Bonjour, chers lecteurs ! Nouvelle version, moins meurtrière pour les yeux. Deuxième partie de la Traque, j'espère qu'elle vous plaira. J'en profite aussi pour remercier Soysauce, qui m'a laissé à la fois une review à laquelle je répondrai : ce fut un plaisir, et je suis heureuse que cela t'ait (vous ait ?) plu, et des condoléances pour les concours à venir que je souhaite rendre réciproques. Bon courage, et bonne chance à toi aussi Soysauce !
Bonne lecture à tous ! Sinon, quant à la propriété de Diablo, rien n'a changé, je ne fais ici qu'emprunter un monde et un scénario pour y faire jouer mes petites marionnettes.
Prologue
Il aurait dû réfléchir avant d'agir. Il se le répétait pour la quatorzième fois (oui, il les avait comptées) alors qu'une nouvelle vague de nausée menaçait de le faire tomber de sa selle. S'il avait choisi quelqu'un d'isolé, sans surveillance, et si possible suffisamment ivre pour n'en conserver aucun souvenir, il n'en serait peut-être pas là.
Sauf qu'alors, il aurait probablement tué la rogue en question. C'aurait été plus mal vu encore. Et comme il l'avait réappris à ses dépens, ce qu'on pensait de lui avait des conséquences sur sa progression. Cette pensée l'irrita. Pourquoi fallait-il qu'après tout ce que les autres lui avaient fait subir, il fasse des efforts pour leur plaire ? Il était las de ces mensonges, de ces faux-semblants que les hommes revêtissaient pour ne pas montrer leur vrai visage, celui que lui voyait et sentait parfaitement.
Il soupira. Il s'agissait de ne pas se laisser aller. Le monde tournait ainsi, soit, il s'était adapté. Il écrasa sans remords la déception qui menaçait de remonter dans son coeur. En s'évadant de l'Académie, il avait pensé, naïf qu'il avait été, que sa vie changerait du tout au tout. Il s'était imaginé que le vrai monde serait plus honnête, qu'il pourrait enfin laisser tomber quelques-uns de ses masques.
Il s'était trompé. Inutile de s'appesantir là-dessus.
Il avait quand même gagné la liberté d'avoir un but qui lui importait vraiment, et de le poursuivre. En ce sens, il était particulièrement chanceux. Il ignorait si quiconque de son espèce avant lui avait été privilégié de la sorte, mais au fond, il s'en moquait.
Il n'était par conséquent pas étonné qu'un de ses anciens condisciples ait été envoyé sur ses traces. Et tout bien considéré, il n'était pas surpris non plus qu'il ait réussi à remonter la piste jusqu'à lui. Il s'était relâché en compagnie de ces...gens.
Il ne savait pas comment désigner ses anciens compagnons. A maintes reprises il avait été désarçonné par leur conduite, à l'un ou à l'autre. Oh, ce n'était pas que leurs pensées étaient difficiles à pénétrer ou à comprendre, loin de là. C'était plutôt le comportement qui en résultait qui le prenait de court. Normalement, en apprenant qu'il était un assassin, les gens le chassaient ou s'enfuyaient, et ameutaient leurs pairs pour lui faire la peau. Nombre des siens avaient été pendus, exécutés en place publique, brûlés vifs ou piétinés par une foule en proie à une panique meurtrière parce qu'ils avaient été démasqués. C'était là le prix à payer pour être au-dessus de toute loi.
Mais pas eux. L'homme-loup en avait ri, la brute y avait vu un atout rare, la magicienne n'était intéressée que par ses facultés mentales sur un plan académique, l'Amazone le considérait comme un blanc-bec (réaction à laquelle il était davantage confronté avant que son identité ne soit dévoilée) et la rogue...
La rogue était encore la plus normale, car sa première réaction avait été de le craindre comme il en avait l'habitude. Mais en même temps, elle avait ressenti de la pitié. Un sentiment qu'il haïssait par-dessus tout. Il fut un temps où il espérait que quelqu'un, n'importe qui, le prenne en pitié, qu'il l'emmène loin de la spirale cauchemardesque dans laquelle sa vie semblait avoir été enfermée. Il avait supplié qu'on la lui accorde, ne serait-ce qu'un instant, tant de fois que même sa formidable mémoire ne parvenait pas à les compter. En vain. Jamais lui, pour ce qu'il était, n'avait mérité la pitié de quiconque. Ou du moins pas depuis que...
Non, il ne voulait pas y repenser. Ces quelques souvenirs qu'il avait enfouis profondément dans son âme et qu'il chérissait plus que quoi que ce soit d'autre, son trésor le plus précieux...et le plus dangereux. Il ne pouvait pas se permettre cette distraction.
Par contre, lorsqu'il avait été en mission, les personnages qu'il avait incarnés avaient bien des fois suscité la pitié. Regardez ce pauvre enfant, nous n'allons pas le laisser à geler dehors ? Elle aurait dû. Qui est-ce qui t'a mis dans un état pareil, bonhomme ? Allez, viens, je vais t'emmener chez le dispensaire. Intention louable, mais surtout très utile. Tiens petit, je sais que tu as besoin de travail, et moi j'ai besoin d'un guide. Emmène-moi au port, si possible en évitant la garde...
Il bannit ce souvenir-là avec hargne. C'était fini, tout ça. Ce qui importait, c'était de rattraper cette caravane, là-bas, à laquelle il avait dans son étourdissement laissé gagner de l'avance.
Il tapota l'encolure de son cheval d'un manière particulière à laquelle l'animal avait été habitué à répondre en accélérant la cadence. Dressage particulier de l'Académie, qui rendait plus ardu le vol des montures en mission. Il eut une pensée fugitive pour feu son poursuivant. Il lui avait quand même fourni un moyen de transport plus rapide. En échange, il avait eu droit à une mort propre. Ce qui dans leur profession était presque un sort enviable. Presque, songea-t-il avec un ricanement.
Cependant, ces réflexions se dissipèrent immédiatement, lorsque le poison qui rageait dans ses veines se manifesta à nouveau. Etrangement, il était plus difficile à contrer que celui d'Andarielle ou de Bone Ash. Il fallait dire qu'il avait sans doute été conçu sur-mesure. L'ironie de la situation ne lui échappait pas. Le coin de ses lèvres esquissa une grimace appropriée.
En tous cas, il ne facilitait pas la concentration.
Ses pensées se tournèrent vers des considérations plus pragmatiques. Il était manifeste que le groupe de Siliane traquait Diablo lui aussi. Faire équipe avec eux accélérerait grandement sa propre chasse, et diminuerait le risque qu'il se fasse tuer, par les démons en tous cas. Par conséquent, il fallait qu'il les persuade de le laisser se joindre à eux. Il ne savait pas vraiment comment procéder. Mais il se dit que, à en juger par la réaction de Natalya quand il lui avait fait comprendre ses actions, il pourrait sans doute tenter une approche similaire avec les autres. Et si la rogue lui avait «pardonné» comme elle disait, alors les autres devraient suivre plus facilement. Derek serait probablement le plus difficile à convaincre, exceptée l'Amazone qui de toutes façons lui était hostile, mais qui fort heureusement n'avait pas beaucoup de poids dans les décisions du groupe.
Espérant ne pas se tromper du tout au tout, ignorant la douleur croissante que le venin causait dans ses entrailles, il lança son cheval au galop, avec l'intention de rattraper la caravane au plus vite.
