Note d'auteur que vous lirez si vous avez envie :
Ce recueil dédié aux frères Dixon a été écrit à l'initiative de Saphira, dans le cadre des défis-de-la-mort-qui-tue du forum francophone de TWD (vous trouverez ce forum dans mon profil, et Saphira elle-même dans mes auteurs favoris).
Le défi était d'écrire une fic sur le thème « 5 fois où (…) et une fois où (…) » avec le(s) personnage(s) de son choix.
Plusieurs autres auteures ont participé, et je vous invite à aller lire leurs versions, qui couvrent un vaste choix de personnages et de situations.
Pour ma part, on ne se refait pas, j'ai décidé d'écrire sur les Dixon, et ce petit recueil comptera six chapitres.
Avant de commencer, je vous précise que, dans ma version, ils ont la même mère, mais pas le même père, et passent leur jeunesse en grande partie chez le père de Daryl, qui possède une ferme, quelque part dans la Géorgie rurale profonde.
Cette histoire est classée M, à cause du langage joliment imagé de nos deux lurons, et de mention de violence.
Je termine en remerciant ma beta-lectrice, TheBoneyKingOfNowhere, qui m'a une fois de plus corrigée et conseillée. Grâce et bières belges lui soient rendues.
Voici donc 5 fois où Merle et Daryl se sont mal comporté l'un envers l'autre, et 1 fois où ils ont pu compter l'un sur l'autre.
Chapitre 1 : Béb
« Vas-y, essaie encore.
- Béb.
- Non. Merle.
- Béb.
- Non, j'm'appelle pas Béb, j'm'appelle Merle. Merle. »
Le petit garçon fit un grand sourire.
« Béb ! » s'exclama-t-il joyeusement, en battant des mains.
Merle leva les yeux au ciel.
« C'est pourtant pas compliqué. Merle. Mer-leuh !
- Béb-béb !
- Okay, laisse tomber. »
Merle se leva, attrapa la main de son petit frère, qui attrapa la petite couverture crasseuse qui lui servait de mascotte, et ils traversèrent le champ de blé à la ribambelle en direction de la maison.
Merle avait tout juste douze ans.
Il était petit pour son âge, et sa tête dépassait à peine les épis de blé. Daryl, lui, trottinait complètement enfoui dans les plants de céréales, seul le ballon coloré attaché à son poignet signalait sa présence au milieu du champ, comme une balise, et c'était pour ça que son grand frère le tenait par la main.
Pour ne pas risquer de le perdre.
Merle était terriblement heureux et fier à l'idée d'être un grand frère. Quand lui-même était petit, et enfant unique, il avait beaucoup souffert de la solitude, et aurait donné n'importe quoi pour en avoir un.
Au début, Daryl bébé l'avait énormément déçu. Il avait espéré un compagnon de jeu et se retrouvait avec un frère trop petit pour jouer à quoi que ce soit, qui ne faisait rien d'autre que dormir et pleurer. Merle s'était senti totalement arnaqué.
Mais dès que Daryl avait commencé à marcher – à cavaler, plus exactement – la situation avait complètement changé.
Le nourrisson fragile que Merle osait à peine toucher s'était soudain transformé en une petite auto-tamponneuse en furie, dont le but dans l'existence semblait être de courir dans tous les sens, de se cogner à tout ce qu'il rencontrait et de grimper partout où il pouvait.
Le petit Daryl mettait dans tout ce qu'il faisait une énergie démesurée et une absence totale de peur.
Voilà enfin, se disait Merle, un petit frère intéressant.
Daryl adorait son aîné, le suivait partout, et tentait d'imiter absolument tout ce qu'il faisait. Et Merle, lui, commençait à prendre la mesure de ce qu'être un grand frère signifiait.
Jusque là, personne n'avait jamais fait grand cas de lui. Sa présence, au mieux, passait inaperçue, au pire, était indésirable. On ne lui demandait jamais son avis et nul n'écoutait jamais ce qu'il avait à dire.
