Disclaimer: L'univers et les personnages ne m'appartiennent pas.

Résumé: Il pleut. On sonne à la porte. Et accessoirement, il est deux heures et quelques du matin. Après tout, le sommeil c'est pour les faibles qui ne connaissent pas la caféine, tout le monde sait ça.

Bonne lecture !


L'incident du fleuve: les invités surprises

Il pleut. Fort. Style déluge.

Il ne pleuvait pas quand il s'est endormi.

Ce n'est pas l'heure de se lever, pas encore, si ? Il n'a pas l'impression que c'est l'heure de se lever. Mais il est réveillé.

La pluie ne l'a jamais réveillé avant.

Le sommeil est lourd dans sa tête, et il a du mal à décider d'ouvrir les yeux, de voir s'il se passe autre chose que l'eau qui tape sur les volets. La couette chaude l'empêche de réfléchir correctement, et l'oreiller n'est pas à sa place, sous sa tête. Hayato soupire.

Une sonnerie résonne dans l'appartement, trop aigu, trop forte, trop tout.

Ah.

Ça explique le réveil au beau milieu de la nuit.

Il y a une sonnerie longue, puis le silence, un moment, durant lequel le propriétaire du studio manque de se rendormir. La sonnerie revient vite, à coups précipités. On dirait que c'est urgent. Important. C'est peut être une erreur. Le son strident laisse un début de mal de tête à Hayato.

Il repousse la couette réconfortante d'un geste fatigué, et s'assoit sur son lit, les cheveux dans les yeux, et pas la moindre idée d'où s'est encore glissé ce fichu interrupteur, pour la lampe de chevet, au pied de son lit. Il renonce à la lumière, alors que la personne se fait insistante, et martèle la sonnette. Autant enfoncer la porte. Ça ne fera pas moins de vacarme, mais ça durera moins longtemps.

Les pieds nus se traînent sur la moquette gris clair, et une main repousse maladroitement les cheveux de son visage. Hayato a besoin d'un café. Et d'une clope, faute de pouvoir retourner dormir.

Son épaule se prend dans le chambranle de porte, sans avoir la vitesse suffisante pour faire vraiment mal, juste assez pour lui arracher un grognement fatigué. On continue de martyriser le bouton blanc, rectangulaire de la sonnette à la porte de l'appartement, et peut être qu'il ferait bien de commencer par se demander qui a le code de la porte de l'immeuble, avant d'ouvrir sa porte. Quoique ça serait une bonne excuse pour tout défoncer, et invoquer la légitime défense plus tard, quand Tsuna le regarderait avec ses grands yeux étonnés et réprobateurs. La théorie de l'agression pouvait avoir du bon.

Une main sur le mur, Hayato sort du couloir séparant chambre, salle de bains et salon/cuisine. Ses yeux à demi ouverts sont déjà prêts à se refermer, et il est certain de pouvoir ouvrir sa porte à l'aveuglette, trois verrous d'enclenchés à désenclencher ou pas. Mais la prudence exige qu'il vérifie. Surtout à une heure pareille de la nuit.

La prudence pouvait dire tout ce qu'elle voulait, l'envie de dormir et le mal de tête s'amplifiant sontbien trop assourdissant pour qu'Hayato écoute la voix de la prudence. Bien sûr, on ne peut pas dire qu'il l'écoutait vraiment en temps normal. Disons que si le Dixième du nom est là, il prend le temps de prendre en note les suggestions de la partie prudente de son cerveau.

Donc, il fait quelques pas dans l'obscurité totale, une main tendue devant lui pour trouver la porte.

Quand la sonnerie retentit juste à côté de son oreille, il laisse échapper un juron italien sonore, et donne un coup de pied dans la porte, jurant à nouveau quand ses orteils se recroquevillent de douleur. Ça suffit à calmer la personne de l'autre côté, quelle qu'elle soit, et le propriétaire de l'appartement soupire, entre lassitude et colère.

Ses paupières se closent pendant que ses doigts travaillent.

Il se recule juste assez pour ouvrir la porte quand il a fini. Sa main reste sur la poignée pendant qu'il essaie de comprendre ce qu'il a sous les yeux.

