Hello folks !

Ce merveilleux OS écrit par hardly loquacious était un cadeau de Noël pour Chiisana Minako. L'idée de départ était « Baiser volé ». La bêta de hardly loquacious pour la version originale était Alamo Girl. Oh, et hardly loquacious ajoute qu'elle espère que vous apprécierez.

Note de la traductrice : Je passe beaucoup de temps sur la partie anglaise du site. Nombre de mes histoires favorites y sont, et l'OS de hardly loquacious est sans doute l'OS qui m'a le plus plu. Je trouve qu'il a quelque chose de magique, sûrement l'influence du conte de fée qu'elle en a fait.

J'ai coupé le texte en deux, ce fut dans l'espoir que la longueur ne vous arrête pas. Mais je poste les deux parties en même temps car la magie serait brisée autrement.

Pour conclure, j'ai été ravie de traduire cette histoire et j'espère que vous l'apprécierez tout autant que moi. N'hésitez pas à laisser une review, l'auteure les lira. =)


Baiser Volé

Il était une fois une femme qui vivait dans un pays pas si loin d'ici. Elle était forte, gentille et noble. Et, bien sûr, elle était belle.

Elle était aussi d'un tempérament de feu, franche et têtue. Elle gardait ses secrets avec une volonté de fer, lente à accorder sa confiance et rapide à suspecter tant l'ami que l'ennemi. Elle pouvait être taquine, moqueuse et sarcastique. Ou elle pouvait être de bonne humeur et presque enjouée, avec un sourire qui se dessinait si lentement sur son visage qu'il pouvait jeter un sort avant même que sa cible en soit consciente.

En d'autres mots, elle était humaine.

Elle était aussi spéciale. Elle était l'héroïne après tout.

Elle était féroce, protectrice, et altruiste. Encline à des sentiments forts, mais aussi effrayée par eux. Prudente et responsable, à moins qu'elle ne soit provoquée au-delà de ses limites habituelles. Ou à moins qu'une humeur rare ne lui vienne et qu'elle prenne un risque inutile.

D'une certaine manière, c'est son histoire.

Ou du moins c'est assurément elle qui la commence.

xxx

Étonnamment, Teresa Lisbon s'amusait vraiment.

Elle assistait à une petite fête du CBI, entourée de ses collègues, de quelques avocats du bureau du procureur général, de sa patronne. Elle aurait dû être hors de son élément, mais elle devait avouer que ça n'était pas si mal. Elle avait un verre de vin dans la main, les gens étaient généralement plaisants, et elle était presque heureuse.

Bien sûr, le fait que ce petit rassemblement ait été organisé en l'honneur de Cho et elle aidait sans aucun doute à la détendre.

Ils étaient tous deux récompensés pour service rendu à la ville, ils avaient contrecarré la tentative d'assassinat de deux hommes sur la personne du maire. Lisbon était sûre qu'il y aurait une autre cérémonie, plus formelle, plus tard (l'idée seule la rebutait), mais pour l'instant il était agréable de recevoir un peu de reconnaissance.

De plus, elle méritait un jour de congé pour profiter de la compagnie des gens avec qui elle travaillait.

Son équipe l'entourait, tous enchantés et heureux. Elle avait envoyé promener la plupart de leurs félicitations, et pris refuge de temps en temps auprès de son collègue lui aussi à l'honneur. Le franc parler et la réserve de Cho était un soulagement bienvenu face aux plaisants –occasionnellement fatigants– compliments polis, et au papotage. Quoiqu'elle appréciait vraiment l'insistance de Rigsby à aller lui chercher à boire pour la soirée dès qu'elle le voulait, ça, et l'éloge faite par VanPelt, qui était bien plus adorable du fait de sa sincérité véritable.

