Coucou tous !
Non, je ne suis pas un spectre d'Hadès revenu sur ce fandom pour détruire Athéna. Je suis bien vivante et ENFIN, j'ai réussi à écrire un nouveau "bébé". Je vous assure qu'au départ, l'accouchement s'est fait dans la douleur. Ceux qui me connaissent comprendront. Au final c'est comme on le dit : Que du bonheur !
Me revoici donc avec une fic post Hadès. En découvrant les dernières fics, je me dis que la mienne risque d'être un peu passée de mode, mais tant pis, j'ai été tellement heureuse de pouvoir écrire que je ne vais pas la garder pour moi.
Donc, j'ai voulu faire quelque chose de nouveau vis à vis de ce que j'ai déjà publié. Néanmoins, je suis très attachée à certaines de mes interprétations. Aussi, vous retrouverez ici quelques thèmes de La relique dorée, pour ceux qui l'ont lue, mais je pense avoir réussi, dans sa globalité, à en faire quelque chose de différent. Mon but était vraiment de tourner la page, d'autant qu'après quatre ans, je n'ai pas réussi à relire ma Relique sans en avoir honte. Un peu.
Je n'étais pas une acharnée des fics ultra canoniques. Ça n'a pas changé. Pour autant, je pense avoir rédigé cette fic dans le respect de l'œuvre initiale. Du moins, je l'espère.
Il n'y aura aucune allusion à SoG. Ne serait-ce que le fait d'en parler me donne la chair de poule.
Il y a un OC dans cette fic, mais sincèrement, je pense qu'il n'est pas du tout dérangeant.
Concernant le volume de cette fic, les chapitres font entre 12 à 17 pages. Six chapitres sont actuellement terminés totalement. Le septième est en cours. La fic devrait en contenir une dizaine.
Je profite de cette intro pour remercier encore une fois, celles qui m'ont envoyé un mp pendant ces quatre ans de silence. Non, sérieusement, je ne serais probablement pas revenue sans vos encouragements.
Aller, je me tais. Bonne lecture !
Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami KURUMADA, (sauf un OC)
Rated : M – YAOI – Lemon (Merci d'en tenir compte avant de choisir de lire cette fic même si ça ne concerne pas tous les chapitres)
Pairing : Vous verrez, bande de curieux ! (Je suis cependant contre la lapidation, ayez pitié de moi. Non non, le supplice de la roue non plus.)
J'ai oublié si c'est le code ici mais les pensées sont en italique et entre guillemets.
Prologue
« Rien de ce qui est donné n'est définitivement acquis. Tout peut être repris. C'est pourquoi, je vous soumettrai, tous autant que vous êtes, à une ultime épreuve. Celle du Pardon. Faute de quoi, vous subirez tous mon courroux et aucune opportunité de retour ne sera désormais possible.
Ma fille, tu mèneras l'ultime combat. Ton armée, à toi seule, sera reconstituée une dernière fois. Mais ce combat, tu le mèneras pour vous trois. Tu pourras compter sur le soutien de mes frères. Du moins, je l'espère. Car votre alliance, si elle est sincère, vous rendra ce que votre avidité vous a fait perdre.
J'ai levé les sceaux qui retenaient votre ennemi et si son ambition n'a d'égale que la votre, sachez, mes frères, que son pouvoir dépasse celui qu'il vous reste aujourd'hui, ce dont vous êtes seuls responsables. Il viendra, rependant sa puissance par delà les mers, ouvrant les frontières de l'Autre Monde vers lequel il précipitera l'humanité.
Vous n'atteindrez pas l'Équilibre, sans réunir les pièces du puzzle dont vous êtes tous les trois détenteurs. Ainsi, peut-être, je nous assurerai une paix durable »
EQUILIBRE – Chapitre premier
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Treize jours. Treize jours depuis lesquels chaque rayon de soleil, chaque parfum de fleurs ou d'embruns voyageant dans l'air du sanctuaire, chaque bruit de vagues quelques mètres plus bas, la fraîcheur du vent sur sa peau, s'offraient à ses sens comme les plus précieux des trésors. Treize jours pourtant si courts pour tout redécouvrir, et même pour découvrir.
Ils sont revenus.
Et tout autant d'années volées qu'il ne pourra jamais rattraper.
Et pourtant, Aioros le sait. Cette nouvelle chance a une valeur inestimable, même si pour en profiter, sa vie doit reprendre son cours, à vingt-huit ans. Retrouver des repères s'avérait compliqué. Tandis que Shion n'était plus un vieillard, les autres eux, étaient devenus des hommes. Et même Aiolia n'était plus cet enfant si précieux à ses yeux. Mais lui n'avait pas vécu tout cela et étrangement, c'est auprès de Saga que les conversations semblaient les plus équilibrées et les plus naturelles. Peut-être parce que le gémeau et lui, avaient partagé le plus grand nombre d'années. Pour ce qui concerne les autres, il allait falloir trouver les mots, les sujets de complicité et s'apprivoiser sans laisser les remords nuire à leur avenir.
Pour l'heure, s'adonner à ses anciennes activités lui permettait de retrouver sa place. C'est donc tout naturellement qu'il avait repris l'entraînement quotidien des recrues et qu'il descendait, une fois de plus et comme chaque matin depuis que ses forces le lui permettaient, vers le bas du Sanctuaire pour rejoindre l'arène. Et visiblement son petit rituel n'est pas passé inaperçu aux yeux de tous, puisqu' adossé à une colonne du huitième temple, Milo l'attend, un étrange sourire aux lèvres et dans le plus parfait silence.
Milo. Loin d'être le plus difficile, son positivisme clairement affiché et surtout son parcours presque sans faute et son honneur, le rendaient facile à côtoyer. Pour autant, son attitude ce matin lui semble étrange. A son salut habituel, Milo ne répond que par un signe de tête, affichant toujours le même sourire et sans bouger d'un pas, si bien que le sagittaire ralentit les siens pour finalement s'arrêter, le regard emprunt d'un certain doute. D'abord hésitant, il finit par se tourner vers lui.
- Je... peux passer ?
Parce qu'on ne sait jamais. Parce que dans ce sanctuaire, le moindre feu de paille peut prendre des proportions alarmantes.
Un peu surpris de la question et réalisant de suite le doute qu'il engendre, Milo s'esclaffe avant de s'approcher.
- Bien sûr que tu peux passer.
- Et tu veux m'accompagner ?
- J'aurais adoré mais aujourd'hui, ce ne sera pas possible.
- Une raison en particulier ?
- Je n'ai pas été aussi heureux depuis... Longtemps.
Aioros sourit très largement en se détendant. Celui là, c'est une satisfaction de l'entendre dire ça.
- Et tu veux partager ça avec moi ?
- Saga est passé me voir pour me prévenir. Kanon a ouvert les yeux.
Kanon. Le seul pour lequel Shion et Athéna avaient dû batailler depuis des semaines pour le ramener à la vie. Quelque chose chez le cadet des gémeaux s'y opposait fortement. Son retour avait été annoncé comme hypothétique et ni Milo ni Saga n'avaient été autorisés à le voir jusqu'à aujourd'hui.
- Voilà donc la raison. C'est une bonne nouvelle. Tu vas donc aller voir ton ami.
- Exactement. Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire. Hélas, il faudra probablement lui laisser le temps de reprendre ses forces. Et toi ? Tu ne veux pas venir avec moi ?
Étrangement, Aioros reste un instant indécis. Rencontrer ce gémeau, c'est un événement qu'il n'a pas anticipé. S'il n'a pas vu grandir les autres, celui-ci, il ne l'a jamais vu du tout. Pour lui Kanon est un mystère qu'il se reproche de ne pas avoir découvert avant.
Le sagittaire fronce légèrement les sourcils. Quoi qu'il serait techniquement possible qu'en réalité, il l'ait déjà croisé.
- Je crois qu'il serait préférable d'attendre qu'il soit sur pieds non ? Toi et moi savons que les premières heures d'un retour sont loin d'être agréables. A sa place et dans ces conditions, j'apprécierais très peu d'avoir la visite d'un frère d'armes inconnu.
- Comme tu voudras. De toute façon, le connaissant, il ne restera pas longtemps au sein du treizième temple et fatalement, tu le croiseras, puisqu'il passera par chez toi. Passe une bonne journée. La mienne s'annonce déjà parfaite !
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Pour la seconde fois, il ouvrait les yeux et pour la seconde fois, ce sentiment de pesanteur l'envahissait de la plus désagréable des façons. Si la très faible lumière entrant dans la pièce pouvait contribuer à amenuiser son vertige, aucun meuble, aucun objet, ne semblait vouloir tenir en place. Mais le plus difficile restait de sentir disparaître sous ses doigts la moindre surface sur laquelle il tentait de s'appuyer. Pas la moindre douleur, juste ce sentiment de chute interminable et surtout son incapacité à reprendre le contrôle. Quant aux sons, ils lui parvenaient sourds, hachés mais c'était le seul point sur lequel il semblait pouvoir influer, au prix d'importants efforts de concentration. Ses sens revenaient, mais de la plus lente des façons.
