Un coup d'œil perçut, une feinte grossière, une moue troublée et la délicate silhouette à l'uniforme sombre s'était courbée un peu plus sur son bouquin de feuillages craquelés. Plus loin, un poing irrité sur un plateau de bois horizontale à quatre pieds, une touffe claire vibrante, des pas lourds impatients et une autre silhouette vint aborder la première.
«Tu m'as vu pas vrai? Nos regard se sont croisés.
-C'est possible.
-Tu aurais au moins pu me saluer de ta chaise.»
La peau de perles pèches du lecteur ignorait les prunelles fixes châtaignes enneigées du lycéen dressé. Ce dernier tira une chaise de sous une longue table dorée pour s'y affaler frustré. Son kouhai abusait par moment, déjà qu'il lui en voulait pour avoir pris sa place de passeur titulaire dans l'équipe, il se montrait de sur quoi d'une froideur importune. Mais, une paume contre sa joue, un sourcil froncé, et il ne pouvait décidément pas détourner son attention de Shirabu. Sa tension se dissipa.
«Il est bien ton livre?
-Il n'a rien de spécial.
-Pourquoi tu le lis alors?.»
Les pages du bouquin se collèrent les unes aux autres sous une poigne de fer. Et leur propriétaire planta les graines sauvages de ses orbites dans celles de son senpai pour lui faire face d'un air assuré.
«Viens en au fait, pourquoi es-tu ici Semi? Tu voulais me dire quelque chose?
-Non, disons, eh bien! J'étais venu à la bibliothèque pour revoir quelques cours et-
-Ah oui, alors qu'attends-tu pour sortir tes affaires de ton sac et t'y mettre?
-Rien ne presse...»
Le roman éclot de nouveau sur les caractères fluidement dessinés d'encres colorés. Le plus jeune reprit sa lecture, l'autre feinta un temps d'étude pour mieux satisfaire ses désirs amoureux de contemplation: les flocons de ses mèches scintillantes de cheveux, ses minces lèvres poudreuses, sa taille délicieusement émincée, la peau albâtre de ses mains délicates, tout chez Shirabu étaient définitivement enivrant.
«Quand il n'y a pas d'entrainement tu viens ici n'est-ce pas?
-En effet...
-Je le savais, tu es vraiment un littéraire!
-Hum... Oui.
-C'est sup-
-Écoutes Semi, tu pourrais ne pas me déranger dans ma lecture?
-Désolé, je me tais.
Une question tourmentait le passeur remplaçant: depuis quand il avait été séduit par cet adorable rebelle déjà? Un souvenir lointain: Un soleil illuminant le ciel, des sourires, de la gêne, et puis un ruisseau, des libellules, une branche de fleurs et des coccinelles. Un tas de choses, beaucoup trop de choses. Sa main s'éleva vers l'épaule de l'élu de son cœur, elle froissa d'une caresse le léger vêtement qui la réchauffait, et atterrit lentement sur la cuisse de l'adolescent.
«Hein? Qu'est-ce que tu fais?
Shirabu dissimula son visage entre les paragraphes de son livre pour cacher ses pommettes empourprées d'un magnifique rose incarnadin.
«Semi enlève ta main s'il te plait. Et arrête de me regarder comme ça aussi!
-Tu ne sais même pas comment je te regarde, tu es caché derrière ton livre. Et puis d'ailleurs pourquoi je devrais arrêter? On est seul je te signale.
-Peu importe, pas de ça au lycée.»
Le plus âgé agrippa l'abri littéraire pour l'envoyer valser un peu plus loin.
«Ne soit pas si froid avec moi Shirabu, ça m'irrite vraiment!
-Quoi? Désolé...»
Ainsi le plus âgé ouvrit ses bras en un arc enchanté et obligea d'un ton sec son petit ami à se lever de son siège pour s'assoir sur le peu de place qu'il restait du sien et l'embrasser.
