Le Pirate des Sept Mers

Chapitre I

Les vagues claquaient contre les morceaux de bois béants qui constituaient ce titan des mers. L'odeur des algues mêlée à celle de la moisissure naissante en fond de cale donnait ce petit parfum de risque dont se délectaient les membres d'équipages. Chacun à son post. Même chez les pirates, la hiérarchie se devait d'être respectée. Les matelots qui s'occupaient des basses besognes, laver le sol, monter les voiles, ou encore couper les patates, et le capitaine à la barre.

Les barils de poudre détachés roulaient de droite à gauche à chaque vague qui venait fouetter la coque, essayant presque désespérément de renverser ce navire à trois mats qui défiait les mers depuis plus de soixante-quinze ans. On pouvait voir deux hommes assez frêles courir après les tonneaux renversés dont la course ne semblait vouloir s'arrêter. Par ici ! Non, par là ! Il fallait les rattachés avant qu'un d'eux ne fasse des dégâts sur le Titan des Mers. C'était son nom, le « Titan des Mers », donné à ce bâtiment de vingt-huit mètres de long, dont la rapidité surprenait tous les navires qui croisaient sa route. Un monstre de bois et d'aciers, armés de vingt-cinq canons tous plus ou moins en état de fonctionner, et capable d'accueillir à son bord plus de deux-cents hommes.

Mais ce n'était si sa taille, si sa rapidité, qui avait fait de ce navire un des plus craint des sept mers. C'était les capitaines qui l'avaient commandé. Et des capitaines, il n'y en avait eu que trois. Le premier était un grand homme, qui légua son titre à son fils, le second capitaine, qui malgré son titre de pirate, était une personne fiable, sur qui on pouvait compter, son équipage le savait. Il n'avait jamais perdu une bataille, et son trésors récolté jusqu'à maintenant constituait une immense fortune. Bien sure, fortune qui diminua au cours du siècle, dilapidée à droite à gauche, distribuée aux membres, échangée contre des vivres, de l'alcool, et de la poudre principalement. Bien qu'on raconte qu'une grande partie de ce trésor reste cachée quelque part, dans un endroit que seul le premier capitaine et ses subordonnés directs avaient connaissance. Autrement dit, les membres d'équipages les plus anciens. Un demi-siècle, dans une vie de pirate, ne se compte pas en année, elle se compte en aventure. Ce capitaine, fort apprécié, disparut un jour, emporté par le temps et la maladie et il légua son plus beau trésor à la mer, et à ce navire géant. Son sang. Son successeur, à son tour. Le capitaine actuel.

« - Que quelqu'un m'arrête ces barils et les jette dans la cale une bonne fois pour toute, avant que je doive m'en charger personnellement ! Hurla le capitaine. »

C'était physiquement, à quelques détails prêts, la réplique parfaite du précédent capitaine. Avec un caractère des plus explosifs, malgré des traits de visages qui semblaient plutôt doux. A l'instar du précédent homme qui tenait la barre, le nouveau chef de ce navire semblait vouloir maintenir ce ressentit d'intimidation, cette peur qui émanait de lui lorsque quelqu'un croisait ses yeux bleus azurs, aussi profonds que l'océan lui-même. Cela avait prit du temps, mais c'était un capitaine aussi respecté que son prédécesseur, et chaque membre de l'équipage savait que malgré le côté dur dont il était capable, ils pouvaient également tous avoir une confiance aveugle en lui. Ca avait été difficile, au début, les matelots se demandaient tous, comment le précédent capitaine avait pu nommer son enfant comme prochain successeur, mais pas à cause de son jeune âge, non, ni à cause de ses capacités que personne n'osait remettre en cause. Ils se demandaient tous, comment le capitaine Megurine avait pu nommer sa fille. Une femme parmi les pirates, ça ne se faisait pas. Jamais on aurait avant cela toléré une femme à bord, une femelle, comme certains aimaient les appelés, chez la plupart des pirates. Et encore moins la voir devenir capitaine. Mais c'était une tradition sur ce navire, le titre de capitaine se transmettait par le sang, et c'est ainsi que Luka Megurine, devint chef de piraterie à dix-neuf ans, par la force des choses.

« - Si je dois jetter ses barils moi-même dans la cale, je vous y jette avec, et qui sait quand vous en sortirez ! s'écria à nouveau le capitaine constatant qu'aucun progrès n'avait était fait.

