Auteur : Evils-roses/Tyki-pon
Titre : Behind You.
Résumé : Quatre ans ont passé depuis l'arrivée de Lavi à la congrégation... Seul témoin de cette époque étrange et douloureuse, ce petit tas de vêtements… Souvenirs.
Genre : Clairement Yaoi, dépressif, dramatique, aventure…
Note : Et bien voilà, il m'aura fallu un peu plus de deux mois pour achever ce premier chapitre. J'ai écris cette fic, comme une fic que j'aurais aimé lire, j'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que moi à l'écrire. Je voudrais remercier, ma Lenalee personnelle pour avoir corrigé mes horreurs orthographiques et composé le résumé. Merci à Saku, Strike-Kun, Bookman-Jr et toutes les autres pour m'avoir encouragée. Et à vous, pour avoir lu ces quelques lignes. Bonne lecture.
First Stage
La congrégation de l'Ombre.
La chambre était plongée dans la pénombre et un frêle rayon de lune s'était frayée un passage par l'interstice des rideaux qui masquaient la fenêtre. Des vêtements avaient été jetés pêle-mêle sur le sol dans un désordre étrangement coutumier, répondant un ordre pourtant bien précis, comme le restant d'un étrange rituel que Lavi fixait depuis un moment. Ce tas de vêtements semblaient totalement irréel, complètement disgracieux et affreusement indécent; Il était là et il avait l'impression qu'il l'avait toujours été. La congrégation l'avait accueilli comme une véritable famille, ça faisait quatre ans maintenant et pourtant il avait l'impression que ce tas informe et désordonné avait toujours été présent. Le jeune homme soupira alors qu'une mèche de cheveux noir retombait sur son torse musclé en le faisant légèrement frissonner. Il baissa la tête vers Kanda qui se blotti contre lui en poussant en petit grognement, même endormi il pouvait être acariâtre. L'apprenti Bookman resserra son étreinte autour des épaules de l'épéiste, celui-ci n'avait plus rien à voir avec l'adolescent chétif qu'il avait pu être quelques années auparavant. Son corps souple et musclé c'était défait des rondeurs enfantines qui le rendait si androgyne, son visage fin était devenu plus anguleux avec le temps, plus... Masculin en quelques sortes. Il n'était plus la jeune fille farouche et de mauvaise humeur, le « mademoiselle » qui l'irritait tant, s'était peu à peu transformé en « monsieur ». Lavi poussa un petit soupir mélancolique en faisant ce triste constat. Il aimait bien le Kanda de maintenant mais celui d'autrefois lui manquait un peu, parfois. Il réfléchissait à toutes ces années, à toutes ces expériences, à toutes ces épreuves, et celles encore à venir en dessinant du bout des doigts des cercles concentriques sur la peau de son « amant ». Kanda grogna de plus belle et se retourna en marmonnant quelque chose qui aurait pu vouloir dire quelque chose comme : « stupidebookmangnheugne » avant d'enfouir son nez dans le creux de la peau du Bookman et de se replonger dans un profond sommeil. Depuis combien de temps déjà ? Se demanda l'exorciste en respirant l'odeur familière des cheveux de Kanda. Oui, depuis combien de temps maintenant ? Ca lui semblait une éternité, bien sûr, en tant que Bookman, il pouvait dire le nombres de jours exacts, mais l'homme, l'adolescent, l'enfant en lui trouvait ce temps à la fois long et atrocement court. Des bribes de souvenirs traversèrent son esprit par vagues lascives venant s'échouer sur la grève avant de le submerger totalement, le replongeant dans ce passé intemporel qui lui semblait tellement lointain et à la fois tellement proche...
Quatre ans plus tôt.