Le premier éveil, s'était déroulé durant la nuit fraîchement achevée. Mais à cette occasion, Shion était présent et si ses mots n'étaient plus très distincts dans ses souvenirs, ils avaient suffi à lui faire retrouver son calme ainsi que le sommeil.
Pour l'heure, il était seul et tout recommençait depuis qu'il était parvenu à reprendre une position presque verticale sur le bord du lit. Il ne tiendra pas, il le sait, c'était une mauvaise idée mais pourtant la seule à lui sembler acceptable au regard de son statut de chevalier d'Athéna. Se relever, quelle que soit la situation.
Et pourtant non. Pas de chute, pas d'inconscience, juste cette force qui lui offre un appui salutaire en le soutenant de son bras.
- Oui c'est un mauvais moment Kanon, mais tu verras... ça ne dure pas.
Alors ses yeux tentent de voir clair mais c'est cette voix au timbre particulier qui, la première, lui délivre l'identité de son voisin. Milo. Le huitième gardien à la cosmo énergie incandescente qu'il n'a pourtant même pas senti entrer. Milo le sait, pour l'avoir vécu, c'est probablement le pire moment à passer, et lui aussi avait pu compter sur le soutien de ses amis pour y parvenir.
- J'en ai connu des pires...
A la remarque, Milo s'autorise un sourire. Kanon va mieux, c'est une évidence.
Puis le visage du gémeau s'assombrit considérablement. Ils sont là, certes, mais en quoi est-ce normal ? Milo est mort, il le sait et rien ne lui permet d'en douter. Quant à lui même, il n'a pas pu s'en sortir et si tel est le cas, ça veut dire que Rhadamanthe aussi. Inquiet, il redresse les yeux vers les fenêtre. Les lourds rideaux laissent pourtant passer un peu de lumière ce qui si signifie que le soleil brille après l'éclipse. Ou alors… Ou alors ils sont morts et la dernière fois que des morts sont revenus à la vie, ils étaient à la solde d'Hadès. Devant la crispation de son visage, Milo réalise les questions et les doutes qui le hantent.
- Athéna a vaincu Hadès. Les Enfers ont été décimés. Et c'est bien Hadès qui nous a chassé des Enfers mais s'il y a consenti, tu te doutes que ce n'est pas de son seul fait. Nous n'en savons guère plus pour le moment.
Cette fois Kanon soupire bruyamment en portant une main à son front. Il faut vraiment qu'il évite de réfléchir durant quelques heures.
- Merci à toi d'être là. Son visage se crispe avant qu'il ne poursuive. Où est-ce que nous sommes exactement ?
- Sanctuaire d'Athéna. Treizième temple. Mais cette fois, il nous a porté chance. Et nous ne sommes pas les seuls toi et moi. Tous sont là. Tu étais le dernier qui manquait à l'appel. D'abord nos deux aînés Shion et Dokho, il y a déjà quelques temps. Ensuite vînt notre tour. Saga était le premier, suivi d'Aioros, de Shura et ainsi de suite. J'étais le dernier, jusqu'à aujourd'hui.
- Aioros aussi ?
- Et oui ! Il a dit qu'il viendrait te voir, mais, vu qu'il ne te connaît pas, il ne le fera que quand tu iras mieux.
A nouveau Kanon se tait, sous le regard observateur et curieux du huitième gardien.
- Saga va bien ?
- Et bien disons que malgré les treize jours d'angoisse que tu viens de lui infliger, il est totalement remis. S'il n'est pas là, ce n'est pas qu'il s'en moque. Il est d'ailleurs le premier que Shion ait prévenu. C'est juste que... ce n'est pas forcément évident de savoir si tu aurais apprécié qu'il soit là à ton réveil alors... nous avons convenu que ce serait moi.
Compréhensif, le cadet des gémeaux acquiesce. Après tout, comment pourrait-il gérer correctement de revoir Saga en étant à peine capable de se gérer lui même ? Il laisse tomber sa tête sur l'épaule du scorpion avec un soupir. Revoir Saga. Leurs trois dernières rencontres se sont déroulées dans la douleur. Et pourtant, sans qu'il puisse réellement se l'expliquer, la disparition de Saga au terme de cette maudite nuit lui laisse un souvenir douloureux.
Kanon ferme les yeux. Sa tête tourne déjà moins. C'est bien que Milo soit là. Milo, et pas les autres. Car s'il n'a rien contre eux, il ne les porte pour autant pas dans son cœur. La solitude donne de mauvaises habitudes que le temps peine à effacer et du temps, il n'en a pas eu.
- Tu saurais me dire ce que nous faisons là ?
- Pour le moment, Athéna nous parle simplement de reconstruction, mais elle n'est pas sereine, je le sais. Du reste, elle n'a pas tort. C'est pour l'heure, ce que nous avons de mieux à faire.
- j'ai besoin de bouger d'ici…
- Kanon, tu plaisantes j'espère ?
- J'ai l'air de plaisanter ?
- Sans vouloir te vexer, tu as surtout l'air d'avoir besoin de repos. Et puis chez toi, ça n'est pas le temple à côté. A moins que tu ne veuilles venir chez moi mais là encore, je te conseille d'attendre au moins demain. Oui, ce serait une bonne idée. Puisque finalement l'occasion nous est donnée de pouvoir discuter toi et moi, j'aimerais bien en profiter.
Kanon esquisse un pâle sourire en rouvrant les yeux. C'est étrange ce sentiment de le connaître depuis toujours alors qu'en réalité, Milo a parfaitement raison, il n'ont en tout et pour tout échangé que quelques phrases. Pour autant, aucun flot de paroles de pourra surpasser ce qu'ils ont échangé ce soir là.
- D'accord. Je resterai ici jusqu'à demain.
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Treizième temple, le lendemain.
Athéna commençait à tous les recevoir, un par un, durant le temps nécessaire, depuis que la veille, Kanon s'était éveillé. Si son attention s'était concentrée sur lui ces derniers jours, les choses allaient pouvoir reprendre leur cours et la déesse n'ignorait pas qu'après le soins des corps, celui des âmes allait l'occuper bien longtemps.
Ce matin, c'était le tour d'Aioros. Un horaire très matinal, pour s'assurer d'une tranquillité parfaite et le Saint du Sagittaire s'empressait de gravir les dernières marches, à la rencontre de celle dont même la Mort ne l'aura jamais séparé.
Néanmoins, dans le hall, ses pas ralentissent. Les mèches brunes caressent son visage sous l'effet d'un souffle d'air filant vers la porte d'entrée pourtant bien refermée. Cette même porte qu'il est pourtant certain d' avoir laissée ouverte afin de profiter encore un peu de la lueur rosâtre de l'aurore sur le marbre. Aioros s'est arrêté. Observant avec méfiance les différents couloirs donnant sur l'entrée. Tous, sont plongés dans une étrange obscurité, comme si la lumière ne pouvait plus les atteindre malgré les torches encore présentes de la nuit.
Lentement le sagittaire reprend sa route, ses pas raisonnant sur le sol, vers l'issue menant à la salle du trône. Un couloir qui, dans sa mémoire, ne semblait pas si long. Et lorsqu'il réalise qu'il passe inlassablement devant les mêmes statues, son regard s'assombrit.
- Qui es-tu ?! Montre-toi !
Pour toute réponse un silence pesant.
- Tu risques de regretter de ne pas t'être présenté.
Son cosmos s'enflamme, précédant le départ d'une flèche d'or parcourant les dédales de couloirs avant d'aller se planter dans un mur à trois centimètres du visage du cadet des gémeaux. Adossé bras croisés contre la paroi, Kanon n'a pas bougé une seule seconde. Avec un regard appréciateur, il tourne les yeux vers la flèche. Avant de se diriger vers lui.
Effectivement, il s'en était douté. Néanmoins, le temps écoulé lui semblait trop faible pour que Kanon puisse déjà jouer d'illusions. Les deux hommes se jaugent en silence, avec une fierté non dissimulée.
- Très bien Kanon... J'ai mérité que tu m'adresses la parole ?
Parce qu'il ne fait nul doute pour le neuvième gardien, que c'était un test du gémeau.
- Laisse moi réfléchir… Ce n'était pas si mal. On va dire que oui. Et pour répondre à ta pseudo question, inutile de me présenter. Ma renommée suffit à te faire deviner.
Si Kanon conserve une expression parfaitement sérieuse, Aioros, lui, se targue d'un sourire franc devant ce trait d'orgueil en lequel il ne croit pas un instant. Quoi que...