Peut-être était-ce les quelques verres de vin qui avaient provoqué sa bonne humeur, peut-être était-ce l'autosatisfaction idiote qu'elle ressentait, peut-être était-ce le rare sentiment d'être félicitée, et louée jusqu'aux cieux. Parce que même si elle ne souhaitait pas le vivre tous les jours –ça serait sûrement embarrassant– elle mentirait si elle n'avouait pas qu'une part d'elle ne s'en délectait pas, à cause notamment de l'absence de formalités du rassemblement. Les gens allaient et venaient dans la salle comme il leur plaisait.

Ou peut-être était-ce le sentiment qu'une affaire se termine finalement sur une victoire sans équivoque, mais elle se sentait presque invincible.

Comme si rien ne pouvait aller mal aujourd'hui.

Comme si elle avait bien fait.

Comme si le monde lui devait quelque chose.

xxx

L'héroïne de notre histoire était une vraie héroïne, ne se contentant pas de s'asseoir oisivement et d'attendre qu'un Prince Charmant vienne la sauver, mais plutôt déterminée à se sauver elle-même. Plutôt capable de le faire aussi.

En fait, elle était bien plus à même de sauver le Prince aussi, s'il lui arrivait de courir au devant d'un danger dans sa quête.

Mais tout cela était hors de propos, puisque notre héroïne ne cherchait pas un Prince Charmant pour la sauver. Elle n'aurait probablement pas eu confiance en un Prince Charmant si elle en avait trouvé un, et elle l'aurait sûrement trouvé fade. Après tout, ils étaient toujours riches, propriétaires et parfaitement agréables, mais les Princes Charmants étaient aussi souvent en manque de personnalité.

Pour égaliser cette sorte de bonté fade, on devait être soi-même presque parfaitement bon.

Et bien qu'elle soit une protectrice, notre héroïne n'était pas comme ça.

Alors qu'elle travaillait assidument pour la justice, qu'elle était une personne de principes, une personne juste, eh bien, elle n'était pas toujours parfaitement respectueuse de la loi.

Même si ses crimes n'étaient pas du genre à lui coûter un procès.

Cependant, ce genre de chose arrive toujours avec un prix.

xxxx

Jane n'était plus à la fête.

Lisbon fronça les sourcils lorsqu'elle parcourut subrepticement la salle du regard pour confirmer ce fait.

Il aurait pu au moins rester pour leur célébration à Cho et elle. Le reste de l'équipe l'avait fait.

Elle devrait lui faire savoir sa façon de penser.

Rayez ça, elle lui ferait savoir sa façon de penser.

C'était son jour de gloire.

S'excusant auprès du groupe dans lequel elle était, Lisbon se fraya discrètement un chemin vers la porte.

Elle s'était presque échappée lorsqu'elle fut arrêtée. "Tout va bien Boss ?" s'enquit VanPelt.

Lisbon se tourna et fit un sourire d'excuse. "Tout va très bien Grace, lui assura-t-elle. Je voulais juste prendre un peu l'air. Je reviens vite, promis."

"D'accord, approuva VanPelt. Je suppose que ce genre de chose peut être un peu écrasant."

"Un peu, reconnut Lisbon. Mais je promets de revenir."

"Vous avez intérêt. Je vous ramène chez vous, vous vous souvenez ?" lui rappela VanPelt. Les deux femmes avaient passé l'accord plus tôt, quand Lisbon avait été sur le point de refuser son second verre de vin, Rigsby avait avancé qu'elle pouvait difficilement refuser à sa propre fête. Elle aurait probablement pu conduire d'une façon ou d'une autre, mais elle avait toujours été très prudente avec ce genre de chose.

"Je sais, acquiesça Lisbon. Je ne prendrai pas le risque." Surtout qu'elle avait dépassé les deux verres une fois l'accord de covoiturage passé.

"C'est ce que je pensais", approuva VanPelt avec un sourire.

Lisbon se tourna pour partir avec un petit signe de la main.

"Il est en haut", l'informa sa subordonnée l'air de rien.

"Qui ça ?" demanda innocemment Lisbon.

VanPelt sourit, narquoise.

xxxx

De qui exactement parlaient les deux femmes ? On pouvait se demander. Habituellement cet homme mystérieux serait le héro, mais c'est à peine le cas ici.

