Joute Verbale
Elle s'amusait à dessiner des gribouillis sur son cahier. Après tout, ce n'était que de la physique. Elle regarda la pendule ; le cours avait commencé depuis uniquement cinq minutes. Elle souffla.
« Miss Tyler, vous vous ennuyez peut-être ? »
« Non, ne voyez-vous pas que je passe un des meilleurs moments de ma semaine ? » railla-t-elle. Les autres rirent.
« Bingo Miss Tyler, vous passerez un autre des meilleurs moments de votre semaine en retenue pour votre insolence. » lança l'homme.
Elle leva les yeux au ciel et s'écrasa sur sa table. Quel con, maudit-elle dans sa tête. Elle l'observa un moment ; il était grand et fin, Monsieur Smith, c'est vrai. Ses cheveux bruns coiffés par une tempête récente avaient leur charme, et son costume marron-chocolat à rayures aussi d'ailleurs. Mais il ne l'aimait décidément pas ; jamais pendant un cours ils ne s'étaient pas verbalement jouté. Enfin, si. En début d'année, tout allait bien, même très bien ; Rose était une très bonne élève, joviale, les yeux toujours pétillants d'entrain, et Monsieur Smith l'appréciait beaucoup. Mais Jim ruina sa vie. Et toute trace de joie disparue, ainsi que la flamme de gaieté dans ses yeux. Depuis, ils commencèrent à se détester. Elle le trouvait trop hautain de toute façon, avec son orgueil de scientifique je-sais-tout.
L'heure se passa sans autre encombre majeure, et la sonnerie retentit.
« On mange dehors aujourd'hui ? » demanda Mickey à tout le groupe.
« Pourquoi pas, ouais. » répondit Keisha.
Mickey, Keisha, Shireen et Rose se prirent alors le chemin de la sortie, mais une main sur l'épaule de Rose – qu'elle ôta d'un mouvement sec – la retint.
« Je vous emprunte Rose pour cinq minutes. » leur déclara Monsieur Smith.
Elle leva les yeux au ciel, comme à son habitude.
« Que me voulez-vous encore ? » s'impatienta-t-elle.
« Écoutez, Rose, je ne comprends pas votre comportement. En début d'année, vous étiez pétillante et agréable ; désormais vous êtes juste insolente. Y'a-t'il une raison particulière à ce changement ? »
« Même s'il y'en avait une, je ne vous la dirai certainement pas. » déclara-t-elle sèchement. Ainsi, elle tourna les talons et sortit rejoindre ses amis.
« Alors il voulait quoi ? » s'enquit Keisha.
« Il voulait savoir s'il y avait une raison particulière à mon changement de comportement. »
« Tu ne lui as pas dit, Rose ? » s'inquiéta Mickey.
« Non. » rétorqua Rose, plus sèchement qu'elle ne le voulut.
Ce débat prit fin au plus vite, et heureusement, pensa Rose. Elle ne voulait certainement pas parler de ça. La journée se déroula lentement. Au moment de rentrer chez elle, une voiture s'arrêta à sa hauteur.
« Tiens donc, Miss Tyler. Je vous ramène ? »
« Je n'ai pas besoin de votre aide. »
« Rose, s'il vous plaît. » demanda-t-il sur un ton étrange.
À contrecœur, elle accepta non sans un soufflement d'exaspération, et elle monta dans le Porsche cayenne de Smith. Après un long moment de silence pour le moins gênant, Rose se sentit mal à l'aise. Elle se dit que lancer la conversation pourrait sauver la situation.
« Pourquoi essayez-vous d'être gentil avec moi ? »
« Rose, en début d'année vous étiez vraiment agréable, je cherche juste à comprendre ce changement de comportement. »
« En quoi cela vous regarde ? Votre ego de monsieur-je-sais-tout en prend un coup, c'est ça ? » s'énerva-t-elle, « Arrêtez la voiture. »
« Rose je– »
« Arrêtez. La. Voiture. » commanda-t-elle.
Il s'exécuta et elle sauta de la voiture au plus vite. Elle courut chez elle et s'y enferma.
Elle alla dans la salle de bain, une petite pièce beige–marron qui sentait la vanille, et se déshabilla afin de prendre une douche. L'eau chaude coula sur d'anciens bleus, d'anciens cauchemars du passé qui finalement la suivaient dans le présent. Elle sortit et mit rapidement un long t-shirt blanc Vans et un short gris Nike et alla dans son canapé. Elle alluma la télé et le livreur de pizza –qu'elle avait appelé entre temps– pour son retard, ferma la porte et mangea devant ce qu'elle jugeait un programme à la con. Elle somnolait tranquillement devant la télé, et à un certain moment elle décida d'aller dans son lit.
