DISCLAIMER: L'univers de Fable appartient à Lionhead Studios et je ne tire aucun profit de mes histoires.
RÉSUMÉ: Alors que la nouvelle Reine d'Albion essaie toujours de se remettre de la mort de Walter, ainsi que du départ brusque de tous ses amis, Theresa apparaît pour lui confier une nouvelle mission dans laquelle elle aura besoin de l'aide d'un puissant allié qui réside actuellement à Greycliff, au nord d'Albion. C'est sans compter le retour inattendu de Ben qui décide de la suivre, et cette étrange et inexplicable immunité que l'Héroïne semble avoir développé contre les potions de santé...
PAIRINGS: BenxPrincess, ReaverxPrincess.
RATING: M pour le contenu des chapitres à venir.
NOTE DE L'AUTEUR: Bon, mon ancien compte avait de sérieux problèmes (je n'arrivais plus à uploader mes chapitres) j'ai décidé de tout reprendre à zéro. Et cela fait un bon bout de temps que l'idée de cette fic me trotte dans la tête, alors voilà, je me suis lancée... avec une certaine appréhension, je dois dire. J'espère vraiment qu'elle vous plaira, n'hésitez pas à reviewer.
PROLOGUE
Le soleil se couchait sur Bowerstone, enveloppant la ville d'un voile légèrement rosé.
Sereins et souriants, les habitants regagnaient leurs maisons, retrouvant leurs familles aimantes. Depuis qu'Albion avait accueilli une nouvelle souveraine, la paix semblait être enfin revenue dans les petites rues jadis dangereuses de la ville. Rassurés, protégés, les hommes et les femmes n'avaient plus aussi peur pour leurs enfants et ne craignaient pas de sortir de chez eux.
C'était le début d'une autre ère, - d'un monde nouveau. Et le poids de ce monde reposait désormais sur les épaules, encore frêles, de Lillian.
La princesse rebelle, l'Héroïne de Brightwall.
Nombreux ont été les noms qu'on lui avait donné, lorsqu'elle voyageait à travers les terres inconnues, dans l'espoir de trouver des alliés et mener à bien la Révolution.
Et la voilà qu'elle se tenait sur le balcon du Château, portant avec fierté sa couronne, mais appréhendant néanmoins de décevoir son peuple, qui ne dépendait plus que d'elle et de ses décisions. Chaque choix pouvait faire basculer les vies des milliers d'habitants, chaque faux pas, les mener tout droit à la mort.
Peu comprenaient véritablement à quel point cette responsabilité énorme était un… fardeau.
Oui, Logan avait eu bien raison, en disant que ce n'était rien d'autre qu'un fardeau.
La couronne et le trône étaient des cadeaux empoisonnés. Jamais elle n'aurait pensé que cela allait être aussi pénible et dur.
Non pas qu'elle y pensait beaucoup, durant ces quêtes à travers l'Albion. Son but premier avait toujours été d'aider la population, pas de la diriger.
Elle n'avait rien d'une dirigeante; elle l'avait toujours su.
Un petit cœur trop tendre et une naïveté sans pareilles, - c'était ce que Reaver lui avait dit, un jour, en la retrouvant en train de pleurer dans la bibliothèque du Château, suite à une nouvelle altercation avec Page. Et elle avait beau le haïr, elle ne pouvait nier cette évidence. Il avait raison.
Un lourd soupir s'échappa d'entre ses lèvres, alors que Lillian baissait les yeux vers la cour du Château, presque vide à cette heure-ci de la soirée. Lorsque son regard se posa sur un jeune couple qui roucoulait près de la fontaine, son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine face à des souvenirs qui la submergèrent.
Elliot.
Il y a encore un an et quelques mois, ils se retrouvaient dans ce lieu même, à l'abri des regards curieux, en se promettant fidélité et amour éternel.
Elle se demanda, un court instant, ce qu'ils seraient devenus si les choses avaient été différentes.
Si Logan n'avait pas agi ainsi, si elle n'avait pas été forcée de quitter le Château cette nuit là, en laissant son grand amour d'adolescence, sans même avoir eu la chance de lui dire au revoir.
Peut-être qu'ils se seraient mariés, comme ils l'avaient toujours pensé. Mais maintenant…
Maintenant il était fiancé à Linda.