Patrick Jane n'était pas un héro.

Il n'avait pas de cheval blanc à monter, il n'était pas pur, bon et noble, il n'était pas... bon d'accord, il était incroyablement bel homme. Mais une seule des trois conditions ne fait pas un héro.

Il ressemblait plus à un sorcier, intelligent et rusé, avec sa propre définition de la morale, et juste un peu sombre. Il passait la plupart de son temps seul dans sa tanière, mijotant des plans et complotant pour servir ses propres fins. Et quand il en sortait, il utilisait sa propre marque de magie pour accomplir ses buts.

Oh, il n'était pas un sorcier maléfique, pas exactement. Pas qu'il soit nécessairement bon non plus. Il était un peu en terrain gris.

Certes, son but ultime était de tuer quelqu'un et de satisfaire sa soif de vengeance, ce qui n'était certainement pas louable. Mais sa cible était un serial killer meurtrier, alors il y avait un peu de justice poétique dans ses plans effrayants.

Bien qu'il ne soit pas un prince, il pouvait être charmant. Très charmant. La plupart des gens ne le voyait pas pour ce qu'il était.

Et notre héroïne ? Que pensait-elle de l'énigmatique sorcier ?

Elle et lui coexistaient dans une étrange sorte de trêve.

Ils respectaient les capacités de l'autre, et s'appréciaient même. La plupart du temps ils arrivaient à travailler ensemble grâce à une série de règles tacites. Il avait besoin de son aide pour s'approcher de son but; elle avait besoin qu'il l'aide avec son penchant à protéger les gens. Ils bénéficiaient tous deux de cette relation.

Ils étaient un bon duo, professionnellement. Ils étaient synchrones dans leur travail.

Et, de temps en temps, et aux moments les plus inattendus, ce quelque chose de synchrone (inattendu et parfois importun comme il était) les avait fait glisser dans des espaces légèrement éloignés du professionnel. Et alors ils s'interrogeaient.

Fugitivement.

Après cela, de façon inattendue (et même involontaire), l'un d'eux brisait les règles tacites.

Habituellement c'était lui.

Mais pas toujours.

xxxxx

Courageusement, Lisbon monta à grands pas dans le grenier et entra sans se soucier de frapper.

Après tout, pourquoi devrait-elle frapper ? Le grenier était la propriété du CBI. Ce n'était pas comme si Patrick Jane le possédait.

Et il était là, couché sur son lit de fortune, complètement imperturbable malgré son arrivée. Comme s'il avait su qu'elle arrivait.

-Je savais que tu serais là, dit Lisbon en guise de salut, le ton vaguement accusateur.

-Bonsoir Lisbon, répondit Jane d'un ton complètement détaché. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

-Pourquoi n'es-tu pas à la fête? demanda-t-elle.

Jane s'assit.

-J'y étais, lui rappela-t-il. Je suis resté à peu près une demi-heure si tu te souviens.

-J'espère que ce n'était pas trop te demander, de faire acte de présence comme ça, dit-elle doucement, avec juste un peu de mordant.

-Pas vraiment, reconnut Jane d'un geste de la main. Mais j'étais fatigué de tous les bavardages. En plus, la moitié des gens dans cette pièce ne m'aiment pas vraiment Lisbon.

-La plupart des gens du bureau du procureur général sont déjà partis, lui fit remarquer Lisbon avec un sourire narquois.

Jane sourit en retour.

-Eh bien, ça élimine beaucoup du contingent anti-Jane. Mais je ne parlais pas juste des avocats. Après tout la plupart de l'Unité des Fraudes me déteste après l'escapade avec les chiens et les serpentins.

Lisbon retint un frisson à ce souvenir. Le seul bon côté de ce plan avait été que Jane n'était pas officiellement en service à ce moment, ça avait réduit la paperasse de moitié. Puis elle se souvint des raisons de sa venue ici en premier lieu. Elle mit ses mains sur ses hanches et prit une posture sévère.

