Lorsque Merlin s'éveilla, il alla directement aux appartements d'Arthur , lequel dormait étendu de tout son long sur le lit. Le jeune serviteur sourit en voyant le roi dormir la bouche ouverte en bavant sur son oreiller. Se sentant observé, Arthur ouvrit péniblement les yeux et fixa Merlin. Ils restèrent ainsi quelque secondes avant que le jeune garçon aille ouvrir les rideaux.
- Merlin…
- Un problème Sire?
- Il fait jour!
- Je suis désolé mais je ne peux ramener la nuit.
- Dans ce cas, dis à mes conseillers que je resterai au lit aujourd'hui.
Le serviteur soupira, tous les matins c'étaient le même cinéma. Il leva les yeux et avisa la carafe d'eau sur la table de chevet. Un grand sourire s'étira sur son visage tandis qu'il s'approchait du lit.
- Si vous ne vous levez pas, je devrais vous forcer…
- Je doute que tu puisses me lever par ta seule force Merlin!
- Mais par la force de mon intellect, c'est un jeu d'enfant!
Et doucement, le jeune homme versa le contenu de la carafe sur la tête de son maître.
- MERLIN !
- Le petit déjeuner est sur la table, Altesse ! Cria-t-il joyeusement avant de s'échapper d'un bond par la porte.
Il retourna prestement au laboratoire de Gaius.
- Déjà debout Merlin?
- Oui, et de meilleur humeur que notre grand roi!
- Je n'en doute pas. Viens donc manger ton petit déjeuner.
Merlin s'approchait de la table lorsqu'un sifflement assourdissant lui emplit le crane. Il se boucha les oreilles en gémissant et tomba à genoux. Du coin de l'œil, il vit Gaius tenter de lui écarter les mains et de lui parler mais les hurlements du jeune homme couvraient ses paroles. Merlin n'entendait plus que la voix de Morgane qui résonnait dans sa tête. Elle parlait une langue étrange mais avant qu'il ne puisse saisir le sens de ses paroles, il perdit connaissance.
Dans la forêt sombre, des silhouettes se réunirent en silence. La plupart étaient vêtues de grandes capes qui dissimulaient leurs visages. Devant le groupe se tenait Morgane, Prêtresse toute puissante de l'Ancienne Religion. Elle s'adressa au groupe d'un voix trainante qui fit frissonner les plus frêles.
- Si je vous ai appelés grâce à ma magie en ce jour, c'est pour vous proposer de rejoindre mon armée de sorciers. Mais j'ai, tout d'abord, une question essentielle à vous poser. Quiconque me donnera un renseignement utile se verra attribuer un rôle capitale dans cette guerre.
Elle laissa s'installer un silence pesant, préparant avec soin ses mots pour que tous en saisissent l'importance..
- Connaissez-vous la véritable identité d'un certain sorcier que l'on nomme… Emrys?
D'un même mouvement, tous les druides se figèrent tandis qu'une petite silhouette s'avança.
Merlin s'éveilla dans un sursaut, en sueur. Gaius était assis à son chevet, préoccupé.
- Merlin, que se passe-t-il? Comment te sens-tu?
Mais, les yeux dans le vague, le garçon n'écoutait pas, concentré sur une voix que lui seul entendait. « Jeune sorcier, l'heure est grave. Il nous faut agir. Rejoins moi cette nuit dans les bois et n'en parle à personne. Sois prudent néanmoins… »
Le jeune homme sortit brusquement de son mutisme lorsqu'un lourd silence s'installa. Voyant que son protégé semblait enfin prêt à communiquer, Gaius réitéra sa question. Merlin supposa un coup de fatigue et sortit en prétextant une corvée quelconque, laissant Gaius interloqué.
La journée sembla interminable au jeune magicien et, bien qu'il tenta d'être discret, Arthur se rendit rapidement compte que quelque chose troublait son serviteur. Cependant, des attaques répétées d'une bande de brigands dans les villages des environs l'occupaient davantage. Lorsque la nuit tomba, le sorcier retrouva Kilgharrah dans la forêt où il l'avait si souvent rejoint. Le regard du dragon lui confirma la gravité de la situation.
