"Seule dans la neige au milieu d'un blizzard que l'espèce humaine ne peut combattre. Le vent souffle violemment tandis que les températures ne cessent de chuter. Clementine ne peut s'empêcher de penser à ce qu'elle vient de vivre : la perte d'un être cher sonnait comme un morceau d'âme qui s'effritait peu à peu jusqu'à se déchirer totalement. Kenny était comme un père à ses yeux, un père brisé par ce monde et totalement dépourvu d'espoir. Alors qu'elle affrontait la neige avec AJ dans les bras, elle se souvint de ces derniers instants : une station-service, un cimetière de voiture et un cadavre féminin gisait au sol avec un couteau dans la poitrine. Clem était recroquevillée sur le sol, les larmes aux yeux, le cœur embrumé et le reste du corps frigorifié. Elle se répétait :

« Il est trop dangereux, je n'peux pas… je n'peux pas continuer avec lui. Si je veux survivre, je dois devenir plus forte ». Elle se leva, et essuyant ses larmes, pointa le pistolet vers Kenny qui se retrouva démuni. Dans un élan de courage, elle dit d'une voix sanglotante :

« Tu vas pouvoir revoir Katja et Duck »

Kenny, les larmes aux yeux, murmura tout doucement :

« Je suis fier de t'avoir connu Clementine. Tu es une fille bien " sa voix passa du grave à l'aigu en l'espace d'une seconde. " Maintenant, fais-le, je suis prêt à les revoir "

Le canon du pistolet lui était destiné.

Lorsque le coup retentit, Clementine sanglota sur la balançoire de la station. Les souvenirs vacillaient et traversaient son esprit tels de douloureux traumatismes. Elle lâcha son pistolet et enfoui sa tête dans le creux de ses mains pour étouffer le bruit lourd de sa complainte. Après un long moment, elle entendit le bruit d'un bébé qui pleurait. Dans un moment de précipitation, elle courra jusqu'à la voiture abandonnée pour pouvoir prendre le nouveau-né dans ses bras. Une larme tomba sur la joue d'AJ. Clementine, se sentant rassurée mais emplit de tristesse, continua sa route après avoir ramassé son arme sur le sol. Elle se répétait sur le chemin : « Tout va très bien se passer, hein AJ ? »

Le bébé innocent ne faisait qu'agiter les bras. Ses pensées étaient tournées vers Lee et Kenny, et tandis qu'elle marchait, elle sortit le dessin de Kenny et la photo de Lee. Le dessin prit une tournure sombre et le papier mouillé par les larmes était dans ses mains tremblotantes. Elle se répéta inlassablement :

« Je dois être forte, pour ceux que j'aime, même si je dois perdre mon humanité pour cela. »

Les heures passèrent, la météo se calma peu à peu et Clementine prit un visage beaucoup plus sévère, blasé et attristé. Elle se contenta de regarder l'horizon pour apercevoir finalement un lieu qui lui permettrait de se reposer et de trouver de la nourriture si la chance était avec elle. Au bout du chemin se trouvait un café-restaurant qui surplombé une colline.

« La loi de la survie, c'est moi qui les exécute maintenant… »

Alors qu'elle se déplaçait, poursuivant sa route, sans en avoir conscience, un nouveau danger la guettait…

La route était longue, parsemée d'embûches et des résidus d'un monde lointain à ses yeux. Un monde où l'humanité était autrefois un peuple fort et plus soudée qu'au sein de celui-ci. Il à fallu d'un cataclysme pour briser ce passé et révéler la véritable nature de l'homme. Les voitures calcinées et les panneaux routiers étaient les derniers guides pour les vivants d'un monde disparu. Clementine remit alors en place sa casquette tachée de sang, réajusta ses cheveux gras et rangea les photos de ses défunts parents. Ses yeux se perdaient dans le paysage , comme invisible aux yeux de l'homme. Un résidu de haine et de lassitude se tissait au fond de ses iris. L'innocence de la petite fille n'était plus, les événements la transformait pour la modeler à leur image : la survie. Quand elle atteint les limites de cette route désertique, elle se dirigea jusqu'a une station service qui faisait office de restaurant surplombant une petite colline qu'elle avait repérée quelques minutes avant. Lorsqu'elle arriva aux bâtiments, elle sortit alors son revolver pour fouiller les environs. Rien ? Étrange… Ses mains ensanglantées poussèrent la porte d'entrée et laissèrent une trace de sang sur la vitre.