La première chose qu'il arrive à penser, c'est que son paillasson est trempé, et que sa moquette ne va pas tarder à l'être. Ensuite, il s'écarte de l'entrée pour laisser passer ses deux invités surprises. Il pense à refermer sa bouche entrouverte, et réussit à effacer son expression surprise, pour retrouver un visage froid et presque antipathique. Les prunelles vertes à peines visibles sont plutôt hostiles, cachant de leur mieux la confusion d'Hayato.

"Tu pourrais venir m'aider."

"Tu pourrais m'expliquer ce que tu fais ici avec lui."

"Hayato."

La voix de Bianchi est fatiguée.

Le propriétaire de l'appartement soupire encore, penche sa tête en arrière. Une de ses mains frotte son visage un instant, avant de passer dans ses cheveux, les repoussant en arrière.

"Soit tu m'expliques ce que tu fais ici avec ce bâtard, soit tu t'en vas. Rapidement, de préférence. Certains d'entre nous dorment, la nuit."

Derrière les lunettes de soleil orangées, les yeux de la même nuance que ceux d'Hayato foncent avec la colère. Le pli sec de sa bouche indique clairement que la jeune femme attendait un peu plus de sympathie. Elle aussi, elle a des heures de sommeil en retard, mais le menton en avant, et la tête droite, elle refuse de laisser transparaître quoi que ce soit. Ni une quelconque gêne d'arriver chez son petit frère en pleine nuit, en traînant un adolescent pas vraiment conscient, ni le besoin qu'elle a actuellement d'obtenir un peu d'aide de la part du dit petit frère.

Demi frère.

Demi petit frère.

Si Bianchi est trempée, et que ses cheveux gouttent et trempent la moquette, comme l'avait prédit Hayato, son fardeau pourrait tout aussi bien sortir d'une piscine.

Bien qu'Hayato ne voit pas ce que Hibari irait faire dans une piscine à une heure pareille.

"Donc ?"

"S'il te plaît, Hayato."

Cette fois-ci, sous l'agacement, la fatigue est clairement audible. La jeune femme a froid, probablement à cause de ses vêtements trempés, qui collent à sa peau. Hibari est complètement inerte, et sans le bras de la plus vieille qui passe sous ses épaules, il ne tiendrait probablement pas sur ses deux jambes. Et il dégouline. Ça tourne à l'inondation.

"Okay. Okay, pose le - Non, ne le pose pas, attends, je vais chercher une serviette."

Ou une dizaine de serviettes, s'il veut être un peu efficace et éviter la noyade à son canapé. Le néon de la salle de bains est trop blanc, trop lumineux, et le carrelage blanc aussi renvoie trop de lumière. Le placard est heureusement rempli d'une pile de serviettes blanches, en éponge. Il y a même un drap de bain, et Hayato ne peut que se féliciter de ne pas avoir de retard en lessive.

Il est tenté de se passer de l'eau sur le visage, mais autant ne pas trop faire attendre Bianchi. Sa sœur n'est pas quelqu'un de patient, et Hibari doit commencer à se faire lourd. Hibari.

Pourquoi, comment, mais que se passe t'il.

Pas précisément dans cet ordre, mais Hayato aimerait quelques réponses. Entre un café et une clope, si c'est faisable.

Il revient dans la pièce principale de son appartement, et étend rapidement le drap de bain sur le canapé. Un regard appuyé le convainc de saisir l'épaule et le bras droit d'Hibari pour aider à l'allonger. Honnêtement, il le lâche au dessus du canapé sans plus de précautions, mais il est tard. Tôt. Tard. Enfin, il fait nuit.

Bianchi s'éloigne d'un pas, tamponne mécaniquement son visage, et son cou, avec l'une des serviettes blanches déposées en pile à côté du sofa, et Hayato la fixe à nouveau, les bras croisés sur le tee shirt large qui lui sert de haut de pyjama.

"Je l'ai trouvé dans la rue. Pas loin d'ici."

C'est sûr, dans la rue ? Pas au milieu du fleuve qui traverse la ville ? L'adolescent a envie de grimacer en constatant que le drap de bain atteint ses limites, et que l'eau attaque déjà le tissu du canapé. Il observe un instant le visage pale, et la chevelure noire désordonnée, une mèche venant se perdre en travers des lèvres pâles, presque décolorées du Gardien des Nuages. Hibari.

