A Pirate's Life for Jack
By Scarlett Sparrow
Genre : aventure
Personnages : Jack Sparrow, Hector Barbossa, Bootstrap Bill Turner, Cutler Beckett, Joshamee Gibbs, Sao Feng, Mercer, Teague, OC
Rating : T pour scènes de violence
Statut : work in progress
Longueur envisagée : environ 20 chapitres
Note de l'auteur : cette fiction est la suite directe de ma précédente fic intitulée Birth of a Pirate. Il est vivement conseillé aux lecteurs de commencer par lire la première partie avant de se lancer dans celle-ci, afin de pleinement comprendre et apprécier cette suite. Merci !
DISCLAIMER :
- Hey, vous là ! Une minute ! Ça coûte un shilling de publier une fanfic comportant les personnages de PotC. Et j'aurais besoin de votre nom.
- Que diriez vous de trois shillings, et on oublie le nom ?
-Bienvenue sur Fanfiction, Mademoiselle Smith.
Chapitre 1 - Fragments du passé
Note : une partie de ce chapitre résume les évènements de Birth of a Pirate, afin de remettre le lecteur dans le bain et lui rappeler ce qu'il a pu oublier. Pour les lecteurs qui se souviennent parfaitement de la première partie, ce prologue risque de faire office de redite, je m'en excuse. J'ai essayé de résumer très brièvement et de manière intéressante.
...
Mer des Caraïbes
Février 1710
Les yeux qui le fixaient étaient d'un bleu aussi clair et limpide qu'un ciel de printemps. De grands yeux au regard froid qui le dévisageaient d'un air mauvais et calculateur et lui donnaient l'impression qu'il était en mesure de lire dans ses pensés comme dans un livre ouvert.
La lueur orangée qui se reflétait dans ces yeux offrait un étrange contraste avec leur aspect dur et glacial, et l'assemblage des deux couleurs dans ce même iris lui donnaient un air diabolique. Sur ses lèvres, un mince sourire qui n'atteignait pas son regard. La perruque blanc neige, parfaitement ajustée. Le col impeccablement lissé et les dentelles qui ornaient son cou.
Mais lui ne voyait que les yeux. Le reflet écarlate. Et ce qui le causait.
Il entendait le grésillement tout près de son oreille. Le métal avait perdu progressivement sa couleur jaune pâle pour tendre vers une teinte orange vif. Il sentait la chaleur sur son visage. Il ne pouvait pas se reculer davantage et la chaleur l'obligea à battre des paupières. Le regard bleu acier ne le quittait pas des yeux. Entre eux, une lueur diffuse provenant du métal projetait sur la peau pâle des ombres rougeâtres.
Il ne suivit pas l'objet du regard lorsqu'il sortit de son champ de vision. Il continuait à sentir les émanations brûlantes à travers le tissu de ses vêtements. La voix doucereuse susurrait des paroles auxquelles il ne faisait plus attention. Il attendait et tentait de respirer calmement et se forçait à ignorer le grésillement du métal.
Il ferma les yeux et se mordit les lèvres de toutes ses forces et une fraction de secondes plus tard l'homme abaissa le bras.
Dans sa cabine de bois sombre, le jeune capitaine Jack Sparrow se réveilla en sursaut.
Jack se redressa vivement et s'assit dans son lit, repoussant violemment les draps dans lesquels il s'était emmêlé. Son premier réflexe fut de porter une main protectrice à son avant-bras droit, là où se trouvait la marque que le fer brûlant avait laissé sur sa peau. Il passa machinalement deux doigts le long de la brûlure boursouflée et s'efforça de chasser le sentiment de panique qu'il avait ressenti dans son cauchemar et qui s'attardait même après son réveil.
Il n'avait pas rêvé de cet épisode depuis plusieurs mois, et avait fini par croire que le cauchemar qui avait été récurrent au début s'était finalement estompé définitivement. Cette nuit-là, pourtant, le rêve avait été particulièrement vivace et lui rappelait avec une précision désagréable chacune des sensations qu'il s'était appliqué à effacer de sa mémoire.
