Auteur : Lupiot
Disclaimer : Le monde d'Harry Potter est la propriété intellectuelle de...mince, qui déjà ?
Titre : Little Craven in Slumberland
Spoilers : Tomes 1 à 6 dans tous les détails (sauf ceux que j'aurai manqués).
Résumé :
2076. Craven a huit ans. Son univers est peuplé de leçons de grammaire et de géométrie, de personnages de jeux vidéos et de sorties au McTwist. Il connaît le nom d'Albus Dumbledore au même titre que celui de Guy Fawkes.
Son profil ne le prédestine donc pas à remplir plus tard tout un chapitre de l'Histoire de la Magie.
Et pourtant.
Genre : Action/Adventure (mais tout doux, hein, nous ne sommes pas au coeur d'un James Bond) ainsi que Ship (centré sur les relations entre les personnages) et je dirais que c'est tout à vue de nez mais je réviserai peut-être mon jugement.

Note Irrésistiblement Inutile : Etant donné que nous sommes en 2076... l'histoire se déroule longtemps après la vie et la mort d'Harry Potter et de la plupart de ses contemporains -même s'il sera assez largement fait mention de leurs vies.
Note Utile Quoiqu'On En Dise : Craven (perso inventé) et Albus Dumbledore sont les deux personnages centraux de cette fiction. (Et là : quid ? Mais si Harry est mourru, Dumby est encore plus mourru en principe, naan ? Si.)

Bonne lecture !

Craven ne s'imaginait pas qu'il puisse exister de porte aussi chouette que celle-là. C'était son petit bonheur de l'heure du goûter que de regarder cette porte laisser entrer ses favoris des passants : le plus souvent elle les choisissait au hasard, avec pour unique critère le degré de bizarrerie de leur apparence. Elle ne laissait entrer que les gens vêtus de pied en cape de vieilleries, ou se baladant avec un hibou (ces oiseaux aux yeux terrifiants), ou s'autorisant le caprice fantaisiste de porter un chapeau pointu, comme l'avait fait Lilac à Halloween. Craven avait trouvé ça très chouette ce jour là, mais à Pâques, c'était du dernier décalé.

Il arrivait que les hurluberlus pénétrant l'antre que cachait la Porte en ressortent les bras chargés de paquets : Fleury & Bott, Florian Fortarôme et Zonko enluminaient en lettres dorées les grands sachets de papiers. Leurs propriétaires bataillaient cinq minutes entre leurs divers paquets et finissaient toujours par trouver le moyen de les porter tous sans encombrement, ce dont n'importe quel autre passant aurait été incapable. S'éloignant au pas dans la rue semi-piétonne de Cinque Dragowni, les farfelus finissaient immanquablement par se soustraire sans explication au regard du garçon. Une fois, il était parvenu à suivre une petite vieille jusqu'à la grand rue, deux croisements plus loin, et l'avait observée, atterré, monter dans un minubus violet sorti de Nulle Part qui repartit aussitôt d'où il était venu sans que quiconque ne semble s'en apercevoir. Craven était fasciné.

Craven avait huit ans, il allait à l'école primaire en spacio tous les matins et revenait de l'école en spacio tous les après-midi. Un jour, deux mois auparavant, son spacio avait déraillé. Le système anti-gravité de son skateboard 2G était tombé à plat tout d'un coup, sans doute à cause du froid et de l'humidité ; alors Craven l'avait pris sous le bras et avait marché. En spacio-skate le chemin paraissait beaucoup moins long et le froid ambiant beaucoup moins pernicieux ; à pied, l'on avait rapidement les orteils mouillés et les bras et le cou glacés et puis, engourdi, on ne courait pas. C'était sur le chemin du retour. Craven était entré dans un intermarché chauffé, où il avait erré quelques dizaines de minutes avant de se décider à acheter un paquet de snickers avec l'argent que maman lui avait donné la semaine passée pour s'offrir un cadeau à la boutique souvenirs du british museum. Puis il était resté prostré derrière la vitre de l'inter à regarder passer la vie londonienne, emmitouflée, le nez rouge, soufflant des nuages de vapeur. C'est ce jour là qu'il l'avait repérée. La Porte. Elle l'avait intrigué : personne ne semblait la voir. Elle était pourtant surplombée d'une enseigne défraîchie de pub anglais, et les pubs faisaient recette, rue Cinque Dragowni.

Personne n'y entrait, personne n'en sortait, mais il exhalait de cette mystérieuse porte un aura capiteux, épicé, embaumant, qui attirait et enveloppait Craven, même au travers de la vitre de l'inter.

Il fourra les trois quarts d'un snicker dans sa bouche et traversa la rue pour venir coller son nez à la Porte. Une peinture écaillée annonçait le nom du pub sur le bois d'ébène, juste au-dessus d'un heurtoir en forme de chaudron.

