Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne sont pas à moi, je ne fais que les emprunter à JKR pour m'amuser un peu avec.
Ce one-shot a été écrit pour répondre au défi Une image en mille mots organisé par Miya Tenaka, et l'image-prompt était la suivante : www(point)flickr(point)com(slash)photos(slash)photog-scott(slash)7500585654(slash)lightbox
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Parfois, Draco Malfoy se posait beaucoup, beaucoup trop de questions.
De temps en temps, ça lui arrivait dans la Grande Salle, en regardant le visage ridé et continuellement souriant du vieux fou – Merlin comment pouvait-on sourire comme ça tout le temps sans attraper des crampes aux zygomatiques ? – ; d'autres fois, c'était dans la luxueuse baignoire de la Salle de bain des Préfets, quand la mousse épaisse finissait par se dissoudre dans l'eau chaude et qu'il pouvait voir la peau pâle, lisse et vierge de son avant-bras droit ; d'autres fois encore, c'était quand, allongé dans son lit, sous le baldaquin vert et argent, alors que le silence parfait du dortoir des Serpentard de septième année n'était troublé que par les ronflements sonores de Vincent et Gregory, il pensait à la vague de pouvoir brut qui allait bientôt s'abattre sur l'Angleterre sorcière. Dans tous ces moments-là, il arrivait à peu près à penser à autre chose.
Malheureusement, le plus souvent, c'était lorsque le visage continuellement distordu par un rictus d'Evan Rosier, les faciès de brute épaisse des pères Crabbe et Goyle, ou encore le rire dément de sa tante Bellatrix venaient hanter ses cauchemars : bientôt, un autre lui-même, vieilli, émacié et aux traits déformés par cette même folie, se joignait à eux ; plus haut, derrière des nuages couleur de fumée, des yeux d'un rouge malsain les observaient, et il se réveillait en sueur, haletant, des larmes brûlantes coulant sur ses joues, avec dans la bouche le goût âcre et ferreux d'une poussière sanglante et dense. Les images de ses cauchemars se mélangeaient à la réalité, l'angoisse tordait son ventre et le rire de Bellatrix continuait à retentir à ses oreilles comme un affreux acouphène ; ses mains, lorsqu'il les regardait, lui paraissaient noueuses comme celles d'un vieillard, et il lui semblait voir sur son bras la Marque sombre.
Il commençait alors à se demander si tout cela était bien raisonnable, s'il n'allait pas, comme Bellatrix et Rosier et Rodolphus Lestrange et Bartemius Crouch de sinistre mémoire et Travers et Mulciber et tant d'autres encore, être capté et dévoré par l'ambition de celui qu'il n'appelait Maître que parce qu'il le fallait ; et si à force de jouer, en bon Serpentard, avec le feu d'un pouvoir à la fois séduisant et toxique, il n'allait pas finir par s'y brûler ; et ces questions et d'autres encore – celles-là plus secrètes et presque indicibles – tournaient et retournaient dans sa pauvre tête, allant crescendo, et il serrait ses tempes entre ses doigts, et le dortoir silencieux lui semblait plus bruyant que la Grande Salle aux heures des repas, son cerveau au bord de l'implosion, le rire de sa tante résonnant de plus en plus fort à ses oreilles comme le cri d'un monstrueux enfant qui était à la fois elle et lui et le Seigneur Sombre et tous les autres et personne – et Draco Malfoy sautait à bas de son lit, jetait une couverture sur le coûteux pyjama de soie que sa mère renouvelait à chaque Noël, traversait le dortoir puis la salle commune déserte, et s'acheminait à travers l'Ecole endormie, jusqu'aux appartements dissimulés derrière le mur du laboratoire de Potions, au fond des cachots.
Le professeur Snape semblait ne jamais dormir et ses yeux, noirs et insondables, ne demandaient rien au jeune homme pâle qui passait sa porte. Il se contentait d'aller chercher dans son laboratoire certain flacon dont il faisait longuement tourner le contenu sirupeux d'un mouvement du poignet, avant d'en diluer quelques gouttes dans un verre déjà plein d'un alcool quelconque qu'il tendait ensuite à son élève. Draco l'avalait d'un trait et, bientôt, la potion le faisait se perdre, dispersant ses pensées comme des mouches importunes ; et il se sentait devenir sable, multitude de grains d'esprit flottant entre les deux eaux d'une conscience aiguë et d'une bienheureuse léthargie ; et ses yeux gris ne voyaient plus que la moitié des choses, mais il ressentait avec une acuité nouvelle la chaleur du feu sur son visage et la douceur de la soie sur sa peau et la rugosité de la laine sur sa gorge découverte par le col du pyjama ; il répétait dans sa tête « pyjama pyjama pyjama », et rien que l'idée du son de ce mot le faisait rire en lui-même, et un sourire bienheureux étirait ses lèvres.
Plus tard, une longue ombre noire s'étendait au-dessus de lui, faisant écran entre son corps et la chaleur du feu, et il s'étirait comme les chats que l'on dérange dans leur sommeil. Une nuit, vers le milieu de l'année scolaire, alors qu'il faisait plus froid que les autres nuits, il avait tendu la main vers l'ombre et saisi un pan des robes sombres, à peine conscient de ce qu'il était en train de faire ; pendant un instant, il avait senti une résistance, et puis des mains à l'odeur propre – plantes et fleurs et savon – s'étaient posées de chaque côté de son visage. Il y avait eu une autre hésitation, et puis Snape s'était penché sur lui et avait pris sa bouche. D'autres questions avaient alors cherché à envahir la tête de Draco, mais son cerveau, suffisamment malmené comme ça, avait décidé de se mettre en grève à cet instant précis ; alors il s'était davantage collé contre la chaleur près de lui et il avait frotté son visage contre les mains étonnamment douces et il avait à son tour envahi la bouche contre la sienne, et il avait laissé ces mains et cette bouche aller plus loin et faire d'autres choses.
Lorsqu'il recouvrait ses esprits, Draco Malfoy était debout, quelque part dans un couloir sous le lac de l'Ecole, et le goût de poussière sanglante et dense avait disparu de sa bouche ; il se sentait étrangement calme, comme s'il avait passé plusieurs heures dans un bain chaud. L'air frais de la nuit passait sur son visage ; et là, loin du rire strident de Bellatrix, l'esprit vide et libre, il se sentait enfin en paix.
C'est le premier slash que j'écris : comme quoi, tout arrive... La troisième contrainte (avec l'image et les mille mots pile) que je m'étais donnée était "d'écrire un Draco/Snape plausible", parce que ma beta, qui s'appelle Cloe Lockless et qui roxxe, a écrit ça sur son profil. :)