Jack jeta un œil vers les fenêtres de sa cabine. La mer était calme, et le ciel se teintait lentement de gris, indiquant que l'aube ne tarderait pas à se lever. Il se leva, alla ouvrir l'un des carreaux de la fenêtre la plus proche de sa couchette, et laissa le vent frais du matin caresser son visage couvert de sueur. Il observa la mer quelques instants et esquissa un sourire de satisfaction. Cutler Beckett était loin, et leurs chemins ne se croiseraient pas de sitôt. Et Jack avait eu sa revanche, après tout.
Même si son inconscient s'acharnait à lui faire revivre le passé, il était bien décidé à l'oublier.
Pour l'heure, songea-t-il, il pouvait difficilement rêver d'une vie plus agréable. Il avait le Pearl. Il avait l'océan. Il avait sa liberté. Il ne fallait rien de plus à Jack Sparrow pour se considérer comme parfaitement heureux.
Il était conscient qu'il avait énormément de chance de se trouver là, avec un navire, un équipage et tout ce dont il avait besoin, vivant et en bonne santé, libre et insouciant. Et pourtant, de manière tout à fait paradoxale, il estimait qu'il avait joué de la pire malchance possible avant d'en arriver là. D'ailleurs, il avait bien failli ne jamais y arriver du tout.
Deux ans auparavant, Jack n'avait rien d'un pirate et encore moins d'un capitaine de vaisseau pirate. A l'époque, il vivait à Londres et travaillait pour la grande et respectable East India Trading Company, une importante compagnie marchande qui étendait son empire sur le monde entier grâce au commerce florissant des épices et autres richesses exotiques. Il avait du mal à se dire qu'à cette période, il tenait absolument à y obtenir un emploi. Grosse erreur, pensa-t-il.
Ç'avait été son amour pour la mer et le voyage qui l'avaient poussé à déposer sa candidature, et ses talents de navigateur qui lui avaient permis d'être embauché. Il travaillait sous les ordres d'un dénommé Cutler Beckett, fils d'un des plus hauts représentants de la Company et homme avide de pouvoir et de domination. La source de tous ses problèmes.
Après presque un an de bons et loyaux services, la carrière de Jack Sparrow avait brusquement pris fin à la suite d'un déplorable incident concernant une cargaison d'esclaves d'Afrique noire que Jack était censé acheminer vers les Caraïbes. Il avait refusé et libéré les esclaves quelque part sur la côte africaine. Malheureusement, il avait été rattrapé par les hommes de la Company et accueilli à Londres par un Beckett furieux qui avait jugé la situation assez grave pour appliquer les mesures extrêmes.
Beckett avait coulé le navire de commerce dont son jeune employé avait été nommé capitaine plusieurs mois auparavant, et avait marqué Jack au fer rouge d'un "P" le désignant comme pirate - en quoi son acte avec les esclaves relevait de la piraterie, Jack ne l'avait toujours pas exactement compris. Quoi qu'il en soit, il avait été jeté en prison sans autre information sur sa future condamnation.
Mais Beckett l'avait sous-estimé. Jack n'était pas resté les bras croisés et s'était évadé dès le lendemain, grâce à un stratagème dont il était aujourd'hui encore assez fier et qu'il n'hésitait pas à raconter chaque fois que l'occasion s'en présentait.
Une fois en liberté, Jack, animé d'une folle envie de vengeance sur son ancien supérieur, avait préparé puis exécuté son plan de revanche. Il était retourné, à ses risques et périls, dans les locaux de la East India Company et avait rendu à Cutler Beckett la monnaie de sa pièce. Littéralement.
Alors qu'il regardait l'aube se lever progressivement sur la mer calme et silencieuse, Jack sourit en se rappelant de l'expression ahurie de Beckett lorsqu'il était revenu dans son bureau. Cela aussi, il aimait le raconter autour de lui. Il s'amusait à imaginer Beckett, qui aurait eu vent des rumeurs, fou de rage à l'idée que toutes les Caraïbes soient au courant de sa petite mésaventure. Qu'il avait du reste bien méritée.