Il pleuvait à verse. Une pluie torrentielle s'abattait sur la ville, la recouvrant d'un lourd manteau opaque et humide qui dégringolait en flots putrides dans les rues sales et boueuses de Londres. Il n'y avait plus personne dehors, hormis peut être les deux silhouettes fantomatiques drapées de lourdes capes qui les protégeait chichement des eaux glacées qui les détrempaient jusqu'aux os. Ils avançaient rapidement en pataugeant, déambulant à pas pressé dans les ruelles les plus obscures et les moins bien fréquentées. Ils étaient perdu entre la cours des miracles et le déluge de l'arche de Noé, mais Dieu, n'avait visiblement pas décidé de les incorporer à son système de sauvegarde des espèces. Lavi était frigorifié, il ne savait pas pourquoi il suivait son grand-père sous cette pluie battante alors qu'ils auraient très bien pu attendre au chaud au sec dans une chambre d'hôtel bon marché que l'averse passe, même si à Londres, une averse peut être synonyme de plusieurs jours. En fait il aurait largement préféré attendre plusieurs jours dans une vieille chambre moisie sur un matelas élimé jusqu'à la trame en mangeant une nourriture infecte, car au moins ils auraient eu les pieds au sec. Il avait de l'eau partout, dans ses chaussures, ses chaussettes, son pantalon et même son caleçon était trempé ! Le jeune homme soupira, pourquoi est ce que son grand-père agissait toujours de manières si incompréhensible ? Ils vivaient comme des sans abris alors qu'ils avaient largement les moyens. Ils se baladaient sous la pluie de nuit, alors que prendre le train était beaucoup moins fatigant. Ils passaient par les coins malfamés et mal entretenus, alors que toutes destinations étaient accessibles par les grands axes (il avait étudié les cartes).
Soudain ils bifurquèrent dans une rue latérale qui s'enfonçait dans les profondeurs de la ville vers les canaux qui longeaient la tamise. Ils marchèrent encore quelques minutes avant de se glisser dans une ouverture dérobée qui se fondait avec les froids et humides murs de pierre. Lavi observa d'un air dubitatif le passage que son grand-père avait ouvert pour eux. Un escalier aux marches glissantes s'enfonçait dans les entrailles de la cité. Le vieil homme prit un instant pour allumer une lampe à gaz, avant de descendre à petits pas pressés. Lavi haussa les épaules et le suivit en fixant le bout de ses chaussures maculées d'une boue gluante et poisseuse qui produisait un ignoble bruit de succion dés qu'il levait les pieds. Ils s'enfoncèrent loin dans les profondeurs jusqu'à une rivière souterraine qui coulait certainement loin en dessous des égouts, ou peut être était-ce les égouts. De toutes façons, quoi que ce fut l'adolescent ne voulait pas savoir ce que c'était, même par curiosité mal placées ou fascination morbide ! Une embarcation de bois flottait entre deux eaux sur un quai aménagé sur les rives glissantes. Le vieil homme grimpa dans la barque et enjoignit son disciple à lui emboiter le pas, le jeune homme se glissa à l'intérieur en soupirant . De l'eau encore et toujours, si cela continuait il allait se voir pousser des branchies et des nageoires. Enfin le bateau s'éloigna du bord alors que le Bookman plongeait une longue perche dans les eaux noires et profondes.
Le temps passa lentement, dans un silence de mort à peine rompu par le bruissement de l'eau contre la coque de la barque, il n'y avait pas un souffle de vent, pas une once de vie ou de lumière, si il n'avait pas été certain de l'endroit où son grand-père le menait Lavi se serait cru dans un caveau. Oui, ils étaient enfermé là pour l'éternité tourmenté par toute l'histoire acquise et apprise au cours de ces longues années d'apprentissage.
« - Petit, murmura Bookman après un long moment. »
Lavi qui observait les flots défilaient avec un petit clapotis méditatif. Il l'écoutait, enfin presque, mais de toutes façons, il était un Bookman alors, même si il ne voulait pas écouter, il entendrait et retiendrait ce que le vieux aurait à lui dire, c'était peut être ce qu'il détestait le plus dans sa futur profession.
« - Nous allons devenir exorcistes, mais rappelles-toi...
« - Les Bookmans n'interviennent pas dans l'histoire ils n'en sont que les spectateurs...
Soupira le jeune homme comme un refrain qu'il connaissait par cœur. Le vieil homme acquiesça visiblement satisfait.
« - Tu te rappelle de ton nouveau nom ?
Lavi le regarda en biais comme si il ne comprenait pas. Son grand-père lui lança un regard mauvais mais, une fois n'était pas coutume le jeune homme n'y prêta la moindre attention. Le Bookman soupira.
