Note de l'auteur:

Voilà des liens pour vous mettre dans l'ambiance pendant le chapitre 1, des notes vous dirons quand les écoutez.

J'espère que vous apprécierez cette histoire qui se déroule dans un AU.

(1) version complète du morceau = watch?v=liTSRH4fix4

(2) morceau joué par mon personnage = watchv=7maJOI3QMu0&list=RD7maJOI3QMu0#t=39


Prologue:

Ma meilleure amie, au vu de ce qu'il se passe dans ma vie depuis quelques temps, m'a conseillé de raconter mes aventures dans un journal. Cela donne ce que vous êtes en train de lire. Vous y trouverez, qui que vous soyez, même si vous êtes mon moi du futur, mon récit, des images et des photographies. Je vais commencer par parler un peu de moi. Je suis née dans un hôpital de Londres, le 27 janvier 1993 sous le nom de Caroline Augusta Francès Émeraude Ravian. Vous vous demandez sans doute pourquoi je réponds à autant de prénoms ? Eh bien, je ne le sais pas trop moi-même ... Il faut que je penses à interroger ma mère à ce propos.

Quoi qu'il en soit, je vais continuer un chouïa ... J'ai eu une enfance heureuse, malgré mon statut d'enfant unique. Je me fait des amis difficilement mais je partage un lien particulier avec les animaux qui m'aide un peu dans le domaine relationnel. Jusqu'à récemment, mis à part quelques détails sortant de l'ordinaire, je me suis toujours considérée comme une jeune femme de 17 ans parmi tant d'autres. Ma mère m'adore et le montre de façon excessive à l'occasion. Cependant, j'ai toujours pensé qu'il y avait une explication derrière son attitude, mais vous en saurez plus en avançant dans votre lecture. Ma mère exerce la profession de médecin. Son nom ? Agathe Ravian. Elle m'élève seule depuis ma naissance, pourtant, elle ne tarit pas d'éloges sur mon père: Baptiste Saint-Germain.

Je me suis toujours demandée pourquoi ils ne se sont pas mariés et la raison qui fait que je ne l'ai jamais vu. Maintenant, ces questions ne me tourmentent plus. J'aurais préféré apprendre les réponses de la bouche de ma mère, mais ce n'est pas ainsi que j'en ai eu connaissance. Vous ne me croirez peut-être pas, je comprends, pour moi aussi ça a été dur ... J'ai rencontré mon père au 18e siècle. Quoi ? Je vous avait prévenu que cela paraîtrait impossible aux yeux de certains d'entre vous, si ce n'est pas de tous. Rassurez-vous, je vais reprendre toute cette affaire du début. Installez-vous confortablement, où vous voulez, ça m'est égal et lisez mon récit. Là et seulement à partir de cet instant, je vous laisserais faire des commentaires. Tout cela a commencé lors d'une nuit de pleine lune, démunie d'étoiles ... , mais vous verrez. Lisez et la vérité vous sera dévoilée.


Chapitre 1: Rencontre dans le passé.

Une journée parfaite à tous les points de vues: le soleil brille et les cours passent à la vitesse de la lumière. Une seule ombre au tableau ... Ce soir, ma mère est de sortie. Je suis toute seule à la maison. Ce n'est pas quelque chose qui me dérange en soi, elle a bien le droit de profiter d'un moment avec ses amis. C'est juste que je ne me sens pas en sécurité la nuit dans cette demeure, presque aussi ancienne que la musique jouée au 18e siècle. Je suis certaine que les lieux plairaient à monsieur Whitman. C'est mon professeur d'histoire, il est complètement accros aux objets anciens. Il les collectionne et nous en montre certains en cours lorsqu'il juge que cela peut nous apporter des connaissances en plus. Ce qui en clair veut dire, qu'il les emmène tout le temps. Heureusement, il ne nous interroge pas à ce sujet dans ses contrôles, sinon je crois que certains dans ma classe auraient des notes bien moins satisfaisantes. Mais, revenons-en à la maison ...

