Les tâches sombres sur le papier se confondaient, se multipliaient et s'agrandissaient de secondes en secondes. L'écriture désordonnée que la feuille blanche présentait tantôt fut brouillée, les mots s'entrechoquant, leur sens se mêlant à l'amertume des larmes silencieuses.

Ses mains tremblaient tellement que le papier semblait prêt à se déchirer à chaque secousse, sa respiration était tellement hachurée qu'elle semblait parfois inexistante. Mais le papier ne se déchira pas et son souffle était toujours bien là.
Il lisait ce bout de feuille, encore et encore, sans relâche. Et son cœur se serrait à chaque paragraphe, à chaque phrase, à chaque mot, à chaque point. Mais il continuait de battre, inlassablement, inévitablement. Contrairement à celui du seul être auquel il tenait encore.

Papa,
Quand tu liras cette lettre je ne sais pas trop ce qu'il sera de moi. Peut-être que j'aurai réussi, peut-être que non, comment le savoir ? Peut-être que tu rentreras plus tôt ce soir après tout.
Mais j'en doute.
J'en doute parce que tu ne rentres que rarement. J'en doute parce que tu me fuis. J'en doute parce que tu ne m'aimes plus.
Je crois que le pire dans tout ça, c'est que je connais la raison pour laquelle ton amour m'a banni de son étreinte. Tu sais papa je t'ai toujours entendu de l'autre côté du mur, les pleurs que tu pensais étouffés me parvenaient, toutes les nuits, sans que je ne puisse y faire quelque chose, sans que je ne sache pourquoi.
Mais un jour j'ai compris. Un jour, ou plutôt une nuit, tu t'es confié au silence. Tu lui as confié ta souffrance, pensant que je dormais, je ne sais pas si tu te rappelles de cette nuit. Tu lui as parlé de mon autre papa, lui a dit qu'il te manquait, que tu l'aimais toujours et qu'en 16 ans il n'y a jamais eu un seul jour qui passe sans que tu ne penses à lui. Tu lui as dit que je lui ressemblais de plus en plus, que ça te faisais mal de me regarder, que tu n'y arriverai bientôt plus.
Depuis cette nuit j'ai compris papa, j'ai compris que tout était de ma faute. Si je n'étais pas là, lui le serais encore.
Alors je t'écris cette lettre pour te dire que je suis désolé papa. Je suis désolé de lui ressembler. Je suis désolé d'être toujours en vie alors que lui ne l'est plus. Je suis désolé d'être né. Je suis désolé de l'avoir tué.
Peut-être que papa m'acceptera là-haut, peut-être qu'il m'aimera malgré que je sois la raison de sa mort.
Je ne sais pas si tu me pardonneras un jour d'avoir existé, je l'espère, je l'espère vraiment.
Penses-tu qu'Eren en sera capable une fois que je l'aurai rejoint ? Penses-tu qu'il sera capable de pardonner le fruit de ses entrailles ?
Je suis vraiment désolé papa.
Mais je t'aime, de tout mon cœur.
Lewis Ackerman

Et Levi comprit, les genoux au sol et le cœur déchiré, qu'il était désormais seul.