« - Lavi. Retiens bien, si tu ne te souviens même pas de ton propre nom tu auras l'air d'un abrutis, plus ce que tu ne l'es déjà.
« - Sympathique. Lavi ? Répéta-t-il. Lavi... Lavi... Ca me plait... Pour une fois que tu as bon goût.
Le vieil homme n'ajouta rien mais leva les yeux au ciel. Lavi quant à lui continua de regarder les eaux sombres que la petite embarcation fendait à rythme régulier. Après presque une heure de navigation à contre courant, la barque s'arrêta doucement contre un quai de pierre plongé dans une profonde pénombre. Un trouveur les attendait avec une lanterne qui jetait sur les parois de pierre des ombres mouvantes. Ils avaient déjà eut à faire aux trouveurs et aux exorcistes, mais de loin, comme toujours... Il les fit descendre et les mena tout en haut d'un long escalier qui grimpait abruptement jusqu'à une immense porte de bois fermée par une lourde grille. Deux hommes lourdement armé la gardaient et de petits golems voletaient autour d'eux comme d'étranges papillons. Bookman avança et montrant une petite enveloppe soigneusement pliée. Les deux gardes hochèrent la tête et la grille se souleva avec un bruit d'enfer. La porte donnait sur un assesseur qui ne possédait ni levier ni commande. Une voix fatiguée et grésillante s'éleva d'un des golems.
« - Veuillez emprunter ascenseur il vous mènera jusqu'au centre de commandement. »
Ils grimpèrent dans la cage. Lavi soupira, il mettait de la boue partout. De la boue, encore de la boue, toujours de la boue, il lui semblait qu'il se traînait dedans depuis qu'il était petit. Il en avait plus qu'assez de cette boue. Elle lui collait au corps comme une seconde peau, il avait la sensation de se rouler dedans et cette seule idée lui donnait envie de vomir et de s'arracher la peau. Il détestait cette moiteur et cette humidité malsaine qui s'accrochait à lui comme l'odeur de la poudre à canon et de la chaire brûlé. Il avait la sensation que l'air empestait la charogne, et il ne savait pas trop si c'était parce qu'il traînait cette puanteur depuis des années ou parce qu'elle était vraiment partout ?
« - Dis moi Jiji, il y a des jolies filles à la congrégation ? Demanda-t-il d'une voix neutre, en fait il s'en fichait, mais c'était histoire de détendre l'atmosphère et surtout d'énerver son grand-père, la seule chose qui lui apportait une distraction un peu moins sordide.
« - Tais toi ! Stupide gamin ! Pense à tes études au lieu de la prochaine malheureuse que tu vas engrosser !
« - Je n'ai jamais mis enceinte personne !
S'exclama le jeune homme outré. Mais son grand père ne l'écoutait pas. Enfin la cage d'ascenseur s'immobilisa et la grille s'ouvrit en grinçant. Une jeune fille d'à peu prés treize ans les accueillit en souriant. Elle était de type asiatique et deux longues nattes dansaient dans son dos ; elle portait une petite robe de flanelle noire et de hautes bottes vernies tout aussi noires. Lavi la dévisagea des pieds à la tête, quelle étrange, et agréable surprise. Elle était jolie et pleine de fraicheur, un peu trop jeune sans doute.
« - Bienvenue ! Je suis Lenalee Lee, la sœur et assistante du grand intendant, je suis là pour vous guider.
Dit elle en souriant de plus belle. Le vieux Bookman s'inclina respectueusement et emboita le pas de la fillette qui marchait presque en dansant, on avait l'impression que ses jambes, non, que tout son corps était aussi léger qu'un vol d'hirondelle au printemps. Lavi se sourit à lui même, la congrégation n'avait peut être pas que des mauvais côtés.
