Chromatisme impossible
Diclaimer : tout les personnages appartiennent à Mme Rowling… J'espère qu'elle ne m'intentera pas un procès pour ce que j'en fais…
Résumé : Ophelia, fraîchement débarquée à Hogwarts, célébrissime école d'arts plastiques, fait la rencontre d'un certain Harry qui fera battre son cœur. Mais il y a un hic, il y a toujours un hic dans les contes de fées…
Couple : bah, vous le saurez très vite !
Annonce : au cas où le monde ne serait pas aussi tolérant que je me plais à le croire, cette histoire met en scène un slash ! C'est aussi un univers alternatif, mais vous l'aviez sûrement compris en lisant le résumé ! En clair, pas de baguette magique, d'étincelles lumineuses, de chaudron… (mais si vous en voulez vraiment, j'ai une autre fic… ;-)
Chapitre 1 : Bittersweet dreams are made of this
Ophelia (1) se réveilla en sursaut. Encore un de ces rêves désagréables qui la hantaient depuis bientôt deux semaines. Depuis la rentrée en fait.
La jeune fille était étudiante à Hogwarts, l'établissement le plus réputé d'Angleterre concernant les arts, mais aussi le plus cher. Ophelia venait de terminer sa scolarité à Douvres, où sa famille vivait. Elève brillante, elle avait délaissé les cursus "classiques" de médecine ou ingénierie qui l'attendaient pour choisir une voie beaucoup plus aléatoire : les arts plastiques.
Ophelia dessinait depuis dix ans. Contrairement à beaucoup de ses camarades qui, à l'éternelle question, répondaient inlassablement « depuis toujours » ou « depuis que je peux tenir un crayon », elle le savait parfaitement : le jour de ses huit ans, son père lui avait offert un album de bande dessinée qui avait été l'élément déclencheur. Puis elle avait découvert l'aquarelle, le fusain, le lavis, techniques qu'elle maîtrisait assez bien. Mais son simple crayon de bois restait de loin son préféré. Pour elle un pauvre dessin valait mieux qu'un long discours, et elle adorait par-dessus tout croquer l'agitation des vies.
A dix-huit ans, diplôme en poche, Ophelia s'émancipait donc avec un objectif précis : elle ferait carrière dans le dessin. Ne serait-ce que pour donner tort à ses parents qui lui répétaient que ce n'était pas un vrai métier. Ils l'avaient toutefois laissée partir, rassurés par la renommée de l'établissement et la bourse qu'elle avait reçue pour y étudier.
Au départ, elle redoutait de rencontrer ses camarades : peu de jeunes gens pouvaient s'offrir la célèbre école. Oh, bien sûr, beaucoup étaient boursiers, comme elle, mais la plupart étaient des rejetons de familles fortunées du monde entier. Et les "gosses de riches", Ophelia en avait soupé dans son lycée privé.
Cependant, elle l'avait vite compris, n'entrait pas qui voulait : il fallait faire montre d'aptitudes, de motivation, et – pour beaucoup – de génie. Et le recrutement était dur : beaucoup d'appelés mais peu d'élus, comme dirait l'autre. Chaque promotion comptait de vingt à trente élèves, et la formation durait trois ans. Ensuite… eh bien, diplômé d'Hogwarts, le monde entier s'ouvrait à vous !
Un conte de fées, certes, mais pas des plus reposants. Et ce jour-là justement, Ophelia allait commencer une nouvelle semaine de cours et ses sentiments se partageaient entre extase et douleur. Particulièrement en ce lundi matin où elle enchaînait deux heures de dessin et deux heures d'histoire théorique des techniques.
Ophelia se redressa sur son lit et avança le cou pour distinguer le cadran lumineux du réveil d'Isabella, sa compagne de chambre. Six heures et demie. Tant pis pour les trente minutes de sommeil en moins, elle ne se sentait pas capable de se rendormir. Fichus rêves ! jura-t-elle intérieurement en posant le pied sur la moquette épaisse de la chambre.
En réalité, ils n'étaient pas désagréables, ces rêves. Contempler le garçon qu'on aime chaque nuit est loin d'être cauchemardesque. Sauf peut-être si ledit garçon en aime une autre. Ou un autre.