Après avoir réglé ses comptes à Londres, Jack avait pensé que les choses ne pourraient aller qu'en s'arrangeant et avait décidé de partir le plus loin possible, loin des autorités, loin de la Company et loin de tous ceux qui aimaient voir les pirates dont il faisait à présent officiellement partie se balancer au bout d'une corde.
Malheureusement, ce fut à ce moment-là que les choses empirèrent. En y repensant, Jack n'arrivait toujours pas à croire qu'il avait pu être victime d'une telle poisse. Il se souvenait parfaitement des circonstances : assis tranquillement à une table d'une taverne au bord de la mer, savourant un repas de poisson et une bouteille de rhum, il avait soudain été interrompu par toute une bande d'individus armés jusqu'aux dents qui avaient visiblement pour projet d'assaillir l'auberge où il se trouvait. Bien évidemment, il avait fallu que cela tombe sur lui. Et bien évidemment, c'est lui qui s'était malencontreusement retrouvé sur la trajectoire de deux balles tirées au hasard dans la mêlée.
Il avait bien failli y rester. En fait, il y serait resté s'il n'y avait pas eu Bill Turner, l'un des pirates qui avaient attaqué la taverne et avec qui il s'était par la suite lié d'amitié jusqu'à l'engager dans son équipage du Black Pearl. En dépit de l'indifférence générale de ses compagnons, Bill avait insisté pour que les flibustiers emmènent Jack à bord de leur navire et tentent, contre tout espoir, de le soigner.
Jack ne se souvenait pas exactement de tout ce qui s'était passé à cette période ; il savait seulement que pour une raison qui, d'après le médecin de bord, tenait du miracle, il avait survécu et qu'il avait fait route vers les Caraïbes enfermé dans une cabine et incapable de bouger pendant six interminables semaines.
Une fois que le navire fût arrivé à destination, il y avait eu un nouveau coup de théâtre - comme si sa vie n'avait pas déjà été assez mouvementée comme cela. Jack avait retrouvé son père, qu'il n'avait pas vu depuis dix-huit ans et qui s'était avéré être l'un des grands seigneurs de la flibuste, avec une réputation solide dans la mer des Caraïbes et au-delà.
Edward Teague Sparrow entendait bien faire de son fils un véritable pirate qui lui succèderait efficacement, et lui apprit tout ce qu'il avait besoin de savoir. Les sentiments de Jack à l'égard de Teague avaient toujours été mitigés - il devait admettre que son père forçait le respect, mais en même temps, il avait une manie de distribuer ses bons conseils comme si Jack avait été un ignare âgé de huit ans, qui avait le don de l'exaspérer prodigieusement. En fin de compte, songea-t-il, lesdits conseils avaient tout de même été bien utiles.
Pour venir terminer en beauté la série des évènements mémorables qui avaient pimenté la vie de Jack Sparrow au cours de ces six mois, il y avait eu la rencontre avec Davy Jones. Une troisième aventure dont Jack ne manquait pas d'alimenter ses conversations - bien que ce fût en général inutile, puisque la plupart des gens qu'il fréquentait en avaient déjà entendu parler. Cette rencontre avait valu à Jack une certaine notoriété.
Il avait en effet signé un pacte avec le maître des océans en personne, le légendaire capitaine du Flying Dutchman. Jack avait pu récupérer le navire que Beckett avait coulé - mission qu'il s'était fixée et à laquelle il s'accrochait désespérément - , en échange de quoi il avait promis son âme à Jones. Rien que ça, songea-t-il.
Il n'arrivait toujours pas à vraiment réaliser à quel point le prix à payer était élevé. Peut-être parce que pour le moment, il n'avait pas encore goûté au reversde la médaille. Tout ce que son absurde marché lui avait apporté jusqu'à ce jour, c'étaient des heures de navigation calmes et heureuses à bord du navire qu'il avait renommé Black Pearl. Jones lui avait donné treize ans. Treize ans à profiter de son bateau avant de devoir se livrer au monstrueux équipage d'hommes-poissons du Dutchman.
Treize ans pour trouver une échappatoire à ce destin peu encourageant.