Ils avancèrent dans un dédale de corridors , traversant de longues pièces désertes. C'était un haut bâtiment circulaire parcouru de courant d'air glacé. Il fallut qu'ils passent devant une haute fenêtre pour que Lavi se rende compte qu'ils se trouvaient dans une immense tour perchée sur un piton rocheux bien loin au dessus du sol. De là où ils étaient, même le halo de lumière de la ville avait disparu. La jeune fille qui les précédait les firent tourner vers un escaliers et ils descendirent jusqu'au sous sol. Là sous les yeux étonnés des deux hommes ils débouchèrent sur une vaste plateforme suspendu au dessus du vide comme un cocon géant et bourdonnant d'activité où, d'ailleurs, une foule grouillante de blouses blanches s'affairaient autour de machines aux allures futuristes. Il y avait là des engins qu'il n'avait jamais vu auparavant, de nombreux voyants clignotaient dans tous les sens accompagnés bip bips déconcertant. Des ventilateurs ronronnaient dans tous les coins et une chaleur humide régnait sur cette étrange fourmilière.
« - Qu'est ce que c'est ? Demanda Lavi intéressé. Son unique œil émeraude brillait d'une lueur indéfinissable.
« - C'est la section scientifique. Répondit Lenalee avec un petit sourire. C'est ici que sont élaboré tous les équipements des trouveurs et des exorcistes, comme les golems ou les armes anti-akuma. Mais mon frère vous expliquera mieux que moi.
S'excusa-t-elle en rougissant légèrement. Elle les fit déambuler sur la structure métallique avant de les faire rentrer dans une salle à haut plafond recouverte d'un tapis de feuilles de papiers. Les murs étaient couverts de livres et de cartes en tout genre sur lesquelles étaient épinglé des punaises de couleurs différentes. Au centre de cet étrange fouillis, enterré sous des livres et des piles de documents un bureau émergeait difficilement. Un homme d'un peu plus d'une vingtaine d'années somnolait en signant machinalement le contenu d'un dossier posé devant lui. Lavi l'observa intrigué, est ce que cette chose était humaine ? Il n'en avait pas la moindre idée, son bon sens lui hurlait que oui, mais sa logique et son intelligence hors normes lui criaient que ce type était : soi un idiot, soi un surhomme, soi une machine. Finalement ce n'était aucune de ces propositions.
« - Désolé, murmura la jeune fille confuse, Nii-san... (gargouillement incompréhensible.) Nii-san... Grand intendant Komui ?... Je vais me marier.
« - LENALEE ! Hurla alors la chose posait sur le bureau en déversant un flot de larmes humainement impossible à contenir.
Lavi regarda l'homme se répandre en larmes avec perplexité, à bien y réfléchir ce type devait être complètement idiot, et visiblement atteint d'un complexe très rare d'amour incestueux. La décision du jeune homme s'arrêta en un quart de seconde, il n'aimait pas ce type, il ne l'aimait même pas du tout. Lenalee s'excusa pour son frère, apparemment c'était fréquent de sa part, ce qui n'arrangeait pas sa situation. Le jeune Bookman le dévisagea de haut en bas comme si il avait à faire à une espèce animal particulièrement rare, ce qui, quelque part, devait vraiment être le cas.
L'épisode lacrymale passé le grand intendant reprit son sérieux et se montra quelqu'un d'extrêmement poli et intelligent, mais c'était trop tard... Bookman prit la parole, mais Lavi ne l'écoutait pas, il savait ce qu'il allait dire et franchement il se fichait bien de le savoir ou non. Il observa distraitement le plafond, combien de personne avait il vu passer sous ses admirables poutres ? Combien d'éclat de voix avait il bien pût entendre ? Lavi se promit de lire l'histoire du bâtiment dès qu'il en aurait l'occasion. Son grand père et le directeur de la congrégation parlaient depuis à peine quelques minutes lorsqu'un trouveur vint lui murmurer quelque chose à l'oreille. Komui devint grave et s'excusa en une courbette respectueuse.
« - Mes informateurs viennent de m'avertir de quelque chose d'important, je vais donc devoir vous laisser un moment. Je n'en ai pas pour longtemps. Lenalee, tu peux leur servir une tasse de café s'il te plait ?