« Le grand drame de l'existence » songea Ophelia en se glissant dans la salle de bain. Elle plissa les yeux en allumant la lumière. Après la pénombre de la chambre, le blanc bleuté du carrelage et des meubles heurtait ses pupilles sensibles. Elle enleva pyjama – une vieille chemise de coton de son père – et culotte, frissonna dans la fraîcheur de la pièce, et entra dans la cabine de douche. L'eau chaude finit de la réveiller et tout en se savonnant avec délice, exhalant un parfum de pêche, Ophelia laissa ses pensées errer vers sa si particulière rentrée…
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La jeune fille avançait difficilement dans la gare de King's Cross, traînant un imposant sac de voyage chocolat, constellé de rayures rouges, jaunes, oranges, tout en recherchant dans son sac à dos le papier d'informations que Hogwarts lui avait envoyé, auquel un billet de train était agrafé. Elle parvint à l'extirper, retenant à peine un cri de victoire, lorsqu'un voix s'adressa à elle :
- Vous avez besoin d'aide ?
Un jeune homme venait d'entrer dans son champ de vision. La première pensée qui traversa l'esprit d'Ophelia fut : éphèbe grec. D'une taille moyenne pour son sexe, mais bien proportionné, le cheveu noir indiscipliné, élancé et vif, c'est vrai qu'il était magnifique. Refermant une bouche qui menaçait de baver, elle fit un grand sourire à l'apparition :
- Oh, non merci ! ça va aller, je pense ! répondit-elle en repoussant machinalement ses cheveux derrière ses épaules.
Le jeune homme la fixa étrangement et Ophelia fut subjugué par le vert brillant de ses yeux. Jamais encore elle n'avait vu une telle couleur. Magnifique était vraiment le mot qui lui convenait, en tous points.
Il reprit la parole :
- En fait, j'ai cru voir le papier d'Hogwarts…Et avec un sac comme le tien, j'ai pensé…
Ophelia jeta un coup d'œil à la feuille jaune parcheminée qu'elle tenait à la main. Evidemment, c'était aussi repérable que son sac !
- Tu… tu es à Hogwarts ? demanda-t-elle, ne croyant pas à sa chance.
- Oui, sourit-il. Je m'appelle Harry.
- Ophelia.
- Joli, admit-il, la faisant rougir bêtement. Je te montre où est le train, Ophelia ?
- Heu, avec plaisir !
Il proposa poliment de porter son sac, mais Ophelia, voyant qu'il traînait lui-même une grosse valise noire, refusa. Tout en marchant, ils continuèrent de discuter.
- C'est ta première année, c'est ça ? demanda Harry, pour relancer la conversation.
- Oui. Et toi ?
- Moi je suis en seconde année. Groupe C.
Devant l'air interrogatif de la jeune fille, il expliqua :
- Tu sais qu'il y a plusieurs menus optionnels à Hogwarts, en plus des sept heures de dessin, des quatre de techniques chromatiques, des quatre de peinture, et des deux d'Histoire de l'Art ? Eh bien, le groupe A c'est Histoire, le groupe B c'est Infographie, et le groupe C – le mien – c'est Restauration. Tu as pris quelle option, toi ?
- Histoire, répondit Ophelia. Deux heures de théorie et six heures de pratiques, c'est ça ?
- Tu as bien lu les papiers on dirait, dit-il en souriant.
Elle haussa les épaules.
- Il fallait bien ! Sinon comment choisir ?
Il sourit encore une fois en la regardant.
- Qu'est-ce que vous faîtes en restauration, exactement ? demanda-t-elle.
- Ce n'était pas assez bien expliqué ? Elle secoua la tête négativement.
- Eh bien on a aussi des cours théoriques et sinon on apprend les techniques anciennes, expliqua-t-il.
- Mais c'est comme en Histoire !
- Non, pas vraiment. Vous étudiez les supports et les techniques de peinture ou d'estampes. Nous, ce sont la marqueterie, les émaux, les mosaïques, ce genre de choses. Il y a un peu de peinture, c'est vrai, puisque nous étudions toutes les techniques susceptibles d'être restaurées, mais pas autant que vous !
- Oh ! Ça doit être bien, s'exclama Ophelia.
Elle devait avoir l'air particulièrement candide à ce moment-là, puisqu'il éclata encore de rire en la regardant.
- Ça l'est, je te le garantis ! Mais ne t'inquiète pas, Histoire c'est vraiment intéressant aussi, et la prof est géniale !
- Comment le sais-tu ? demanda Ophelia, surprise.