Le Chaudron baveur c'était marrant, comme nom. Pas plus engageant que l'écriteau et l'allure de la porte ne l'étaient, mais marrant. A ce moment-là, un vieux monsieur ratatiné coiffé d'un haut de forme vert pomme piqué de plumes d'autruches, saisit le coude de Craven et dit, semblant ailleurs :

« Excusez-moi, jeune moldu, pouvez-vous vous effacer ? »

Craven fit un pas de côté.

« Merci bien. Slumberland. »

La Porte s'ouvrit comme par magie. Le monsieur ratatiné entra, et la Porte se referma. Depuis ce, depuis deux mois, tous les après-midi, Craven s'arrêtait rue Cinque Dragowni, s'asseyait sur le perron de l'intermarché, en face de la Porte, et observait l'intriguant manège des élus qui pouvaient en franchir le seuil, en mâchant une quelconque sucrerie.

Ce jour-là, il crachotait sous un ciel gris automnal que ne méritait pas le mois d'Avril. Craven, installé comme à son habitude en face de la Porte, avait fini tous ses biscuits et s'apprêtait à quitter son siège pour regagner la chaleur confortable de l'appartement familial. Il se rassit avec l'ombre d'un sourire pour regarder un petit bossu avec un tablier crasseux ouvrir la Porte de l'intérieur. Craven l'avait déjà aperçu plusieurs fois et pensait qu'il était serveur, si pub il y avait effectivement derrière la Porte. L'homme voûté laissa la Porte entrouverte (un crime, aux yeux du garçon, qui redoutait que le premier venu n'y entre !), jeta un regard oblique de chaque côté de la rue et fixa Craven de ses petits yeux gris. L'écolier en vadrouille cessa de respirer et, alors que son cœur repartait à un rythme effréné, regarda ailleurs, mal à l'aise. Le bossu traversa la chaussé dans sa direction et, même s'il pensait qu'il n'avait rien fait de mal, Craven fut pris de panique, se leva précipitamment, sauta sur son spacio et s'enfuit.

Plutôt que de faire réparer son 2G, il avait plaidé la cause du nouveau modèle à maman, sur tous les tons pendant deux semaines, et celle-ci lui avait offert le 3G, qui allait bien plus vite et était plus maniable. Mais il ne s'élevait toujours pas à plus de vingt centimètres, aussi, Craven, qui n'en maîtrisait pas encore bien la vitesse, accrocha le trottoir du carrefour Cinque et se retrouva à plat-ventre au milieu de la grand rue, sa salopette jaune fluo Zior déchirée aux genoux et son coldoux lui remontant jusqu'aux yeux. Il se releva péniblement en se frottant les rotules sous les klaxons des voitures et les sonnettes furieuses des spaciolettes. Il se retourna. Le vieux bonhomme, facilement repérable à sa tenue sombre et miteuse et à sa bosse dans le dos, le regardait d'un air indéchiffrable. Subitement, Craven trouva sa bizarrerie beaucoup plus inquiétante et beaucoup moins rigolote. Il détourna la tête et rejoint le trottoir. Il attendit, la mine sombre, que le bossu bizarre ait regagné sa tanière bizarre, observa encore la Porte, de loin, pendant quelques minutes, et s'en fut.

L-i-t-t-l-e-C-r-a-v-e-n

Une idée avait germé dans l'esprit de Craven. Et si toutes ces bizarreries étaient dues à la magie ? On en entendait parler de temps en temps à la télé, de gens un peu trop bizarres qui, dénoncés par leurs voisins, écopaient de quelques mois ou années de prison pour « Pratique de la Magie ». Craven savait qu'il était illégal d'être sorcier. Mais il ne savait plus pourquoi. Peut-être qu'il n'avait jamais su pourquoi, en fait, songea-t-il en gobant sa crêpe au nutella. Il n'arrivait plus à se souvenir en tout cas.

-Manman, k'en penches quoi, gué chorchiers, koi ?
-Mmh, qu'est-ce que tu dis mon poussin ?

Maman, un veleda à la main, tentait de se rappeler de ce qu'il manquait sur la liste de courses affichée sur le frigo. Craven avala sa bouchée avec un grand « glup » et but une gorgée d'Ice Tea dans le verre de Lilac avant de répéter.

-Mééééé, Maman, Craven il boit dans mon verreee !
-Maman t'en penses quoi des sorciers, toi ?
-J'en penses, que des fois j'aimerais bien être une sorcière, répondit-elle avec un sourire en s'asseyant. Si j'avais une baguette je ferais « gling » et ta salopette se réparerait toute seule.
-Nooon, mais, sérieux...
-Mais je suis très sérieuse ! Tu sais combien elle m'a coûté cette salopette, cochon ?

Lilac et Craven gloussèrent. Craven n'arrivait plus à suivre son idée.