Maman l'a fait réaménager avec tout le confort moderne, mais j'ai toujours l'étrange impression d'être observée, comme si le premier occupant des lieux y demeurait encore. Cependant, ce n'est pas une présence qui me fait peur. À bien y réfléchir, il s'agit plutôt de quelque chose de bienveillant. J'ai parfois même le sentiment que cette personne ou chose, quoi que ce soit, me suit partout comme un ange gardien. Suis-je en train de devenir folle ? Peut-être, allez savoir ... Quoi qu'il en soit, je n'aime pas trop rester seule dans cet endroit immense, mais je n'ai pas le choix, alors, je prépare mon dîner, puis file au lit tout de suite après. Ma tête touche à peine l'oreiller que je suis déjà endormie. Quelques heures plus tard, je rouvre les yeux dans une chambre à la fois semblable et différente de la mienne. L'ambiance de la pièce a changé, je ne suis plus en pyjama. Je suis affublée de l'une de ces somptueuses tenues si appréciées des nobles dames vivant au 18e siècle.

D'ailleurs, je remarque que je ne suis pas dans un lit, mais assise sur un gros fauteuil en velours rouge foncé, très confortable, avec des motifs dorés et des accoudoirs en bois massif. Je me trouve juste à la droite d'un grand lit à baldaquin. Allongé dedans, je vois un homme d'un âge que je ne parviens pas à définir, probablement entre 40 et 50 ans, il ne semble pas en très grande forme. Avant de m'approcher de lui, je me pince et retiens un petit cri, je ne suis pas en train de rêver ! Je me trouve donc vraiment dans une autre époque !

Bon, essayons de voir si je peux faire quelque chose pour lui. Je ne le connais pas, pourtant, mon cœur se serre à la vue de son visage perlé de sueur et de son corps secoué de convulsions. Ses traits me font penser aux miens en plus durs ... Serait-il possible que je me trouve face à mon père ? Non, cela ne se peut pas. En fait, une partie de moi espère que ce soit vrai, tandis que l'autre pense que c'est tout à fait improbable. Mais en même temps, je suis bien là, donc pourquoi pas ? C'est alors que je remarque quelque chose d'étrange au niveau de mes mains. Elles sont enveloppées d'une espèce d'aura entièrement blanche.

Sans que je puisse les contrôler, elles se plaquent sur la poitrine de l'homme et une sensation de chaleur se répand dans mon corps jusqu'à mes doigts, d'où elle passe dans celui de mon "patient". La lumière adopte tour à tour toutes les couleurs connues de l'œil humain et cet arc-en-ciel miraculeux commence à faire effet sur l'état de santé de l'inconnu. Sa peau un peu grise reprend des couleurs plus naturelles, les traits de son visage s'apaisent, les convulsions cessent de le secouer et sa respiration redevient régulière. Les battements de son cœur recouvrent une allure plus stable et ne font plus de petits bonds un peu flippants sous sa peau. Je peux le dire très franchement, j'ai eu très peur qu'il passe l'arme à gauche avec tous ces symptômes. Ils étaient si graves qu'ils auraient causé l'évanouissement d'un médecin du 21e siècle.

L'homme cesse de trembler, la sueur disparaît de son front puis il ouvre les yeux et les écarquille en me voyant penchée sur lui. J'ai encore les mains sur son torse... Il ne semble pas s'en offenser, mais je recule pour le laisser respirer et puis, je suis quand même un peu mal à l'aise... . Il m'observe avec attention, en souriant. Je fais souvent cet effet-là aux personnes qui me regardent. Il se perd dans mes yeux bleus qui tendent parfois vers le brun, en fonction de la luminosité, même s'ils sont un peu cachés par mes cheveux blonds et roux légèrement bouclés et longs jusqu'à mes épaules. Mes traits sont fins et ma peau est presque aussi blanche que la neige. Il ne doit pas avoir l'habitude de ce genre de physique. Surtout à cette époque où l'on se méfie tant des femmes. C'est encore plus le cas pour les "jolies filles", catégorie dans laquelle les garçons me placent à l'école, même si je me moque royalement de ce qu'ils peuvent penser de moi.

