Turn 01 ~ L'homme derrière le masque

La foule criait, la foule hurlait, mais lui n'entendait qu'un seul son celui d'un cœur qui bat. Il le sentait au travers de l'épée fichée dans le corps face à lui. Il le sentait également grâce à leur proximité. Pourquoi avait-il fait cela déjà ? Parce qu'il y avait été contraint, parce qu'il lui avait demandé.

Il reprit soudain conscience lorsqu'une main se posa sur son masque, laissant une marque ensanglantée sur le verre teinté. Il entendit vaguement son nom être prononcé par la personne face à lui, étouffé par le bruit de la foule qui continuait de l'acclamer.

« Zero ! Zero ! Zero ! »

Il n'était pas Zero. Il était simplement un meurtrier qui avait planté une épée dans le ventre de son meilleur ami. Il n'était également personne. Il était « mort » quelque temps avant, lors d'une bataille contre les Chevaliers Noirs, à bord de son Knighmare le Lancelot.

Il pleurait. Silencieusement certes, mais il pleurait. Ses larmes étaient cachées par son masque, qui cachait de même la honte et la tristesse qui l'accablaient. Son corps avait bougé tout seul lorsqu'il avait planté l'Empereur, se refusant à le tuer avec son âme. Il vivrait avec ce fardeau pour le reste de sa vie.

Essayant de chasser ses pensées, il retira la longue épée du corps bientôt sans vie de l'homme face à lui et chassa le sang de l'arme, éclaboussant les pieds du trône sur lequel était l'Empereur était assis quelques instants plus tôt. Quand à lui, l'Empereur s'effondra sur le sol, glissant sur le promontoire où se trouvait son siège, pour atterrir aux pieds d'une prisonnière.

Ses longs cheveux bruns ondulés cachèrent son visage à la foule lorsque le corps arrêta sa glissade. Elle écarquilla ses grands yeux bleus violacés, se refusant à accepter la réalité qui venait de se jouer devant elle. Elle prit alors tendrement la main de l'homme à ses pieds et la porta à son visage. L'homme la regardait mais sa vision se faisait trouble.

- Ce n'est pas possible ! Pendant tout ce temps tu as… Grand frère, je t'aime ! s'écria la prisonnière

- Oui… J'ai… détruit… ce monde… pour en créer… un nouveau…, répondit-il, le sourire aux lèvres.

La prisonnière criait à son frère d'ouvrir les yeux, de résister et sur ces paroles, il relâcha son dernier souffle et ferma définitivement les yeux.

Une femme aux cheveux violets hurla que « le démon Lelouch était mort » et toute la foule se mit à courir, les gardes impériaux libérant les prisonniers qui devaient être exécutés le jour même.

Il regardait la scène qui se déroulait un peu plus bas, son masque cachant ses émotions. Il continuait de pleurer, regrettant amèrement son geste. L'idée de le voir mourir lui était insupportable. Il voulait de nouveau entendre sa douce voix, de nouveau lui parler et de nouveau revoir ses yeux d'un violet si étonnant.

C'est à cet instant que lui vint cette idée. Une idée totalement folle mais qui pourrait peut-être marcher. « Zero » jeta alors l'épée ensanglantée et sauta pour atterrir près du corps de l'Empereur. Il le prit dans ses bras et regarda la prisonnière. Malgré le masque du justicier, la petite princesse crut apercevoir son regard.

- Nunally, souffla-t-il.

Elle écarquilla de nouveau les yeux. Elle l'avait reconnu et instantanément elle avait compris. Elle regarda l'homme masqué prendre son frère tyrannique et partir de la même façon qu'il était arrivé, sans se faire remarquer et d'on ne sait où, profitant de la débandade de la foule. Les prisonniers furent libérés et le trône de l'Empereur déchu fut détruit.

Zero retrouva son Knightmare et s'envola, toujours le corps inerte dans ses bras celui-ci devenait de plu en plus froid et de plus en plus blanc.

Après de longues minutes de vol, le Knightmare se posa dans un entrepôt désaffecté. Zero descendit de la machine en se débarrassant enfin de son masque, s'empressa d'allonger son fardeau et courut chercher de quoi le soigner, enfin essayer, dans l'armure volante. Il n'y trouva qu'une trousse de premiers secours, ne contenant que quelques compresses, des bandes, du désinfectant et autres petites bricoles qui ne lui seraient d'aucune utilité pour le moment. Il retourna ensuite rapidement près du corps inerte et le déshabilla.

Le costume blanc était taché de rouge, une large plaie déchirant le corps de l'Empereur. Zero se maudissait d'avoir fait cela, il le regrettait encore. Tant bien que mal, il essaya de soigner la plaie, qui cicatrisant, laisserait une marque afin de toujours lui rappeler son geste. Une larme roula de nouveau sur sa joue et s'écrasa sur le pansement de l'Empereur.

« Pourvu qu'il survive », se répétait-il.

Terminant de bander la plaie, Zero se laissa finalement aller à sa peine et pleura toutes les larmes qu'il ne pouvait garder pour lui, se frappant mentalement pour lui avoir planté cette épée, pour l'avoir tué, mais au fond il espérait de tout son cœur.

Il ne remarqua même pas la présence derrière lui, se foutant bien de mourir s'il était attaqué ou bien d'être arrêté s'il était reconnu vu ce qu'il venait de faire…

- Suzaku…

Le dit Suzaku ne fit pas attention qu'on l'appellait.

- Arrête de pleurer Suzaku.

Celui-ci releva la tête, regardant de ses yeux embués la personne qui avait prononcé son nom. Il la regarda un instant. Elle semblait apporter de la lumière dans cet entrepôt où il ne régnait que la mort et une tristesse amère.

- C.C…., articula-t-il tant bien que mal, la gorge serrée par ses sanglots.

- Arrête de te lamenter, lui répondit-elle C'est ce qu'il voulait et il en était conscient.

Elle avait dit ça d'un ton calme mais ferme. Suzaku sécha alors ses larmes et se releva C.C. vint se mettre à côté de lui.

- Je ne voulais pas… et il m'y a obligé. Il savait que je ne voulais et pourtant… Je déteste le Geass, lâcha le jeune homme, tout en regardant le corps de son ami allongé sur le sol.

- Il ne survivra pas s'il reste ainsi, expliqua la jeune femme comme si elle changeait de sujet. Tu devrais l'emmener ailleurs.

- Et où ça ? Zero vient de tuer le tyrannique Empereur de Britannia devant le monde entier ! Suzaku était maintenant en colère, se retenant de ne pas exploser devant la femme.

- Il va mourir si je le transporte encore, il a perdu trop de sang.

C.C. ne répondit pas. A la place, elle se pencha sur le corps sans vie du blessé et posa son front sur le sien. Soudain, une étrange lumière se dégagea de son corps et la marque du Geass qu'elle portait se révéla à Suzaku. Et comme pour répondre à cette lumière éclatante, l'œil gauche de l'homme allongé se mit lui aussi à resplendir et s'ouvrit, révélant lui aussi le sceau du Geass.

Suzaku regardait la scène sans rien dire, ni même penser. De ces deux lumières, une sensation de chaleur semblait se dégager et petit à petit, les lumières s'estompèrent et l'entrepôt désaffecté redevint l'endroit désolé qu'il était.

C.C. se releva et regarda Suzaku de ses yeux verts énigmatiques.

- Il vivra. Il doit vivre, affirma alors celle-ci.

Suzaku ne répondit rien, espérant qu'elle aurait raison. Et finalement, après plusieurs secondes de silence, il lâcha enfin :

« Lelouch… »


A suivre,

Et merci d'avoir lu :)