-Toujours est-il qu'il y a des gens qui t'apprécient, reprit-elle. L'équipe est toujours là. Ça ne te tuerait pas de descendre et de te joindre aux autres un peu plus longtemps Jane.

-C'est vrai Lisbon, répondit-il en se levant pour l'observer de plus près. Ça ne me tuerait pas.

Elle ignora son regard. Elle y était plutôt habituée maintenant.

-Et si tu t'ennuies des bavardages, tu peux toujours aller parler à Cho, l'informa-t-elle.

-Oui, j'ai remarqué que c'était ta stratégie, murmura Jane.

-C'est une bonne stratégie, se défendit Lisbon.

-Et amusante pour vous deux, remarqua Jane. Si on se fie à vos sourires identiques.

-Génial ! dit Lisbon. On se voit en bas.

Jane laissa son sourire s'élargir alors qu'elle tournait les talons.

-Une minute très chère, dit-il doucement. Je ne me souviens pas vraiment d'avoir accepté de descendre.

Lisbon fit demi-tour, les sourcils arqués.

-Sérieusement ? s'enquit-elle.

Jane sourit.

-Pourquoi veux-tu tellement que je descende ?

Lisbon fronça les sourcils. Parce que dans l'esprit de Jane on avait besoin d'une raison si on voulait que son collègue assiste à une fête plutôt que de rester assis ici à broyer du noir.

-Ce n'est pas sain de passer tant de temps ici seul, l'informa-t-elle brusquement. Surtout lorsqu'il y a une fête en bas. Ce n'est pas la plus excitante qui soit, je te l'accorde, mais c'est une fête quoi qu'il en soit. Les gens s'amusent, et tu es en haut seul. Je n'aime pas ça.

-Lisbon… soupira Jane.

-Non ! l'interrompit-elle, ne voulant pas entendre ses excuses habituelles. Nous sommes une équipe Jane. Nous pleurons nos pertes ensemble et nous célébrons nos victoires ensemble. C'est comme ça que ça marche.

-Alors c'est ça hein ? sourit Jane.

-Ça quoi ? fit Lisbon en grognant presque.

-Quelqu'un est en colère parce que je ne suis pas resté à sa fête... fit remarquer Jane l'air de rien.

La bouche de Lisbon s'ouvrit légèrement sous le choc.

-Je ne le suis pas ! siffla-t-elle.

-Je pense que tu l'es, répliqua Jane. Je pense que tu es en colère que je n'aie pas été collé à tes talons comme les autres, faisant tout un cas de toi et te disant que tu as fait un bon travail. Eh bien, nous y voilà Lisbon, je pense que tu as fait du bon travail. Tu es un exemple pour ta profession. Tu devrais être fière.

-Tu peux être un vrai con parfois, gronda-t-elle. Et je ne suis pas venue ici parce que je voulais que tu me flattes, espèce d'idiot. Je peux avoir de la flatterie autant que je veux en bas. Si j'appréciais ça, je ne me cacherais pas dans le coin avec Cho.

-Tu aimes ça, corrigea Jane doucement. Avant qu'elle ne puisse objecter, il poursuivit: Tu aimes ça quand ce sont des gens qui comptent pour toi. Des gens dont l'avis est important pour toi.

-Eh bien, si c'est le cas alors pourquoi diable serais-je ici à te parler ? rétorqua Lisbon.

-Dit la femme qui affirme être ici parce qu'elle s'inquiète de mon état mental, lui rappela Jane.

-Parce que Dieu merci je montre ma préoccupation. Ou je m'inquiète quand je te sais assis ici tout seul, répondit Lisbon.

-Je ne sais pas pourquoi tu ne peux pas juste admettre que tu es venue ici parce que tu me veux à ta fête, lança innocemment Jane.

Lisbon eut envie de taper du pied tant elle était frustrée. Jane avait parfois cet effet sur elle. Elle prit une profonde inspiration:

-En effet je te veux à ma fête.