Ses yeux noisette sont embués de larmes. Une étincelle dans son regard me laisse penser que mon idée qu'il soit mon père n'est peut-être pas si absurde que cela. Il essaye de se redresser, mais semble éprouver quelques difficultés pour ce faire, alors je me place tout près de lui. Après un instant d'hésitation, je positionne mes mains sous son dos et l'aide à s'appuyer sur le mur qui se trouve à cette extrémité du lit. Je glisse ensuite un oreiller derrière lui pour qu'il soit bien installé et m'assois au bord du matelas. Je n'ose même pas prononcer la moindre parole tant il se dégage de noblesse de ce personnage qui, il n'y a pas si longtemps, m'a parut sur le point de mourir.

C'est un silence quasiment religieux et très pesant qui s'installe, jusqu'à ce que, sa voix, douce et grave, ne le fasse éclater comme on le ferait avec un ballon de baudruche, mais avec élégance :

- Soyez la bienvenue chez moi ma fille. Merci pour votre assistance.

- Je me doutais que vous fussiez au courant, seulement, je n'étais pas certaine de cet état de fait. J'ai simplement eu un doute en vous voyant, mais je suis sûre que même sans cela, je vous aurais secouru. Tout le plaisir était pour moi.

En disant cela, j'affiche un air serein, mais à l'intérieur, je suis comme une casserole bouillonnante. Je fais simplement de mon mieux pour masquer mon mal être.

- Agathe semble vous avoir fort bien élevée. Vous n'êtes pas encore née pour moi, mais vous êtes déjà une ravissante jeune femme dans votre époque.

Je passe mes doigts dans mes cheveux, un peu nerveuse alors qu'il me regarde, guettant une réaction de ma part. J'essaye de m'empêcher de rougir puis déclare:

- Merci. Je suis heureuse que vous me fassiez l'honneur d'un tel compliment Monsieur le comte de Saint-Germain. Je ne pensais pas pouvoir faire votre connaissance un jour...

- Que de formules bien ronflantes dans une si jeune bouche.

Il me sourit avant d'ajouter avec un air trahissant son trouble:

- Voyez-vous très chère, j'ai eu du mal à en croire mes yeux lorsque je vous ai vue penchée sur moi.

Il s'interrompt un court instant, un léger sourire naît sur ses lèvres avant qu'il ne poursuive en disant:

- Vous êtes l'association parfaite des traits de votre charmante mère et des miens. Quel nom a-t-elle choisi pour vous et qu'elle est votre date de naissance ? Nul besoin de me donner l'année.

Je lui souris enchantée par cet échange qui nous permet de tisser un lien que je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'avoir auparavant puis je réponds à sa question:

- Eh bien, Maman m'a choisi plusieurs prénoms. C'est une coutume de notre époque. Mon prénom principal est Caroline, mais les autres sont: Augusta, Francès et Émeraude. Je suis née le 27 janvier.

- Qu'elle magnifique suite de prénoms que voilà ! Votre mère a fait un excellent choix. En janvier dites-vous, hum ... Cela signifie que vous allez naître, de mon point de vue, dans un peu moins de sept mois. Mais, si j'ai bien compris ce que ma bien-aimée m'a expliqué, je ne serais pas là pour votre naissance ...

Il me regarde remarquant immédiatement mes larmes, de sa voix calme et rassurante il me dit:

- Oh, s'il vous plaît, non Caroline, ne pleurez pas, je vous en prie.

- Je suis navrée. Je ne peux pas m'en empêcher. Après tout, à mon époque, vous êtes mort depuis bien longtemps. Cela me paraît tellement étrange de faire votre connaissance de cette manière.

Les larmes coulent sans cesse le long de mes joues. Ce n'est que lorsqu'il me prend, timidement, dans ses bras pour me réconforter, et que je sens son souffle sur ma peau, que je parviens à retrouver mon calme. Je me fais la réflexion qu'il ne doit pas être habitué à montrer de tels gestes d'affection vu son époque, mais cela me fait sourire qu'il fasse cet effort pour moi. Je prête ensuite attention à ce qu'il me dit:

- Ça va aller. Je suis là maintenant. Vous savez qui je suis et vous pourrez toujours venir me voir. Ne me brisez pas le cœur de vos pleurs et faite moi un joli sourire.