- Sais tu, Kanon, que le Grand Pope risque fort de mal prendre le fait que tu transformes ce temple en un terrain de jeu ?
Avec un regard amusé et provocant, Kanon lui indique du doigt et sans le quitter des yeux, cette flèche d'or plantée dans le mur.
- La seule preuve est en ta défaveur mon ami.
Le sagittaire lâche un rire outré avant que leur conversation ne soit interrompue par l'arrivée du Pope visiblement contrit, jetant un regard vers la flèche avant de le reporter sur le neuvième gardien.
- Je peux savoir ce qui se passe ici ? Aioros ?
Rapidement le sagittaire lance un regard vers Kanon qui très visiblement, jubile en silence. Rien. Le gémeau ne dira rien. Beaucoup trop satisfait d'avoir finalement gagné la première manche de ce petit jeu distrayant.
Aioros se retient de sourire, soucieux que le Pope ne le prenne pour de l'insolence. Et forcément, lui non plus ne dira rien, Kanon en était persuadé. Parce qu'il n'est pas dans le caractère du sagittaire de rapporter ce genre d'événement.
- Disons que… C'était un... essai ? Oui, un besoin de tester ma dextérité fraîchement retrouvée.
Devant le peu de conviction d'Aioros et la réponse bancale donnée, Shion soupire et ferme les yeux. A son esprit, la voix moqueuse de Dokho résonne. « Les enfants jouent avec les jouets qu'on leur donne Shion ! ». Alors puisqu' aucun des deuxne semble vouloir parler, autant feindre de croire en cette excuse.
- Athéna t'attend. Tu peux y aller.
Le sagittaire le remercie d'un geste de tête avant de tourner les yeux vers Kanon en s'éloignant vers la porte.
« Toi tu ne perds rien pour attendre. »
« J'attends ta revanche avec impatience, Sagittaire »
Blasé. C'est à peu près le seul message que le regard de Shion véhicule en se posant sur le gémeau avant de poursuivre sa route en lui faisant signe de le suivre. Avec un plaisir non dissimulé, Shion sort sur le perron du temple, accueillant avec plaisir les rayons du soleil dont il n'a guère pu profiter avant le réveil de Kanon.
- Je suis aussi surpris que ravi de te voir à ce point en forme.
- Je suppose que je te le dois, même si tu connais ma position au sujet de ce retour.
Par réflexe, le regard du gémeau se porte sur les escaliers du sanctuaire et sur les douze maisons dont les vestiges en cours de reconstruction s'élèvent à nouveau vers le ciel. Et malgré ce signe d'espoir, il demeure difficile de ne pas apercevoir les images de cette fameuse nuit, où les ténèbres se sont emparés du Sanctuaire. Néanmoins Kanon revient rapidement au présent en détournant son regard vers le pope. Nul doute que son choix de l'emmener ici était réfléchi. D'ailleurs, le Pope n'a pas cessé de le regarder. Être présent au moment de les lâcher vers le Sanctuaire, c'est un privilège auquel il tient beaucoup et un soutien qu'il veut leur offrir.
- Tu attends Milo ou bien ton frère ?
- C'est Milo qui doit arriver. Nous avons prévu de prendre le temps de discuter.
- Je vois... Kanon… Ton frère sera là sous peu, il doit voir Athéna..
Shion le sait, la surprise qu'il peut lire dans le regard du gémeau avant qu'il ne le détourne vers l'escalier, n'augure rien de bon. Le risque étant que cette surprise se meuve en angoisse, puis en rejet et en colère s'il se sent acculé. Et c'est d'autant plus inquiétant que Kanon a déjà mainte fois prouvé sa maîtrise des imprévus ainsi qu' un calme très réfléchi.
- Tu sais, que ce soit maintenant ou dans quelques jours, ça ne changera strictement rien il faudra bien que vous soyez en contact.
- Tu ne peux pas me demander ça maintenant.
- Kanon, je ne l'exige pas. Je te le conseille vivement. Parce que si l'un d'entre vous se met dans une situation de rejet, vous allez vous retrouver dans une impasse d'où il sera difficile de sortir.
- Ça fait des années que nous sommes dans une impasse Shion. A ce stade, il ne s'agit même plus de pardon. Nous ne nous reconnaissons même plus.
- Je crois au contraire que vous ne vous êtes jamais aussi bien reconnus. Mais il va falloir prendre certains risques. Celui de ne pas voir les choses se passer comme tu l'aurais espéré. Ou même celui de ne pas les voir se passer comme tu l'as redouté. Dans tous les cas, inutile de t'y préparer, rien ne pourra se passer comme un seul d'entre vous l'a pensé. Vous êtes deux à créer cet événement. Tu sais que j'ai raison, j'en suis persuadé, mais je pense que tu as un autre doute. Si tu ne me le dis pas, il se peut que j'ai besoin d'un peu de temps pour le découvrir.
Mais hélas ses mots restent vains. Bloqué sur une émotion que Shion parvient difficilement à estimer, Kanon secoue la tête et retourne vers l'entrée du temple avec une précipitation qu'il regrette aussitôt, lorsqu'il bouscule par mégarde le neuvième gardien qui s'apprêtait à en sortir. Devant le regard d'incompréhension totale d'Aioros, Kanon, murmure une brève excuse avant de reprendre sa route qu'il stoppe pourtant à l'injonction du Pope une demi seconde plus tard.
Le silence s'installe dans l'entrée jusqu'à ce que Shion les rejoigne. Kanon s'est retourné vers lui, nettement plus calme et serein, ce qui ne lui échappe pas. Même s'il demeure un léger malaise dans sa façon de se comporter, l'attitude n'est plus du tout la même, ce qui semble satisfaire et rassurer presque totalement l'ancien bélier.
- Je peux savoir ce qui se passe ?
Laissant Kanon se débrouiller avec la question du sagittaire, Shion les observe, non sans un certain air de satisfaction et de curiosité mêlées.
- Tu n'es pas concerné.
- Maintenant, je le suis.
Shion rit.
- Vois-tu Kanon, la curiosité et l'implication sont deux traits de caractère des sagittaires et ils sont particulièrement exacerbés chez celui-ci. Tu vas avoir du mal à t'en défaire.
- Il est aussi censé être lucide alors sa raison devrait très vite lui rappeler que son insistance va me déplaire.
- Ma conscience me dit surtout que s'il y a un problème, je peux contribuer à le résoudre. Mais vu la complexité et l'importance que cela semble avoir, je parie que ça concerne Saga. Ça ne te toucherait pas de cette façon si cela devait concerner quelqu'un d'autre.
- Bien. Je vous laisse en discuter.
Satisfait, le pope contourne le sagittaire en posant brièvement une main sur son épaule avant de disparaître dans un couloir.
- Tu n'as pas envie de le revoir c'est ça ?
- Bien au contraire...
Aioros sourit en croisant les bras avant de s'approcher.
- Je suis certain que lui aussi. Alors ça ne devrait pas mal se passer.
- Je ne sais même pas si j'ai envie que ça se passe bien. Ne faire aucun cas de ce qui est arrivé reviendrait à nier l'importance de ce à quoi nous avons dû renoncer.
- Et bien, rien ne vous empêche de l'exprimer si ça peut vous permettre d'avancer. Je pense que vous êtes tous les deux capables de régler des comptes dans le calme.
- C'est ce que tu as fait ?
- Non, mais ça n'est pas mon frère. J'ai beaucoup de mal à régler certains points avec le mien, si ça peut te rassurer. Pour ce qui concerne Saga... J'ai opté pour ce que je trouvais le plus confortable et productif. Je me suis attaché à des souvenirs et nous en avons pas mal ensemble. Positifs, même s'il y avait de la compétition entre nous. Au bout du compte ça n'a fait que nous rendre plus efficaces. Ça ne veut pas dire que j'efface ce qui s'est passé ensuite, mais au moins je nous donne une chance de repartir sur une base plus saine. Je ne crois pas, Kanon, que toi et moi, nous ayons beaucoup de choses à gagner, en nous laissant dépasser par les souvenirs de cette fameuse nuit où je me faisais tailler en pièce par Shura et où toi... tu gérais un autre type de problème non moins conséquent. Maintenant, je suis certain que tu trouveras ta façon à toi de régler cela quand tu le verras. Que tu lui parles ou que tu ne lui parles pas, l'important, c'est juste que vous ne refusiez pas de vous voir. Tu m'as dit en plus, que tu en as envie. Alors ne te le refuse pas. Si tu as besoin de temps pour le reste et bien prends le. Inutile de compliquer les choses.
- Nous serons vite fixés. Ils arrivent.
- Je te laisse ?
- Tu n'as pas intérêt.
- J'accepte ton invitation si courtoise Kanon.
