REQUIEM
« Quelques notes et des mots, puisque je n'ai que ça. »
P.Kaas, A qui d'autre que vous
Tous les hommes vivent comme une musique. Pour lui, ça avait été un peu particulier. Une clé de sol réussie, puisqu'il était né « un beau jour d'été », comme dans les belles histoires. Mais la partition de sa vie s'était très vite ternie. Une musique calme, soudain devenue un violent opéra. Comme si les notes s'étaient soudainement mises à s'enchaîner avec une vitesse proche de la malpolitesse. Deux ou trois petites notes qui reflétaient une enfance calme, dans l'innocence la plus totale. Puis des croches, des doubles-croches, pour montrer au monde qui il voulait être. Grand libérateur. Celui qui ferait le Bien dans le Monde, et qui éradiquerait le mal. Des notes pour exister. Et puis surtout pour marquer son passage. Mais ces notes ne furent que le début de la partition. Car il savait qu'il lui restait tout une gamme à dévoiler. Du rire aux larmes. Tantôt grave, puis aigu. Mais la note la plus haute qu'il ait su jouer, c'était son amour. Une passion. Pas une de ces notes qui reviennent sans cesse dans n'importe quelle musique à la radio. Non, mieux. Une vraie mélodie. Quelque chose que l'on retient comme ça, sans le vouloir. Qu'on sifflotera plus tard, en essayant de se rappeler ce si beau moment. Pur lui, cette mélodie du fond du cœur, c'était une rencontre. Un rien, un geste. Pour dire « je t'aime », et surtout pour s'assurer que cette personne ait compris. L'adolescence. Puis le rythme s'accélère, on se dit que ça passera vite. Ça ne passe pas. On crie, on appelle, on joue plus fort. Un petit air qui veut dire « pensez à moi ». Mais cette fois-ci, c'est plutôt comme une musique d'ascenseur. Juste là pour nous rassurer. Se dire qu'il y a quelqu'un qui est en bien pire situation que nous, et que c'est tant mieux. Que l'aider nous rabaisserait dans le fond, alors on ne fait rien. Cette musique va bien finir par s'éteindre. Mais elle persiste. Même si elle a du finir par être jouée note par note. Il tient bon. Le rythme devient plus régulier. Des notes qui se ressemblent toutes. Histoire de dénoncer la routine. Être un peu métro-boulot-dodo. Mais cette musique est belle. On la vit pleinement. Seul, ou en duo. Et puis on s'accompagne d'amis. Cet orchestre ne baissera pas les bras. Avancer, toujours. Jouer, quoiqu'il arrive. Des fois, le ton monte. Et s'apaise aussitôt. Mais tour à tour, chaque musique devient différente. Certaines ne plaisent pas aux autres, alors ils s'en vont. Et on se surprend à penser que de toute façon, la leur n'était pas mieux jouée. Alors on change, nous aussi. Et puis tout à coup, on se rend compte que cette musique est belle. Qu'on n'a pas su en profiter. Alors on voudrait la refaire. Jouer plus clairement. Ne pas s'essouffler. Prendre son temps. Ne pas courir. Mais c'est trop tard. D'autres vous jouent un requiem.
Annexe : Voilà je reconnais que c'est pas super, mais c'est juste une idée qui m'était passée par la tête : comparer la vie à une musique, et essayer de la décrire avec des mots. J'aurais peut-être du approfondire certaines choses. Mais je vais essayer de bientôt faire quelque chose de mieux pour me rattraper, je vous le promet.