Je ne veux pas lui faire de peine alors je m'exécute. Il me rend mon sourire et son visage est presque aussi lumineux que les bougies qui éclairent la pièce. Je me sens incroyablement mieux d'un seul coup, comme si toute la tension que j'ai retenue en moi durant ces derniers jours s'était envolée avec ces larmes. J'ai encore les yeux embués, et le comte, l'ayant fort bien remarqué, me libère de son étreinte, puis me donne un mouchoir en tissu propre qui a été brodé avec ses initiales.

Le morceau de soie rouge et vert, dont les lettres ont été faite avec des fils dorés et argentés a été décoré avec grand soin. Je reconnais tout de suite le travail de Maman, et le prends doucement, pour sécher mes larmes puis je le rends à son propriétaire. Il le met dans une poche de sa veste puis devant mon regard sidéré, il fait sonner une petite clochette qui trône sur sa table de chevet et un serviteur fait son entrée. Il n'a pas l'air surpris le moins du monde, même lorsque le comte me présente comme étant sa fille et il déclare d'une voix chaleureuse et douce à mon oreille:

- C'est un honneur de pouvoir rencontrer enfin la fille de mon maître bien que vous ne soyez pas censée être déjà née.

En remarquant ma surprise, il me sourit puis dit:

- Ne faites pas cette tête-là, nous avons l'habitude de ce genre de chose depuis que nous travaillons pour le Comte et son frère. Je garderai le secret, comme je l'ai toujours fait.

Il se rapproche un peu plus du lit et demande au comte :

- Que puis-je faire pour vous être agréable Monseigneur ?

- Prépare-nous quelque chose à manger dans le salon, je n'en peux plus de rester allongé sans rien faire. Et puis, tu sais que les voyages dans le temps ouvrent l'appétit.

Le domestique s'incline en disant avec malice et un peu d'agacement:

- Bien, comme vous voudrez. Veillez à ne pas bouger trop vite, vous sortez tout de même d'une longue convalescence.

Le comte marmonne quelque chose. C'est inaudible, mais je sens du mécontentement dans son ton. Il se lève et gagne un autre coin de la pièce tandis que le serviteur se tourne vers moi et dit :

- Si Mademoiselle veut bien me suivre le temps que mon maître se prépare ...

Je suis un peu troublée par tout ça ... On va dire que c'est soudain, mais c'est vrai que j'ai faim. Alors, je me saisis du bras tendu de cet homme fort sympathique et le laisse me conduire dans le salon. Il me fait asseoir sur un petit fauteuil très confortable et se propose de me préparer un thé. Je refuse poliment, préférant attendre que mon hôte soit de retour afin que nous puissions discuter autour de notre petit en-cas tardif. Le comte arrive quelques minutes plus tard, vêtu d'une redingote bleu pâle, un genre de foulard blanc noué autour du cou, avec à sa base une broche en or sertie d'une émeraude, et un pantalon bleu venant compléter la tenue. Je ne prête pas attention à ce qu'il a aux pieds, tant je suis concentrée sur son regard tandis qu'il s'installe sur un fauteuil face à moi. Je ne sais pas quoi dire pour combler le silence qui règne dans la pièce et pourtant, j'ai bon nombre de questions à lui poser. Je pense que le problème, c'est que je n'arrive pas à me décider par quoi commencer.

Ma réflexion est interrompue par le retour du domestique, qui place sur la table basse quelques mets à l'odeur alléchante, qui met sérieusement à mal ma concentration. En observant mon hôte, je peux remarquer qu'il a du mal à supporter ce silence, tout comme moi. Lorsque son malaise arrive à un point très élevé, il prend l'initiative de briser cette absence de parole qui rend l'atmosphère si pesante:

- Eh bien, Caroline, je ne m'attendais pas du tout à ta visite, tu sais.

- Je m'en doute bien Monsieur le Comte. Moi, je n'aurais jamais cru qu'un jour je voyagerais dans le temps. Maman ne m'a jamais dit qu'elle était capable de faire ça ...

- C'est un fardeau bien dur à porter pour une personne, et ce, quel que soit son âge. Mais pour ta mère, c'était bien pire, elle a dû prendre une décision très difficile. Ce qu'elle a fait, enfin ce qu'elle va faire, elle n'a pas d'autres choix.