-Ahah ! triompha Jane.

-Je te l'ai dit, je n'aime pas que tu sois ici tout seul, répéta-t-elle. Et si tu es en bas, je sais où tu es.

-Mais je peux aussi m'attirer plus d'ennuis en bas, lui rappela Jane.

-Tu peux t'attirer des ennuis n'importe où. Au moins en bas, je peux garder un œil sur toi plus facilement. Mais si tu veux rester ici tout seul, alors ne te gêne pas. Je ne vais pas te traîner hors d'ici, déclara Lisbon dans un geste de la main.

Jane était insupportable dans cette humeur et elle ne comptait pas lui donner la satisfaction de lui demander de descendre une fois encore. Il pouvait rester ici s'il le voulait; elle allait retourner à sa fête. Là où les gens voulaient lui parler.

-Si j'avais su que ça avait une telle importance pour toi Lisbon, je ne serais pas parti, déclara franchement Jane –bien qu'avec un peu de suffisance. Je ne voulais pas te blesser.

-Oh, ne t'en fais pas Jane, tu ne l'as pas fait, dit-elle en tournant les talons si rapidement qu'elle se sentit momentanément vertigineuse.

Elle espéra qu'il n'avait rien remarqué.

-Tu vas bien Lisbon? s'inquiéta Jane.

Bien sûr qu'il avait remarqué.

-Je vais bien, répondit-elle fermement. J'ai juste fait demi-tour un peu trop rapidement.

-Et puis tu as eu au moins un verre de plus que ce que tu avais prévu, acquiesça Jane.

-Tais-toi Jane, c'est ma fête, je ne conduis pas et c'est juste mon troisième, marmotta-t-elle, en colère contre elle parce qu'elle semblait justifier ses choix.

-Eh bien, tu es assez sûre de ça au moins, corrigea Jane. Cependant tu ne peux pas te rappeler si Rigsby a rempli ton verre deux ou trois fois, donc il y a une petite chance que tu aies juste commencé ton quatrième.

-Je ne suis pas saoule, dit-elle abruptement.

-Je n'ai pas dit que tu l'étais, approuva Jane, s'approchant un peu pour avoir une meilleure vue sur ses traits. Tu es juste un tout petit peu sonnée. Tes joues sont légèrement rouges et tes yeux sont juste un peu brillants.

-Tu es exaspérant, tu le sais ? demanda Lisbon en feignant un mouvement brusque du bras.

Elle se souvint juste à temps d'utiliser l'autre. Elle aurait jeté son vin partout dans la pièce. Toutefois ça n'aurait pas été la pire idée du monde. Surtout si la majorité du liquide avait fini de quelque façon sur la veste de Jane. Elle ne savait pas pourquoi, mais il la rendait particulièrement folle à ce moment précis. Et ça venait probablement en partie d'elle car c'était elle qui était venue le chercher en premier lieu.

Pour son plus grand agacement, la seule réaction de Jane envers ses gesticulations enfantines fut de calmement prendre son verre et de le poser sur l'une des tables de fortune derrière lui.

-Là, dit-il joyeusement. Maintenant, tu peux faire autant de gestes exagérés que tu veux pour me faire savoir ta façon de penser. Alors continue Lisbon, dis-moi au combien je suis horrible.

Lisbon fit grincer sa mâchoire et s'approcha; ça la fit se sentir forte, conflictuelle. Elle était prête à lui dire le fond de sa pensée. Puis elle jeta un coup d'œil à son visage, son stupide visage souriant.

Elle aurait juré que même ses yeux se moquaient d'elle.

Et il était possible qu'elle soit un tout petit peu plus étourdie qu'elle ne l'avait pensé.

Mais elle s'en fichait. Maintenant elle s'en fichait. C'était son jour de gloire, et il n'avait aucun droit d'essayer de le lui voler. Pas aujourd'hui. Aujourd'hui ça serait elle qui volerait quelque chose.