- Tout… Tout de suite mon Capitaine ! »

Si une chose était certaine, c'est qu'elle savait se faire obéir sur son bâtiment. Et elle s'y donnait à cœur joie, pour la fierté de son défunt père, et de son grand père, qui commandèrent tout deux ce même navire comme aucun pirate n'en aurait été capable. Une rumeur circulait même, une rumeur, selon laquelle le premier capitaine, le grand-père du capitaine actuel, était un ancien corsaire, le plus grand de son époque. Et il serait devenu le plus grand pirate des sept mers, après cela. Pourquoi, comment ? Personne n'en connaissait la raison, mais les pirates étaient ivres de liberté, de liberté et d'alcool !

Depuis son accession au rang de capitaine, les choses avaient quelques peu changés sur le Titan des Mers, en effet, les femmes pirates commençaient tout doucement à s'affirmer, dans certains endroit du globe, on constatait parfois des membres féminins au sein des équipages qui le tolérait, même si c'était rare. Il fallait être fort pour devenir pirate quand on était une femme. Passer sa vie entourée d'hommes, subir les regards insistants de certains, les moqueries, même si ce n'était pas nécessairement mieux sur la terre ferme. C'était l'époque, au XVIIIème siècle, les femmes n'étaient pas encore totalement respectées à juste titre. Mais sur ce navire là, les choses étaient différente, chaque membre de l'équipage devait être traité de la même façon qu'un autre. Homme ou Femme. Bien sure, chacun se taquinait à sa manière, mais l'égalité des sexes primait sur le reste. Il y avait donc au total quatre femmes, y compris la capitaine, sur ce bâtiment. C'était très peu, mais celles-ci étaient portées en haute estime du Capitaine. L'une était son bras droit, et les deux autres se situaient juste après hiérarchiquement. Ces trois personnes plus un autre membre, formaient le cercle de subordonnés directs de la pirate. Et aussi surprenant que cela pouvait l'être, ils étaient tous très jeune.

Les plus anciens membres ne se battaient plus que très rarement, ceux qui avaient était présent pendant le commandement des deux premiers capitaines avaient accomplis leurs devoirs de pirate, et passaient leur temps à se reposer sur le navire, et aider comme ils le pouvaient. L'équipage avait bien changé, depuis le premier pillage mené par le premier Capitaine.

« - Capitaine, la mer semble s'agiter dangereusement ! fit un matelot sur le pont.

- Et alors ? Vous avez peur d'une petite tempête ? Ne salissez surtout pas le pont en vous faisant dessus, c'est vous qui nettoierez ! Rigola le pirate sans peur. On maintient le cap, nous avons connus bien pire que ça ! »

Chaque membre de l'équipage repris son poste tandis que le Capitaine Megurine tenait la barre bien fermement entre ses mains, avec un sourire presque sadique sur les lèvres. C'était ça, être un pirate ! Défier l'océan ! Et elle aimait ça. Le vent secouait ses longs cheveux roses, et une rafale emporta presque son chapeau, symbole de son titre, que son père, et le père de son père, avaient porté avant elle. Beaucoup l'admiraient, aussi bien des membres de son propre équipage, que des civils qui rêvaient de libertés. Il fallait dire qu'elle avait un charisme à en faire jalouser plus d'un. C'était une femme de grande taille, à la silhouette parfaite, et aux courbes délicates mais généreuses. Avec sa tunique blanche, et son grand manteau noir, n'importe quelle personne qui croisait sa route était capable de la reconnaitre, tellement sa réputation l'avait précédée.

La tempête se calma rapidement après cela, tandis que tout l'équipage était trempé de la tête au pied, mais tous arboraient un sourire sur le visage. Cette sensation quand le bateau tangue de tout côté, était unique.

« - Capitaine ! Navire droit devant ! S'écria un petit blond sur le nid-de-pie, la longue vue à la main. »

Alors le Titan des Mers n'était pas le seul à s'être aventurée entre les vagues déchainées. Le navire en vue n'avait pas l'air d'être un bateau pirate au contraire, on aurait plutôt dit une sorte de bateau de commerce, même si celui-ci semblait armée, mais pas effrayant. Rien n'était effrayant pour le Capitaine Megurine, qui donna l'ordre de hisser la grande voile !