Après tout pourquoi pas. Assister à une rencontre au sommet est un privilège que beaucoup d'autres aimeraient avoir. Mais seuls lui et Milo y auront droit.
Si Kanon n'a guère eu le temps d'anticiper une rencontre aussi rapide, Saga, lui, ne songe presque qu'à cela depuis son retour. Pour autant, devant le fait accompli, les mots restent muets. Tout ce qu'il pourrait tenter de dire lui apparaît en cet instant comme vide de sens. Il est heureux, certes, et fier aussi. Ah ça oui, ce qu'il peut être fier de lui. Il l'aime, c'est une certitude. Mais il lui semble tellement inapproprié d'exprimer cela maintenant… Les événements tragiques qu'ils se sont infligés nécessitent une certaine pudeur aujourd'hui. Ne serait-ce qu'évaluer la distance à laquelle il peut s'arrêter, à ses côtés, semble assez difficile. Il ne faut pas prendre le risque d'un rejet, mais néanmoins tenter de l'approcher suffisamment. La dernière fois qu'ils se sont vus, Kanon s'est très clairement détourné de lui. Mais le contexte était tragique. Aujourd'hui, son frère semble accepter de lui faire face. Quelque part, cette seule situation le ravit. Elle ne lui suffit certes pas, mais c'est un excellent recommencement.
Pour Aioros, il semble évident qu'ils n'y arriveront pas. Peut-être qu'effectivement Kanon avait raison lorsqu'il prétendait qu'il était trop tôt. Alors c'est peut-être à lui de poser la première pierre de l'édifice.
- C'est très… curieux.
Les deux paires d'yeux gémellaires se posent alors sur lui, mais il attend, patiemment, que l'un d'eux, piqué par la curiosité, se mette enfin à parler et comme il s'y attendait, c'est Kanon qui le fait en premier.
- Qu'est-ce qui est curieux ?
- J'entends bien que pour toi, ça ne l'est pas. Mais pour moi…. Je vous vois l'un à côté de l'autre pour la première fois.
Kanon plisse légèrement les yeux, curieux.
- Et ça fait quoi ?
De son côté Milo ricane en regardant son voisin du neuvième.
- Tu as le goût du risque toi.
Ce à quoi Aioros ne lui répond que par un large sourire avant de reporter son attention sur les jumeaux.
- Et bien, oui, je suppose que pour vous, l'idée d'être deux a toujours été très naturelle. Le problème réside dans le fait que ce qui aurait dû être un avantage, s'est soldé par une opprobre alors oui, aujourd'hui, vous voir pour la toute première fois ensemble, c'est assez réconfortant. Surtout pour moi qui n'ai pas eu la clairvoyance de m'en apercevoir, ce qui ne manque pas de m'arracher des regrets. Moi qui t'ai fréquenté pendant des années, Saga, je constate avec dépit l'évidence qui ne m'a pourtant jamais effleuré l'esprit lorsque nous étions plus jeunes. Donc là, en cet instant précis où je vous parle, j'ai l'impression de voir se tourner une page sur laquelle il serait écrit : Acte II, La justice renaissante, ou quelque chose comme ça. C'est un peu comme si maintenant que vous êtes deux, tout était beaucoup plus stable. Oui c'est ça, ça m'inspire un certain équilibre.
- Ce n'était pas vraiment stable quand nous étions réunis tu sais…
- Nous ne l'étions pas réellement, le coupe Saga d'une voix qu'il aurait souhaité un peu moins ferme, mais de son côté Aioros sourit. Ça y est. Le premier échange vient d'avoir lieu.
Du reste, Kanon ne semble pas s'en formaliser, bien au contraire. Certes Saga l'a contredit, mais il l'a fait avec une assurance qui ne laisse aucun doute sur la façon dont il a vécu l'effacement pure et simple de l'existence de son cadet. Néanmoins le regret de l'aîné demeure, parce que Kanon ne répond pas. Il aurait aimé qu'il confirme ses dires. Finalement, peut-être faut-il prendre son silence comme une approbation. Par Athéna, ce que les choses pourraient être simple si, en lieu et place de cette pudeur gênante, il avait pu, simplement, le prendre dans ses bras.
C'est à croire que rien ne pourra jamais être simple. Peut-être faut-il s'accorder un temps mort. Juste de quoi reprendre son souffle pour mieux pouvoir repartir.
- Je dois voir Athéna mais... J'aimerais beaucoup que tu m'attendes.
- Je crois qu'elle ne t'en voudra pas, si tu as du retard par ma faute. Comment vas-tu ?
Cette réponse, Saga se la repasse en boucle dans sa mémoire. Kanon veut qu'il reste. C'est détourné mais ça reste très clair. C'est une angoisse, mais une angoisse tellement précieuse qu'il en arrêterait presque le temps. Mais il faut lui répondre, même si aucun de ses mots ne pourras être à la hauteur de ce que Kanon vient de lui offrir. Il faut d'ailleurs que son cadet cesse de le faire passer de la désillusion à l'espoir s'il ne veut pas que le stress engendré ne le renvoie directement au royaume d'Hadès.
- Et bien... A vrai dire, je ne me souviens plus du dernier moment où j'ai pu me sentir aussi bien qu'aujourd'hui. Je n'ose néanmoins, te retourner la question, sachant que tu n'es pas ravi de notre situation.
Kanon détourne le regard vers l'entrée du temple, avant que le silence ne revienne s'établir entre eux deux. Une situation que Saga n'accepte pas. Jamais plus. Parce que le temps leur a déjà trop manqué et parce que la guerre sainte leur a rappelé ce qu'ils étaient. Avant. Avant de se détruire comme ils ont pu le faire en emportant dans leur déchéance tous ceux qui se trouvaient autour d'eux. Et même plus encore. Une souffrance destructrice imposée à tous par la force. Alors peu importe ce qui adviendra, ils ont de toutes façons vécu le pire.
- Kanon regarde moi.
Saga le sait parfaitement, il la devine et la voit sans mal, cette angoisse oppressante, la même que celle qu'il endure et contre laquelle Kanon lutte de toutes ses forces afin de contenir une émotion qu'il sait ne pas pouvoir contrôler si elle devait se trouver libérée. C'est une souffrance de plus qu'il refuse de le voir éprouver et qu'il ne peut plus s'infliger. Alors tant pis pour cette glaciale pudeur censée leur apporter confort et protection, la distance est franchie. Saga le serre, comme si sa vie en dépendait, ce qui du reste, n'est pas tout à fait faux puisque tout manque de se briser durant quelques fractions de secondes, alors que son jumeau tente de se reculer.
Un réflexe bien vite dissipé face à ce sentiment qu'il pensait oublié et qu'il veut absolument laisser reprendre la place qu'il n'aurait jamais dû quitter. Alors il referme un bras autour de lui, d'abord hésitant mais finalement, pourquoi aurait-il fait autre chose ? Pourquoi aurait-il dû se priver de l'apaisement que lui procure cette étreinte ? « Apaisement » est d'ailleurs un terme dont il ignorait le sens alors peut-être qu'Aioros a visé juste, ce qui, du reste, ne serait pas étonnant. Peut-être que c'est ça, l'équilibre dont il parlait.
Pour l'aîné, le fait de le sentir enfin se détendre sonne comme un accomplissement. Sans la moindre volonté de le lâcher, Saga s'écarte pourtant très légèrement, afin de raccrocher à nouveau son regard.
- Tu te souviens du serment ?
Kanon esquisse un pâle sourie en secouant négativement la tête. Non pas qu'il ne s'en souvient pas, mais plutôt qu'il préfère le garder bien enfoui dans sa mémoire.
- Nous n'aurions jamais dû essayer de le tenir.
- Pas tout à fait Kanon. Nous n'aurions jamais dû AVOIR à le tenir. Ce que j'espère aujourd'hui, c'est que nous ayons tous les deux envie de le refaire.
Amusé mais visiblement opposé à l'idée, Kanon sourit.
- Et tu veux quoi cette fois Saga ? Une autre colère de Shion ? Méfies-toi, il est plus jeune qu'à l'époque. Et puis ensuite, la destruction du panthéon tout entier ?
Saga esquisse un sourire.
- Savoir que l'idée ne te rebute pas me suffit amplement. Mais cesse donc de blasphémer dans le temple d'Athéna.
- Tu es mal placé pour dire ça. Nous étions ici pour le faire ce serment, et n'était-il pas déjà le plus grand blasphème de tous les temps ?
- Probablement, mais à l'époque, nous étions trop jeunes pour le savoir.
Cette fois le cadet ne peut retenir un léger rire étonné.
- Et maintenant que nous ne le sommes plus tu veux recommencer ? Je vais finir par croire que tu es le plus provocateur de nous deux.
- Laisse toi le temps d'observer ce qui se passe ici. Tu comprendras. Quant à moi, je te l'ai dit, je veux que nous en ayons tous les deux besoin. Jusque là, je ne t'en reparlerai pas.