Jane fronça les sourcils légèrement, apparemment troublé par le soudain changement dans son langage corporel.

Mais avant qu'il puisse réagir, elle posa une main sur sa joue, se mit sur la pointe des pieds, et l'embrassa.

Elle n'était pas entièrement sûre de ce qui l'avait poussée à le faire. Ce n'était certainement pas juste l'alcool. Elle n'était pas imbibée à ce point. Peut-être que c'étaient toutes ses frustrations, parce qu'il ne faisait jamais simplement ce qu'elle disait, parce qu'il refusait définitivement de l'aider un peu. Ou peut-être que c'était juste parce que, eh bien, elle était une femme après tout. Et il avait ce sourire... Dieu, ça aurait pu être tellement de choses.

Tout ça ne comptait pas vraiment, parce qu'elle embrassait Patrick Jane, et il ne la repoussait pas.

Dire que Jane était surpris aurait été une litote. Il aurait juré avoir senti son cerveau s'arrêter littéralement à la seconde où il avait senti ses lèvres toucher les siennes; la seule chose qui s'enregistrait dans son esprit conscient était que sa bouche était aussi exigeante que le reste d'elle. Il avait déjà enroulé une main autour de sa taille et enfouit l'autre dans ses cheveux avant que son cerveau ne comprenne un peu plus.

Il pouvait sentir le vin sur ses lèvres, l'odeur de la cannelle et sa nuque sous les doigts qu'il avait glissés dans ses cheveux. Il était vraiment content qu'elle les ait laissés détachés, pas qu'il n'aime pas le chignon ou la queue de cheval, mais... Il la rapprocha légèrement et sentit l'autre main de Lisbon s'enrouler autour de sa taille.

Alors il décida qu'il se fichait de savoir pourquoi elle avait fait ça. Parce que son corps était chaud, elle était réelle, et elle était vivante.

Maintenant il luttait pour le contrôle du baiser.

Jane la sentit soupirer, et presque s'abandonner à ses exigeances. Puis elle mordit légèrement sa lèvre inférieure et se recula.

Il gémit doucement avant même de réaliser ce qu'il se passait.

-Vous ne vous y attendiez pas hein ? murmura Lisbon d'une voix enrouée alors qu'elle s'écartait, caressant gentiment sa joue au passage.

Jane l'observa, parfaitement figé alors qu'elle passait à côté de lui pour attraper son verre de vin. Puis, sans même adresser un second coup d'œil dans sa direction, elle se dirigea vers la porte, trottinant presque.

Il retrouva la faculté de parler au moment où elle atteignait la porte.

-Pourquoi ? demanda-t-il, irrité d'entendre le fantôme d'un bégaiement dans sa voix.

Lisbon se tourna brièvement.

-J'étais juste curieuse, dit-elle en haussant les épaules avant de quitter le grenier une fois pour toute.

Puis elle avait disparu.

Jane était à nouveau seul.

Et il n'aimait pas ça.

xxxxx

Et c'est ainsi que notre héroïne changea les choses.

Inconsciemment, sans le vouloir, presque apparemment par hasard. Avec un unique baiser. Elle n'aurait certainement jamais pu prévoir les conséquences de son manque de jugement momentané.

Bien sûr, notre héroïne peut avoir été incertaine quant aux raisons qu'elle avait eues d'attraper son sorcier, mais ses raisons n'étaient pas toutes inexplicables.

Après tout, c'était son jour de fête. Elle s'était vraiment laissée aller à apprécier le fait que tout le monde ait été complaisant pour une fois. Puis notre sorcier avait essayé de gâcher ce sentiment avec ses arts insidieux. Il n'avait certes pas été malveillant, mais il aimait s'attirer des ennuis de temps en temps.

Mais notre héroïne n'avait pas été d'humeur à se frotter à lui. Pas avec leurs manières habituelles du moins.

