Une nuit noire en pleine forêt, on entendit des pas de courses et des respirations hors d'haleine. Six ombres se détachaient des corps sans vie d'arbres peuplant la réserve, où l'on pouvait distinguer quatre pairs d'yeux brillants comme des lucioles dans la pénombre.
Le groupe avançait le plus vite possible droit devant eux, on pouvais sentir dans l'air une ambiance stressante et pesante semblable à celle d'une traque. Le silence dominait la forêt, seul les souffles et les pas du groupe s'entendaient à quelque mètre à la ronde.
Pas un mot, pas un regard ne fut échangé pendant la course, ils connaissaient leur destination par cœur, ils savaient exactement où sauter par dessus un tronc, où éviter les fosses, comment contourner les obstacles sur le chemin qu'ils s'étaient tracé à travers les bois. Et dans un accords silencieux, ils bifurquèrent tous à gauche où le terrain devint une pente, qu'ils dévalèrent sans hésitation sur 600 mètres tout en s'aidant des arbres. Cette forêt semblait les avaler d'un coup, les faire disparaître du monde réel, sans laisser de traces.
Arriver en bas de la pente, la course repris pendant un moment sur un sol plat et stable, pourtant l'obscurité ne cessait de grossir, ils s'enfonçaient dans le cœur même de la forêt. Ils ralentirent le rythme lorsqu'ils aperçurent devant eux une clairière illuminée faiblement par des torches disposées en cercle autour d'un énorme tronc d'arbre coupé à la base.
Dans un souffle, on susurra « le Néméton », les visages se tournèrent vers l'origine de cette constatation avant qu'ils n'avancèrent jusqu'aux torches avec précaution et s'arrêtèrent.
Une personne se détacha du groupe, fit le tour de la clairière, les sens aux aguets, attentif au moindre mouvement. On pouvait entendre le bruit d'un court d'eau, un fond musical des plus calme en contraste avec leur situation.
« OK, c'est bon, on peut commencer » déclara le jeune homme en sentinelle.
Alors le reste du groupe s'activa aux préparatifs, grâce à la lueur des flammes, on put distinguer un jeune homme et une jeune femme, probablement des adolescents, qui prirent des bidons d'essence dissimulées derrière des arbres. Ils versèrent le contenu en formant un cercle autour du Néméton, assez large pour qu'ils puissent l'entourer sans difficulté, ni se coller. Une poudre noire s'échappa du bidon aussi rapidement que d'un sablier. Deux femmes, plus âgée quand à elles, versèrent un liquide incolore sur le tronc, probablement de l'eau.
La dernière personne de ce groupe était un enfant qui s'approcha de la sentinelle durant les préparatifs.
« T'es prêt? » questionna cette dernière, ne lâchant pas du regard l'horizon obscure de la forêt. Le garçon tourna son visage et s'attarda sur ses compagnons qui s'activaient à leurs tâches quelques secondes puis dirigea son attention sur la sentinelle, pris une inspiration et répondit d'un ton ferme : « Oui ».
D'un coup, toutes les têtes se tournèrent vers l'ouest, direction qu'ils avaient prise pour venir jusqu'ici. Les cœurs battaient rapidement jusqu'à ce que la sentinelle ne déclara en attrapant l'enfant par le bras : « On est repérés ».
« Plus de temps à perdre », tous à l'intérieur, ordonna une des deux femmes, en plaçant un câble dans une crevasse du tronc relié à un étrange bracelet rectangulaire à son poignet.
« -Mais Maman est encore là, ils vont la capturer si elle reste..., avertit le jeune homme.
-Alex, coupa la deuxième femme, je suis assez grande pour prendre soin de moi. De plus, Taï m'attend de l'autre côté de la rivière !
-Écoutez, intervient la première femme, vous avez tous tenue à agir quelque soit le prix à payer, j'ai acceptée de vous aider, maintenant, c'est le moment ».
Tous se tendirent mais personnes ne prononça le moindre mot. Alex se tourna vers sa mère, l'embrassa et respira son parfum pour la dernière fois peut être.
« Vite ». Il la relâcha et entra dans le cercle .
« Maintenant, je vous le redit et vous préviens une nouvelle fois, je n'ai jamais fait ça auparavant, donc il se peut que cela ne fonctionne pas, confia la femme au bracelet. Dans le cas contraire, rappelez vous des consignes qu'on a établie ensembl-
« Ils ont des caméras à infra-rouge, je les entend »coupa la sentinelle.
« Très bien, quand faut y aller ! » s'exclama Alex.
Ils rentrèrent dans le cercle et se donnèrent la main, sauf la mère d'Alex qui les observait d'un regard inquiet et triste.
« Désormais, quoiqu'il se passe, que nous soyons ensemble ou séparés, on ne peut faire machine arrière ».
Les mains se serrèrent le plus fort possible, tous hochèrent de la tête, chacun pris une inspiration, les yeux rivés sur la fin du compte à rebours sur le cadran du fameux bracelet.
Et dans un souffle, ils disparurent tous, laissant derrière eux leur camarade et mère seule dans la clairière.