Si tout cela n'a pas encore vraiment de sens pour lui, Kanon l'observe donc en silence sans réfuter l'idée. S'il est une chose qu'il connaît de son frère, c'est qu'il ne dit jamais rien sans raison et quelque part, l'explication qu'il lui donne est loin d'être très encourageante. Il se peut donc que sa volonté de réitérer ce serment dont personne ne connaît les termes, soit justifiée.
- Très bien Saga. Si j'en arrive à la même conclusion, je t'en parlerai. Néanmoins cette fois, si Shion nous tombe dessus je crois qu'il nous tue. Maintenant... Tu ferais bien de rejoindre Athéna.
L'aîné acquiesce en le lâchant à regret. Avant que les deux gémeaux ne s'obligent à prendre chacun une route opposée. Le seuil de la porte passé, Saga la referme et s'y adosse avant de respirer profondément. L'énergie nécessitée par leur échange l'a vidé et pourtant, c'est la chose la plus précieuse que ce retour lui donnera de vivre. Une chance qu'il pensait ne jamais avoir depuis près de treize années. Alors bien sûr, ça n'est pas terminé. Trop de non-dits, de souffrance, de querelles pour que les choses reprennent leur cours sans difficultés. Des conflits, il y en aura. Des périodes d'éloignement aussi, probablement. Mais cette fois, il ne permettra pas que ces événements les séparent.
De l'autre côté de la porte, Kanon reste un moment immobile avant de s'asseoir en haut de l'escalier, le regard figé sur la pierre. En silence, Aioros et Milo viennent s'installer chacun d'un côté du gémeau. Difficile de briser le silence désormais. Et puis Kanon ne semble ni pouvoir, ni vouloir le faire. Il va donc falloir que l'un d'eux s'en charge. Inutile de revenir sur ce qui vient de se jouer sous leurs yeux ce moment ne leur appartient qu' à eux.
Finalement le sagittaire s'appuie sur son épaule pour se relever, un geste si peu familier pour le gémeau qu'il en quitte ses réflexions pour le suivre du regard. Et c'est sans compter sur cette main qu'il lui tend pour l'aider à se relever, et qui n'a rien d'anodin, Kanon en a parfaitement conscience, d'autant que cette entrevue avec Saga, n'aurait jamais eu lieu sans l'intervention du neuvième gardien. Une main qu'il accepte avant de se relever, très vite imité par Milo dont le visage déborde de satisfaction.
- il est temps de redescendre maintenant.
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Douze jours s'étaient écoulé. Douze jours durant lesquels le passé menaçait à nouveau de se répéter, isolant dans leur temple, ou dans leurs propres activités, des chevaliers dont la nature criait son besoin de contact et d'échange. Shion regardait avec impuissance, l'agonie d'une fraternité chèrement acquise au profit de la Colère ou de la Mélancolie. Rien, absolument rien dans ce sanctuaire, n'était fait pour rompre ce dangereux isolement et redonner aux Ors cette notion d'unité et de force, qui devait les placer bien au dessus des autres rangs de chevaliers.
Au sein du troisième temple, les gémeaux se retrouvaient chaque soir, après le retour de Saga et même si parfois le silence s'installait, ça n'avait aucune espèce d'importance. Chacun des deux frères était décidé à crever l'abcès qui, parfois, au moyen de quelques souvenirs, menaçait de s'installer sournoisement. D'ailleurs, de ce temple, Kanon n'en sortait que très peu, si ce n'est pour observer en restant à distance, des frères d'armes desquels il se sentait vraiment éloigné. Alors Milo venait, seul habilité par les deux frères pour s'immiscer dans leurs soirées. D'ailleurs, Saga n'avait, pas même une fraction de seconde, montré la moindre objection aux visites du scorpion, chose qui n'était pas passée inaperçue au regard de Kanon sans pour autant qu'il fasse le moindre commentaire.
Avec Mu, Shaka et Shura, Kanon formait sans le savoir, le groupe de « ceux que l'on ne voit jamais, mais que l'on ne souhaiterait pas croiser réunis ». Lorsque cette phrase était arrivée à l'oreille du scorpion, celui ayant osé la prononcer, n'avait pu se relever pendant longtemps. Mais pour autant, la critique s'était déjà étendue à tout le sanctuaire.
Parfaitement conscient de son rôle dans l'isolement de Shura, de ce sentiment de culpabilité qu'il engendre et que seul le capricorne peut parvenir à surmonter, l'élan du sagittaire auprès des recrues s'était fané. Shura l'évitait lui. Kanon évitait tout le monde sauf Milo. Shaka perdait toute sérénité au contact d'autant d'animosité inutile et Mû s'était réfugié dans son atelier à réparer des armures éprouvées par la guerre.
Parmi ceux qu'il arrivait encore à croiser, les sentiments n'étaient pas non plus des plus productifs. Aldébaran semblait désolé sans avoir plus de volonté pour y remédier. Masque de mort s'en amusait beaucoup, du moins en apparence. Aiolia s'efforçait maladroitement de profiter de son frère. Camus était tristement silencieux mais bel et bien présent. Quant à Aphrodite, habitué à évoluer dans le pire des contexte, il l'acceptait comme acquis.
Dokho observait avec Shion, sans vraiment prendre part à la situation, le vieux maître considérant qu'ils avaient désormais l'expérience et les moyens de gérer cette situation seuls, pour peu qu'ils en aient envie. Et pour l'heure, les seuls vraiment motivés à le faire ne dépassaient pas le nombre de trois Saga, Milo et Aioros.
Appuyé à un pilier de l'arène, non loin de Saga, le sagittaire observe l'entraînement des novices sans vraiment le voir.
- J'en ai assez, il faut que nous fassions quelque chose.
Interloqué de l'entendre ainsi rompre leur silence, Saga se tourne vers lui.
- Oui Saga, j'en ai assez de cette situation et c'est précisément à nous deux, de leur montrer l'exemple et de mettre au sein de ce sanctuaire un semblant d'équilibre, ou a défaut, une paix solide.
- Tu es déjà un exemple pour eux Aioros. Tu accordes un pardon sans bornes et c'est précisément ce qui t'éloigne d'eux car ils n'en sont pas encore capables et culpabilisent pour ça. Laisse leur le temps. Ils ont passé la majorité de leurs années à grandir avec la rivalité, la haine et le mensonge. Ça ne peut pas s'effacer en quelques jours. Si tu forces les choses trop précocement, tu vas provoquer des conflits. Crois moi, je voudrais aussi que les choses changent. Mais ça n'est pas le moment.
- Leur laisser du temps Saga ? Shura a tout, sauf besoin de temps. Il se torture l'esprit et s'interroge sur son mérite et son honneur et quoi que je puisse lui dire, rien n'y fait. Si moi je lui pardonne, lui ne se pardonnera jamais cette erreur. Pour ce qui concerne mon frère, c'est un peu mieux, mais il ne se passe pas une journée où je ne le surprends pas en train de me regarder avec tristesse. Je ne supporte plus ça ! Et je ne te parle que des deux personnes qui m'étaient les plus proches. Je pourrais aussi te parler de leurs luttes personnelles au sein du sanctuaire et même de ton frère...
- Je ne te le conseille pas.
Saga et Aioros se retournent pour apercevoir Kanon se diriger lentement vers eux.
- Ça fait longtemps que tu nous écoutes ?
- Assez... Demande à Saga, je fais tout le temps ça.
Dans l'arène, les rares spectateurs on retrouvé un semblant d'intérêt pour cet échange. La présence de Kanon est déjà une raison de curiosité. Mais pas autant que peut l'être une discussion entre les deux « inconnus » du Sanctuaire.
- On ne t'a jamais dit que c'était mal élevé ?
- Je n'aspire pas à avoir de bonnes manières.
- Ne commencez pas à vous chamailler...
Mais en guise de réponse, Saga reçoit un double « on ne se chamaille pas » lancé avec assez d'autorité pour lui passer l'envie d'insister. Et visiblement, la situation amuse beaucoup les deux coupables.
- Je me demandais quand tu allais te décider à nous rejoindre...
- Dois-je comprendre que je t'ai manqué ?
Aioros semble indécis le temps de quelques secondes. C'est étrange comme cette question ne lui est jamais venue à l'esprit jusqu'à aujourd'hui, et pourtant, c'est une évidence que, oui, sa présence lui a manqué. Depuis ces quelques minutes partagées au sein du treizième temple, qui ont été une véritable bouffée d'oxygène dans l'atmosphère lourde de regrets du Sanctuaire. Et puis Kanon le met au défi quand les autres l'adulent sans compromis. Difficile de se laisser appesantir par le passé quand on est avec lui. Et si les jumeaux paraissent si semblables physiquement, discuter avec eux trois minutes permet à coup sûr de les différencier. Et c'est sans parler du regard constamment conquérant du cadet qu'il a bien du mal à ne pas observer.