Hayato détourne les yeux, rapidement, pour se concentrer à nouveau sur sa sœur. Elle n'a pas son allure habituelle, fière et décontractée. Il ouvre la bouche, la referme.

Le haut de Bianchi est collé à sa peau, et on devine les coutures et broderies d'un soutien gorge. Pas l'image qu'Hayato aime avoir d'elle, honnêtement. Et elle continue d'avoir l'air frigorifiée.

"Tu peux utiliser la douche."

Les mots sont étranges, dans sa bouche. Ce n'est pas le genre de phrase qu'il avait jamais imaginé dire à Bianchi. Oui, pourtant, ça semble être la seule chose à dire, puisqu'elle se tait, et au moins, elle arrêtera peut être de frissonner. Sans même parler des vêtements trempés qui tentent de se décharger de leur eau sur la moquette, ou de la chevelure plus rose que rouge d'ordinaire, qui a une teinte presque violette, et qui pend lamentablement.

Pendant un instant, une expression surprise se peint sur le visage de la jeune femme, qui sourit un peu. Hayato retient son souffle, prie pour que surtout elle ne le remercie pas. Il ne veut pas entendre ça. Elle ramasse plusieurs serviettes, un nombre totalement indécent, même en prenant en compte ses longs cheveux, d'après Hayato. Et à coup sûr, il n'aura plus de shampoing avant demain.

Bien.

Non, pas bien du tout.

Il y a Hibari qui dégouline sur son canapé, et Bianchi qui essaie de vider le ballon d'eau chaude de l'immeuble dans sa salle de bains, et Hayato ne sait même pas comment la situation en est arrivée là. Faire quelque chose pour sauver son canapé, ou faire du café pour sauver sa santé mentale ...

Il soupire encore, et va allumer la cafetière en traînant des pieds. C'est un vieux modèle, et il installe filtre et café moulu dans le compartiment prévu, vérifie qu'il y a de l'eau dans le réservoir, maudit le carrelage de cuisine, froid sous ses pieds. Pieds qui étaient pelotonnés au chaud sous la couette il y a moins d'une heure. La vie est cruelle.

Il contourne de nouveau le comptoir qui fait office de séparation entre l'espace cuisine, et l'espace salon/salle à manger/bureau occasionnel. Là où repose son second problème, après le café. Hibari. Et sa veste noire dégoulinante, et tâchée de boue. C'est peut être bien de la vase. La présence de vase confirmerait la théorie du fleuve. Le tissu noir est endommagé au niveau des coudes, comme si le propriétaire de la veste s'était traîné. Ce qui ne ressemble pas du tout à Hibari, mais s'il essayait de sortir du fleuve, ça pouvait encore s'expliquer.

Un tremblement agite l'adolescent inconscient, et Hayato avance d'un pas. S'il laissait Hibari tremper son canapé en attrapant la crève, ça le perturberait. Bien qu'Hibari attrapant la crève ne soit pas son problème. Son problème, c'est que de le voir trembler inconscient sur son canapé. Hibari est un enfoiré, certes, mais certainement pas quelqu'un de faible. En temps normal, une feuille morte qui tombe suffit à réveiller l'adolescent. Une feuille morte. Là, que ce soit les coups de sonnette répétés de Bianchi, la pseudo discussion qui a suivi, ou quand Hayato a aidé à le mettre sur le canapé, il n'a pas montré le moindre signe de réveil.

Tout ça est perturbant. Dérangeant. Hayato se sent dérangé. Mais c'est peut -être lié au fait qu'on est toujours au beau milieu de la nuit.

Le vêtement noir est spongieux au toucher. Et froid. Très désagréable. Mais le café commence seulement à couler dans la carafe, et Bianchi en a pour un moment dans la salle de bains. Le chef du comité de discipline n'est pas coopératif, dans son état de poupée de son. C'est bien de lui.

Encore un soupir, mais la veste atterrit en tas froissé sur la moquette, là où Bianchi se tenait. Hibari frissonne plus fort qu'avant. Sa chemise blanche est trempée aussi, bien sûr. Transparente puisque trempée...

Les chaussures d'abord, à tout prendre.

Les chaussettes aussi, sont trempées.

Il a des chevilles fines. Comme celles d'une fille.

