
Déambulant dans les rues éclairées par les lampadaires, une brise froide et agréable le traversa l'espace d'un instant au détour d'une ruelle. De bonne humeur, Grey observa la ville, chose qu'il n'avait pas faite depuis longtemps. Depuis quand y avait-il une boulangerie à cet endroit ? Et une épicerie par-là ? Il n'en avait aucune idée, et il s'en fichait un peu à vrai dire, car pour le moment il se sentait bien. Il avait même le sourire aux lèvres en repensant à la branlée qu'il avait mise à Natsu avant qu'Erza ne s'en mêle. Il était fier de lui et s'apprêtait à tourner dans la rue qui menait à son appartement lorsque quelque chose attira son regard.
Assise sur le banc public, sous l'un des célèbres cerisiers multicolores de Magnolia, elle était là, regardant le ciel d'un air triste. Ses longs cheveux bleus voletaient au gré du vent froid, mais elle ne semblait pas faire attention à la fraîcheur qui s'était installée.
Le mage de glace s'approcha doucement, l'observant discrètement avant de finalement s'asseoir à côté d'elle. Pas un mot, pas un regard, pas un mouvement. Elle était impassible, et le mage remarqua bien vite les larmes qui perlaient à ses yeux. Pourtant, contrairement à d'habitude, le ciel était resté clair, sans nuage. Voilà un mystère de plus à l'actif de la demoiselle, mais pour le moment il se sentait mal pour elle. Voir un camarade triste n'était jamais plaisant, et même s'il était connu pour être plutôt froid, pour sa famille il était plus empathique. Plus il l'observait, plus son cœur se serrait de la voir ainsi, et il commençait également à se demander pourquoi elle ne disait rien. Habituellement elle se serait excusée en croyant le gêner avec maints « Grey-sama », mais pas cette fois. Pas ce soir. Elle était très calme, une facette qu'il découvrait chez elle. En fait, il trouvait un peu étrange de ne pas l'avoir vue de la journée, car d'habitude elle était toujours là pour guetter son retour, mais… pas aujourd'hui.
Alors qu'il s'apprêtait enfin à parler, Jubia le devança.
« Jubia aime bien venir ici le soir. C'est calme, c'est bien pour réfléchir » dit-elle d'une voix légèrement tremblante.
« Jub'… Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda-t-il de but en blanc. « J'te connais maintenant, je vois bien que quelque chose ne va pas » expliqua-t-il en adoptant la même position qu'elle.
« Jubia ne comprend pas. Depuis notre retour de Crocus, Grey-sama semble distant, alors que pendant les jeux ce n'était pas pareil. Jubia aimerait revenir aux jeux » dit-elle, les yeux dans le vague.
« Alors c'est ça qui te tracasse ? » s'étonna le brun en se tournant vers elle.
A son tour, Jubia se tourna vers lui, sans comprendre la réaction du jeune homme. Triste, ses larmes avaient commencé à parcourir ses joues pâles tandis qu'elle se levait. Elle ne voulait pas rester là avec lui, alors qu'il ne comprenait rien à ce qu'elle ressentait. Ce soir, pour la première fois, Jubia pensait que Grey Fullbuster était un imbécile, et elle préférait rentrer chez elle. Mais à peine avait-elle fait quelques pas qu'une main se referma sur son poignet. Elle stoppa, mais ne bougea plus. En fait, elle ne voulait plus lui parler. Pas ce soir.
« Jubia… Je sais bien que… c'était pas pareil à Crocus. Mais ce n'est pas parce qu'on est rentrés que cette époque doit prendre fin. Tu sais comment je suis depuis le temps que tu me suis, non ? » demanda-t-il, sérieux et taquin à la fois.
« Alors pourquoi Grey-sama évite Jubia ?! » demanda-t-elle en se retournant violement, dérobant son poignet à son emprise.
« Peut-être parce que… c'est quelque chose que je ne connais pas. Peut-être parce que j'ai peur » dit-il dans un murmure, son visage s'assombrissant.
« Grey-sama a peur… ? » demanda-t-elle surprise. « Mais… peur de quoi ? »
« Jubia, tu connais mon passé, non ? Tu dois savoir que toutes les personnes que j'ai aimées sont mortes à présent » précisa le brun.