La jeune fille s'inclina avec un petit sourire et s'éloigna d'un pas léger et dansant. Lavi la regarda s'éloigner alors que son grand père et le grand intendant échangeaient quelques politesses avant qu'il ne s'éclipse. Un silence pesant s'abattit alors sur la pièce. Les livres semblaient vibrer et prêt à livrer tous les secrets qu'ils refermaient. Leur murmures étouffés semblaient remplir tout l'espace et aspirer tout l'air disponible. Lavi avait l'impression de suffoquer, il n'était pas sûr de pouvoir vivre ici. Bookman lui avait dit qu'il ne s'agissait pas de quelques jours ou quelques semaines, mais de quelques mois, voir même de plusieurs années... Cette sédentarisation le mettait mal à l'aise, il n'était pas sûr de ne pas devenir fou a toujours revenir au même endroit. Il ne connaissait pas grand chose du monde sédentaire, il vivait au jour le jour et se laissait porter par les événements qu'il enregistrait. Il n'aimait pas forcément ce qu'il voyait, mais rien ne intéressait vraiment non plus, et puis il n'avait rien connu d'autre. C'était peut être ce qui rendait les choses moins pénibles. Le jeune homme soupira et appuya sa tête contre sa main gantée de mitaines usées. Bookman craqua une allumette et la fumée bleutée de sa cigarette s'éleva doucement vers les illustres poutres du plafond.
« - Qu'importes où nous allons il n'y a que des batailles, des batailles, des batailles encore et toujours, je pense avoir compris que les hommes sont des idiots... marmonna-t-il en poussant du bout du pied une des feuilles qui jonchaient le sol. Son grand père lui lança un regard amer. Au dehors ils perçurent comme le bourdonnement ouaté d'une activité extérieur. Les bruits se firent plus précis et plus intenses et plus présent, il y eut un bruit de cavalcade, comme lorsque quelqu'un accourt précipitamment après avoir appris quelque chose d'important...
« - Quel remue ménage... Soupira le jeune homme en se laissant aller en arrière contre le canapé usé. Il n'aimait déjà pas cet endroit, il le trouvait glauque sale, statique... Il ressemblait à n'importe quelle antichambre de l'enfer. Là où tous ces meurtres, génocides et sacrifices étaient planifiés. Un poste de commandement comme il y en avait tant, peut importait le clan auquel il appartenait, ces endroits étaient pourri de l'intérieur. Au dehors les bruits s'étaient estompés et Komui refit son apparition. Ses traits étaient plus tirés et plus grave, Lenalee le suivait, sans le café, elle avait précipitamment enfilé un long manteau noir et portait une petite valise qui semblait usée comme si elle avait beaucoup voyagé. Un petit golem voletait autour d'elle et le bruissement de ses ailes produisaient un léger souffle d'air qui faisait vibrer les documents qui les entouraient.
« - Je suis vraiment navré, déclara Komui inquiet, mais nos informateurs m'ont appris que des événements graves étaient en cours, je ne pourrais pas vous accueillir aussi agréablement que je l'aurais souhaité, je suis navré, nous devrons donc écourté cet entretien, si cela ne vous dérange pas...
Le Bookman sauta sur ses courtes jambes et s'inclina respectueusement. Il ressemblait à un nain de jardin à côté du Grand Intendant qui devait approcher le mètre quatre vingt. Celui ci se pencha et serra la petite main ridée du vieil homme qui lança un regard noir à Lavi. Celui ci, comprenant le message se leva à son tour et s'inclina. Baisser la tête devant cet homme le rendait malade, comment un abrutis pareil pouvait il être à la tête d'une aussi grande organisation, pire encore, Lavi détestait particulièrement les chefs, et tout ce qui ressemblait à une forme d'autorité.
« - Ne vous en fait pas pour ça, nous comprenons, commença le vieux Bookman, mais si vous voulez bien, je voudrais m'entretenir de ce que vous savez.
Komui sembla hésiter un moment.
« - Ce ne sera pas long, renchérit Bookman en plissant ses petits yeux perçants.