C'était une femme courageuse, attentionnée et elle aimait Elliot de tout son cœur. Elle était prête à passer le reste de sa vie auprès de lui, dans une jolie maison de campagne, avec leurs futurs enfants.
Lillian, de son côté, n'aurait jamais pu lui faire cette promesse.
Elle était destinée à se battre et à protéger ceux dans le besoin. Le danger était devenu son quotidien, dès l'instant même où elle avait senti la puissance d'une héroïne déferler dans ses veines, lorsqu'elle avait activé le Sceau de la Guilde. Pourtant, même si elle était parfaitement consciente qu'une vie paisible et sans aventures n'était pas faite pour elle, Lillian ne pouvait s'empêcher d'en vouloir à Elliot. C'était purement égoïste de sa part, certes, mais…
Il avait cessé de croire en elle, - et en eux - bien vite.
Six mois seulement après son départ, elle le retrouvait prêt à se marier avec une autre femme et, en dépit de tout ce qu'elle pouvait se dire, elle se sentait blessée.
Peut-être bien que ça lui avait prit moins de temps qu'à elle, de réaliser qu'ils n'étaient pas faits pour être ensemble, au bout du compte. Qu'ils étaient trop différents, désormais.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, tandis que s'appuyant sur son coude contre le rebord du balcon, Lillian vit Ben arriver dans la cour, en train de parler avec deux soldats.
Lui, il la comprenait, mieux que personne.
Après être tombée sur son journal, Lillian avait découvert (non sans une certaine surprise, elle devait l'avouer) que Ben avait toujours eu une soif insatiable d'aventures, dès son plus jeune âge.
Les histoires des anciens Héros d'Albion l'avaient inspirés à avoir une vie différente.
Il savait ce que c'était, de ne pas être capable d'apprécier un quotidien morne et calme. De ressentir constamment le besoin de découvrir plus.
Et quelque part, rassurée de ne pas être seule à le ressentir, Lillian s'en sentait incroyablement soulagée.
Au moins, elle n'était pas anormale.
Croisant enfin son regard, Ben sourit à son tour et la salua d'un signe de tête, avant de dire quelque chose aux deux autres hommes. Ces derniers acquiescèrent et Lillian les regarda s'éloigner, alors que Ben la rejoignait sur le balcon, toujours avec le sourire. Ses yeux semblaient scintiller à chaque fois qu'elle osait plonger son regard dans le sien, honteuse de s'y attarder autant, mais captivée par le bleu azur de ses prunelles.
"Alors, Majesté, on admire son royaume?"
"Tant que je peux encore."
En dépit de son ton mutin, Lillian ne parvint pas à cacher la tristesse qui se refléta soudainement dans ses yeux clairs. Son sourire ne tarda pas à s'évanouir, alors que Ben déglutit péniblement, regrettant amèrement d'avoir été aussi maladroit avec les mots. Son intention n'était pas de l'attrister, loin de là, ni de lui rappeler la bataille imminente.
"Lillian, ne dites pas ça."
"Pourquoi pas? Ce n'est que la vérité. Il ne nous reste plus qu'un jour, un seul jour, vous vous rendez compte? Et—"
Elle n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase car, prise au dépourvu, elle sentit la main de Ben se refermer doucement autour de la sienne.
Ce contact inattendu fit chavirer son cœur malgré elle, bien qu'elle ne sut dire si c'était à cause du fait qu'elle se souvint, une fois de plus, d'Elliot et de la façon dont il aimait lui tenir la main, ou à cause de la chaleur si agréable et rassurante de la paume de Ben contre la sienne.
"Et nous allons gagner. Vous allez gagner. Je n'ai eu que de rares occasions de vous voir à l'œuvre, mais croyez-moi sur parole, Lillian, vous êtes la femme la plus forte et la plus extraordinaire que j'aie rencontré dans ma vie. J'ai confiance en vous. Nous avons tous confiance en vous."
Ses doigts s'agrippèrent faiblement aux siens. Les joues empourprées, elle baissa la tête. "Et si je n'étais pas…?"
"A la hauteur?" termina Ben, avant de secouer la tête. "Vous êtes bien plus que ça. Cessez un peu de vous sous-estimer."