« Ce n'était pas la faute de Grey-sama, c'était un concours de circonstances. Léon est toujours là, non ? Et toute la guilde aussi ! Et puis tout ça s'est passé il y a longtemps… »
« Je sais, Jubia, je sais, mais il n'en reste pas moins que tout ce qui m'est proche… » commença ce dernier sans finir sa phrase.
« Grey-sama se trompe. Et si Grey-sama n'est pas capable de le voir, alors il ne sera jamais heureux » répondit-elle un peu sèchement avant de partir.
Cette fois c'est en courant qu'elle s'enfuit. Ce soir, elle n'avait pas le courage de se fâcher contre lui, et puis elle ne le voulait pas non plus. Dans sa folle course dans la nuit, elle trébucha sur les pavés et tomba violement sur le sol froid. C'était le pompon, ce soir. Le monde semblait s'être ligué contre elle.
« Pas trop mal ? » demanda Grey, qui l'avait visiblement suivie.
Elle ne répondit pas, se relevant seule malgré la main tendue du mage. Elle ne lui répondit pas, se contentant de continuer sa route avant de retomber quelques mètres plus loin. Frustrée, elle s'énerva toute seule tandis que Grey s'approchait.
« Laisse-moi te porter » dit-il en s'agenouillant près d'elle.
« Non. »
« Tu ne vas quand même pas passer la nuit là alors que tu ne tiens même pas debout ! » s'exclama-t-il devant cet être si buté.
« Jubia rampera s'il le faut. »
Mais visiblement, Grey ne l'écoutait plus. Il avait placé un bras sous ses genoux, l'autre dans son dos, et il se relevait en la tenant dans ses bras malgré les protestations de la mage de l'eau. Il s'en fichait, et elle était tellement épuisée d'avoir autant pleuré qu'il sentait à peine ses poings. Mais il ne savait pas où elle habitait, et il savait qu'elle ne le lui dirait pas. Tant pis, il la garderait chez lui pour la nuit, il n'avait pas le choix.
Le calme s'était installé, et Jubia ne parlait toujours pas.
« Désolé » dit Grey sans la regarder. « T'as raison, je devrais avancer un peu au lieu de rester ancré dans mon passé. Mais c'est compliqué quand on a toujours vécu ainsi. C'est un peu comme si je te demandais de parler comme tout le monde d'un seul coup » expliqua-t-il doucement.
« Jubia comprend. Mais Jubia veut aider Grey-sama à tourner la page… Et pourtant, Grey-sama n'écoute pas Jubia » dit-elle en se calmant.
« Idiote, je t'écoute toujours. Même si tu n'en as pas l'impression » dit-il en l'aidant à poser les pieds au sol.
« Alors pourquoi Grey-sama ne répond pas à Jubia ? Jubia aime Grey-sama ! » dit-elle sans trop s'en rendre compte.
Rougissante, elle n'osa plus le regarder, se contentant de regarder le pied qui lui permettait de rester debout. Lui était visiblement surpris qu'elle lui avoue cela d'un coup, mais il retrouvait sa Jubia habituelle, la mage toute timide qu'il connaissait. Voilà ce qui n'allait pas depuis le début, elle avait certainement pensé à cela toute la journée sans parvenir à se décider à venir lui parler. Mais à présent que c'était sorti, elle s'était calmée. Grey s'approcha d'elle, un léger sourire sur le visage.
« Tu permets ? » murmura-t-il, à quelques centimètres de son visage.
Cette dernière releva le visage, ne comprenant pas vraiment ce qu'il voulait alors qu'elle attendait une réaction de sa part. Mais à la place d'un son, c'est une sensation qui lui parcourut tout le corps lorsque Grey posa ses lèvres sur les siennes. Elle en fut tellement surprise qu'elle oublia de fermer les yeux, tétanisée.
« J'te promets de faire un effort » murmura-t-il. « Mais avant tu viens avec moi, tu trembles. »
Egal à lui-même, mais il lui avait tout de même fait une promesse. Jubia se sentait soulagée malgré la gêne qui reprenait le dessus. De retour dans les bras du mage de glace, elle serrait la clé qu'il lui avait donnée l'instant d'avant pour qu'elle ouvre la porte de son appartement, à droite, au rez-de-chaussée. Suivant les indications du brun, elle allumait la lumière dans les pièces lorsqu'il passait les portes, avant de se faire déposer dans un fauteuil.
« Bouge pas, j'reviens. »
Obéissante, elle resta sagement assise à sa place. De toute façon elle n'avait pas trop le choix, alors elle attendit et observa ce qui l'entourait. Mais elle n'eut pas beaucoup de temps, car Grey revint avec une couverture qu'il déplia et posa sur les épaules de la mage.