Malheureusement notre sorcier entêté ne l'avait pas su. Son inattention aurait pu être attribuée au simple temps qu'il avait passé seul dans sa tanière de fortune, mais ce serait un mensonge. Il savait qu'il y avait une fête pour elle, et il savait comment elle l'envisageait, il comprenait peut-être même ses sentiments à ce sujet bien mieux qu'elle-même. Mais il n'y avait rien qu'il aimât plus que les joutes verbales avec quiconque de valable croisait son chemin.

Naturellement, l'héroïne de notre histoire croisait son chemin plutôt souvent.

Même le plus puissant des sorciers n'aurait pas pu prévoir cette réaction particulière.

La plupart du temps sa compagne de joute verbale préférée ignorait ses tentatives pour provoquer ou déstabiliser. Mais pas ce jour-là.

Ce jour-là elle en avait eu marre de le voir prendre l'avantage, de le voir la pousser à bout, de son incapacité à lui donner un seul jour sans lui voler quelque chose, même si c'était quelque chose d'aussi simple qu'une bonne humeur.

Alors ce jour-là, son humeur et le vin l'avait déterminée à lui voler quelque chose à son tour.

Malencontreusement elle avait choisi de prendre un baiser.

C'était supposé être banal, sans importance.

Mais les baisers n'ont pas tendance à fonctionner comme ça.

Surtout pas les baisers volés.

xxxxx

Lisbon essaya de ne pas se sentir suffisante lorsqu'elle vit Jane descendre discrètement pour rejoindre la fête moins de dix minutes plus tard. Elle décida de considérer ce fait comme une petite victoire.

Et pourquoi ne le devrait-elle pas ? C'était si rare qu'elle parvienne à surprendre son consultant que lorsque ça arrivait, c'était définitivement digne d'être remarqué.

De plus, elle avait dit la vérité quand elle avait dit l'avoir embrassé parce qu'elle était curieuse. Quelle femme hétérosexuelle pouvait travailler avec quelqu'un tel que Patrick Jane pendant des années, en observant l'effet qu'il avait sur environ 90% de la population féminine, et ne pas se demander ? Lisbon décida immédiatement de ne pas penser à ce que ça pouvait impliquer au sujet de VanPelt. Après tout, la rousse ne considérerait sûrement pas une seconde relation entre collègues après le fiasco Rigsby.

De ce fait, la patronne des Crimes Majeurs décida de profiter à nouveau de sa fête.

Enfin, ça, et observer Jane, aussi subtilement que possible.

Il semblait agir normalement. Du moins, pour Jane.

Mais quelque chose était différent. Lisbon le surprit à l'observer plus d'une fois, essayant sans doute de comprendre à quoi elle pensait.

Elle l'ignora.

Tous deux n'en parleraient pas. Il n'y avait aucune raison pour que quoi ce soit ne change.

Peu importe le temps qu'elle avait passé à considérer les compétences de Patrick Jane dans ce domaine particulier, le baiser était l'affaire d'une fois, nourri par la curiosité, et certes, par un tout petit peu de frustration. Aussi plaisant qu'il ait été, elle n'avait aucune intention de le répéter.

Ils passeraient chacun à autre chose comme si rien n'était arrivé.

Lisbon savait que son comportement ferait passer clairement le message.

Il serait probablement soulagé.

Les choses reviendraient à la normale le lendemain.

Même si elles ne le seraient pas.

Pas totalement.

Ils étaient tous deux trop conscients du fait que (apparemment) rien n'avait changé. Qu'il y avait une raison qui les poussait à agir aussi normalement que possible.

La plupart du temps la différence était indétectable. Les choses étaient biens comme elles l'avaient été avant.

Mais à d'autres moments, il était évident (pour eux deux) que quelque chose avait changé.

Jane était mal à l'aise en sa présence.

Pas juste mal à l'aise en fait, il remarquait des choses à son sujet. Et pas seulement le genre de choses normales qu'il remarquait chez les autres. Désormais il remarquait des petits détails, des détails qu'il n'avait jamais remarqués auparavant.