Les doigts d'Hayato caresse brièvement la peau, en retirant les chaussettes. Ensuite, le jeune gardien de la Tempête jette un regard vers la cafetière, et s'installe à genoux, à hauteur du torse d'Hibari. Il défait les boutons de la chemise, avec méthode, rapidement.

Il rougit en dégageant les pans de la chemise. Il a envie de s'énerver.

Il a besoin d'une clope.

A la lumière jaune des vieilles appliques de l'appartement, la peau blême luit, couverte d'eau. Elle attire le regard vert malgré lui. Clope. Plus tard.

Hayato glisse une main entre la chemise et le dos d'Hibari, et le redresse jusqu'à ce qu'il soit en position semi assise sur le canapé, reposant totalement contre Hayato. Il se sert de son autre main pour dégager les épaules du tissu blanc trempé, puis tire en arrière. Les manches glissent de la peau avec un bruit mouillé feutré. Il faut dégager les poignets, un à un, et la chemise rejoint la veste. Hayato n'a plus d'excuse pour détourner les yeux.

Il a Hibari, quasiment entre ses bras, la tête en arrière dévoilant une gorge blanche, absolument parfaite. Des bleus et des traces de coups marbrent son torse. Donc, le gardien des nuages n'est pas intouchable. Parfois, on peut presque en douter. Il n'y a rien de vraiment inquiétant, du point de vue d'Hayato. Disons, rien de vraiment dangereux. Douloureux, oui, sans doute, quand on voit l'énorme bleu presque noir sur l'une des côtes, par exemple. Le propriétaire de l'appartement n'oppose aucune résistance au sourire cynique qui tord sa bouche.

Pour un peu, on dirait que Hibari a goûté à ses propres tonfas.

Les frissons se transforment en tremblements et dérangent Hayato, qui laisse Hibari glisser de son bras, sur le canapé. Il ramasse une serviette, et se fige, le tissu éponge à quelques centimètres de la peau mouillée. L'épreuve du feu, c'est maintenant. Il retient un ricanement nerveux. Est ce qu'il est censé prier pour que Hibari ne se réveille surtout pas maintenant, ou pour que Hibari se réveille, et qu'il ait une bonne raison d'exploser, et de le mettre dehors ?

Il tamponne délicatement, effleurant les bleus sans insister. La serviette passe par les bras, les épaules, le cou, et le torse, descendant sur la taille, les flancs, et le ventre plat. Un enième soupir retentit ensuite. Non, là, juste non. La situation ne prête pas à confusion. Il n'est pas une heure impossible de la nuit, et Hayato n'est pas en train de déshabiller un Hibari évanoui sur son canapé, dans son appartement.

Dit comme ça, ça prête effectivement à confusion.

Quel bordel.

Il n'aurait jamais du ouvrir sa porte.

Demain, il achète des boules quies. En fait, vu l'heure, aujourd'hui, il achète des boules quies. Et la foutue sonnette pourra toujours s'égosiller, et réveiller l'immeuble.

Donc, le pantalon noir, retenu par une ceinture en cuir noir, ordinaire et discrète.

Hayato est certes d'un naturel relativement curieux, cynique, caractériel, mais curieux, néanmoins il ne tient pas à savoir ce que porte Hibari sous ses pantalons, et la couleur dudit sous vêtement -et Hibari a tout intérêt à porter quelque chose sous son pantalon, sinon, Hayato ne répond plus de rien. Café, et clope. Oui, c'est très bien ça.

Le café est arrivé au deux tiers de la carafe, d'ailleurs.

Hibari a des hanches plus étroites que les siennes.

Humph.

Et heureusement pour la santé mentale de tout le monde, il porte des boxers noirs, à bande élastique noire.

Hayato sèche rapidement les jambes nues devant lui, en essayant de ne pas trop regarder. A noter la confirmation du commentaire de tout à l'heure sur les chevilles. Ce qui est absolument stupide à remarquer, sans doute. Il y a quelque part une couverture en polaire qui sert à chaque fois que le propriétaire des lieux décide de travailler sur ses recherches, ou sur un problème en physique, jusque tard dans la nuit; Hayato ayant bien souvent ensuite la flemme de se trainer jusqu'à sa chambre. Quelque part étant sur une des deux chaises du bar.

