Chapitre 1

Une lettre rose. Encore. D'apparence banale et à la fragrance de fleur des champs, elle ne semblait pas dangereuse au premier abord. Erreur ! La moisissure de cette pomme d'amour rose se trouvait à l'intérieur, dans le contenu de cette enveloppe. Soupirant d'un air blasé, Shiki ouvrit la lettre sans trembler, déjà au courant de ce qu'il y trouverait. Et il n'avait pas tort, se dit-il en parcourant les mots d'un regard las et ennuyé : encore une lettre de menace, et toujours du même auteur.

Mais alors qu'il allait faire comme d'habitude et jeter la lettre au feu, voilà que Takuma Ichijo lui sauta au cou en le bisouillant d'une manière très enfantine, lui faisant lâcher la lettre pour le retenir contre lui, lui évitant ainsi de les faire tomber tous deux à cause de son caprice.

S : Ichijo…

I : Shiki ! Comment que ça va?

S : Ca allait bien jusqu'à ce que tu me sautes dessus comme un sagouin.

I : Roh t'es dur là ! Ca ne te fait pas plaisir que je te montre mon affection ?

S : Si si bien sûr…

I : T'es même pas convainquant, 'spèce de méchant… Ah ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

S : Ichijo attend ! Redonnes-moi ça, ce n'est…

I : !

S :… Rien d'important…

Se frappant mentalement, Shiki regarda d'un air blasé le troupeau de vampire qui accourut dans une grande panique autour de la source du hurlement : Ichijo Takuma, qui venait d'arrêter de crier pour fondre en larme, réinventant la notion des « chutes du Niagara ».

S : J'ai l'impression de voir une femme enceinte en ce moment, c'est effrayant…

K : J'avoue être assez d'accord avec toi Shiki, je ne sais pas trop ce qu'il lui arrive en ce moment… D'ailleurs, pourquoi vient-il d'hurler comme ça ?

S : Oh pour rien, il a lu une lettre sans grand intérêt…

I : Sans importance ? Tu te fous de moi Shiki ?

K : Allons mon roudoudou au miel, on se détend : ce n'est pas bon pour le cœur tout ce stress.

I : Oh toi la ferme ! On est mort je te signale !

K : Mais mon lapin en sucre !

Il n'était pas rare de voir le grand, puissant, génial et magnifique Kuran Kanamé complètement gaga et soumis à sa « tendre et douce » moitié : Ichijo Takuma. Pendant ce défilé de surnoms dégoulinants de guimauve amoureux et de réponses cinglantes, Shiki attrapa discrètement sa lettre avant de prendre la poudre d'escampette. Mais, alors qu'il posa son pied sur la première marche des escaliers, il se fit de nouveau alpaguer.

I : Shiki Senri !

S: Aïe...

I: Dis-moi depuis combien de temps tu reçois ce genre de lettre? Tout de suite !

S :… Trois mois ?

I : T-trois mois ?

K : Allons mon Takuchoumichet d'amûr, respires profondément.

I : Non mais tu l'as entendu poussin ? Ca fait trois mois qu'il reçoit des lettres ?

K : Quels lettres ? Ce ne sont que des mots d'amour puisque c'est rose.

I :… Ta stupidité m'afflige Kanamé… Ce sont des lettres de menace, triple andouille !

K : Ah bon ?

I : Oui, ah bon !

Quand Takuma passait en mode « mère-poule extrême », il était fortement conseillé de faire profil bas, de dire amen à tout ce qu'il disait et de partir loin dès que possible. Quand il était ainsi, il devenait très dangereux et convainquant.

I : Il faut prévenir le directeur poussin !

Et le voilà qu'il partait en guerre, vociférant tout ce qu'il pouvait en marchant avec détermination vers le bureau du directeur Cross pour tirer cette affaire au clair.

K : Shiki avec moi, il ne sera pas dans notre intérêt de le laisser y aller tout seul.

S : Je te crois sur parole…

Sur les traces du blond explosif, les deux vampires finirent par le retrouver tel qu'il l'avait dit, ses hurlements de chèvre indignée indiquant sa position telle une balise de secours sur une mer déchaînée.

I : Faites quelque chose !

C : Euuh… Je veux bien si je savais ce que tu veux que je fasse…

I : Vous n'avez rien entendu de ce que j'ai dit ?

C : C'est-à-dire que… Hm et bien…

I : 'SPECE D'INCO-…

C: Merci Kanamé.

Levant le pouce vers le directeur, le chef des vampires continua d'embrasser son singe-hurleur domestique avec une apparente passion étourdissante puisqu'Ichijo se suspendit au cou de son poussinnet d'amouuuuuuur et oublia tout.

C : Shiki, pourrais-tu me dire ce qu'il se passe exactement ? Je ne comprends pas vraiment.

S : Et bien depuis trois mois, je reçois des lettres de menaces et Ichijo vient de s'en rendre compte.

C : Oh je comprends mieux alors. Et bien soit, je vais demander à un chargé de discipline de jouer le rôle de garde du corps pendant quelques temps.

S : Je peux me débrouiller, je ne sais pas si vous êtes au courant mais quelque part je suis un vampire de haut rang, avec des pouvoirs et de la force, non ?

C : Oui bien sûr, mais je préfère quand même au cas où, d'accord ?

S : Très bien, vous êtes le directeur après tout. Qui sera donc assigné à être ma nounou ?

C : Zéro-kun

S :… Ca ne va pas être possible alors.

I : Shiki ! Zéro te surveilleras !

S : Mais…

I : Il n'y a pas de mais, c'est clair ?

S : Euuh…

I : Oui ?

S: Non rien... Zéro sera ma nounou.

Souriant, Ichijo tapota gentiment la joue de Shiki avant de retourner au pavillon de la lune en sautillant gaiement.

S : Il est épuisant…

K : J'avoue mais je ne sais pas ce qu'il fait pour l'être.

S : C'est ton homme, tu devrais savoir non ?

K : Je ne l'épuise pas assez, ça doit être ça…

S : Mes oreilles !

K : Huhu !

Fier de sa blagounette, le voilà qu'il fuyait lâchement vers son bien-aimé, sautillant lui aussi. Soupirant, las et blasé, Senri fit face au directeur qui le regardait avec un regard compatissant.

S : Non, ne dites rien, je ne veux rien entendre. Zéro peut commencer quand il veut, moi je vais me coucher.

Le visage toujours vide, Shiki s'inclina devant Cross avant de partir, ignorant les élèves qui le regardaient avec curiosité. Agacé par le bourdonnement des chuchotis semés sur son passage, le vampire retrouva avec grand plaisir le calme serein de leur pavillon, s'enfouissant bien au fond de son lit en soupirant de lassitude.

S : Je vais sécher les cours, ça va me faire du bien.

Déterminé, le voilà qu'il s'endort en oubliant qu'un énergumène bien énergique n'allait pas tarder à arriver.

Prochaine publication: Dimanche 11 Mars 2012