Certes, il remarquait des détails comme le fait qu'elle changeait sa façon de se maquiller subtilement selon les saisons, ou que sa démarche était presque deux fois plus rapide que quiconque dans l'équipe. Ou que lorsqu'elle était particulièrement fatiguée, ses paupières tombaient et une petite ride se formait au-dessus de son nez. Mais il savait déjà tout ça. Il avait remarqué la plupart depuis des années.

Non.

Désormais il remarquait des détails comme la ligne de sa mâchoire alors qu'elle se penchait au-dessus du bureau de Rigsby pour observer son écran d'ordinateur. Il remarquait la forme de ses mollets quand elle portait une jupe les jours de procès. Il avait commencé à mémoriser la façon dont elle mordait sa lèvre très légèrement lorsqu'elle était nerveuse ou en train d'anticiper quelque chose, ou la façon dont elle penchait légèrement la tête lorsqu'elle le défiait. Et quand elle se tenait près de lui il remarquait qu'elle semblait dégager presque deux fois plus de chaleur corporelle qu'une femme de sa taille ne le devrait. Parfois Jane aurait juré qu'il pouvait presque le sentir.

Et parmi toutes les affaires où ils avaient travaillé ensemble, il remarquait les nuits qu'elle n'avait pas passées seule.

Elle ne semblait pas être du genre à avoir des relations. Du moins pas les relations traditionnelles. Elle semblait plus encline à satisfaire ses besoins avec quelque compagnie masculine à court terme. Bien qu'elle ait essayé la normalité quelques fois. Aucun des concernés n'étaient restés longtemps.

Et Jane n'avait rien à voir avec ça. Enfin, pas toujours. Peut-être une ou deux fois. Il ne les avait pas écartés avec un coup de feu ou quoi que ce soit. Ça avait plus été un avertissement amical. Il voulait juste être sûr que ses potentiels compagnons étaient biens. Après tout, s'ils devaient faire partie de la vie de Lisbon, alors ils croiseraient son chemin ou le chemin de personnes comme lui. S'ils ne pouvaient pas supporter ça, il était préférable que Lisbon et son partenaire potentiel soient mis au courant par avance. De plus, elle ne semblait jamais très bouleversée lorsque John ou Pete tiraient gracieusement leur révérence. Elle envoyait juste un sourire à Jane le lendemain autour d'une tasse de thé, l'informait que les choses n'avaient pas marché, et ils se remettaient au travail. Même s'il y avait un soupçon de regret dans sa voix, il avait disparu à la fin de la semaine.

Excepté un, Terry, Jane songea que lui peut-être lui avait manqué. Il était aussi celui dont le départ n'avait rien à voir avec Jane. Celui qui l'avait quittée de lui-même.

Jane ne le comprit pas. Il essaya néanmoins de la consoler. Mais ils ne parlèrent pas des raisons.

C'était trop compliqué.

Ceci étant, il pensait à elle.

Et il pensait au contact de ses doigts sur sa joue ce jour-là bien des mois plus tôt.

Même s'ils avaient un accord tacite leur ordonnant de ne pas en parler.

xxxxx

Notre sorcier était frustré.

Pour plusieurs raisons.

Il n'était pas plus près d'accomplir sa vengeance. Il sentait même qu'il s'en éloignait encore et toujours plus.

Et pour couronner le tout il ne pouvait pas se concentrer comme il fallait sur ses buts.

C'était de sa faute à elle.

Il aurait pu continuer sur le chemin prévu, peut-être tristement, mais certainement libre d'esprit, ou du moins libre du souvenir de notre héroïne vivante, dans ses bras et dans l'attente d'une réponse.

Sans son interférence non requise, tout aurait été parfaitement bien.

Maintenant il se sentait comme s'il était tiraillé entre deux directions, pour la première fois depuis des années.

Il ne savait pas quoi faire pour régler le problème.

Il semblerait que notre héroïne avait sa propre sorte de magie, une magie contre laquelle son sorcier était mal équipé.

Parce que d'une certaine façon elle avait volé plus qu'un seul baiser.