Lorsqu'il avait conclu le pacte, treize ans avaient paru à Jack l'équivalent de l'éternité. Il ne s'était absolument pas soucié des conséquences, bien trop heureux de pouvoir naviguer à nouveau sur le navire qu'il croyait perdu. Mais à présent, déjà deux ans avaient passé et l'échéance, bien que toujours lointaine, se rapprochait dangereusement.
Jack se consolait en se disant que le Pearl méritait bien cela. Le Pearl méritait tous les sacrifices.
Il aimait son bateau plus qu'il n'aimait probablement tout le reste. Le Black Pearl était sa seule possession, la seule chose à laquelle il soit réellement attaché. Le Pearl ne lui ferait jamais défaut. Il l'emmènerait au bout du monde. Il était le symbole de sa liberté, si chèrement acquise.
Et, pour beaucoup, il commençait à devenir un symbole de la menace pirate dans les Caraïbes. Ce qui plaisait beaucoup à son propriétaire.
Depuis deux ans, le capitaine Jack Sparrow sillonnait la mer des Caraïbes dans son vaisseau aux voiles noires, s'adonnant avec enthousiasme aux activités flibustières alors très en vogue dans la région. Son équipage était réduit mais efficace. Ses méthodes, pour le moins inhabituelles.
Jack estimait qu'il était préférable pour tous d'éviter les effusions de sang inutiles lors du pillage d'un navire ennemi. Aux combats en bonne et dûe forme, aux abordages violents, arme au poing, il préférait les diversions, les coups tordus, les tromperies sans scrupules qui lui permettaient d'acquérir le butin convoité sans massacre inutile. Et il devenait très bon à cette technique.
Les premières fois, certes, il avait pratiqué les abordages dans la plus pure tradition que lui avait enseignée le capitaine Teague. Il s'était battu, il avait gagné et il avait laissé le navire adversaire en flammes et sans aucun survivant. Mais il avait vite été écœuré par ces manières. Premièrement parce que, tout pirate qu'il fût, il n'appréciait pas particulièrement la violence gratuite et à outrance. Et deuxièmement parce que, à chacun de ces abordages, il y avait eu des pertes de son propre côté. Des blessés à chaque fois, des morts dans certains cas. Il ne pouvait pas se permettre de perdre des hommes à chaque attaque et de plus, il n'aimait pas voir son équipage se faire décimer sous ses yeux.
Aussi avait-il rapidement changé de tactique. Et il devait bien admettre que ses nouvelles stratégies fonctionnaient à merveille. Il préférait surprendre que tuer, négocier que se battre, et être considéré comme un pirate rusé plutôt que sanguinaire.
Bien entendu, les autres flibustiers avaient tout d'abord été déconcertés par ses manières, voire tout à fait réticents. A commencer par son père.
"On se fiche de tuer les ennemis, Jackie. Tant que tu ramasses leur or, tu te fiches comme d'une guigne de ce qu'ils deviennent. Quant à tes hommes à toi, ils savent tous que les pirates ne font pas de vieux os. Alors battez-vous, nom d'un chien !"
Jack hochait alors la tête en levant les yeux au ciel. Il avait appris à connaître suffisamment Teague pour savoir ce qu'il allait dire avant même qu'il ouvre la bouche.
Les hommes qui avaient entendu parler de lui avaient commencé par en rire, puis avaient été forcer de constater que le jeune Sparrow parvenait à amasser un butin tout à fait respectable et dans de très bonnes conditions. Il utilisait peu de munitions, ne perdait aucun de ses hommes et se forgeait ainsi une réputation parmi les autres pirates.
Jack et son navire avaient donc commencé à être connus dans les différentes îles des Caraïbes. En toute honnêteté, Jack pensait qu'il devait sa réputation d'abord au fait d'être le fils du célèbre Teague Sparrow. Son nom avait naturellement attiré l'attention. Puis il avait réussi à se faire connaître pour ses propres exploits, justement très différents de ceux de son père. Ce qu'il trouvait plutôt réconfortant.