Troublée par les dires de mon interlocuteur, je lui demande des précisions:

- Qu'est-ce que vous entendez par là Monsieur le Comte ?

- Cela fait bien longtemps que l'on ne m'appelle plus ainsi ... Mais bon, revenons-en à ta question. Ce que je souhaite exprimer par là, c'est qu'il valait mieux pour vous deux qu'elle s'en aille et s'installe dans son époque de manière définitive ...

L'émotion qui l'envahit est, d'un seul coup, si grande qu'il s'arrête quelques secondes de respirer. Il reprend son souffle et son explication dans la foulée:

- A chaque fois qu'elle venait, et malgré mes précautions, je passais mon temps à me faire du souci pour elle. On ne pouvait pas définir la date de son ultime saut, alors je lui ai fait promettre que le jour où cela arrivera, de partir quel que soit la situation. Et, en vous voyant ici avec moi, même si ça m'a fait mal sur le coup, je pense que nous avons fait le bon choix.

D'une voix plus basse, il dit en soupirant:

- Si seulement cette époque n'était pas si dangereuse pour les gens comme nous ...

- Alors, c'est vous que je dois remercier. Si vous ne l'aviez pas convaincue de partir, je n'aurais pas survécu à ma naissance. Je ne devrais même pas vous en parler ... Ça y est, je sens déjà les larmes qui me viennent, les mêmes qui vont envahir vos yeux lorsque vous saurez tout.

Il acquiesce puis dit avec un air amusé:

- Dans ce cas, il vaut mieux attendre que nous ayons mangé. Sinon, la nourriture va être froide et trempée de larmes, je ne suis pas sûr que ce soit très bon.

Cette simple phrase anodine me fait rire et le comte se joint à moi, puis nous mangeons en silence. Une fois ceci fait, je me débarbouille dans la salle de bains. À mon retour au salon, je vois le comte assis à un piano à queue blanc, des motifs floraux gravés sur sa surface lisse. Il est vraiment magnifique et est placé dans l'angle de la pièce. Je reste figée dans le cadre de la porte en voyant ses doigts s'agiter gracieusement sur le clavier, produisant une sublime mélodie que je reconnais comme étant un extrait de Nocturne de Chopin (1). J'imagine que c'est maman qui lui a apprit à jouer ça, puisque ce compositeur n'est pas encore né et que c'est le morceau qu'elle préfère. Cette musique est si belle que je ne peux retenir quelques larmes tandis que je me rapproche sans un bruit pour le regarder jouer.

Il sent mes yeux braqués sur lui et à la fin de sa démonstration, il prend doucement ma main, m'entraîne jusqu'au petit banc molletonné devant le piano et me fait asseoir.

- Savez-vous jouer de cet instrument ma chère ?

- Oui, mais je ne suis pas sûre de vous surpasser au niveau de la qualité de mon jeu.

- Balivernes, allez, nous vous écoutons.

- Bon d'accord, je vais jouer une musique qui n'est pas encore composée à cette époque. Le morceau est de la main d'un Japonais: Yiruma et s'intitule: River flows in you (2).

- Cela me paraît très prometteur, je t'en prie montre-nous.

Il me sourit, tandis que, grâce à ma mémoire photographique, je me remémore la partition que j'ai jouée pour ma mère la semaine dernière puis je fredonne les premières notes avant de commencer à jouer. Les autres employés de la maison, une fois leurs tâches terminées nous rejoignent les uns après les autres et me prêtent une oreille attentive tout en restant en retrait. Mes doigts glissent sur le clavier comme la brise sur les feuilles des arbres et une musique fluide, poignante, émane en douceur de l'instrument faisant perler des larmes sur le visage du comte ainsi que ceux de ses serviteurs.

- C'est magnifique, je ne peux me retenir de pleurer ...

- Vous exagérez mon cher Comte, je ne joue pas si bien que cela ...

- Arrêtez donc de vous dévaloriser mon enfant. Vous avez ça dans le sang ! Votre mère était douée et moi aussi dans mon jeune temps ...

- Là, c'est vous qui dénigrez vos capacités.

Le rire me vient tout naturellement puis il s'exclame:

- Je penses que nous nous sommes bien trouvé tous les deux, le duo idéal !