Et voici que, soudainement, il se retrouvait face à un petit bonhomme débordant d'enthousiasme et d'énergie, qui n'avait d'yeux que pour lui et qui, telle une éponge, ne demandait qu'à absorber ce qu'il voudrait bien lui transmettre.
Pour la première fois de sa jeune vie, Merle se sentait important. Il avait l'impression d'avoir une vraie place dans le monde.
Merle voulait vraiment être un bon grand frère, il le désirait de toute sa ferveur et sa sincérité d'enfant. Il voulait être le grand frère que lui-même aurait souhaité avoir à l'époque.
Depuis plusieurs jours déjà, il s'escrimait à faire dire à Daryl son prénom.
En matière de développement psychomoteur, le cadet de la fratrie avait fait preuve d'une grande précocité. Il avait marché avant neuf mois et, à deux ans, il ne lui restait plus grand-chose à découvrir en matière de prouesses corporelles, il était capable de monter aux arbres, faire fonctionner la télécommande, utiliser de vrais couverts à table et s'habiller quasiment tout seul.
Par contre, en matière de langage, il était nettement moins doué.
Daryl était un récepteur, pas un émetteur. Il bougeait beaucoup, observait passionnément, mais ne parlait que très peu.
A part les mots oui et non qu'il prononçait correctement, il ne s'exprimait qu'à travers un babillage difficilement compréhensible de baba, bibi, bubu et autres syllabes en B.
Les initiés savaient décrypter ce code secret et deviner si Daryl faisait allusion à biberon (bibi), Papa (Bab), Maman (Banb), le chien (boub), sa couverture fétiche (babap), boire (bob), et ainsi de suite.
Une des interjections qu'il produisait le plus souvent au cours de la journée était Béb, autrement dit Merle.
Ce dernier en retirait une fierté immense dans la bouche de Daryl, Béb égalait presque Banb, et surclassait nettement Bab.
Mais Merle voulait plus.
Il voulait la consécration ultime.
Il harcelait son petit frère pour lui faire prononcer son prénom correctement, et faire ainsi de Merle son premier vrai mot.
Il y avait une petite fête foraine non loin de chez eux et, un peu plus tôt ce jour-là, les garçons s'y étaient promenés.
Leurs parents avaient vite compris tout le bénéfice qu'ils pouvaient retirer de l'amour fraternel naissant de Merle, et de la ferveur qu'il mettait à prendre soin de son petit frère. Comme il était déjà très indépendant à la base, sa mère et son beau-père n'avaient aucun scrupule à lui refiler le bébé des journées entières, et à les laisser livrés à eux-mêmes, libres d'aller où bon leur semblait et faire ce qui leur plaisait.
Pour Merle, cela semblait parfaitement normal, lui-même avait grandi comme ça, poussant quasiment tout seul, comme une herbe sauvage, sans presque personne pour le superviser. La mentalité de la campagne allait dans ce sens également, et nul ne s'étonnait à la vue de ce gosse haut comme deux pommes et demie, qui se promenait partout en tenant par la main un minot encore plus petit.
La fête foraine était minuscule, et à vrai dire plutôt minable, mais les deux frères n'étaient pas un public difficile. Les couleurs criardes, la musique cacophonique, les mouvements chaotiques des attractions les avaient happés tous deux comme le sucre attire les mouches, et ils étaient restés émerveillés au milieu de cette débauche de bruit et de tentations.
Daryl était devenu fou devant les gros ballons brillants gonflés à l'hélium qui flottaient mollement en l'air, et en avait réclamé un frénétiquement.
Merle n'avait pas un centime en poche, mais ce n'était pas un problème pour lui.
Il avait tout simplement été trouver un gamin plus petit que lui possédant un ballon et le lui avait pris, sans dire un mot, avec un aplomb déjà typiquement merlien.