Devant ce silence, Kanon ébauche un sourire satisfait, rappelant immédiatement le sagittaire à la réalité, mais bien trop tard pour que son trouble ait pu échapper à l'ex-marina. Néanmoins, celui-ci n'insiste pas, contournant son vis à vis pour aller s'appuyer à la main courante.
- Que voudrais-tu faire ? Les réunir pour tenter de leur en parler ? Tu vas te brûler les ailes sagittaire… Autant mettre tout le monde dans l'arène et compter les points.
- Viendras-tu ?
Sur le point de répondre, Kanon s'interrompt néanmoins pour tourner les yeux vers les tribunes d'où les autres se sont approchés. Parmi eux, Aiolia rejoint son frère sous le regard attentif, mais non moins réprobateur, de Saga. L'ex Grand Pope le sait. Aiolia est une savante alliance de noblesse et d'impulsivité. Associée à sa jeunesse et au contexte particulier de leur retour, la confrontation avec Kanon peut vite dégénérer.
- Tu vas dire non, n'est-ce pas ? Si mon frère veut tenter quelque chose vis à vis de nous, tu n'es pas obligé de l'en dissuader avec autant de mépris à notre égard. S'il doit se brûler les ailes, ça ne sera certainement pas à notre contact. Je trouve ça dommage qu'après le pardon que t'a donné Athéna, tu ne fasses pas le moindre effort pour t'inclure dans le groupe où tu as chèrement acquis ta place. Non au lieu de ça, tu t'éloignes, tu juges à distance et tu ne nous parles pas. Douze jours Kanon ! Douze jours que tu nous ignores ! Quant à mon frère, vu la façon dont tu t'adresses à lui, je ne sais même pas quoi en penser.
- Aiola je pense que ça, ça ne concerne que Kanon et moi. Si ça me posait un problème, je lui en aurais déjà fait part, tu sais.
Kanon respire profondément. Rester calme. A vrai dire, il pourrait presque se convaincre que c'est attendrissant et que l'intervention du lion n'est que la manifestation d'une relation fraternelle exacerbée, alliant inquiétude, possessivité et amour. S'il cherche au plus profond de sa mémoire, dans les souvenirs cachés et scellés, lui et Saga étaient bien plus fusionnels encore. Ensemble, ils étaient difficilement approchables, se gardant l'un pour l'autre sans espoir de partage, comme si leur gémellité les rendait interdépendants et que leur survie en dépendait. Ce qui, finalement, était probablement vrai. Personne, alors, n'aurait pu envisager les séparer.
Personne, sauf Shion.
L'ex-marina ferme les yeux un bref instant et s'efforce, devant l'émotion engendrée par le retour de ce souvenir, de le re-sceller soigneusement d'où il vient. L'avantage, c'est qu'il n'a plus, désormais, la moindre animosité à l'égard du jeune lion. Alors c'est vrai qu'il se sent désagréablement vidé et troublé, mais il n'aurait pas été de bon ton, de lui faire regretter ses paroles. Après tout, c'est le frère d'Aioros, et les instants, même rares, qu'il partage avec le sagittaire sont assez précieux à ses yeux pour ne pas prendre le risque de les voir se ternir.
- D'accord Aiolia. J'ai bien compris que tu ne m'aimes pas et tu as probablement bien saisi que ça m'est égal. Seulement sache que pas une seule fois je n'ai manqué de respect à ton frère et que nos conversations ont au moins le mérite de ne pas être désagréables pour lui et ça, peux tu en dire autant ?
- Qu'est-ce que tu insinues encore ?
Rapidement la main d'Aioros se pose sur le bras du second gémeau, le réduisant instantanément au silence avec cet air d'incompréhension et d'injustice si difficile à accepter pour le neuvième gardien. Parce que Kanon a compris les difficultés qu'il rencontre avec son petit frère, parce qu'il est probablement le seul et qu'il avait le droit à cette réponse. Mais est-ce qu'Aiolia est prêt à l'entendre ? A vrai dire, il n'a même pas pris le temps d'y songer. Ce geste s'est imposé par nature, presque inconsciemment, par simple instinct de protection envers son frère, car nul ne sait comment Kanon aurait présenté les choses.
Et pourtant, cela devient presque un regret.
Aioros fronce les sourcils. D'abord, lorsque Kanon l'a interrogé sur l'éventualité qu'il ait pu lui manquer, il a réalisé qu'effectivement, c'était le cas. Et maintenant, il lui semble difficile de défendre Aiolia au détriment du second gémeau. Une fois de plus, la voix de l'ex-marina le sort de ses réflexions.
- Je vous laisse.
Sans rien ajouter Kanon s'éloigne et disparaît dans l'escalier menant à la sortie. Très vite, Aioros part à sa suite à travers les dédales de pierres et colonnes brisées.
- Tu n'as pas besoin de me suivre Je ne lui en veux même pas. Je suppose qu'il va lui falloir un moment, pour ne plus s'inquiéter pour toi.
- Et à moi ?
Cette fois le gémeau s'arrête et se retourne vers lui.
- C'est ton frère, tu le protèges. C'est dans ta nature, tu as toujours agi ainsi avec lui. Néanmoins, il faudra bien que tu le lui dises, si tu ne veux pas que je m'en charge.
Kanon s'interrompt un instant avant de reprendre, amusé.
- Ton frère est grand maintenant tu sais.
De la part d'un autre, le commentaire serait probablement moins bien passé. C'est vrai qu'il a été privé de le voir grandir. Mais Kanon parvient à lui faire assimiler la réalité de façon décalée.
- J'ai l'espoir qu'il comprenne seul. Où vas-tu comme ça ?
- Je cherche un endroit qui ne soit pas en ruines…
Parce que tout dans ce sanctuaire semble ne tenir qu'à un fil et qu'en cet instant, Kanon a besoin d'un peu de stabilité.
- L'oliveraie d'Athéna ?
Kanon esquisse un sourire.
- Aurais-je oublié le souvenir de t'avoir invité à rester ?
- Bien sûr. Souviens-toi, il y a douze jours, au pied du temple d'Athéna. Tu m'as même menacé si j'avais le malheur de le faire.
Kanon le jauge du regard quelques instants, amusé. Après tout, il peut être intéressant de lui accorder cette manche là.
- On y va.
XXXXXXXXXXXXXX
Au bord de l'oliveraie, s'ouvre le spectacle désolant de cet ancien refuge naturel soufflé par l'explosion de l'Athéna Exclamation. Le pouvoir d'Athéna n'a cependant pas abandonné les lieux, puisque chaque branche porte désormais le rameau de la résurrection et l'espoir de leur offrir très bientôt, le silence et l'ombre tellement manquante en ces lieux.
- Tu venais souvent ici ?
Kanon acquiesce en s'installant sur un tronc renversé, très vite imité par un sagittaire décidé à lui soutirer une vraie conversation. Mais rapidement, la voix des gardes les appelant se fait entendre. Rapidement les deux ors échangent un regard. Shion aura certainement décidé de tous les convoquer, une fois de plus, et les fait chercher. Et forcément, devant cette opportunité ratée d'enfin pouvoir parler, Aioros affiche une certaine déception face à laquelle Kanon sourit et reprend à voix basse.
- Tu n'as pas envie d'y aller ?
- Si ça ne tenait qu'à moi, je n'irais pas, mais...
- Ça ne tient qu'à toi. Donne moi ta réponse.
Mi amusé, mi curieux, et en grand besoin d'oxygène et de décompression, Aioros se laisse finalement tenter, sans même songer aux conséquences. S'en suit une vaste chasse avec les gardes, à travers l'oliveraie jusqu'aux baraquements des soldats, pour finir sur des chemins aussi pierreux qu'insoupçonnés des falaises. Amusés et satisfaits, les deux ors s'installent à l'ombre de celles-ci. Puis le silence s'installe. Apaisant. Loin des bruits de l'arène et du mouvement incessant qui règne dans le sanctuaire depuis la reconstruction. Kanon le regarde, depuis bien trop longtemps d'ailleurs, pour ne pas extirper un sourire au sagittaire. Difficile de savoir ce que le gémeau peut penser lorsqu'il fait cela, mais ça n'a guère d'importance. Cette pseudo fuite n'a pas de prix. Peu importe la suite, le petit jeu en valait la peine. Cette complicité dans la discrétion lui a plu. Leur communication silencieuse également. Et même s'ils ne pourront pas rester ici longtemps, ce sont au moins quelques minutes durant lesquelles leur mémoire se créait des souvenirs de liberté et d'insouciance. Un trésor en somme, que très vite leurs responsabilités viennent enfouir au plus profond d'eux.