Au bout de deux ans, le nom du Black Pearl et celui de Jack Sparrow étaient connus dans la plupart des tavernes et logis. Les rumeurs les plus folles circulaient à leur propos, et Jack s'amusait énormément à écouter parler les gens dans les auberges où il s'arrêtait.
Certains croyaient que le Black Pearl était un vaisseau surgi des Enfers - ce qui n'était presque pas si faux que cela, pensa Jack. D'autres étaient persuadés que le capitaine était en réalité un monstre mythologique sous forme humaine - Jack n'arrivait pas à s'expliquer d'où était partie cette rumeur absurde, mais il n'allait certainement pas la démentir. Si les gens le pensaient plus puissant et plus dangereux qu'il ne l'était en réalité, tant mieux.
Jack Sparrow venait de fêter ses vingt-eux ans et menait une vie dont il était entièrement satisfait, entre longs trajets en mer sous un soleil éclatant, abordages où brillait l'or des malles protégées par ses adversaires, et escales dans les ports fréquentés exclusivement par des pirates, où il fêtait une récente victoire avec son équipage dans les tavernes mal famées où il se sentait parfaitement chez lui. Il y avait du rhum, de la musique et des filles, et les hommes du Black Pearl ne demandaient rien de plus.
Le soleil était à présent apparu à l'horizon et jetait ses premiers pâles rayons sur la mer. Le vent qui soufflait par la fenêtre ouverte de la cabine était froid, et Jack s'arracha de la contemplation de l'eau pour aller s'habiller. L'hiver avait été particulièrement frais pour les Caraïbes et le temps avait été très mauvais. Le Pearl avait essuyé plusieurs grosses tempêtes et des vents violents. Aujourd'hui, cependant, la journée paraissait s'annoncer plutôt calme.
Jack enfila ses vêtements, posa son tricorne sur sa tête et jeta un coup d'œil à son reflet dans la vitre. Il avait changé ces deux dernières années, c'était indéniable. Il avait du mal à se souvenir de l'apparence qu'il avait bien pu avoir lorsqu'il était sanglé dans un uniforme bleu et blanc de la East India Trading Company.
Il se demanda si Cutler Beckett le reconnaîtrait s'il le voyait maintenant.
Depuis qu'il avait quitté la Company, Jack avait arrêté de se couper et de coiffer régulièrement les cheveux, qui lui allaient à présent jusqu'aux épaules et étaient tellement emmêlés par endroits qu'ils formaient de véritables dreadlocks. Au début, Jack avait refusé des porter les dreadlocks - son père en avait et il ne voulait pas ressembler à son père. Mais il avait vite dû admettre que c'était une coiffure très pratique et qui n'exigeait aucun entretien, et il avait donc laissé ses cheveux vivre leur vie propre. Il les maintenait en arrière avec un vieux bandana qui avait été rouge vif mais qui était si délavé par l'eau et l'air salé qu'il avait pris une teinte gris-rosâtre.
Dans ses cheveux, Jack portait plusieurs petits objets noués parmi les mèches. Des bouts de ficelle, des perles et même un dé. L'idée n'était pas venue de lui mais d'une fille qu'il avait rencontrée pour la première fois lors de son séjour à la baie de Shipwreck Cove, deux ans auparavant. La fille s'appelait Miaro Rassolondraïbé et avait parfois partagé le lit de Jack pendant les deux mois qu'il avait passé sur l'île des épaves.
Il ne la revoyait que très rarement, mais à chaque fois, elle trouvait un nouveau colifichet à lui nouer dans les cheveux. Elle avait commencé avec une simple perle jaune, lorsqu'il était revenu à Shipwreck Cove pour la première fois après avoir récupéré le Black Pearl. Miaro n'était pas dupe et savait parfaitement qu'elle ne devait rien attendre de plus de la part de Jack qu'une très brève visite de temps à autre, mais elle avait décidé qu'elle voulair au moins lui laisser un souvenir. C'était devenu une tradition et elle lui avait déjà accroché dans les cheveux plusieurs objets hétéroclites. Jack s'était habitué à tous ces éléments qui pendouillaient autour de sa tête et s'amusait parfois à en rajouter, lorsqu'il tombait sur un petit objet qui avait pour lui une signification particulière.