D'abord hésitante, Lillian sembla enfin trouver la force et le courage de relever la tête, les yeux brillants à cause des larmes. Elle avait peur, - oh, comme elle avait peur. Ce n'était pas pour sa vie qu'elle craignait, toutefois, mais bien pour celles des autres. De tous ses pauvres gens qui ne voulaient de mal à personne, et qui allaient, malheureusement, se retrouver au cœur même de la bataille.
Certains étaient déjà partis, elle s'en était elle-même assurée, leur proposant de rejoindre des villes plus lointaines et par conséquent, plus sûres, comme Brightwall.
Mais de nombreuses personnes avaient une ferme intention de rester et d'aider.
Et elle avait presque envie de leur hurler dessus, de leur crier de partir, tant qu'ils le pouvaient encore.
Alors que les battements de son cœur semblèrent retrouver un rythme régulier et qu'elle se sentit apaisée par ses paroles et la tendresse de son regard azur, Lillian retint son souffle.
Jamais encore il ne l'avait regardé ainsi; comme la plus belle des œuvres d'art. Elle ne se souvenait que trop bien de tous ces moments où elle peinait à ignorer ses flirts avec Page, désireuse voir ses yeux s'illuminer de cette façon, rien que pour elle.
Elle s'était presque habituée à ce qu'il la traite comme une simple amie. Une... enfant.
Quelque chose dans son regard la mit pourtant sur la voie et dans un élan de courage inattendu, elle se mit sur la pointe de ses pieds pour effleurer ses lèvres, avec prudence et hésitation.
Par tous les saints, Lillian, reprends-toi ! tenta-t-elle de se raisonner mais à la seconde où Ben répondit à son baiser, toute raison la déserta.
Délicat mais exigeant, son baiser était à la hauteur de toutes ses espérances et peu à peu, Lillian se détendit, s'abandonnant entièrement à son étreinte.
Elle refusa obstinément de se demander si c'était la bonne chose à faire (sur le moment, ça paraissait évident), et sa main ne tarda pas à retrouver la sienne, alors qu'elle l'invitait à le suivre à l'intérieur du Château. A son grand soulagement, les couloirs étaient vides, - il n'y avait donc pas de risque que quelqu'un les surprenne et aille ensuite tout raconter à Walter.
Seigneur, si seulement il apprenait que Ben Finn venait d'embrasser Lillian, il lui arracherait la tête.
"Lillian," commença le soldat, mais ne lui laissant pas le temps de protester, la jeune fille posa son index contre ses lèvres, lui intimant le silence, avant d'ouvrir la porte de sa chambre et de l'y entraîner, entre deux baisers presque suppliants.
Elle ne savait pas ce qu'elle faisait, du moins, pas tout à fait.
La bataille contre le Tortureur allait emporter beaucoup de vies, et au fond, personne ne pouvait vraiment savoir qui allait être épargné.
Peut-être même qu'elle y laisserait la sienne, - après tout, elle s'en était sortie vivante de justesse, de son premier combat avec les Ténèbres, dans le désert d'Aurora…
Ben avait toujours été là pour elle, depuis qu'elle l'avait connu, et être dans ses bras paraissait comme une perspective des plus agréables, pour un tout dernier souvenir.
Ce n'était, bien évidemment, pas ainsi, que Lillian avait imaginé sa première nuit avec un homme. Dans les recoins les plus secrets de ses rêves, il n'y avait pas de menaces de mort, ni de dangereuses batailles imminentes. Et par le passé, c'était bien avec Elliot qu'elle était persuadée de partager ce moment, un jour.
Mais les choses avaient changé. Elle avait changé.
Sa main glissa derrière la nuque de Ben et elle l'attira plus près, son cœur battant à tout rompre tandis qu'il l'entourait de ses bras et commençait à défaire les lacets de son corset doré.
Les frissons qui parcouraient son corps étaient exquis; elle en vint même à regretter de s'être privée de ces sensations pendant si longtemps.
D'autant plus que Ben était extrêmement doué avec ses mains… Elle n'avait jamais eu à remettre en doute sa réputation de coureur de jupons, - ses yeux rieurs et l'esquisse de son sourire en coin faisaient craquer toutes les filles. Et aussi peu flatteur était-ce pour son ego, Lilian n'avait jamais nié en faire partie.
Elle se souvenait à la perfection de l'instant où elle l'avait rencontré pour la première fois, alors qu'ils venaient d'arriver au Fort de Mourningwood avec Walter.