Banquette, comptoir, crasse et saleté, les nouveaux résidents de ce monde. Elle inspecta les moindres recoins, les placards et les poubelles et fut ravie lorsqu'elle trouva quelque chose à se mettre sous la dent.

« Chouette, des pêches et des conserves. » Se dit-elle tout bas pour ne pas faire de bruit.

Au sol gisait un nounours ensanglanté et une poussette juste à côté. Elle regarda à l'intérieur et détourna les yeux, mais se força à regarder quand même. Son visage se crispa et ses yeux s'humidifiaient.

« Encore un bébé mort. » Soupira-t-elle comme par habitude.

L'enfant avait une partie défigurée : sa tête. Le sang coulait sur le joli jouet du petit bébé tandis que les traits de son visage étaient indescriptibles. Ses orbites étaient enfoncées. Clementine eut une pensée pour Carver, se remémorant parfaitement son exécution.

" Ainsi soit-il "elle affirma vigoureusement. " Je dois continuer maintenant. "

Après avoir donné un dernier coup d'œil au bébé, elle regarda les larmes aux yeux AJ et promis sincèrement :

« Je jure de te protéger. »

Alors qu'elle quitta les cuisines du café, des voix provenant de l'extérieur se firent entendre. « Plusieurs hommes, trente à quarante ans environ,

Ils doivent être cinq ou six » pensa-t-elle.

Instinctivement, elle prit son pistolet pour pouvoir le mettre en joue. Elle posa AJ sur le sol près d'un petit placard de la cuisine et se dit :

« Je viendrais te chercher plus tard, je te le promets. »

Dans un élan d'impatience, elle se déplaça activement, tête baissée, vers le comptoir du restaurant. Les premiers hommes s'avancèrent en ricanant, parlant dans un russe incompréhensible. Les premières pensées de Clementine se tournèrent vers Arvo, et ses dents commencèrent à grincer de colère. Elle tenait avec poigne son arme, ses yeux injectés de sang, bouillonnante de rage. Elle regardait ces pillards tandis qu'ils fouillaient activement les poubelles. L'obscurité de la salle facilitait les faibles déplacements que Clementine faisaient afin de trouver un meilleur angle de vue. Les trois hommes s'approchèrent dangereusement de la cuisine. Un grand brun caucasien avec un bonnet noir et un sweat à capuche marron se démarqua des autres et pénétra à l'intérieur du bâtiment. Clementine prit un couteau de cuisine trouvé dans l'un des tiroirs et s'approcha de cet homme. Soudainement, celui-ci se retourna brusquement et vit le visage dur et sévère de Clementine, à moitié caché par sa casquette ensanglantée. Avant même qu'il ait pu dire un mot, un couteau d'une dizaine de centimètres venait se loger au centre de son crâne. Tandis que le corps tomba au sol et produit un bruit sourd, le sang se délogea de son crâne et forma une grande flaque autour de ses cheveux. Une grosse entaille était visible et les yeux de cet homme regardaient avec fermeté Clementine comme par malédiction.