Par ailleurs, son apparence était assez caractéristique de celles des flibustiers des Caraïbes. Il portait de bottes en cuir à revers, un pantalon en toile tellement délavé qu'il ne se souvenait même plus de sa couleur d'origine, et une chemise blanc cassée par-dessus laquelle il enfilait un manteau gris-bleu quand les températures se faisaient plus fraîches.
Il ne se déplaçait presque jamais sans son épée, le pistolet qu'il avait volé à un ivrogne à Londres deux ans plus tôt et qu'il avait conservé depuis, et surtout le compas magique que lui avait donné - non, vendu, se corrigea-t-il mentalement - l'étrange Tia Dalma, sorcière vaudou résidant au fin fond d'un bayou oppressant. Le compas pointait sur ce que l'utilisateur désirait le plus au monde, et Jack le gardait en permanence attaché à sa ceinture. Il n'avait parlé à personne des facultés de l'objet, conscient qu'il attiserait aussitôt toutes les convoitises.
Jack complétait son apparence par un vieux tricorne en cuir râpé, que Miaro, encore une fois, lui avait déniché. Il adorait son chapeau et refusait catégoriquement toutes les suggestions aimables de son équipage qui estimait que leur capitaine méritait mieux qu'un vieux couvre-chef usé. Il soulignait souvent son regard d'un épais trait de khôl, car comme il l'avait appris par des marins chevronnés, le khôl permettait de mieux supporter la luminosité du soleil.
Non, décidément, il n'était pas certain que ceux qu'il avait fréquentés du temps où il habitait à Londres le reconnaissent au premier coup d'œil. Et c'était tant mieux. Il était préférable que la East India Trading Company ne mette plus jamais la main sur lui, autrement il risquait fort de voir sa vie de pirate brusquement abrégée par une condamnation à mort sans autre forme de procès.
Il fut interrompu dans ses pensées par trois coups frappés précipitamment à la porte de sa cabine. Il se retourna et se retrouva face à Bill Turner qui n'avait pas attendu sa réponse pour se ruer dans la petite pièce.
Jack fronça les sourcils, surpris par cette soudaine intrusion au petit matin.
"Navire en vue, Jack ! Des feux arrières, à tribord. Hauts sur l'eau et encore allumés."
Jack traversa la cabine pour aller chercher la longue-vue qu'il avait posée sur sa table de travail, et suivit Bill sur le gaillard avant sans ajouter un mot. Le vent soufflait fort et des nuages gris se profilaient déjà à l'horizon. le soleil ne tiendrait certainement pas très longtemps.
"Là." Bill pointa un doigt sur l'horizon et Jack aperçut les feux sans même se servir de sa longue-vue. Le vaisseau n'était pas très loin. Il inspecta le navire pendant un certain temps. "Il me paraît bien haut sur l'eau, celui-là. Ça n'a pas l'air d'être un simple brick."
Bill lui prit la lunette et regarda à son tour. "Un vaisseau de ligne, alors ? La Navy ?"
Jack haussa les épaules. Il ne parvenait pas encore à distinguer le pavillon du navire. "Ou un gros navire commerçant aux cales bien pleines, qui retourne à son port d'attache. Quelle vitesse ?"
"D'après la vigie, il ne doit pas filer à plus de cinq nœuds", répondit prestement un pirate aux cheveux blonds qui était venu se poster aux côtés de Jack. Le garçon était le plus jeune de l'équipage - Jack ne lui donnait pas plus que dix-sept ans - , et depuis qu'il avait embarqué à bord du Pearl, il tenait à tout prix à se montrer utile et efficace, toujours prompt à aider son capitaine.
"Qu'est-ce qu'on fait, Capitaine ?" ajouta-t-il sur un ton empressé. Le jeune garçon avait rejoint l'équipage depuis très peu de temps et n'avait jamais vraiment participé à un abordage. Son impatience et son excitation étaient presque palpables.