« Retire ta botte, j'reviens. »
Jubia obéit. Avec lenteur, elle retira sa botte. Elle avait mal à présent, et sa cheville enflait. Elle commençait à voir ce à quoi avait pensé Grey, qui revenait.
Plaçant ses mains délicatement autour de la cheville lésée, Grey forma de la glace autour de sa peau, soulageant la douleur naissante.
« Ça va mieux ? » demanda-t-il en calant un tabouret sous le mollet de son invitée.
« Oui, ça fait du bien » dit-elle en s'enroulant dans la couverture.
« J'pense que tu t'es foulée la cheville » dit-il. « Tu veux boire quelque chose ? J'dois avoir du thé dans le placard. »
Elle acquiesça, un très léger sourire sur le visage. La tempête était passée.
Grey lui apporta une tasse quelques minutes après, tandis qu'il avait pris un café, avant de s'asseoir sur le fauteuil d'à côté.
« Tu veux toujours rentrer chez toi ou tu préfères rester ici ? » demanda-t-il en buvant une gorgée.
« A moins que Grey-sama n'emmène Jubia chez elle, Jubia n'a pas vraiment le choix » dit-elle en l'imitant pour cacher sa gêne.
« J'vais te préparer un lit dans ce cas. »
L'ambiance était un peu tendue à présent, et ni l'un ni l'autre ne savait quoi dire alors que des dizaines de questions s'amoncelaient dans leur tête.
« Au fait, t'as des nouvelles de Léon ? J'ai cru comprendre que cet imbécile t'écrivait » dit-il, un peu vexé.
« Oui, Léon doit venir à Magnolia à la fin de la semaine, mais Jubia ne sait pas pourquoi » dit-elle tranquillement avant d'ajouter, en voyant le visage de Grey. « Grey-sama est jaloux ? »
« Peut-être » marmonna-t-il.
Jubia rit doucement. Elle ne le lui avait jamais vraiment avoué, mais elle adorait le voir ainsi, un peu jaloux. Et pour une fois, il l'avouait ouvertement. Pour lui faire oublier cela, elle lui demanda une nouvelle tasse de thé. Le temps qu'il la lui apporte, elle s'était endormie.
Il se doutait qu'elle s'effondrerait d'un coup, même si elle avait l'air de plutôt bien tenir le coup jusqu'à maintenant. Esquissant un sourire, il posa tout sur la table basse avant de prendre la mage dans ses bras, toujours emmitouflée dans la couverture. L'observant un peu, il se rendit compte qu'il ne pouvait pas la laisser coucher comme ça, elle ne serait pas bien.
Attrapant le lacrymaphone, il tomba sur une voix qu'il ne connaissait que trop bien.
« Allo ? »
« Erza, c'est Grey. Hum… Tu pourrais passer chez moi rapidement ? » demanda-t-il, un peu gêné.
« Oui, bien sûr, j'arrive tout de suite » répliqua la rousse.
« Attends, j't'expliquerai, mais Jubia est là. Tu pourrais lui ramener quelque chose pour dormir et des vêtements pour demain ? »
« Petit cachotier ! T'as enfin sauté le pas ?! » s'enquit-elle alors aussitôt.
« Non, pas vraiment… J't'expliquerai. Je t'attends. »
« Je suis là d'ici une dizaine de minutes. Pas de bêtises, hein ? » dit-elle d'un air amusé avant de raccrocher.
Il n'en fallait pas moins pour gêner le mage de glace qui raccrocha, maugréant quelques mots avant d'aller ranger les tasses, puis d'aller faire le lit. Il avait oublié que sa chambre était dans un tel état, et il profita du cours laps de temps pour ranger un peu ses vêtements qui trainaient au sol.
Jetant le tout dans le panier à linge de la salle de bain, il guettait l'arrivée de Titania, en se disant qu'il avait oublié de préciser que Jubia dormait.
Il se surprit à l'observer encore une fois. Endormie, elle avait l'air d'une petite fille sans défense, l'innocence même. Plongé dans l'observation minutieuse de sa plus que potentielle petite amie, l'interphone le fit presque sursauter, et il se hâta d'aller ouvrir lui-même la porte du hall.
« Bah pourquoi tu m'as pas ouvert avec l'interphone ? » questionna la rousse, surprise.
