Noirceur. Quelque chose qui parait bien simple à décrire. Mais il faut se rendre compte des sentiments que procure la noirceur. Oppression, inquiétude, trouble… Ce n'était pas aussi simple que ça en avait l'air. L'immortalité n'était pas que lumière, elle avait son lot de noirceur. C'était quelque chose que je savais bien moi. Après tous ces millénaires de vie éternelle. Après tous ces noms que l'on m'avait donnés au court des années. Shinigami, Mortem, Muerte… Ça tournait toujours autour de même angle. Personne ne me demandait jamais si je voulais de ces noms ridicules, au final j'en avais tellement que j'avais fini par oublier mon « vrai » nom… Alors on disait simplement, la Mort. Oui, vous savez? La Faucheuse? Ah oui, petite précision, on disait « La Mort »… au féminin. Vous vous êtes sans doute posé beaucoup de questions sur qui je suis… ou ce que je suis au cours de votre existence. Mais au fond, il n'y a rien à savoir. Je ne suis qu'une âme, abimée par ces millénaires d'existences. Une immortelle qui doit passer le reste de son existence à fuir l'hystérie qui la guette et à faucher les âmes destinées à s'évaporer. J'ai le choix, soit l'humain meurt, soit il devient …comme moi. La plupart des autres immortels, ces bienheureux, me détestent ou alors n'ont simplement jamais entendu parler de moi. Ostracisme pur. Ils me rejettent. Un peu comme ils le font avec les Malins… Ils les renvoient au tapis, pensant qu'ils sont belliqueux et les laissent disparaître, petit à petit. Comme ils l'ont fait avec Pitch. J'étais d'ailleurs devant le trou où ces Gardiens l'avaient enfermé. Et j'étais de bonne humeur, je me sentais généreuse ce jour-là… Je suis descendu dans les profondeurs, je sentais que la température chutait déjà de quelques degrés. Ce froid de solitude, je le connaissais trop bien pour m'en plaindre. « Qui est là?! j'ai entendu une voix hurler, au loin, une voix pitoyable et suppliante. » J'ai continuée d'avancé dans l'endroit sombre et j'ai finis par répondre avec nonchalance et ironie. « C'est les pizzas! » Je n'avais rien à répondre d'intelligent, il savait que c'était moi. Il me connaissait… très bien. Vous avez déjà essayé de compter le nombre de personnes qui ont peur de la Mort? « Mort..? Q-qu'est-ce que tu fais ici…? lâcha Pitch d'une voix faible. » Je n'ai pas répondu. J'ai pu le trouver, gisant dans un petit coin de trou. Dans sa faiblesse, ses yeux, autrefois fiers et hautains, n'étaient plus que suppliants, remplis de désespoir. Des mines comme ça, j'en voyais tous les jours.
- Je suis venu te donner une chance… j'ai fini par dire en m'asseyant près de lui.
- Héhé… dit-il en toussotant, la M-mort veut m'offrir une chance, tu parles!
Il continua de rire dans son hystérie et s'étouffa dans sa folie, j'ai soupiré longuement en écoutant ses quintes de toux, me demandant si ce que je faisais le bon choix.
- La ferme. Dis-toi que c'est comme gagner à la loterie. J'aurais pu choisir n'importe qui, mais c'est sur toi que ça tombe, j'ai dit avec un grand sourire.
- Exprimes-toi, gamine, m'a-t-il dit,
- Je t'offre la chance de devenir mortel, finis-je par dire d'un ton cassant.
Pitch s'arrêta. Ses yeux s'agrandirent et roulèrent comme deux grandes billes dans leurs orbites. Sa bouche était entrouverte et son visage, figé dans ce masque de stupéfaction. Pour une fois, il ne bégaya pas.
- Quoi? dit-il.
- Mortel. Humain. Normal. Stupide, appelle ça comme tu voudras, mais je t'offre cette chance. La chance de mener une vie normale et innocente. D'oublier ce que tu connais de la solitude, de la peur et du désespoir. De vivre, dis-je.
Ses yeux se mirent à briller, pendant un instant. Était-ce la folie? De la moquerie? Puis, j'ai remarqué que c'était de la joie, du bonheur. J'en ai conclu qu'il était d'accord.
- V-vraiment…? Je pourrais vivre heureux? Avoir une famille, des… parents? demanda-t-il en frottant ses yeux de ses mains froides.
- Oui. Tu traverserais un parcourt normal, comme chacun des enfants que tu aurais voulu terroriser durant ta vie. Tu faisais tout cela par jalousie, n'est-ce pas? demandais-je à mon tour, même si je connaissais déjà la réponse.
Pitch hocha la tête faiblement. J'ai posé mes mains sur ses épaules, mais avant de commencer à lui prendre son âme, je l'ai regardé avec des yeux vides.
- Tu veux garder tes souvenirs ou préfères-tu que je les fasse disparaître..? demandais-je.
Il n'a pas hésité une seconde à me répondre. « Qu'ils disparaissent. » J'ai froncé les sourcils et son corps s'est mis à disparaitre. Ça m'a pris environs une heure extraire son âme du corps. Faire renaître les Immortels, c'était la première fois que je le faisais. J'avais mis 50 ans à perfectionner ce tour. Ça me demandait toujours la moitié de mon énergie. Je sentais de la sueur perler mon front et le corps de Pitch se fondait de plus en plus dans le décor… Puis, une bonne demi-heure plus tard, je tenais son âme dans mes mains. C'était une boule lumineuse, chaude contre ma paume, flottante et grésillant. Le corps de Pitch avait disparu. Maintenant, j'étais la seule à savoir qu'il était partit. Je me suis mordu le doigt jusqu'au sang, pour en laisser tomber quelques gouttes sur le sol. « Tu es humain, maintenant. » j'ai fini par lâcher avant d'écraser l'âme sur la goutte de sang. La Mort te renvoie à la vie… J'ai soudain vu défiler sa vie devant mes yeux… Sa tristesse, sa peur ses solitude, cet sentiment horrible d'avoir un poids sur le cœur… et sa noirceur…