Hibari recouvert de ladite couverture grise en polaire, Hayato constate que l'eau a arrêté de couler dans la salle de bains. Il passe une main dans ses cheveux, et sort une casserole d'un placard, puis du lait, de la farine, du sucre, et du chocolat.

Quelques minutes plus tard, une odeur de chocolat se répand agréablement dans la pièce, et il a enfin réussi à trouver le bon moment pour se verser une large tasse de café, qu'il tient d'une main. De l'autre main, il mélange énergiquement le contenu de la petite casserole, à l'origine de l'odeur de chocolat.

Une ou deux minutes après, il éteint le feu, et arrête pour ainsi dire de remuer. Il boit son café par petites gorgées, et jette des coups d'œil réguliers à la personne qui occupe son canapé. Bianchi entre dans la pièce en silence. Elle lui a emprunté un jean, un peu trop grand pour lui, mais à la bonne taille pour elle, et un tee shirt marron et noir. Une serviette sur les épaules, elle s'installe sur un des tabourets du bar.

Elle a meilleure mine, mais la fatigue est toujours là.

Son visage est plus doux, sans maquillage, et les lunettes de soleil lui donne un air plus étrange encore que d'ordinaire. Même si Hayato lui préfère un air étrange, à tout prendre. Être pris de crampes d'estomac entre une et sept heures du matin ne devrait pas être permis.

"Tu as fait du café."

Hayato hausse un sourcil, et fait non de la tête, avant d'indiquer sa casserole du menton.

"Je me suis fait du café. Pas pour toi."

Bianchi a l'air surprise, et s'immobilise, les mains autour de la serviette, qui prend en sandwich une bonne partie de ses longs cheveux rouge-rose. Ses yeux suivent chacun des mouvements de son frère par automatisme. Il attrape un mug particulièrement grand, avec une anse bleue, et y verse les trois quarts du contenu de la casserole. Le mug fumant est déposé sur le comptoir. Hayato vérifie que la plaque sous la casserole est bien éteinte, avant de s'asseoir sur un comptoir, à côté du frigo, faisant face à Bianchi.

Sa tasse de café est encore à moitié pleine, et il a de quoi la remplir à nouveau, si besoin est. Ne manque que la cigarette, mais fumer dans la même pièce que sa sœur et Hibari, même si celui ci n'est pas conscient, ne semble pas une bonne idée.

"Donc ?"

"Donc rien. Je l'ai trouvé dans une rue, ton sappartement était tout près. Il tombait des cordes, je n'allais pas le laisser dehors."

"Pourquoi ?"

Bianchi le regarde, comme s'il était stupide.

Elle avale lentement une gorgée de chocolat chaud, sans le quitter des yeux. Ses mains se sont enroulées autour de la tasse, et peut être qu'elle a encore froid.

"C'est un des Gardiens de Tsunayoshi."

Ce qui explique tout, évidemment.

"Justement, il n'est pas en sucre. Il n'allait pas fondre. Puisqu'on parle de ça, elle était de quelle côté, ta rue ? Parce que vous avez ruiné mon paillasson. Surtout lui."

"Arrête ça tout de suite, Hayato. Et avant que tu demandes, non, je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Je viens de te le dire, je l'ai trouvé dans la rue. Sur le bas côté, sur la rive du fleuve."

AHA ! Il le savait ! Il avait raison ! Il a toujours raison ! Son esprit de déduction est absolument parfait !

"Et ne souris pas comme ça, c'est perturbant."

"Un petit merci, c'est trop demandé ?"

"..."

Le retour du regard 'ma-parole-Hayato, pense-avant-de-parler'.

Ô joie.

Donc, voyons voir, énigme suivante. Comment Hibari s'est il retrouvé assommé ? Restons dans les hypothèses crédibles. Avec une pluie pareille, les rives du fleuve doivent être couvertes de boue, alors en admettant qu'il soit tombé dans le fleuve, il a du glisser, après être sorti de l'eau, et sa tête a cogné quelque chose. Mauvaise hypothèse. Autant les divers bleus et autres traces de coup ne sont pas vraiment inquiétants, les blessures à la tête sont une autre histoire.

"Il faut appeler un médecin ?"

"Aucune idée".

Dit elle en sirotant sa boisson chaude, les jambes croisées, les coudes sur le bar, le dos droit, l'image même de la dignité. Elle était presque plus sympathique tout à l'heure, trempée et frigorifiée. Mais voir Bianchi dans cet état était perturbant. Presque autant que de la voir maintenant dans des vêtements à lui.