Jack réfléchit un moment. Si le vaisseau appartenait bel et bien à la Royal Navy, ils couraient un risque important. Ces gros navires transportaient souvent des compagnies entières de soldats armés, qui constituaient un adversaire redoutable et entraîné.
Mais si c'était bien un navire de commerce, alors ses cales regorgeaient très certainement d'or et de richesses diverses. Et puis, il était le capitaine Jack Sparrow. Il n'allait certainement pas reculer devant l'hypothèse d'un abordage dangereux.
Jack priait seulement pour que le bateau ne porte pas le pavillon de la East India Company, avec laquelle il préférait éviter toute altercation.
"On va le prendre par tribord, pour garder le vent", répondit-il. Il envoya le garçon blond - Harvey, ou peut-être Harold, il ne se souvenait jamais de son nom - vérifier l'arrimage des canons, puis descendit dans la cale pour donner des ordres à ses hommes. Il fit distribuer la poudre et ouvrir les sabords, puis fit monter sur le pont un tonneau de rhum - la tradition voulait que l'équipage se donne du cœur au ventre en buvant avant un abordage.
Il ne fallut pas longtemps au Black Pearl pour se rapprocher du vaisseau adversaire. Lorsque Bill, qui tenait la longue-vue, fut enfin en mesure d'identifier le pavillon flottant au sommet du grand mât, il lança un regard inquiet à son capitaine qui n'avait quitté le gaillard avant que pour aller boire quelques gorgées de rhum avec les autres.
"C'est pas un commerçant, ça, Jack. Pavillon anglais, et je vois briller des casques sur le pont. On a bien affaire à la Navy. Et vu la taille du bateau... On dirait bien qu'on va se battre à dix contre un."
Il passa la longue-vue à Jack qui fut bien forcé d'admettre qu'il avait raison. Le navire était beaucoup plus imposant que ce qu'il avait d'abord cru. Mais ils étaient trop près pour abandonner maintenant.
Jack fit part des nouvelles à son équipage, qui ne se montra pas particulièrement inquiet. Il avait la chance d'avoir recruté des hommes qui lui faisaient suffisamment confiance pour le suivre dans les entreprises les plus risquées. Et celle-ci l'était.
Alors que Jack, Bill et deux autres pirates réfléchissaient au meilleur moyen de prendre le navire par surprise, la vigie les appela d'une voix légèrement paniquée.
"Capitaine !"
Jack leva la tête. "Qu'est-ce qu'il y a ?"
"Ils virent de bord, capitaine ! Ils ont sorti les canons et virent de bord ! Ils vont attaquer !"
Un rapide coup d'œil vers le navire permit à Jack de vérifier les paroles de la vigie. Le vaisseau avait effectué un quart de tour serré et continuait son virage pour faire face au Black Pearl.
"Nom de dieu", fit Bill. Jack hocha la tête. Il n'aimait pas cela du tout. D'assaillants, ils allaient se retrouver assaillis. Ils avaient peu de temps. Et Jack soupçonnait les canons de leurs ennemis d'avoir une portée bien supérieure à celle des leurs.
"Hissez nos couleurs !" cria-t-il en direction des pirates accrochés dans les haubans en haut du grand mât. Puis il alla se servir une rasade de rhum dans le tonneau presque vide et sortit son épée de son fourreau. Son regard s'attarda sur ses hommes, qui se préparaient fébrilement au combat inévitable.
Le Pearl comportait déjà un effectif très réduit, et même si leur nombre augmentait de façon constante maintenant que Jack Sparrow avait acquis une certaine notoriété dans les Caraïbes, l'équipage était constitué d'à peine une trentaine d'hommes, ce qui, pour un trois-mâts de l'envergure du Pearl, était anormalement peu. Jusqu'à présent, tout avait fonctionné à merveille et Jack n'avait pas ressenti le besoin pressant d'engager de nouveaux marins, mais à cet instant il regrettait de ne pas avoir recruté davantage.
Quelques minutes plus tard, il entendit le cri d'alarme de la vigie et la seconde d'après, le bruit assourdissant du premier coup de canon.
...
A suivre...
Chapitre 2 : Tortuga