- Ma meilleure amie, Hermione, y est. Et puis, si vraiment ça ne te va pas, tu peux changer. Ce n'est qu'en octobre que les menus optionnels sont définitifs.
Ophelia sourit de soulagement. C'était toujours ce qui lui faisait le plus peur : ne pas faire le bon choix. Elle allait lui demander plus de précision sur le groupe B, Infographie, lorsqu'une forme non identifiée s'abattit sur son bel interlocuteur :
- Harry ! Tu m'a manqué !
- Ron… tu m'étouffes ! articula ledit Harry en tentant de se dégager de l'étreinte musculeuse.
- Ah ! Désolé, fit l'autre en le lâchant.
Harry tira sur sa chemise pour la défroisser, et passa une main dans ses cheveux, ce qui les rendit plus décoiffés qu'avant, d'ailleurs.
- Ron, je te présente Ophelia, une nouvelle. Ophelia, voici Ron, mon meilleur ami.
Le jeune homme, roux et beaucoup plus grand et musclé que Harry, lui sourit et lui tendit la main. Ophelia la serra en lui rendant son sourire.
- Enchantée !
- Moi aussi ! Dis, ça t'embêtes si j'emprunte Harry ?
- Ron, voyons ! Elle est nouvelle, on ne va pas…
- Non, non ! répliqua Ophelia. Allez-y ! Je vais me trouver un compartiment et faire connaissance avec d'autres nouveaux. Il n'y a pas de problèmes !
Harry lui fit un sourire d'excuse tandis que Ron l'entraînait déjà, après avoir remercié Ophelia.
- Tu n'oublies pas que tu as des trucs à nous dire, Harry ? l'entendit-elle dure avant qu'ils ne soient trop loin.
Elle monta dans le train et s'assit dans le premier compartiment venu. Il était encore vide. Elle était arrivée en avance de Douvres, et de toute façon de nombreux élèves utiliseraient d'autres moyens de transports, et peu de voyageurs ordinaires prendraient un train pour le fin fond de l'Ecosse à neuf heures du matin.
S'adossant plus confortablement dans le coin de la banquette vermillon, elle sortit de son sac à dos un livre acheté à la gare de Douvres pour le voyage. C'était une sombre histoire de meurtres, un policier, comme la plupart des bouquins de gare. Au bout de quelques pages, n'y tenant plus, elle abandonna le livre et sortit son carnet à dessin ainsi qu'un crayon de bois.
Elle esquissa un visage fin, de petites lèvres, un nez droit, de grands yeux et une chevelure négligée qu'elle s'appliqua à noircir à grands traits de crayon rageurs en les ponctuant d'une litanie silencieuse : Je. Ne. Suis. Pas. Amoureuse.
Ophelia haïssait cette sensibilité qui la faisait tomber amoureuse de tout garçon qui passait devant ses yeux, pourvu qu'il ait un peu de charme et qu'il fasse attention à elle.
Soudain, emporté dans l'élan, un trait vint défigurer le jeune homme.
- Et merde ! Encore un de gâché !
Tournant la page, elle s'appliqua à le redessiner au mieux, en insistant sur son sourire magnifique et ses cheveux indociles. Pour le moment, les yeux n'avaient aucun intérêt et ce jusqu'à ce qu'elle arrive à créer cette couleur si particulière. Elle en était toujours à parfaire son dessin, en songeant à quels verts associer pour les yeux, lorsque la porte s'ouvrit :
- Ah ! J'ai l'impression que j'ai visé juste !
Ophelia leva les yeux sur une frimousse brune aux yeux rieurs qui l'interrogeaient.
Elle sourit et la jeune fille entra en faisant signe à quelqu'un dans le couloir. Tout en la regardant hisser sa grosse valise en hauteur, Ophelia ne put qu'admirer sa chevelure bouclée d'un noir éclatant qui lui retombait un peu en dessous des épaules. La nouvelle venue était petite mais ses quelques rondeurs ne la desservaient pas. Mignonne était le mot approprié.
La jeune fille se retourna en tendant une main hâlée :
- Isabella de Maglia, annonça-t-elle avec un charmant accent espagnol qu'Ophelia n'avait pas deviné à son arrivée.
- Ophelia Mayne, enchantée !
- De même. Tiens, voici Benjamin Villon, il est français.