Ses jambes étaient devenues cotonneuses dès lors qu'il lui avait souri et malgré les regards insistants de Walter, désireux de lui faire comprendre qu'elle devait l'éviter du mieux qu'elle le pouvait, la princesse n'était jamais parvenue se libérer de cette emprise qu'il avait sur elle.
Il l'exaspérait, la faisait rire, l'irritait, l'apaisait... Le tout en même temps.
Lillian laissa échapper un gémissement lorsqu'il la poussa vers le mur le plus proche pour enfouir son visage dans le creux de son cou, afin d'y déposer quelques baisers avides. Aussi délectable que ce son parut à ses oreilles, Ben sembla soudainement retrouver ses esprits et s'écarta, le souffle coupé.
"Je suis désolé, j'ai été trop rude. Je ne voulais pas—"
"Tais-toi, Ben," le coupa-t-elle, frustrée et oubliant les politesses d'usage, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de capturer ses lèvres dans un nouveau baiser, Ben reprit la parole.
"Lillian, je… Tu es que certaine que—c'est ce que tu veux?"
Les lèvres pincées, la jeune femme releva son regard azuré vers lui. Etait-elle certaine?
Elle aurait voulu lui répondre oui, mais ses lèvres refusèrent de bouger et, à son grand désarroi, aucun mot ne les franchit.
Ce n'était pas bien compliqué, pourtant, et elle aurait même pu mentir. Ce n'était pas de la certitude, dont elle avait besoin, à cet instant. Simplement de sa présence, de sa tendresse.
Et Dieu seul savait combien de fois elle avait rêvé de ressentir la douceur de ses lèvres contre les siennes, depuis qu'elle l'avait rencontré, honteuse d'admettre qu'elle s'était amourachée d'un homme qui ne la remarquait même pas.
Un soldat aux yeux plus bleus que l'océan, qui n'avait pas la langue dans sa poche, mais qui réussissait à la faire sourire, même dans les moments les plus difficiles.
Elle avait beau s'en convaincre, elle ne pouvait pas lui mentir, pas à lui. Jamais elle ne pourrait.
"Je ne sais pas. Est-ce si terrible, de ne pas savoir?"
Avec un léger sourire, Ben remit une de ses longues mèches brunes derrière son oreille. "Certainement pas."
L'embarras qu'elle ressentait était indescriptible.
"Je suis tellement ridicule, je… je m'excuse, jamais je n'aurais dû…," marmonna-t-elle, maladroite, le rouge lui montant aux joues.
"Ce n'est rien, tu n'as vraiment pas à t'excuser. Et ce n'est pas une si mauvaise chose, après tout, Walter me laissera la vie sauve, en fin de compte."
Elle ne put s'empêcher de glousser, amusée par la moue que fit Ben. C'était, entre autres, ce qu'elle adorait le plus chez lui, - son humour, cette façon si particulière de la rassurer, de rendre les choses plus… faciles.
Retrouvant un peu de son contenance, Ben lui sourit.
"Vous devriez dormir princesse, une dure journée nous attend, demain." Mieux valait pour lui ne pas oublier où était sa place alors il s'efforça de la vouvoyer de nouveau, comme s'ils n'étaient pas seuls, mais le surnom qu'il lui donnait depuis leur toute première rencontre au fort de Mourningwood allégea néanmoins l'atmosphère.
Il ne la traitait pas comme une monarque inatteignable, mais bien comme l'amie qu'elle avait toujours été pour lui.
Les mots de Ben finirent par la ramener sur terre, mais elle hésita à lui poser la question qui brûlait ses lèvres, craignant sa réaction.
Peux-tu rester avec moi, cette nuit? J'ai peur de rester seule. J'aimerais tant que tu me tiennes dans tes bras. Elle peinait même à trouver les mots justes, trop embarrassée encore, par sa minable tentative de séduction. Aucune façon de le formuler ne semblait correcte...
Alors, n'osant rien lui dire, Lillian se contenta d'acquiescer en silence et de le regarder partir.
Ben avait raison; elle avait besoin de se reposer.
Pourtant, elle était certaine du fait qu'elle ne pourrait pas s'endormir, du moins, pas maintenant.
Une main posée sur la porte de sa chambre, prête à la refermer, Lillian sentit le sang se glacer dans ses veines en s'apercevant que le couloir n'était pas aussi vide qu'elle l'aurait voulu.