De retour à la maison après avoir traversé le champ de blé, Daryl arborait fièrement son cadeau. Merle avait noué la ficelle autour de son poignet pour lui éviter de le perdre, et le petit le secouait avec ravissement.
« Répète, Daryl : le ballon.
- Babo.
- Non. Ballon.
- Babo.
- Ballon, répéta patiemment Merle.
- Bab-bab-bab ! »
Daryl partit d'un éclat de rire, se fichant de toute évidence de lui.
Merle abandonna la partie, et le laissa un instant seul, le temps d'aller aux toilettes dans la maison.
Lorsqu'il en revint, son petit frère n'était nulle part en vue. Il n'y avait plus que sa couverture-doudou abandonnée dans la poussière de la cour.
Il haussa la voix pour l'appeler, et l'entendit répondre depuis l'intérieur du garage.
Merle s'y précipita, saisi d'un mauvais pressentiment, et le trouva face à une immense étagère métallique, remplie de bric-à-brac. Daryl avait commencé à escalader gaillardement l'édifice, et se trouvait déjà à plus d'un mètre du sol.
Merle se dépêcha d'aller l'intercepter.
« Non-non-non-non-non ! protesta Daryl, alors que son grand frère le saisissait de force et le posait par terre.
- T'es cinglé, tu vas t'casser la gueule !
- Assé beul ?
- Casser gueule, ouais, confirma-t-il. Faut pas faire ça, c'est super dangereux. »
Daryl pointa un doigt en l'air.
« Babo ! »
Merle vit le ballon coincé entre le haut du meuble et le plafond. La ficelle s'était probablement détachée du poignet de l'enfant, et le jouet avait filé en l'air avant qu'il puisse le retenir.
« Ah ok, c'est ton ballon qu'tu veux ?
- Babo !
- Ok, ok, pigé.
- Babo ! A Dadi !
- Le ballon à Daryl, ouais. J'vais monter l'récupérer.
- Béb ?
- Ouais, c'est Merle qui va aller l'chercher.
- Oui ! Béb !
- Nan, Merle.
- Béb !
- Tu restes là, hein, tu grimpes pas, compris ?
- Oui. »
Merle entama à son tour l'escalade de l'édifice. Le meuble était branlant, mais semblait assez stable pour supporter son poids. Il grimpa chaque étage l'un après l'autre, alors que la construction tremblait en poussant des grincements métalliques. L'étagère servait au père de Daryl pour y ranger toutes sortes d'outils, de cartons remplis de bazar, et de larges pots de peinture, qui s'entrechoquaient entre eux alors que Merle montait.
Il atteignit le haut de l'édifice sans souci, tendit la main et attrapa le ballon par sa ficelle.
Daryl poussa un cri de contentement depuis le bas de l'étagère.
« Béb oui-oui-oui ! » s'écria-t-il.
Merle s'accorda un sourire victorieux.
« T'as vu, ton grand frère, c'est l'meilleur ! »
A ces mots, il entendit soudain un craquement sonore.
C'était l'unique vis restante fixant l'étagère au mur qui venait de lâcher.
Le meuble entier bascula alors dans un grincement sinistre, et Merle l'accompagna dans sa chute en poussant un long hurlement de surprise et de terreur.
L'étagère et tout son contenu atteignirent le sol dans un fracas terrible, les outils frappant le béton dans une cacophonie métallique, les pots de peinture explosant par terre dans un arc-en-ciel chaotique, les cartons s'écrasant les uns sur les autres. Plusieurs bocaux éclatèrent, faisant voler des morceaux de verre dans tous les sens.
Le ballon d'hélium, lui, retourna tranquillement se loger au plafond.
Miraculeusement indemne au milieu de ce carnage, Merle releva timidement la tête, se redressant prudemment.
« Daryl ? »
Son petit frère n'était nulle part en vue.
« Daryl ! » hurla-t-il, terrorisé, son regard paniqué fouillant parmi les débris.