Ledit français venait de passer la porte. Des cheveux châtain clair, un visage carré, une stature d'athlète, on ne lui aurait pas donné dix-huit ans. Il lui accorda une franche poignée de main en souriant.
- Enchanté ! Mais, dit-il en se tournant vers Isabella, comment tu as su qu'elle allait à Hogwarts ?
- Elle dessinait, répondit l'espagnole en faisant un clin d'œil à Ophelia.
Le deux nouveaux venus se laissèrent tomber sur la banquette opposée dans un ensemble parfait.
- Vous vous connaissiez avant de venir ? demanda Ophelia, intriguée.
- Oh, non ! Pas du tout ! répondit Benjamin en riant. On s'est rencontré dans la gare en cherchant le train !
- Il était bien caché, ce fichu truc ! continua Isabella. Tu l'as trouvé facilement, toi ?
- Un gars de seconde année m'a aidée. Il a tout de suite vu que j'allais à Hogwarts !
- On doit être spéciaux ! se moqua Benjamin.
- Peut-être… Enfin, là c'était à cause du papier jaune et de mon sac ! expliqua Ophelia en montrant tour à tour les deux objets.
- C'est vrai qu'il est joli ton sac ! C'est toi qui l'as fait ? demanda Isabella.
- Juste décoré. J'aimais bien la couleur mais unie c'était trop terne.
- Ce sont tes couleurs ?
- Le jaune, oui !
- Tu ne dois pas en mettre souvent, sourit Benjamin.
- Ça , non ! s'écria Ophelia. Ça jure affreusement avec mes cheveux ! Mais j'aime aussi beaucoup le bleu. Et le vert, ajouta-t-elle sans trop savoir pourquoi.
- Là c'est sans danger ! C'est même très joli avec le blond, dit Isabella. Moi c'est le violet, seulement le violet. Mais aujourd'hui j'ai fait un effort, déclara-t-elle en montrant sa jupe brune et son chemisier bleu. Pas d'excentricité !
- Moi c'est le rouge, confia Benjamin. Et puis le blanc et le bleu.
- Chauvin ! se moqua Ophelia.
Ils éclatèrent tous les trois de rire lorsque Benjamin entama la Marseillaise en sifflotant.
- C'est pas le tout mais on vient à peine de se rencontrer et on parle déjà boulot, grimaça Benjamin.
- C'est ça la pasión, ironisa Isabella en prenant son accent espagnol. Et ils repartirent à rire.
Le train avait démarré alors qu'ils discutaient et le paysage du Cambridgeshire défilait à présent. Les nuages du début de matinée avaient laissé place à un soleil brillant qui faisait ressortir les couleurs de la campagne anglaise. C'était le huit septembre, et bientôt la nature prendrait ses couleurs d'automne, la saison préférée d'Ophelia.
- Hé ho !
La jeune anglaise se détourna vivement de la fenêtre.
- Pardon ?
- Tu rêvais ? sourit Isabella. A qui ? Non sérieusement, on te demandait dans quelle groupe tu étais.
- Oh ! fit Ophelia qui avait stupidement rougi à la seconde question de l'espagnole. Groupe A, Histoire.
- Ah bon c'est le groupe A ? Les meilleurs j'en suis sûr ! dit Benjamin. Nous aussi, c'est cool !
- Super ! Et vous avez des options ?
- Moi j'ai pris sport, c'est pour les gars, répondit Benjamin en gonflant sa poitrine, ce qui fit rire les deux filles.
- J'hésite encore entre couture et musique, dit Isabella, mais je penche beaucoup plus vers musique. Je ne voudrais pas abandonner mon violon pendant trois ans !
- Ah, fit Ophelia, déçue. Moi j'ai pris couture, tant pis ! Mais j'aimerais bien t'écouter jouer un jour !
- On verra… si tu es sage ! répliqua l'espagnole. Ophelia sourit malicieusement.
- OK ! Et sinon, tu viens d'où ?
-D'Espagne.
- Sans blague ?
- Si, si, je t'assure !
- Je te crois pas !
- Tu devrais, répliqua Isabella, avant de reprendre plus sérieusement : en fait, j'habite un petite ville à côté de Séville.
- C'est vrai ? ça doit être magnifique… Tu as toujours vécu là ?