Appuyé sur sa canne, une expression mêlant la surprise à l'amusement, Reaver était en train de l'observer de ses grands yeux scintillants.
"Qu'est-ce que vous faites là?" lâcha-t-elle d'un ton froid et distant, essayant tant bien que mal d'ignorer la panique qui l'envahit.
Depuis combien de temps était-il là? Qu'avait-il vu?
Ou entendu?
"Je vous prie de m'excuser, Majesté. Je ne faisais que me promener," s'empressa-t-il de lancer, d'une voix moqueuse. "J'ignorais totalement que vous aviez… de la compagnie."
Si jusque là, Lillian avait des doutes, elle était désormais fixée, - Reaver avait bien vu Ben sortir de sa chambre. Dieu sait ce qu'il devait penser… Non, connaissant Reaver, elle savait parfaitement ce qu'il devait penser à cet instant précis et malgré elle, la jeune femme grimaça légèrement.
"Mêlez vous de vos affaires, Reaver. Et ce n'est pas du tout ce que vous croyez."
"Oui, bien évidemment," roucoula-t-il, avant de faire quelques pas dans sa direction. Instinctivement, Lillian se raidit. "J'en déduis, à la vitesse dont votre fidèle petit soldat a quitté vos quartiers, que rien ne s'est passé. Et si quelque chose a eu le temps de se produire, ça a dû être très rapide, ma foi."
"Vous êtes répugnant. Vous n'avez vraiment pas changé."
"Je peux dire la même chose de vous, ma très chère. Toujours aussi... pudique."
"Je suis la Reine, maintenant. Faites attention à ce que vous dites," riposta Lillian, mais à son grand malheur, elle ne se sentait pas plus sûre d'elle, ni plus courageuse, face à Reaver. La couronne et le titre n'y avaient rien changé. Tout comme par le passé, elle se sentait minuscule et sans défense face à ce regard dévastateur.
Elle avait même la très désagréable impression de revenir des années en arrière, à l'époque où elle n'était qu'une adolescente, fragile, effrayée et sans aucun pouvoir.
"A vos ordres, ma Reine."
Conscient de l'effet terrorisant qu'il avait sur Lillian, Reaver fit un autre pas vers elle et un rictus déforma ses lèvres lorsqu'il la vit reculer de quelques centimètres, une main toujours sur la porte. Il ne rajouta plus rien et, pour dire vrai, il n'avait pas besoin de mots pour la déstabiliser.
Ses yeux d'un vert si profond qu'ils paraissaient presque noirs, la détaillèrent avec attention.
Elle aurait pu faire l'erreur de croire qu'après tout ce temps, elle en était devenue immunisée.
Mais la vérité, c'était que dès son arrivée aux Industries de Bowerstone, et ce fameux jour où elle l'avait vu tuer de sang froid un de ses employés, Lillian avait réalisé qu'aucun pouvoir et aucune victoire sur les centaines d'hommes creux ne seraient jamais suffisants pour qu'elle se sente plus courageuse et puisse soutenir son regard sans ciller et sans trembler.
"Je vous sens très tendue, Majesté. Ce n'est pas le meilleur état d'esprit, avant un combat qui promet d'être légendaire."
"Je suis certainement tendue parce qu'un traître et un meurtrier sans scrupules est dans les parages."
Il sourit, amusé par sa répartie.
"Tout de suite les grands mots. Je ne suis pas plus traître ou meurtrier que votre cher frère, pourtant, vous ne vous montrez pas aussi dure avec lui."
"Logan a fait de très mauvais choix, mais pour la bonne cause," sa main se crispa involontairement autour de la porte et elle lui adressa un sourire forcé. "Je doute que derrière vos actes insensés se cache une noble intention."
L'homme demeura silencieux pendant un moment et Lillian crut apercevoir l'ombre d'un doute traverser son visage pâle.
Son imagination débordante devait lui jouer des tours, il ne fallut pas plus d'une seconde pour qu'il retrouve son expression habituelle et son regard, brillant de perversité, de sarcasme et de supériorité. Souriant, tel le Chat de Cheshire, Reaver s'inclina légèrement.
