29 Mai 2000

18:00

Gare de Paddington, Londres

La gare est remplie de monde, des parents avec leurs enfants indisciplinés qui courent de partout; une femme grande, coiffée d'un chapeau blanc large et distingué; un couple âgé, se tenant la main et marchant lentement à travers la foule; à l'inverse, deux jeunes qui marchent hâtivement.

Et au milieu de toutes ces personnes, en contre jour du soleil qui se couche, se tient une femme:
Brune, les cheveux relevés en un élégant chignon, elle porte une chemise blanche, les manches retroussées, un pantalon de cuir noir accompagné d'escarpins en velours noir également.

La femme en question fixe de ses grands yeux marrons un homme:

Blond platine, il est habillé d'un jean noir, pull gris et d'une paire de basket blanche.

Il fixe lui aussi la jeune femme de ses yeux gris.

Le bruit et l'agitation autour d'eux ne semble pas les déranger.

Ils se tiennent à 2 mètres l'un de l'autre sans se parler.

La femme est surprise, puis l'incompréhension se lit sur son visage avant d'être remplacé par la nostalgie.

Pour l'homme c'est lui aussi la surprise qui se lit en premier, puis la tristesse et enfin la détresse.

Ces deux personnes sont les seules ombres sur le tableau ordinaire qu'on peut voir dans une gare.

Ils ne sont ni pressés, ni en pleurs face à un être cher qui part, ou excités de découvrir une nouvelle ville, ou encore totalement perdus et essayant de retrouver leur chemin.

Non.

Ils sont tous les deux plongés dans leur monde, en proie à un dilemme interne qu'eux seuls peuvent comprendre.

Qu'eux seuls peuvent résoudre.

Ils ne se lâchent pas du regard et continuent à se regarder gravement.

Puis au bout d'une éternité, la femme se décide enfin à détourner son regard de l'homme.

Elle baisse la tête et ferme ses yeux, un instant.

C'est ce qui décide l'homme à amorcer un mouvement.

Il marche d'un pas rapide et décidé vers la femme.

Elle remonte la tête affolée.

Enfin l'homme, l'attrape par la nuque et pose ses lèvres sur la bouche de la jeune femme.

Puis, le temps s'arrête autour d'eux.

Il n'y a plus personne dans la gare, ils sont seuls dans leur univers.

Il n'y a plus qu'eux.

Le soleil a quasiment disparu et on ne voit plus que l'ombre d'une seule et même personne perdu derrière les derniers rayons de soleil de ce chaud mois de mai.