- Oh oui ! soupira-t-elle. Ma famille est une institution là-bas ! Rien qu'avec les archives de la ville, on doit pouvoir faire notre arbre généalogique jusqu'au dix-huitième voire dix-septième siècle ! Des grands marchands, probablement d'esclaves d'ailleurs. Je n'en suis pas très fière, mais bon, je ne peux rien y changer !
- Non, c'est vrai, admit Ophelia. Et pourquoi tu est venue à Hogwarts ?
- Je voudrais être historienne de l'art mais, comme j'adore aussi dessiner et peindre, mon père a voulu que je fasse la meilleure école au monde. Voilà ! Et toi ?
- Moi je suis une petite anglaise de Douvres, et tout ce que je sais c'est que je veux dessiner !
- Bah, tu trouveras bien une idée de métier à Hogwarts ! Ce ne sera pas ça qui manquera, sourit Benjamin.
- Et toi alors, Bin-dja-min ? D'où viens-tu ?
- Tu peux m'appeler Ben, c'est plus simple, je crois ! répondit-il. Eh bien, je suis du centre de la France, un peu en dessous Paris… vers Orléans si vous connaissez un peu…
Isabella acquiesça. Ophelia ne connaissait que Paris.
- Et puis, continua le français, ma mère a été élève à Hogwarts, alors elle m'a un peu poussé. Je voudrais être peintre en fait. Vivre uniquement de ma passion. Je sais bien que c'est plutôt difficile, et que souvent on a un autre job à côté – ma mère, elle, est devenue designer – mais bon, pour l'instant je rêve !
- Et pourquoi pas ? s'exclama Ophelia. Moi aussi j'aimerais bien. Et si on est à Hogwarts, c'est pas pour rien ! La meilleure école ! On devrait pouvoir faire tout ce qu'on veut !
- On fait tout ce qu'on veut, si on a le Génie, dit doctement Isabella. Et on verra bien si vous l'avez, finit-elle malicieusement.
Contrairement à ce qu'aurait pu penser Ophelia en les voyant arriver dans son wagon ce jour-là, c'était Isabella, la bouillante espagnole, qui d'eux trois avait les pieds les plus ancrés sur terre. Benjamin, sous ses airs posés et réfléchis, n'était qu'un rêveur qui mettait tout son art, ses envies, ses angoisses, et – pourquoi pas – son génie, dans sa peinture. Car du génie, oui, il se pouvait que Ben en eût une petite parcelle. Peut-être suffisante pour qu'il puisse réaliser son rêve, qui sait ?
Les trois jeunes gens continuèrent à discuter joyeusement, alternant récits de vie et concours de caricatures, goinfreries et jeux de cartes. L'avantage lorsqu'on est entre "dodlee" (2) – surnom que les étudiants d'Hogwarts se donnaient entre eux depuis des décennies – c'est qu'on peut rendre une histoire beaucoup plus vivante et plus drôle rien qu'en croquant un personnage sur un bout de papier. Benjamin leur montra le carnet de voyage qu'il avait réalisé pendant ses vacances au Mexique, ce qui donna quelques scènes irrésistibles entre lui et Isabella puisqu'il écorchait tous les noms, n'ayant absolument aucune notion d'espagnol, et encore moins d'accent.
Ils arrivèrent à Perth vers trois heures de l'après-midi. Hogwarts se situait un peu plus au Nord dans la campagne et les étudiants durent changer de train – l'école ayant sa station et sa locomotive privées. Ophelia, Isabella et Benjamin prirent donc place dans le train rouge vif qui les emmena en moins d'une demi-heure à la fameuse école. Ophelia ne revit pas Harry durant le trajet, ni même en arrivant d'ailleurs, trop occupée qu'elle était à admirer le château et le parc qui s'offraient à ses yeux.
Tout était immense, et simplement magnifique. Le château qui abritait l'école avait dû être restauré il y avait peu de temps, ou alors il était très bien entretenu. Les pierres blanches qui le composaient brillaient sous ce soleil de mi-journée, et la couleur ocre de l'entourage des fenêtres se détachait élégamment sur l'édifice, donnant une impression de tranquillité apaisante. Ophelia n'avait jamais été en France, mais devant Hogwarts elle imaginait – peut-être à tort d'ailleurs – que les fameux châteaux de la Loire devaient ressembler à cela.