Le Grand intendant déglutit avec difficulté sous le poids de ce regard. Il acquiesça et se retourna vers sa sœur qui était resté immobile et silencieuse. Sa frêle silhouette se tenait droite et fière, mais la peur et la résignation se lisait dans son regard obsidienne. Lavi l'observa un instant, une enfant sur un champ de bataille, c'était comme une fleur dans une décharge, ou une perle dans une porcherie, c'était une aberration. Cette vision le rendait malade, il détestait les humains, il détestait la guerre, et il haïssait encore plus ceux qui avait l'audace de penser qu'ils avaient le pouvoir de changer les choses. Faire partie d'une telle machine, d'une telle stupidité le rendait malade, il aurait encore préféré s'isoler dans une de ces vieilles bibliothèques poussiéreuse plutôt que de devoir se mêler à ce genres de conflits. Son dégout dû se lire sur son visage car la jeune fille lui lança un sourire réconfortant qui ne fit que renforcer son écœurement. Il détourna les yeux et se plongea dans la contemplation de la carte qui lui faisait face.
Komui prit Lenalee par les épaules et lui embrassa les joues avant de lui tendre un dossier qu'elle saisit presque à contre cœur, puis elle s'éloigna la tête haute... Cette jeune fille était prête à mourir pour la cause qu'elle défendait, et cette détermination rendait son sort plus tragique encore.
« - Lavi, tu devrais voir à quoi ressemble la Congrégation... Murmura le vieil homme à son disciple, Lavi voulu protester mais son grand père le fit taire d'un coup de pied dans le tibia. Le jeune homme grimaça et poussa un soupir exaspéré.
« - Doug, appela Komui, veux-tu faire visiter le QG à...
« - Lavi. Compléta le jeune homme de mauvaise humeur.
Le Doug en question portait l'uniforme des trouveurs, ses cheveux étaient d'un étrange bleu, absolument pas naturel, mais Lavi n'y prêta pas la moindre attention. Il se contenta de lui emboiter le pas, portant sur son épaule le maigre baluchon qui comportait ses faibles effets personnels. Le jeune homme observa la porte se refermer derrière eux.
« - Ça doit être important... Constata le trouveur en souriant.
Lavi hocha pensivement la tête, il pensait à tout autre chose. Si le vieux ne voulait pas de lui, c'est que ce qu'il avait à dire dépassais le simple cadre de leur mission de Bookmen. Ca l'intriguait, c'était certain, mais Bookman avait ses raisons qu'ils n'avaient pas à connaître. Les Bookmen ne devaient s'attacher à personne et devaient rester passif et spectateur de l'histoire, même entre eux les Bookmen devaient être près à toutes éventualités. C'est pour cela que ne pas savoir ce que son grand père mijotait ne l'inquiétait pas plus que ça, malgré la curiosité qui le démangeait. Le trouveur lui parlait, lui posait des questions auxquelles il ne répondait pas, de toutes façons son interlocuteur y répondait tout seul.
« - Voici, la bibliothèque, déclara-t-il en désignant une haute porte en bois massif. C'était un remarquable ouvrage de maçonnerie. Le jeune trouveur ouvrit la porte pour lui faire visiter l'immense salle des archives. Lavi resta bouche bée, il n'avait jamais vu autant de livre de sa vie, et pourtant, pourtant il en avait vu des bibliothèque, en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie ou en Espagne. La pièce devait être haute de trois étages dont les murs étaient recouverts d'ouvrages anciens, et poussiéreux. Au centre et sur les mezzanines des tables de travail avaient été mis à la disposition du personnel qui désirait effectuer des recherches ou simplement consulter un des nombreux livres que contenait l'endroit.
« - Pas mal hein ? Sourit le trouveur.
Lavi acquiesça en longeant les longues étagères croulant sous le poids des ouvrages parfois centenaire. Il caressait du bout des doigts les tranches des ouvrages, ce contact grisant lui procurait une agréable sensation de bien être. Il aimait les livres, c'était peut être la seule chose pour laquelle il avait un intérêt quelconque. L'endroit respirait le savoir et l'érudition, et c'était sans doute l'endroit dans lequel il passerait le plus de temps. Cependant le trouveur le sortit de sa réflexion et l'emmena à la découverte de l'immense édifice que constituait le QG.
Il lui fit parcourir de longs corridors glacés et gravir d'importants escalier de pierres. Le quartier Général de la congrégation était sinistre et peu accueillant, pourtant, lorsqu'ils croisaient des gens ceux ci étaient souriant et polis, ils étaient incroyablement chaleureux pour des personnes en temps de guerre. Quels abrutis peuvent encore avoir de l'espoir alors que leur monde est en train de s'écrouler, songea Lavi en mémorisant chaque passages qu'ils empruntaient. Ils finirent par arriver dans les quartiers des exorcistes. Les chambres étaient disposées autour du puis centrale dans la partie haute de la tour.