- On s'accorde dix minutes ?
- Dix minutes oui... Tu n'as pas usé d'illusion cette fois. Tu as fait ça à égalité avec eux.
- Aioros, même sans user de cosmos, nous ne serons jamais à égalité avec eux. Ou alors, il aurait fallu leur laisser des messages leur indiquant où nous trouver. C'est trop facile, mais c'est divertissant.
- Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais certain que tu répondrais quelque chose de la sorte.
- Tu commences à me connaître.
- Pas autant que je le voudrais. J'ignore la majeure partie de ta vie. Alors oui, je serais curieux que tu me racontes.
- C'est vrai que dix minutes pourraient amplement suffire à tout te résumer mais pour le moment, j'ai envie de profiter du peu de temps qu'il nous reste avant de rentrer.
- Tu promets que tu le feras plus tard ?
- Oui. Comme ça tu cesseras de t'imaginer qu'il y a plein d'autres choses à savoir.
- Kanon, en attendant j'aimerais assez que tu me dises pourquoi tu ne voulais pas revenir... C'est un point qui m'inquiète.
Kanon soupire avant d'appuyer sa tête contre la pierre en regardant le ciel.
- Tu en as eu un aperçu aujourd'hui, avec ton frère. Il y a un trop grand fossé entre vous et moi. J'ai été l'un des leurs mais le temps de remplacer Saga. C'était temporaire, en attendant que je paie ma dette. Et puis à quel titre devrais-je accepter ce retour ? Pour moi, la boucle était bouclée et c'était très bien ainsi. Je n'avais pas mérité d'autre chance. J'ai déjà eu la plus précieuse qui soit. Puis elle m'a dit qu'elle aurait encore besoin de moi. Alors peu importe ce que ça doit me coûter d'être ici sans rôle clair, je n'allait pas lui refuser. Mais ça va. J'ai trouvé un sagittaire divertissant, aussi dépaysé que moi et qui n'arrive pas à dire à son frère d'étouffer ses regrets lorsqu'il pose les yeux sur lui, parce qu'ils lui renvoient à chaque instant l'image de sa mort et de la déchéance qui s'en est suivie.
- Et tu comptais lui balancer ça comme ça ?
- Sans aucun doute !
- Mais tu n'es pas croyable il s'en serait voulu encore plus.
- Peut-être oui. Mais pas longtemps, vu qu'il aurait compris. On y retourne ?
- Non, je n'en ai pas envie.
Kanon esquisse un sourire. C'est plaisant de voir un sagittaire dévoué et docile faire le choix d'écouter ses propres désirs pour une fois.
- Il y a un autre point que j'aimerais te voir éclaircir.
Et puis surtout, définitivement non, Aioros ne veut pas rentrer. Ne surtout pas interrompre ce petit moment de paix et de liberté qu'il lui semble bien ne jamais avoir ressenti.
- Vas y, dis-moi lequel.
- De quel serment parliez-vous, toi et ton frère.
Cette fois le visage du gémeau se teinte d'une certaine gravité alors qu'il détourne son regard de lui. Un long silence s'en suit, au cours duquel Aioros en arrive à se demander s'il ne vient pas de faire une erreur irrécupérable.
- On ne t'a jamais dit qu'il était mal élevé d'écouter les conversations des autres ?
Cette fois Aioros se détend, un peu, s'octroyant un sourire en attendant patiemment sans insister que Kanon se décide à répondre. Pourtant, il semble hésiter. Lui parler d'un événement qui les a toujours hantés tout en orientant chacune de leurs décisions, aura forcément des conséquences sur ses rapports avec le sagittaire. Mais qui, au sein de ce sanctuaire, est plus à même de les comprendre que lui ? N'a t-il pas lui aussi un frère ?
- D'accord. Mais tu risques fort de le regretter.
- Nous sommes d'accord que cela appartient au passé Kanon.
C'est assez impressionnant de constater la capacité réelle de cet homme à pardonner. Après un moment d'hésitation, Kanon tend vers lui sa main gauche paume vers le ciel. Aioros baisse les yeux vers celle-ci avant de la prendre et d'en écarter les doigts pour y voir, encrée dans sa peau, les traces d'une cicatrice qu'il se souvient avoir déjà vu, identique, sur celle de Saga. Surpris, il relève les yeux vers lui sans pour autant le lâcher.
- Pour une fois, c'était son idée et elle me plaisait. J'en avais besoin et il le savait. C'est arrivé la veille de sa dernière épreuve avant de décrocher l'armure d'or.
- Je me souviens qu'il s'était blessé et j'avais songé que le moment était hélas très mal choisi. Mais il a réussi sans difficulté.
- Quelques heures avant, il était allé voir Shion et moi je l'attendais là bas. Je voulais qu'il ait cette armure et au fond de moi je ne doutais pas qu'il y parvienne. Pour moi, il était le meilleur de tous, il ne pouvait pas échouer. Seulement, je savais qu'après cette armure, le fossé entre nous se creuserait encore davantage. Shion m'y préparait depuis des années. Il encourageait cet éloignement, c'était continuel Aioros, je le supportais de moins en moins. Mais Saga lui, il en avait fait son sacerdoce. Bien sûr qu'il en souffrait, probablement autant que moi, mais cette souffrance, elle lui semblait nécessaire pour mettre en exergue sa dévotion envers Athéna. Et ce jour là, je lui ai dit. C'était une angoisse trop envahissante. J'étais dans l'engrenage. Je voulais qu'il gagne mais je savais qu'elle nous condamnait, Elle Gemini. Shion avait toujours procédé ainsi. Il savait parfaitement me convaincre d'accepter volontairement toutes les étapes de notre situation. Mais cette fois, je n'ai pas pu.
Kanon s'interrompt mais le sagittaire patiente, lui laissant le temps nécessaire.
- Ça n'était pas juste. J'avais renoncé à tout le reste, mais là c'était trop. Il était hors de question que je renonce à lui. Et... Il faut croire qu'il l'a bien compris lorsqu'il m'a écouté lui en faire le reproche. Ça l'a touché, je l'ai parfaitement vu. Il ne voulait pas perdre ça lui non plus. Tu vois, dans ces moment là, il n'y avait plus que nous. Seulement nous. Plus d'armure, plus de Sanctuaire. Les moments où l'on se retrouvait de la sorte se faisaient de plus en rares. Il tentait de me rassurer sur le fait que nous ne serions pas séparés, qu'il m'aimait toujours... Ça ne fonctionnait pas. Je l'ai mis au défi de me le prouver. Alors il a eu cet air résolu et il me regardait avec tant d'assurance... que je l'ai cru. Il a proposé un serment. Un serment sur le sang. Mais forcément, ça n'a pas été aussi simple que ça pouvait le sembler.
- Venant de vous deux, ça m'aurait étonné oui.
- Il nous fallait trouver une arme, dans un sanctuaire où elles sont proscrites.
Aioros se crispe légèrement. Se pourrait-il que...
- Ce n'est pas ce à quoi je pense tout de même….
- Si. Il en a eu l'idée, j'ai volé le poignard d'Athéna. Travail d'équipe. Après tout, il était réputé tuer les dieux. Mais nous n'en étions pas. Et nous avons serré cette lame ensemble, avec une force qui n'était pas nécessaire mais dont nous avions besoin pour prouver notre résolution. Et nous nous sommes promis... qu'à partir de ce jour, nous serions les seuls à compter vraiment et que nous détruirions ceux qui tenteraient de nous séparer. Il n'y aurait plus que nous et juste nous. C'était assez euphorisant pour moi sur le moment. Ils étaient tous contre nous mais peu importe puisque désormais nous serions deux contre tous.
Hélas, quand nous avons lâcher cette arme, nous nous sommes rendus compte que les plaies étaient assez profondes. Nous avions le sang-froid nécessaire mais là il s'agissait de remettre l'arme à sa place sans laisser la moindre trace et de filer du treizième temple sans croiser le Pope. Mais, comme tu t'en doutes, Shion nous a surpris. Et crois moi Aioros, Shion en colère, tu ne sais pas ce que c'est. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Il en avait des raisons. Avec le recul, bien sûr, je m'en rends compte. Mais à ce moment là, de le voir comme ça, je t'assure que ni Saga ni moi nous n'avons songé à broncher. Et comme nous avions frappé très fort en faisant ça, il était obligé de répondre de la même façon. Je me souviens encore du regard qu'il a posé sur moi. Jusqu'alors, à part mon frère, Shion était la seule personne que j'avais. Alors oui, il s'y prenait très bien, trop bien avec moi mais en contre-partie, je l'avais toujours laissé prendre les décisions pour moi et Saga. Tu parles, j'étais gamin quand tout cela a commencé. Alors certes j'avais du caractère, mais il ne s'en plaignait pas vraiment, parce que je l'avais toujours respecté et écouté. Mais là... là j'ai parfaitement compris que c'était terminé.