Les élèves gravirent les quelques marches du large perron qui menait à la porte d'entrée. Les hauts panneaux de bois clair étaient grand ouverts et quelques adultes discutaient dans la fraîcheur du hall d'entrée. Lorsque les premiers étudiants furent arrivés à leur hauteur, une dame âgée à l'air sévère prit la parole :
- Bonjour à tous ! Venez, entrez s'il vous plaît ! Voilà… Alors, pour les nouveaux élèves, soyez les bienvenus à Hogwarts ! Et pour tous, j'espère que vous avez passé de bonnes et reposantes vacances ! Je vais vous expliquer certaines choses importantes. Mais avant cela… Les élèves de seconde et troisième années, Mr Rusard a la liste de vos noms et numéros de chambres, adressez-vous à lui ! Et n'oubliez pas que vous changez d'aile cette année !
Une bonne partie du groupe qui s'était agglutiné durant le petit discours de la vieille dame se dirigea vers un homme qui n'était plus tout jeune, à l'air rébarbatif. Il ne restait plus qu'une petite dizaine d'élèves qui se regardaient avec curiosité lorsque la dame reprit :
- Voilà, il ne reste que des nouveaux élèves maintenant ? Bien. Alors, je suis Mme McGonagall, sous-directrice de cette école, et votre professeur de Techniques Chromatiques. Vous me reverrez malheureusement dans l'année.
Quelques rires nerveux éclatèrent mais se dissipèrent bien vite.
- En attendant le discours du directeur de ce soir, et les précieux conseils de vos camarades des années supérieures, je voudrais vous donner quelques informations pour que votre installation soit la plus agréable possible. Vous êtes logés dans l'aile Nord du château, opposée à celle dans laquelle nous nous trouvons. Les cours sont d'ailleurs dispensés essentiellement dans cette aile-ci, et aussi au rez-de-chaussée, voir au sous-sol, des trois autres. Les chambres sont en effet au premier et deuxième étages. Elles sont doubles et non mixtes. Nous vous avons déjà répartis tout à fait arbitrairement mais si vous avez des affinités avec l'un ou l'autre de vos camarades, vous pouvez évidemment changer. Il suffit de vous mettre d'accord et d'en informer le surveillant de l'internat, Mr Rusard.
Voilà, je crois que j'ai dit l'essentiel. Je vous laisse découvrir vous-même vos logements. Vos autres camarades sont arrivés il y a deux heures, vous les croiserez peut-être avant le dîner. Sinon vous ferez connaissance à ce moment-là. Mr Rusard va vous accompagner jusqu'à l'aile Nord, mais par la suite j'aimerais que vous appreniez le plus vite possible à vous orienter dans l'école. Nous tolérons très peu les retards, et lorsque les élèves ne sont pas où ils devraient être. Avez-vous des questions ?
- Oui, répondit un jeune homme, un peu timidement mais qui ne le serait pas face à la mine sévère de cette Mme McGonagall… Nos emplois du temps, quand les aurons-nous ?
- Ce soir, après le dîner. Pour ce qui est des autres informations concernant des horaires de la bibliothèque, les heures où il vous est interdit de vous promener, les fournitures indispensables, tout est dans le règlement intérieur. Vous en trouverez deux exemplaires dans chaque chambre. Pas d'autres questions urgentes ?
- Les toilettes ? demanda une jeune fille, un peu moqueuse.
- Dans votre chambre, jeune fille, répondit le professeur avec un regard noir.
Bon, déjà, on sait qu'elle n'a pas beaucoup d'humour, songea Ophelia, même si elle lui accordait que la question de l'étudiante manquait un peu de politesse. La jeune anglaise suivit donc le groupe jusqu'à Mr Rusard qui s'occupait encore des derniers étudiants des années supérieures. Certains leur jetaient des regards amusés, mais la plupart avait un sourire aimable sur les lèvres. Lorsque tous eurent les informations nécessaires, le surveillant grogna un vague « bonjour » aux nouveaux venus et les guida vers leurs chambres. Ils traversèrent dans un silence presque religieux le long couloir de l'aile Sud, dont un côté comportaient de hautes fenêtres laissant entrer la luminosité de l'extérieur. Soudain Mr Rusard s'arrêta pour leur montrer une porte donnant sur une grande cour à l'intérieur du château :
- C'est par là que vous passez d'habitude, mais là je vais vous montrer le chemin pour l'hiver, ou quand il pleut.