« - Je suppose que Komui vous attribuera une chambre quand il aura fini... Déclara le jeune trouveur en souriant, il n'avait pas arrêté de sourire depuis le début de la visite. Lavi lui lança un regard sombre et le jeune homme se figea.
« - Heu... Je vais te laisser alors... Ravi d'avoir fait ta connaissance, Lavi. A plus tard !
« - A plus tard... Ronchonna l'apprenti Bookman en laissant le trouveur s'éloigner sans un bruit.
Le jeune homme se passa une main las dans ses cheveux roux désordonnés. Il ne savait pas ce qu'il pouvait faire maintenant, il n'avait aucun moyen de contacter le vieux et en plus il n'aimait pas cet endroit. Ce lieu le faisait frissonner, les courants d'airs s'infiltraient de partout. Il y régnait une étrange odeur de mystère antique. Le jeune Bookman donna un coup de pied dans le vide laissant une trace de boue séché sur les dalles de pierres froides. Encore cette maudite boue. Cette boue collante et omniprésente ne cessait de le poursuivre. Il soupira et prit la direction de la bibliothèque c'était l'endroit le plus probable où il retrouverait le vieux Bookman.
Il descendit une volée d'escaliers tous plus raides les uns que les autres. Il passa par la salle d'entraînement, plus par curiosité que par praticité. Ce détour lui permettait de rallonger le laps de temps qui le séparait de la mauvaise humeur chronique de son grand père. Il aimait bien ce vieil homme rabougris, mais il avait tendance à lui taper sur le système, il n'aimait pas sa façon d'être toujours sur son dos, en fait il aurait préféré que le vieil homme lui laisse découvrir certaines choses par lui même, et l'empêche de faire certaines erreurs qui auraient pu être évitées... Il poussa un long soupir en poussant la porte de la salle d'entraînement, celle ci n'était pas déserte comme il l'avait d'abord imaginé. Une jeune femme lui tournait le dos. Ses longs cheveux noirs retombaient sur ses hanches cerclées d'une large ceinture en soie blanche. Elle portait une chemise noire à manche longue et un pantalon large traditionnel chinois également noir. Dans sa main aussi blanche que la neige elle tenait un long sabre dont la lame acéré brillait d'un éclat froid et dangereux. Lavi sourit, décidément, c'était son jour de chance. De dos la jeune femme semblait aussi jolie que Lenalee, en plus sèche certainement. Ses hanches étaient fines et graciles ce qui lui donnait un air aérien. Elle se retourna lentement, ses cheveux ondulèrent doucement en suivant son mouvement, son visage était fin et délicat, de lourds cils noirs ourlaient ses yeux d'obsidiennes. Elle était l'incarnation des délicates estampes japonaises. Mais son regard était froid et glaciale, aussi tranchant que la lame de son sabre. Ils se firent face silencieusement, sans bouger, Lavi cessa même de respirer, complètement chamboulé par cette beauté diaphane. Cependant, il la détesta dés le premier regard, une haine irrationnelle à lui couper le souffle. Il n'était pas du genre à détester les gens sans raison, mais là, à cet instant précis il détestait, la personne qui lui faisait face, et l'autre personne le détestait au moins aussi intensément que lui. Ils se dévisagèrent un très long moment, la jeune fille ouvrit sa jolie bouche, aussi rose que des pétales de cerisier humidifié par la rosée du matin.
« - Tu es nouveau ? Sa voix était sèche et cassante et... étonnamment grave.
Lavi ouvrit et referma plusieurs fois la bouche. Elle était en fait Il, un garçon à la troublante beauté androgyne, mais qui semblait aussi froid que la lame de son épée.
« - Oui je suis nouveau. Répondit froidement Lavi.
Le jeune homme le fixa et se retourna avec indifférence. Il ne lui demanda ni son nom ni d'où il venait. Il se contentant de se retourner et de continuer son entraînement avec la plus totale indifférence. La lame tranchait l'air dans une note aiguë et sifflante qui raisonnait contre les épais murs de pierres.