Il entendit alors une petite voix dans son dos.
« Béb. »
Daryl pointa sa frimousse de derrière l'établi où il avait couru se réfugier à toutes jambes.
Merle se précipita et le serra contre lui, éperdu de soulagement.
L'espace d'un instant, il l'avait cru mort par sa faute, écrabouillé en mille morceaux sous l'étagère, et l'horreur qu'il avait éprouvée durant ce bref moment l'avait secoué de la tête aux pieds.
Ce fut seulement après quelques secondes, une fois l'émotion et la peur passées, qu'il se retourna et contempla véritablement l'ampleur des dégâts.
A la vue de la catastrophe étalée sous ses yeux, une autre sorte de peur s'empara de lui.
« Oh meeeeerde ! Oh putain d'merde ! gémit-il.
- Bér ? répéta Daryl.
- Merde, ouais, tu l'as dit. J'vais m'faire tuer !
- Bué !
- Ton père va m'assassiner quand il verra ça.
- Oui. »
Merle marqua une pause, alors que les rouages dans son cerveau se mettaient en branle.
Son regard glissa en direction de son petit frère.
« Attends… On n'est pas obligé d'lui dire que c'est moi. On n'a qu'à lui dire que c'est toi, on dira qu't'as voulu grimper sur l'étagère. »
Après tout, ce n'était pas totalement un mensonge.
Daryl lui répondit avec un sourire innocent.
« Béb ?
- Non, non, on dit pas qu'c'est Béb, c'coup-ci, on dit qu'c'est toi. T'es p'tit, il va pas t'punir. Pas comme si c'était moi.
- Béb non !
- On est d'accord, alors. On dit que c'est toi qui l'as fait, ok ?
- Oui, répondit Daryl gaiement.
- T'as bien compris ?
- Oui !
- Alors quand ton père demandera qui a fait ça, on répondra Daryl.
- Dadi !
- Oui, Daryl, voilà.
- Béb non, Dadi oui, déclara gravement le petit.
- Oui, c'est ça ! Bravo ! T'es super intelligent !
- Oui ! » s'écria triomphalement Daryl.
Son grand frère le serra à nouveau contre lui, cette fois-ci dans un élan d'affection intense.
Merle était aussi soulagé que ravi.
Ça, c'était l'esprit fraternel dans toute sa beauté. Il en aurait presque versé une larme d'attendrissement.
Lui et Daryl formaient une vraie équipe maintenant, ils se serraient les coudes face à l'adversité.
Bon, d'accord, il avait un peu menti.
Petit ou pas, Daryl allait quand même se prendre une sérieuse fessée.
Mais c'était rien à côté de ce que lui allait se prendre s'il se faisait choper.
Trahir la confiance aveugle de son frère était un petit prix à payer en comparaison de ce à quoi il échappait. Sa conscience s'en accommoderait bien, et Daryl aussi.
Plus tard ce jour-là, les deux frères se trouvaient à l'intérieur de la maison, lorsqu'ils reconnurent le bruit de la voiture qui rentrait.
Quand le véhicule s'arrêta et qu'il entendit claquer la portière, Merle ne put s'empêcher de sursauter et de retenir son souffle.
Les garçons demeurèrent dans un silence de mort, et, soudain, un cri terrifiant éclata à l'extérieur, suivi d'une bordée de jurons furieux, qui semblèrent augmenter en rage et en intensité au fur et à mesure que la voix grondante se rapprochait.
La porte claqua avec fracas et des pas rapides martelèrent le plancher.
« Quel est l'enfoiré de p'tit fils de pute qui a fait ça ?! » hurla l'homme en surgissant dans la pièce.
Sans la moindre hésitation, Daryl pointa un doigt en direction de son grand frère, et déclara, d'une prononciation parfaite :
« Merle. »
Voilà, c'est tout pour le moment, j'espère que ça vous aura plu.
A bientôt pour le chapitre 2 ?