Hayato pose sa tasse de café vide.

Il se sent presque réveillé.

Il descend du comptoir, s'étire, et retourne près du canapé.

"Rappelle moi ce qui t'a fait pensé que c'était une bonne idée de le traîner ici avec toi ?"

"C'est un Gardien Vongola. Tu es un Gardien Vongola. Je ne vois pas l'intérêt de passer toute la nuit à l'hôpital, il n'a pas l'air d'être en train d'agoniser. Mais je peux arranger ça, si tu y tiens."

...

Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi Hayato ne s'entend pas avec sa sœur, et ne s'entendra jamais avec sa soeur. Voilà pourquoi.

Franchement.

Et ce 'toute la nuit' est sérieusement surestimé, la nuit étant déjà bien entamée.

Il jette un regard noir à Bianchi, refusant d'admettre que ce qu'elle vient de dire est aussi proche de 'je te fais confiance pour gérer cette situation, sois heureux de mon estime pour toi' que possible.

Allons bon.

Hayato prend l'air hostile, pour la forme, mais glisse gentiment ses doigts dans la masse mouillée des cheveux noirs. Il cherche une bosse, ou les bords d'une coupure. Quelque chose qui expliquerait l'état actuel d'Hibari. Il y a quelques nœuds, et les doigts ne forcent pas, les esquivant pour continuer leur recherche. Jusqu'à ce qu'ils rencontrent une sorte de croûte, qui colle les cheveux au crâne, sur une bosse peu remarquable, dure au toucher. Ce n'est pas d'une taille suffisante pour craindre quoi que ce soit, mais certainement suffisante pour expliquer l'inconscience d'Hibari.

Les doigts continuent de chercher un moment, mais plus relaxés, cette fois ci. Quand il ne trouve rien d'autre, Hayato retire ses mains, prenant soin de ne tirer sur aucune mèche, ce faisant. Il ne manquerait plus que Hibari se réveille. La nuit est assez chaotique comme cela, merci.

"Alors ?"

Maintenant, elle ne souhaite plus l'achever ? Trop aimable.

Hayato ne tourne pas la tête pour lui répondre, et observe le visage pâle mais détendu sous ses yeux.

"Juste une bosse. Il survivra. Où sont ses tonfas ?"

"Je les ai posés dans le couloir."

"..."

"Il me fallait une main libre pour sonner, Hayato."

Quand il devient évident que Bianchi n'a rien à ajouter, et qu'elle n'ira pas chercher les deux armes, Hayato lève les yeux au ciel, jure entre ses dents après les grandes sœurs qui débarquent dans votre appartement avec un bâtard inconscient sur les bras. Mais il se relève, et part chercher les tonfas.

Peut être qu'il devrait les ranger quelque part hors de portée d'Hibari. Il n'y aurait qu'à dire que Bianchi ne les avait pas amenés avec lui. C'est bien, ça, comme excuse. Les deux objets de métal sont bien là, juste à côté du paillasson. Ils sont glacés, et Hayato a un vague sentiment de malaise en les ramassant. Les tonfas d'Hibari ne sont pas censés être tenus par quelqu'un d'autre. C'est perturbant.

La petite voix qui répète qu'avoir Hibari dans son appartement est du délire absolu, et relève de l'hallucination prouve bien qu'Hayato n'a pas encore avalé assez de café. Et qu'il a besoin de nicotine. Avant d'exploser quoi que ce soit, si possible. Cet appartement lui va très bien, et il ne tient pas à devoir en chercher un autre.

Il referme la porte, et se retourne pour retenir un sursaut. Bianchi est là, les bras croisés, les lèvres pincées.

"Il faut que je rentre maintenant. Je compte sur vous deux pour ne pas vous entretuer. Reborn serait déçu, et tout ce qui déçoit Reborn mérite d'être puni, par la force de l'Amour."

"Pour le moment, je ne l'ai pas encore tué."

Il n'est pas celui qui a amené un Hibari inconscient ici, pour commencer. Bianchi pourrait prendre ses responsabilités, cette fois. Elle n'en fera rien, et Hayato le sait. Dès qu'elle aura franchi la porte, Hibari deviendra sa responsabilité jusqu'à ce qu'il se réveille. Après quoi, sans doute qu'Hayato sera très occupé à ne rien exploser et survivre.