« - C'est la politesse qui t'étouffe ! Cracha l'apprenti Bookman en traversant la distance qui le séparait du jeune asiatique. Celui ci se retourna vivement. Il ne produisait plus sur le jeune homme la fascination première qui l'avait saisi.
« - Qu'est ce qui te prend le borgne, tu veux perdre l'œil qui te reste ! Trancha-t-il d'une voix méprisante, son accent anglais était abominable, il accentuait terriblement les consonnes et rajoutait des voyelles où il n'y en avait pas. Il parlait avec cet accent japonais, si délicat et qui dans sa bouche sonnait d'une façon si dure.
« - Tu m'emmerde. Continua-t-il. J'essaie de m'entraîner, mais c'est peut etre dur à comprendre face de rat.
« - Tu t'es regardée ! Espèce de taffiole ! Grinça Lavi. Il ne savait pas pourquoi il l'agressait mais il était sûr d'une chose ce gars le dérangeait. C'était comme si il lisait tout au fond de lui et il détestait profondément cette sensation, c'était comme si le regard perçant du japonais le mettait à nu. Déshabillant son âme pour en faire apparaître les détails les plus sombres et les plus laids. Le japonais en question posa très calment la pointe effilée de son sabre sur la gorge du rouquin qui resta de marbre.
« - Ne, m'appelle pas comme ça... Répondit lentement le kendôka en détachant chaque syllabes. Lavi eut un sourire moqueur.
« - Aurais-je tiré sur la corde sensible ? Son œil unique se rétrécit en une simple fente.
« - Tsh ! Je réplique à l'insulte, sale borgne. Je n'ai pas besoin de l'avis d'un clochard dans ton espèce.
Le sang de Lavi ne fit qu'un tour. Faisant fi de la lame acérée qui le menaçait il saisit le col de son vis à vis. Il était plus petit et plus menu que lui, mais semblait plus entraîné et plus apte à se battre que lui même.
« - Retire ta main. Cracha le jeune homme.
« - Retire d'abord ce que ta sale bouche vient de prononcer.
L'asiatique plissa les yeux.
« - C'est pas vrai peut être ?
Lavi senti la rage faire bouillir son sang, il arma son poing et l'envoya dans le délicat visage de son vis à vis qui le bloqua d'une seule main. Il l'agrippa d'un geste souple et attira le Bookman vers lui avant de lui enfoncer son genoux dans l'estomac. Le jeune homme s'écroula en crachant de douleur. Il marmonna quelques insultes avant de se relever. L'adolescent lui faisait toujours face, le regardant avec mépris, sa frange lisse obscurcissant davantage son regard incendiaire. L'apprenti Bookman se releva en chancelant. Il jeta un regard noir au jeune homme et lui envoya un violent coup de pied qu'il bloqua avec le plat de sa lame. Ses yeux froids le transpercèrent comme des dizaines de lames de glaces dures et acérées.
« - Comment tu t'appelles ? Cracha Lavi.
« - Kanda. Je n'ai pas besoin de connaître le tien.
« - Pourquoi ?
« - Je n'ai pas d'intérêt à me rappeler les noms des morts.
« - sale...
Lavi ne termina pas sa phrase le point ridé du vieux Bookman entra en contact avec son visage.
« - Stupide élève ! Je vous prie de m'excuser jeune homme. Finit-il en s'inclinant respectueusement. Kanda le salua et se retourna après un regard dédaigneux à Lavi qui se relevait en pestant contre son grand père. L'épéiste s'en fut sans bruit d'une démarche souple et décidée. Lavi ne l'aimait pas, il ne pouvait pas le blairer, sa seule présence dans la congrégation allait faire de cette expérience un véritable enfer. Quand il fermait les yeux il voyait la silhouette du jeune homme et pouvait entendre ses paroles acerbes. C'était lui Lavi, qui avait commencé les hostilités, mais il se donnait bonne conscience en se disant que les types aussi hautain que ce « Kanda » ne méritait pas mieux qu'un bon coup de point dans la figure.
A suivre.