"Vous avez raison, comme toujours. Il serait bien trop ridicule de se voiler la face et de prétendre le contraire; je suis dépourvu de toute humanité. Néanmoins, j'ai toujours été fidèle à mon Roi et je serai maintenant fidèle à ma Reine, - je vous remettrai donc ceci, même si rien ne m'y oblige."
Sortant de la poche de sa veste un vieux journal, Reaver le tendit à Lillian qui l'observait d'un œil méfiant.
"Les récits pervers de vos aventures?" se risqua-t-elle à deviner avec un sarcasme qui le fit glousser de plaisir.
Tout compte fait, elle avait changé. Dans ses souvenirs, Lillian se permettait à peine quelques remarques moqueuses.
Mais, tout comme il s'en était douté, dès l'instant où le journal se retrouva entre ses mains, son expression changea. Il crut même la voir blêmir.
"Le journal de votre mère," confirma-t-il, comme s'il venait de lire ses pensées.
"Comment est-ce que…?" bafouilla-t-elle, incapable de détacher son regard des pages jaunies par le temps. "L'avez-vous volé?"
"Volé ?" répéta Reaver avant de s'esclaffer. "Oh, non, quelles sottises. Sparrow me l'avait remit elle-même. Elle savait parfaitement que de tout l'Albion, j'étais le seul qui ne le vendrait jamais. Je grouille déjà sous l'or, un vulgaire tas de pièces jaunes n'aurait jamais été suffisant pour que je le remette à quelqu'un. D'autant plus que—"
Il s'interrompit pendant un bref moment et, pendue à ses lèvres, Lillian retint même sa respiration. "D'autant plus que quoi?"
"Elle voulait sûrement que vous l'ayez, le moment venu."
Pour une raison qu'elle ignora, Lillian sentit la colère s'emparer d'elle. "Ne parlez pas comme si vous la connaissiez."
"C'était pourtant vrai," haussa les épaules Reaver. "Enfin, vous en saurez certainement plus en lisant son journal. Je suis sûr que vous allez adorer certains passages."
Une fois de plus, son visage devint plus pâle, alors qu'elle le fusillait de son regard.
"Vous l'avez donc lu."
Reaver ricana, les sourcils haussés. Avait-elle réellement espéré le contraire?
"Comme je l'ai déjà dis, - je suis dépourvu de toute humanité," il ajusta son chapeau et lui tourna le dos, un léger sourire en coin aux lèvres. "Dormez bien, votre grâce, et faites de beaux rêves."
Lorsque Lillian releva la tête, le couloir était déjà vide et Reaver semblait s'être volatilisé.
Elle regretta de ne pas avoir pu lui poser plus de questions, car même si elle avait du mal à l'admettre, la curiosité la tiraillait. Avait-il connu sa mère aussi bien qu'il le prétendait? Cela expliquait pas mal de choses; comme le fait que Logan était en très bons termes avec l'étrange homme au sourire ravageur.
Mais Reaver n'avait même pas l'air d'avoir la quarantaine. Quelque chose ne tournait pas rond, dans cette histoire.
Quelque chose qu'elle ne découvrit que bien plus tard dans la nuit, emmitouflée dans sa couette alors qu'elle parcourait les pages du journal d'un regard concentré, à la lueur des bougies. Elle n'eut guère le temps d'y réfléchir, ou d'être en colère contre Theresa qui, tout compte fait, lui avait caché bien plus de choses qu'elle ne l'avait prétendu.
Elle n'eut même pas le courage de l'affronter en face et de lui demander pourquoi elle ne lui avait rien dit, lorsque le lendemain matin, la voyante se présenta à elle pour la prévenir que le Tortureur était déjà tout près.
Muette, le cœur battant à tout rompre, Lillian savait qu'elle avait un bien autre objectif que de lui en vouloir, à cet instant.
Elle devait défendre l'Albion et vaincre, une bonne fois pour toutes, le Tortureur et les Ténèbres, avant que celles-ci ne s'emparent de son royaume. Pourtant, tandis que les coups de feu transperçaient l'air et que les épées s'entrechoquaient violemment dans un combat sanglant, Lillian ne cessa de se demander où était Reaver.
Il semblait bien que celui qui s'était révélé être le Héros de l'Adresse s'était volatilisé, une fois de plus.
Le prologue s'est révélé un peu plus long que je le pensais. J'espère en tout cas que ça vous a plu et le premier chapitre arrive très vite!