Peu après, les deux hommes derrières s'agitèrent et prirent place derrière une banquette. Un grand homme barbu commença à crier des mots venus d'une contrée lointaine. Clementine se leva alors et braqua son arme vers les deux hommes. Ils étaient terrifiés et demandèrent avec insistance une grâce :

« Partir. Loin. Plus jamais revoir nous. » Après quelques secondes d'intenses réflexions, le visage sans émotions de Clementine laissa apparaître une petite larme qui coula sur sa joue et des sons sortirent de sa bouche :

« Désolé mais je ne peux pas prendre ce risque »

En l'espace d'une seconde, la détonation fit sortir la balle du pistolet et vint se loger dans le bras de l'homme armé d'un simple couteau. L'homme barbu tomba lourdement au sol, tenant fermement son bras comme pour contenir l'hémorragie. Son collègue sortit son fusil tout en se mettant à couvert mais sa lenteur causa sa perte. Clem tira un autre coup et la balle traversa la boîte crânienne de cet homme. Une marque sur le mur était visible et une grande tache de sang vint mettre un peu de décoration dans ce lieu insipide. Les jambes tremblotantes de Clementine s'approchèrent peu à peu de l'homme blessé, ses pas formaient de petits nuages de poussières qui retombaient ensuite au sol. Chaque seconde était un moment de douleur intense émotionnel pour elle, elle qui devait endurer la dure réalité de ce monde. Lorsque l'homme barbu fut à distance égale d'elle, il vit une petite fille aux yeux scintillants. Il supplia alors :

« Petite. Pitié. Pas faire ça. »

Le blouson bleu enfantin et le sac d'école primaire furent ses dernières visions avant qu'une autre détonation éclatât dans les lieux. Peu après, le bruit d'une voiture qui démarra alerta alors Clementine qui sortit à toute allure du restaurant. Cependant, la voiture était déjà partie avec à son bord trois autres hommes.

Est-ce qu'il pouvait la conduire à Arvo ? Elle était toutefois trop fatiguée pour chercher à les suivre dès maintenant. Elle aurait rapidement perdu leur trace par manque de moyen de transport.

Clementine se recroquevilla sur le sol, les jambes serrées et dormit près d'AJ de longues heures. Lorsqu'elle se réveilla le pistolet à la main, la première chose qu'elle vit fut l'homme barbu, les yeux grands ouverts avec un trou entre les deux yeux. Elle sursauta violemment en arrière ce qui réveilla AJ. Après un repas constitué de pêches et d'une boîte de lentille, Clem enleva alors son blouson pour observer attentivement sa blessure par balle de l'épaule gauche. « Hum, ça à l'air moche… Ça va être dur à recoudre »

AJ regarda Clementine avec des grands yeux. « Et toi tu ne m'aideras pas beaucoup hein ? » Elle reprit à son attention en esquissant un léger sourire. Juste après, elle regarda avec discernement les poêles qui brillaient de mille feux :

« Il y a encore du gaz, donc on peut produire une légère flamme " elle se tourna alors vers le couteau et poursuivit : " Allez ! Tu dois être forte pour survivre, il n'y a plus de place pour les enfants maintenant. »

Alors qu'elle prenait le couteau en main, elle émit un sourire crispé, inquiet.

« Putain, je ne sais pas si je peux… bon comme Christa m'a montrée, on suit les règles ».

Alors qu'elle allumait le gaz, elle prit le couteau et attendit que la lame devienne rouge.

« Allez, courage ! » La peur se lisait dans les yeux de Clementine, ses pensées se tournaient vers la phrase de Kenny : « Tu ne devrais pas à devoir faire ce genre de choses » Et sa réponse… « Je ne devrais pas faire un tas de choses ».

En l'espace d'un instant, la lame rougeoyante se colla sur la poitrine de Clementine. Elle hurla férocement sa peine, suivit peu après par un grand gémissement alors que le plus dur était passé.

« C'est fait… bon sang encore une cicatrice » se dit-elle.

Elle remit son pull et sa veste, donna à manger à AJ et s'inquiéta du peu de nourriture qui leur restait, en trifouillant dans son maigre sac à dos. Le soleil se coucha peu à peu et les étoiles commencèrent à apparaître dans l'obscurité… Elle s'installa pour se reposer et tomba dans un sommeil profond, l'arme à feu ayant remplacé les doudous de son enfance…