« Parce qu'elle dort et que j'ai oublié de te le dire » expliqua-t-il en emmenant Erza jusque chez lui.
« Oh mais… Explique-moi, je ne comprends plus rien… »
L'invitant à s'installer à la table de la cuisine, il lui expliqua sa soirée un peu mouvementée, entre larmes, tristesse et déballage de sac.
« Oh… T'es vraiment pas doué mon pauvre Grey » le plaignit la rousse.
« Parait-il. Mais je pense que pour ça t'es pas vraiment mieux placée pour me donner des leçons, non ? » railla ce dernier.
« Hum. Certes » admit la demoiselle avant de reprendre. « Aller, emmène-la dans la chambre, j'arrive. »
S'accroupissant près du fauteuil, Grey secoua doucement l'endormie qui se réveilla, un peu perdue.
« Gr-Grey-sama ? » demanda-t-elle sans comprendre, « Qu'est-ce que… ? »
« Tu te souviens pas ? Tu t'es endormie dans le fauteuil, idiote » rit-il doucement avant de reprendre. « Erza t'a ramené des fringues pour la nuit, et pour demain. Je doute que remettre ta robe dans l'état où elle est soit bien recommandé. »
« Jubia a mal à la tête… » dit-elle alors en se tenant la tête.
« Avec tout ce que tu as pleuré, ça ne m'étonne pas. Aller, viens-là, j't'emmène au lit. »
Obéissante, comme toujours lorsqu'il s'agissait de Grey, elle ne dit rien et le suivit. Visiblement elle ne savait pas trop où elle était ni pourquoi. Cependant, sa cheville lui ramena une vive douleur à présent que la glace avait fondu.
« Tu t'es pas ratée, j'ai l'impression » commenta-t-il avant de la déposer sur le lit. « Je te la laisse, Erza. »
« Vas te coucher, je fermerai la porte. T'es dans le même état qu'elle, j'ai l'impression » dit Titania, un peu moqueuse.
« Marre-toi va, j'suis juste crevé… J'vais peut-être arriver en retard demain » dit-il en baillant avant de sortir de la pièce. « A d'main. »
« A demain, et rêve pas trop, hein ! » lança la rousse, taquine.
« Tss…. »
« A nous maintenant. Jubia, t'es encore là ? »
« O-oui… » marmonna-t-elle.
« Déshabille-toi, je t'ai ramené une nuisette, mais avant on va te mettre ça. Grey m'a dit que tu t'étais bien amochée » expliqua Erza en lui montrant une attelle.
Doucement, Erza aida Jubia à installer ce qui ressemblait à un engin de torture, essayant de la mettre correctement sans lui faire de mal.
« Comment tu t'es fait ça ? » demanda la reine des fées.
« Jubia… courrait… et Jubia a trébuché sur un pavé…. » dit-elle en tentant de se rappeler.
« T'es complètement HS, toi… Je sens que tu vas vite te rendormir. »
« Jubia pense aussi… Mais Jubia ne comprend pas où elle est. C'est flou » avoua-t-elle en commençant à se déshabiller.
« C'est la fatigue ça. On est chez Grey. Il a préféré te ramener chez lui parce que c'était plus près, tu te souviens ? » demanda Titania en lui tendant sa nuisette.
« Vaguement. »
« C'est rien, ça reviendra tranquillement demain après une bonne nuit de repos » assura Titania avec un sourire. « Au fait, je t'ai mis des vêtements de rechange pour demain. Des sous-vêtements, et comme je sais que tu es plus à l'aise en robe, je t'en ai pris deux, tu pourras choisir. Il y a aussi quelques affaires de toilettes, et ton mini-Grey » murmura-t-elle en lui tendant la peluche.
« Mini-Grey… »
« T'en peux plus toi… Aller, dors, je passerai demain voir comment ça va. »
Sans se faire prier, Jubia s'allongea et s'endormit aussitôt, son mini-Grey dans les bras, qu'elle serrait avec amour.
La lumière était encore allumée dans le salon lorsqu'Erza passa.
« J'y vais Grey. J'passerai demain avec Mirajane pour la cheville de Jubia. Bonne nuit, et pas de bêtises, hein ? »
« La ferme… A d'main » marmonna-t-il, allongé dans le canapé, en caleçon et avec un plaid sur le torse.
Erza ferma la porte, un sourire pervers sur le visage, avant de rentrer chez elle.
Fin du chapitre 1