- Merlin, cette fois je n'irai pas par quatre chemins, commença-t-il. Le temps presse. Ce matin, tu l'as certainement ressenti, Morgane a lancé un appel à tous les sorciers et druides les plus proches.
- C'est à cause de cela que je me suis évanoui?
- Pas exactement…
L'immense créature soupira, ne sachant pas vraiment par où commencer. Il craignait une réaction impulsive de la part de Merlin qui mettrait en danger sa destinée.
- Merlin, cette fois, il n'y aura pas d'échappatoire. Il va te falloir faire ce que je vais dire, tout ce que je vais dire.
Le jeune homme baissa la tête avec hésitation, en signe de soumission.
- Ce matin, lorsque Morgane a voulu savoir qui connaissait l'identité d'Emrys, l'un des druides t'a trahi.
- C'est impossible!
- Et pourtant c'est arrivé, jeune sorcier. Je t'avais prévenu que l'enfant mettrait en péril ton destin. C'est lorsque Mordred a divulgué ton véritable nom qu'une vague de rage de Morgane t'a fait perdre connaissance.
Kilgharrah laissa quelques instants à Merlin pour lui permettre d'assimiler toutes ces informations, car il savait que la suite serait tout aussi effrayante. Le garçon était consterné, il avait perdu la carte de la surprise et bientôt, il n'en doutait pas, Morgane chercherait à le tuer. Il n'aurait alors pas le choix, il devrait confier son secret au Roi.
- Arthur n'est pas encore prêt, gémit-il.
- Je le sais, mon ami, je n'ignore pas que les récents événements l'ont profondément bouleversé. C'est pourquoi j'ai une autre alternative à te proposer. Bien que je doutes que tu l'apprécies.
- Quelle est-elle?
- Pour que la sorcière cesse de te pourchasser, il faudra qu'elle te croit mort. Et pour cela, tout le monde doit croire à ta perte.
- Agravaine s'empressera alors de lui annoncer la bonne nouvelle. Je comprends l'idée, mais comment suis-je sensé m'assurer que tout le monde morde à l'hameçon?
- Je connais un sort qui te permettra de te dédoubler. Pendant que ton véritable corps sera endormi auprès de moi, le corps que tu auras emprunté et que tu contrôleras par la pensée retournera à Camelot et…hum…trépassera. Mais pour que tous croient à ton décès, il te faudra perdre la vie devant celui dont personne ne mettra la parole en doute.
- Arthur…
Bien que Merlin saisisse les motivations du plan, le mettre en pratique lui semblait nettement moins simple. Un détail lui revint alors en mémoire.
- Que signifie « emprunter » un corps?
- Même si tu as de puissantes facultés magiques et que tu es capable de projeter ta pensée vers un autre corps, tu ne peux en créer un. Il te faudra un deuxième être de chair pour créer l'illusion de ta mort. Mais si ta conscience te tracasse, tu n'auras qu'à sacrifier un assassin ou un brigand.
- Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites? demanda le garçon, choqué.
- Merlin, je trouve qu'une vie malhonnête prise pour sauver des centaines d'innocents est un prix fort raisonnable.
Le jeune homme était mal à l'aise. Bien que les paroles du dragon soient avisées, il répugnait à sacrifier l'existence d'un inconnu. Fût-ce-t-il pour de nobles desseins.
- Quand devrons-nous agir?
- Ce soir, je le crains. La haine de la sorcière est telle qu'elle n'attendra guère avant de lancer l'offensive. Il te faudra…décéder d'ici deux jours. Le sort ne tiendra pas plus longtemps et nous fatiguera tous les deux. Mais surtout, jeune sorcier, écoute moi bien. Personne ne doit savoir ce que nous préparons. Pas même Gaius. Ne pas tenir compte de mes conseils cette fois, mon garçon, pourrait être fatal. Pour nous deux. Le sort que je devrai lancer est puissant et si tu ne coopères pas, il me tuera.
- Oui, je comprends. Je doutes seulement d'avoir le courage de passer à l'acte, une fois le moment venu…
- De ta bravoure, je ne doute aucunement, Emrys.
Merlin sourit avec émotion, prêt à suivre le chemin tortueux de sa destinée.
- Dans ce cas, qu'attendons-nous?
