Drago flânait au milieu des couloirs, comme une âme vagabonde, un esprit égaré cherchant son chemin. Il savait qu'il ne le trouverait pas, il avait beau essayer, il n'arrivait jamais à être éclairé dans cette nuit si sombre qu'était sa vie.
Il monta au cinquième étage, son instinct le guidant à travers le grand château, d'un pas léger et silencieux. Il n'était plus qu'une ombre dans la nuit. Il passa devant le mur qu'il reconnut comme l'entrée de la salle sur demande et entreprit de marcher trois fois devant pour pouvoir y entrer. Il pensa alors à l'un de ses souhaits les plus forts et ne fut pas surpris de remarquer qu'il s'agissait de la liberté. Parce que oui, Drago Malefoy voulait être libre. Il aurait voulu pouvoir éviter de se faire marquer, mais comment en portant le nom de Malefoy, pouvait-on espérer cela ? Il n'avait pas eu le choix, il n'avait pas voulu cela. Il n'avait pas choisi de devoir tuer Dumbledore, ce qu'il n'avait pas fait. Certain avait dit qu'il avait été lâche, et il avait été puni pour cela, mais en vérité, les paroles du grand sorcier l'avaient bouleversées. Parce qu'il avait eu raison, Drago ne voulait pas tuer, Drago voulait autre chose, il aurait souhaité ne pas être un Sang-Pur, et être rien qu'un instant insignifiant.
On ne se rendait pas compte combien il était dur d'être d'une grande famille de Sang-Pur. On avait des obligations, des codes, un honneur à respecter. On ne peut pas tout faire, tout dire, on n'est condamné enfant à une vie sans amour, sans bonheur, on ne choisit pas sa vie, pas ses amis, pas son futur, notre destin est déjà tout tracé bien avant que l'on sache parler. Et on ne peut rien n'y faire.
La porte apparut devant lui, grande et impressionnante et il la poussa doucement. Il pénétra alors dans la pièce et y découvrit un majestueux piano à queue qui y trônait. Voilà qu'elle était sa liberté de quelques minutes, le piano. Drago avait toujours adoré le piano, celui lui permettait de s'évader, d'exprimer les émotions, les sentiments dont il ne pouvait pas faire part autrement, son mal être par exemple ou même sa peur, son angoisse. Il se dirigea lentement vers l'objet de sa délivrance et s'assit avec précaution sur le tabouret qui lui faisait face. Il posa ensuite délicatement ses doigts sur le clavier et caressa chaque note avec la plus grande religiosité. Il souffla lentement et s'imagina jouer un moment. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas joué du piano, son père trouvait cela bien trop peu viril et digne d'un homme Malefoy. C'est sa mère qui l'avait poussé à faire du piano quand il était petit, il lui avait répondu qu'un homme n'était pas sensible et que cela n'était fait que pour les personnes sentimentales. Mais pour lui faire plaisir et lui montrer que cela ne lui faisait rien il avait pris un premier cours et même avant d'avoir fait sonner la première note, il sut que cela ferait à jamais parti de lui. Et aujourd'hui encore il ressentait cela, ce besoin qu'il le prenait tout entier.
Il mit alors ses mains en place et entama le morceau d'un premier accord. Tout lui revenait avec une facilité déconcertante, il n'avait même pas besoin de réfléchir, il jouait simplement. Les notes, les nuances et le rythme du morceau, tout cela n'avait pas d'importance, cela lui venait ainsi comme si la mélodie était en lui. Et tout, tout ressortait et cela le soulageait à un point que même lui ne pouvait imaginer. Il se laissa emporter par la musique et s'envola loin, bien loin de tout cette vie, de toute cette souffrance continuelle. Il ne pensa plus rien d'autre qu'au son que le piano rendait et qui résonnait dans la salle avec brillance. Et lorsque l'apogée du morceau arriva il se sentit libre, tellement libre et bien qu'il se jura de ne jamais vivre sans cela. Le dernier accord conclut alors cette mélodie bienfaitrice, doux et magnifique. Drago soupira de bonheur, l'un des premiers de sa vie et sourit en reposant ses grandes mains, agiles et blanches, sur ses genoux. Ce jour marquait un nouveau départ, une nouvelle ère que rien au monde ne pourrait achever.