Kanon s'arrête un moment. Absorbé par son récit, le gémeau n'a pas réalisé qu'Aioros a conservé entre les siennes cette main qu'il lui a donnée et qui portera à jamais la trace d'une erreur pour ne pas oublier.
- La fin de l'histoire est très rapide... C'est verbalement qu'il a été le plus dur. Il m'a regardé froidement et m'a demandé si le vol du poignard était de mon fait. J'ai répondu que oui. Forcément Saga m'a défendu en arguant que c'était son idée alors il s'est tourné vers lui et lui a demandé d'où cette idée lui était venue... A aucun moment il n'a dit à Shion qu'il l'avait eue pour moi. Mais il a gardé le silence et le Pope a compris. Alors en continuant de fixer Saga, il m'a pointé du doigt. Il lui a dit, qu'il ne s'était pas montré digne de passer son épreuve aujourd'hui et lui a demandé de s'isoler le temps de réfléchir à ce que nous avions fait et à l'influence qu'il me laissait avoir sur lui malgré les responsabilités qu'il allait avoir à assurer. Je n'avais jamais ressenti autant de colère qu'à ce moment là. Je ne le haïssais pas encore parce qu'il restait Shion et que je ne côtoyais que lui depuis mon arrivée. Je voyais défiler tous ces souvenirs en sachant pertinemment qu'à partir de ce moment là je serai définitivement seul. Je pense aujourd'hui que c'était aussi difficile pour lui mais qu'il s'est obligé à se détacher de moi, on va dire, pour une cause qu'il croyait bonne.
- Je suis heureux de ne pas être Pope. C'est difficile d'imaginer la façon dont on peu réagir face à des événements pareils. Saga a été autorisé à passer son épreuve rapidement puisque je l'avais vu avec la main bandée...
Machinalement Kanon pose son regard sur sa propre main avant de la soustraire, sans précipitation, de celles du sagittaire et reprend avec un énorme dépit.
- Vingt-quatre heure. Vingt-quatre petites heures, le délai imposé pour des funérailles selon le culte d'Athéna, Aioros. NOS funérailles. Après ça, je suppose qu'il a trouvé les mots pour redevenir, aux yeux du Pope, digne de l'armure des gémeaux. Je suis allé voir son épreuve, discrètement, et je me suis isolé moi aussi quelques jours. Et puis l'histoire s'arrête là, parce qu'à compter de cette journée là, nous passions à une autre étape de notre vie, sur laquelle, moi-même, j'ai encore beaucoup de questionnements. Maintenant, on rentre.
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Aussi pesant que l'est l'atmosphère qui règne dans la salle Popale, le silence s'installe. Seuls les bruits de pas du Pope, étouffés par le tapis écarlate, parviennent à leurs oreilles. Depuis plusieurs minutes déjà, Shion va et vient entre eux, le visage crispé, cherchant avec une concentration inquiétante, la façon la plus adéquate de débuter son sermon.
- Je veux bien faire semblant de ne pas voir lorsque vous jouez dans les couloirs du treizième temple... Ce n'était pas très grave et plutôt amusant. Mais je suis persuadé que cette fois, vous n'avez pas pu ne pas entendre les gardes. Ce qui m'ennuie, c'est moins le fait que vous ayez raté un rassemblement, que le fait que vous ayez délibérément souhaité le rater. Alors qu'est-ce qui se passe ?
Face au silence des deux ors, Shion poursuit.
- Votre absence a été remarquée et commentée. Vous êtes regardés. Ce que vous faites a forcément des répercussions sur le groupe. En ce qui te concerne Aioros, c'est encore plus vrai, du fait que tu es un modèle à suivre. Maintenant, je ne peux pas vous aider, si vous ne m'expliquez rien…
Mais seul le silence lui répond.
- Je vois... Je suis conscient de la situation particulière que vous vivez, plus encore vous deux que les autres. Quelque part, je suis heureux que vous vous entendiez afin de diminuer un peu cette difficulté mais... Si ça ne se passe vraiment pas bien, je préfère grandement que vous m'en parliez plutôt que de devoir en gérer les conséquences trop tardivement. Ne ratez plus les rassemblements. Bien, voilà qui est dit. Cette petite réunion avait pour objectif de vous prévenir du départ d'Athéna pour le Japon pour quelques jours. Et comme visiblement vous avez besoin d'air, vous l'accompagnerez pour assurer sa sécurité. Je vous la confie...
- Vous pouvez être rassuré.
- Oh ça Aioros, je n'en ai jamais douté. Une dernière chose... N'ayez pas la folie de croire que je ne peux pas vous comprendre. Je pense avoir vécu assez longtemps pour avoir dû gérer un certain nombre de difficultés. Je vous apprécie suffisamment tous les deux pour espérer que vous me fassiez confiance.
Shion se déplace lentement vers une fenêtre et en observe longuement le ciel, soucieux.
- Maintenant que le sujet est clos, j'aimerais beaucoup vous montrer quelque chose. Le soleil est déjà presque couché... C'est le moment idéal. Seriez-vous d'accord pour un petit passage sur le Mont Étoilé ?
Devant l'œil brillant d'envie du sagittaire, Shion ne peut retenir un sourire. Pour lui aussi, alors qu'il était encore chevalier du bélier, ce mont représentait un imaginaire inaccessible. Kanon, en revanche, semble nettement plus réservé, bien que visiblement volontaire pour une nouvelle découverte. Alors en quelques secondes, Shion les transporte tous les trois vers cet endroit tellement de fois décrit mais jamais observé. Et si l'altitude et le manque d'oxygène peuvent sembler désagréable à des ors, non porteurs des attributs popaux, le spectacle qui s'offre à leur yeux leur fait rapidement oublier. D'ailleurs, les voir ainsi admiratifs face à tant de beauté, a quelque chose d'apaisant pour un Pope soucieux de pouvoir parfois, juste profiter et les voir heureux.
Sur la mosaïque recouvrant le sol de la cour, des lettres en marbre rose indiquent les points cardinaux. Quelques torches apportent une luminosité supplémentaire bien que la lune soit presque pleine.
- Voyez-vous, bien que le spectacle de ce crépuscule soit magnifique, quelque chose me dérange. Nous sommes en juillet et le soleil se couche presque totalement à l'Ouest. En cette période, l'inclinaison devrait-être légèrement plus grande. D'ici, c'est très visible. Mais ça n'est pas tout, nous allons attendre qu'il fasse plus noir.
- Vous ne nous direz rien avant cela ?
- Non Aioros, vous allez devoir patienter un peu mais, pas très longtemps. Là nuit est claire, vous allez le remarquer seuls.
- Vous ne vouliez pas simplement nous montrer la position du soleil... C'est la lune que vous souhaitiez nous faire observer. Elle est sur l'écliptique, bientôt totalement alignée avec la terre et le soleil...
- C'est tout à fait ça.
Shion tourne alors son regard vers Kanon dont les yeux n'ont jamais quitté le ciel.
- Tu es bien silencieux Kanon...
Le gémeau quitte la lune du regard pour le tourner vers le Pope, inquiet.
- … Sauf qu'il n'y a pas d'équinoxe en juillet. Cet alignement des axes n'a donc rien de naturel et l'on peut s'attendre à ce que les marées qui vont en découler, ne le soient pas non plus...
Sourire satisfait du Pope qui s'installe sur un banc de pierre avant de les inviter à faire de même, puis relève les yeux vers le ciel.
- Ce sera le cas dans une quinzaine de jours. J'ai envoyé un groupe de chevaliers de bronze en lieux et places les plus fortement concernés par ces éventuelles marées. Je devrais avoir le bilan de leurs enquêtes et interventions pendant votre séjour au Japon. Si le travail des bronzes s'avérait incomplet, j'en choisirai deux d'entre vous pour le faire. Et il se trouve que j'ai de bonnes raisons de penser à vous deux et je suis certain que vous brûlez de les entendre. Alors regardez l'écliptique... Les étoiles doubles des gémeaux, Castor et Pollux, juste ici avec leur éclat solaire si arrogant... et presque à l'opposé, Kaus Australis, celle du sagittaire, dans sa douce lueur bleuté, près de la géante rouge Antares du scorpion, aussi incandescente que son représentant parmi nous... Vos deux signes achèvent le printemps et l'automne, justement les saisons des équinoxes. J'ai vu cela comme un excellent présage. Et puis... vos deux cosmos, s'ils sont totalement opposés, sont aussi extrêmement complémentaires, ce qui décuple votre efficacité. Alors même si je suis très étonné de voir que vous vous entendez, j'en suis très satisfait. Mettez ça de côté quelques jours, partez au Japon pour protéger Athéna et nous en reparlerons à votre retour. Je vous en dirai davantage à ce moment là.