Bianchi hoche la tête, et elle a presque un air approbateur, sous la fatigue et la fausse décontraction de son visage.

Hayato attrape une vieille paire de tennis, dans le meuble de rangement à sa droite, et les tend à Bianchi, qui s'apprêtait à remettre ses talons hauts encore bien humides.

"Attends, je dois avoir un parapluie par ici."

Une fois prête, chaussée de chaussures sèches et confortables, et armée d'un parapluie bleu sombre prêt à être déployé, elle reste immobile. Ses yeux verts observent le visage de son petit frère.

Hayato fait passer son poids d'un pied sur l'autre, nerveusement, repousse une mèche de cheveux argentés derrière son oreille. Il a les mots d'une recommandation quelconque sur le bout de la langue, mais il ne dit rien. C'est Bianchi, qui est là, après tout. Bianchi n'a pas besoin de recommandation de prudence, surtout de sa part. Et ce n'est pas son genre d'en donner, à part au Dixième du Nom. Mais le Dixième du Nom est capable d'être terriblement maladroit et malchanceux.

... Urgent besoin de café. Et d'une clope. Ou de tout le paquet.

"Ton chocolat chaud a toujours le goût de l'Italie."

Les yeux d'Hayato s'écarquillent, et il oublie de respirer pendant quelques secondes. Il a la tête vide, et n'arrive pas à trouver une réponse. Ça n'a pas d'importance, parce que Bianchi est déjà partie, en refermant doucement la porte derrière elle, avec le bruit du déluge, qui l'attend dehors.

Il tient sa recette de leur mère. Enfin, celle de Bianchi.

C'est étrange, comme certaines choses ne changent pas.

Il lui faut un moment avant de bouger, et de se rappeler de l'invité involontaire qu'il a sur son canapé. Hibari frissonne toujours. Sa respiration semble régulière, et il n'a pas l'air d'être plus proche du réveil que lors de son arrivée. Peut-être que ça serait une bonne idée, qu'il ne se réveille pas déshabillé dans un endroit qu'il ne connaît pas. Hayato n'est plus à ça près. Autant mettre toutes les chances de survie de son côté. Après ça, une autre tasse de café, et une cigarette, promis cette fois-ci. Parce qu'il est absolument hors de question qu'il dorme tant que Hibari est là.

Enfiler un sweat à Hibari n'est pas aussi compliqué que ce qu'il craignait. Certes, Hibari est aussi détendu qu'une poupée de son, et à peu près aussi coopératif. Les manches passées, et c'est un jeu d'enfant. Le tissu doublé de polaire avale le torse, avec ses bleus. Un soulagement teinté d'un soupçon de regret envahit Hayato, et il essaie en vain de ne pas faire attention aux jambes pâles sur lesquelles il fait glisser un pantalon de sport noir. Il s'empresse de replacer la couverture ensuite, et constate que les frissons diminuent.

Bien.

C'est l'heure de prendre une deuxième tasse de café noir bien tassé.

Le liquide amer lui brûle la langue.

Il ramasse le cendrier sur le bureau, et l'installe sur le comptoir du bar. Il sélectionne un livre dans la pile de bazar organisé qui encombre le bureau. Sa tasse de café est encore à demi pleine, la cafetière est à portée de main, et il ne manque que son paquet de cigarette.

Une fouille systématique des poches de sa veste d'uniforme plus tard, Hayato s'installe sur un des deux tabourets hauts, et aspire avec soulagement la nicotine tant désirée. Un coup d'œil à Hibari lui apprend que le préfet ne tremble plus du tout. Hayato se plonge dans son livre sans attendre, cigarette posée sur le cendrier.

Quand l'aube vient, la carafe de café est presque vide, et le liquide restant est froid. Le cendrier s'est agrémenté de quelques mégots supplémentaires, et Hayato griffonne fiévreusement, entouré de livres et de dossiers. Les tonfas sont posés à la tête du canapé, par terre. Hibari est toujours inconscient, et n'a pas bougé le petit doigt.

Il faut attendre dix heures avant que la situation n'évolue.


Merci d'avoir pris le temps de lire ! Prochain chapitre dans une semaine normalement ...