-On pourrait aller au parc, ce soir ? demanda Lilac.
-Par ce temps ? Mes enfants sont vraiment des marcassins. Tout est humide, vous allez revenir tout bouillasseux.
-On peut aller au McTwist, alors ? insista Lilac.
-Oh oui au McTwist ! renchérit Craven. Ce serait trop bien ! On pourrait y aller avec Jaishen ?
-Oh oui avec Jaishen et Leea ! Maman s'il te plaaaaîîît...
-Mais j'y crois pas. Vous avez les moyens d'aller au restaurant tous les soirs, vous ? Allez, ça suffit les fantasmes, mes terreurs : pipi ; les dents ; au lit !

Les deux enfants sautèrent à bas de leur chaise et coururent à la salle de bain en se bousculant. Trois quarts d'heures et vingt mille concessions plus tard, Craven attendait son bisou du soir le menton sous la couette.

-Bonne nuit mon loulou.
-Bonne nuit Maman. Maman ?
-Oui ?
-Pourquoi les sorciers n'ont pas le droit de faire de la magie ?
-Ça te tracasse, cette histoire ?

-La magie est interdite parce que si elle était autorisée, toutes les personnes qui n'ont pas de pouvoir, comme nous, trouveraient injuste de devoir faire eux-même ce que les sorciers n'ont pas besoin de faire, car la magie le fait pour eux. Tu comprends ?
-J'ai rien compris...
-Par exemple. Quand tu...ranges ta chambre. Tu dois prendre chaque objet, le remettre à sa place, puis passer l'aspirateur. Les sorciers qui font de la magie peuvent, hop, comme Mary Poppins, faire tout ça en quelques secondes. Tu te rends comptes, si la magie était autorisée et que Jaishen était un sorcier, il pourrait ranger sa chambre en un clin d'œil. Tu trouverais ça drôlement injuste, non ? Tu serais jaloux !
-...Ouais. Mais j'irais lui demander, et il le ferait pour moi !
-Voilà, c'est pour ça que c'est interdit. Parce que tous les gens sans pouvoirs magiques iraient demander aux sorciers de les aider, tout le temps, au lieu de travailler eux-mêmes. Pour l'économie c'est très mauvais. Mais tu comprendras ça plus tard, Craven. Je peux y aller ? Ma tisane va être froide.
-Oui...Mais alors, personne fait de la magie ?
-C'est illégal. Mais il doit y avoir quelques foyers de sorciers recensés où l'ont fait de la magie de temps en temps. Pour ranger sa chambre, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.
-Mais puisque c'est pas juste, ils doivent être punis alors ?
-Non, si la famille comporte exclusivement des sorciers et si tous les membres sont recensés, ils ont le droit. Mais on ne peut pas vérifier ce qui se passe chez tout le monde. Tu te rappelles, l'autre jour, j'ai pris un sens interdit ? C'est illégal ! Mais il n'y avait pas de policier, alors je n'ai pas été punie. Ouf.

Craven rit.

-Tu serais pas allée en prison ?
-Mais j'aurais eu une amende, répondit Maman en faisant une grimace rigolote.

Ils s'embrassèrent une ultime fois et Maman quitta la chambre après avoir branché la veilleuse. Craven tenta de mettre de l'ordre dans ses idées. Il repensait à la Porte. S'il y avait des gens avec des pouvoirs magiques, alors il devait sûrement y avoir des choses magiques. Des endroits magiques. Il eut envie de rappeler Maman pour lui demander si elle avait déjà vu des choses magiques. Mais elle lui demanderait alors si lui, il en avait déjà vu. Craven jouait le dialogue dans son esprit. Il alluma la boule de lumière incrustée dans le mur au dessus de son lit, s'assit en tailleur et réfléchit. Par où qu'il passe il arrivait toujours au point où il lui fallait demander à Maman si, si elle voyait de la magie, elle le dirait à la police. Et il y avait le problème du bossu. Craven devait retourner à la Porte, il le savait. Mais le bossu l'avait repéré. Et si cet homme était un sorcier, et s'il arrivait quelque chose à Craven ? Maman ne saurait même pas où le trouver. Le bossu l'enfermerait dans une cage, ou dans un chaudron baveur, et tous les jours il viendrait tâter son doigt pour voir s'il pouvait enfin le manger. Non, Craven était trop imaginatif pour être courageux, et il ne se lancerait pas dans une opération si risquée. Et d'abord, que voulait-il faire à cette Porte ? Il lui fallait un plan. Et il fallait que Maman puisse le retrouver et le sauver si jamais le bossu l'attrapait. Craven n'était pas très courageux, mais il était dégourdi. Il courut à pas de loup chercher son I-pod et revint le cœur battant sous les draps. Dix mètres plus loin, Maman poussa un soupir et gronda « Craven, on a dit dodo ! ».

Merci de me faire part de votre avis (et remarques et questions s'il y en a), je vous répondrai avec joâ.
Bisouu
Lupiot