Sans ajouter un mot, il continua son chemin en tournant à l'angle du couloir, puis chemina dans un autre couloir – aile Est probablement – et arriva devant un escalier majestueux, dont les marches étaient recouvertes d'un lourd tapis grenat. Les étudiants le gravirent et s'arrêtèrent en haut devant une enfilade de portes que seuls différenciaient les numéros d'or qui les ornaient.
- Bon, ce sont vos chambres. Les numéros N 100 à N 109 c'est cet étage. Les N 110 à 119 c'est au-dessus. Il y a l'escalier là pour y monter, et un autre au bout du couloir. Des questions ?
Il semblait aussi rébarbatif que la sous-directrice, aussi personne n'osait piper mot. Cependant, Isabella intercepta le regard d'Ophelia et lui posa une question muette. La jeune anglaise haussa les épaules avec un petit sourire d'accord.
- Monsieur ! Madame McGonagall nous a dit qu'on pouvait choisir notre camarade de chambre…
- Oui. Tu as un nom ? demanda-t-il abruptement.
- Je m'appelle Isabella de Maglia. J'aimerais être avec Ophelia… Mayne !
- Bon, grommela-t-il en griffonnant quelque chose sur la liste qu'il n'avait pas lâchée depuis le hall d'entrée.
S'ensuivit une litanie de noms et de numéros où les deux jeunes filles ne purent pas apprendre grand chose sauf "de Maglia-Mayne, N 112". Elle firent un signe à Ben qui se dirigeait vers le fond du couloir en compagnie d'un autre jeune homme et montèrent l'escalier de bois.
Les clefs de la chambre N 112 les attendaient sur la porte. Elles entrèrent donc et la vue qui s'offrait était des plus plaisantes. La pièce était grande, assez pour qu'avec deux lits, deux tables de travail et deux grandes armoires, il reste assez d'espace libre pour ne pas se sentir oppressé. Une grande fenêtre à voilage jaune pâle éclairait le tout. Isabella ouvrit une autre porte qui s'avéra être celle de la salle de bain. Jolie, agréable. Les deux étudiantes se regardèrent.
- Pas mal ! siffla l'espagnole.
- Ouais, admit Ophelia. Ça me plaît en tout cas…
- Tu m'étonnes ! Il n'y a que du jaune ! grimaça Isabella. Heureusement que c'est pas canari, sinon je demanderai à dormir dans le parc !
- Bah, il devrait bien y avoir un placard à balais quelque part…
- Oui, c'est ça ! Et je dors la tête dans le désinfectant WC, merci bien !
Les deux jeunes filles éclatèrent de rire. Cela faisait du bien de se détendre un peu. L'impression qu'Ophelia avait dégagé de cette première rencontre avec le personnel de l'école était plutôt "glaciale". Elle se mit en quête du règlement intérieur et le trouva sur son lit. Avec l'aide d'Isabella, elles le lurent avec force commentaires ironiques et finirent de se détendre.
Lorsque, leurs bagages défaits et leur chambre rangée, elles sortirent de leur chambre pour se rendre au dîner, elles étaient prêtes à commencer une année qui promettaient beaucoup.
ooo
(1) en référence à un personnage de Shakespeare dans Hamlet, une pièce magnifique.
(2) En français ça donnerait « gribouilleurs » mais c'est un mot inventé de toutes pièces (© moi !) ne vous avisez pas de le ressortir à votre prof d'anglais ! Apparemment il y a une ville qui s'appelle comme ça dans le Yorkshire mais ça doit être vraiment le trou paumé !
Voilà, j'espère que ce chapitre d'intro n'était pas trop ennuyant (je vous ai fait grâce du discours du directeur et des emplois du temps !). J'ai essayé de donner beaucoup de couleurs aux personnages que vous ne connaissez pas. Rassurez-vous je ne compte pas en créer un bataillon ! Pour savoir à quoi ressemble Ophelia, attendez un peu (j'ai horreur des personnages qui se décrivent eux-mêmes !)
Attention, ce chapitre ne veut pas dire que je centrerai tout sur Ophelia... C'est un personnage inventé mais cette histoire tourne autour d'un couple connu ... D'ailleurs, dans le prochain chapitre on s'intéresse à Harry, et là ce seront des têtes connues dont on parlera !
N'oubliez pas une petite review d'encouragement, surtout que je me lance pour la première fois dans le slash à rating élevé ;-)
A la prochaine !
Au fait, il vous plaît mon château ? ;-)