- Je ne peux qu'approuver monsieur le Comte, il nous en aura fallu du temps.

- Ne m'appelez pas ainsi, c'est mon frère jumeau qui tiendra ce rôle à partir de maintenant. Sauf lorsqu'il n'aura pas d'autres choix que de se faire remplacer.

Je lui souris puis dis:

- Je comprends. Comment dois-je vous nommer en ce cas ?

- Utilisez le nom auquel j'ai fait acquérir cette propriété: Bastien Nolan.

Ravie de lui avoir fait plaisir et qu'il me fasse confiance je dis:

- Très bien monsieur Nolan.

Je jette un coup d'œil par la fenêtre et remarque que le jour se lève à nouveau sur le 18e siècle, illuminant la pièce d'une lumière naturelle et très agréable. Bien plus que celle des bougies qui diffusent un éclairage accompagné d'une légère odeur de fumée.

- Le soleil pointe déjà le bout de ses rayons ... Quelle heure peut-il bien-être ?

Je n'attends pas la réponse et sors la montre à gousset dorée que mon grand-père m'a offert pour mon dixième anniversaire. Elle est dans la famille de ma mère depuis bien longtemps, mais c'est à moi qu'il a choisit de la donner. Elle est réglée sur l'heure qu'il est à mon époque, elle indique: 22 h 12. Il faut que je me dépêche de rentrer, sinon je vais être dans un état pitoyable en cours demain. Le comte veut me donner quelque chose avant que je ne m'en aille, mais il ne parvient pas à le trouver. Seul son domestique parvient à dénicher le précieux objet et le donne à son maître.

Ce dernier attache un collier autour de mon cou en disant :

- Ainsi, vous n'oublierez jamais qui vous êtes. Ne tardez pas trop à me donner de vos nouvelles, et prenez soin de vous. Je vous souhaite une bonne nuit.

Je lui réponds, souriante:

- Faites vous aussi attention à votre santé, pas trop d'efforts pendant les jours qui viennent. Oh... je vous fait confiance pour ne pas parler de moi avec votre jumeau. D'accord ?

- Ne vous en faite pas, ce n'était pas mon attention.

Je lui dis alors, en plongeant mon regard dans ses yeux:

- Tant mieux très cher.

Ensuite, je me tourne vers Gérôme, le serviteur, et murmure:

- Veillez bien sur lui d'accord ?

- Ne vous en faites pas Mademoiselle. Bonne nuit et à bientôt.

- Bonne nuit à vous deux.

J'embrasse affectueusement le comte, enfin, je veux dire ... Bastien, j'ai du mal à l'appeler papa. Ce qui est normal, je pense ... Ensuite, je regagne mon époque, atterrissant juste à côté du piano qui n'a pas changé en près de 300 ans. Demain il va falloir que je le teste, pour voir s'il est encore accordé, mais je dois aussi parler à Maman de ce qu'il s'est passé. Pour le moment, l'heure n'est plus à la réflexion, elle est celle du sommeil. Je suis à nouveau en pyjama, chouette, je n'ai plus qu'à glisser sous ma couette. Je joins le geste à la pensée et m'endors presque immédiatement.

Un rêve m'emporte dans une pièce magnifique, pleine de couleurs, et parcourue d'une ambiance joyeuse. Les lieux sont décorés en harmonie selon mes goûts, avec de petites touches d'ancien par ici, par là. Je me vois assise sur un lit, un nourrisson endormi dans mes bras, et entourée de plusieurs silhouettes. Cependant, seules deux sont parfaitement visibles. Il s'agit de ma mère et de ... celui que je n'arrive pas à nommer papa. Ils me regardent avec affection et je sens leur joie débordante m'envahir au-delà des frontières du royaume des songes. Je me demande, malgré tout, s'il s'agit d'une vision d'un avenir proche, ou bien simplement le fruit de mon inconscient ... C'est une pensée on ne peu plus logique compte tenu de ce qui m'est arrivé ce soir. Il faudrait que je raconte tout ça à mes copines. Elles pourront comprendre je penses. Après tout, Gwendolyn fait partie d'une famille qui porte un gêne de voyageurs dans le temps qui est stable. Oui, elle sera sûrement de bon conseil.