Sherlock regarda autour de lui, tout était calme et silencieux dans la pièce. Il soupira et se replongea dans ses pensées. Il était dans un squatte, et tous les autres drogués étaient dans le brouillard. Il soupira une fois de plus, de son côté il ne planait pas encore, mais il n'avait pas prit grand-chose. Il n'avait pas d'enquête en ce moment, et par conséquent il s'ennuyait à mourir. La drogue était son échappatoire. Il se regarda, allongé sur un matelas crasseux et troué. Il portait un t-shirt noir trop grand, un jogging gris, des tennis blanches et une veste de jogging assortie à son pantalon. Il avait les cheveux emmêlés, une ombre de barbe naissante et il était sale lui aussi. Il était dans ce squatte depuis… il ne savait même plus vraiment, trois jours sûrement. Il sentait vraiment mauvais mais il s'en moquait. Il grogna d'agacement et attrapa la petite boîte dans laquelle il stockait sa drogue. Il prit un peu plus de cocaïne. Il sourit en sentant les effets de la drogue monter en lui, il allait enfin planer et s'ennuyer un peu moins.
John entra dans la pièce commune et brancha son téléphone sur la chaîne hi-fi. Une musique calme se mit en route, il tapa dans ses mains et se tourna:
«-Très bien tout le monde, je vous propose une activité pour cet après-midi. Que diriez-vous de danser?»
Les pensionnaires échangèrent des avis puis quelques uns se levèrent. John était médecin à l'hôpital de St-Barthelemy. Il avait été médecin militaire, il avait été blessé et donc il était de retour à Londres. Il travaillait à mi-temps à l'hôpital et à mi-temps comme animateur dans une maison de retraite. Il avait toujours aimé aider son prochain, depuis son enfance il aimait les gens.
Sa sœur était alcoolique, elle tenait ce défaut de leur père. Leur mère quant à elle était dépressive, John avait donc rapidement développé un esprit de compassion, il avait voulu aider sa famille sans succès, puis après les gens plus globalement. Le médecin se demandait même comment il avait fait pour s'en sortir si bien avec les gènes dont il avait hérité. Même étudiant il n'avait jamais prit une seule goutte d'alcool pour être sûr de ne pas tomber dans le tourbillon infernal que ce liquide provoquait. Il faisait attention, il essayait de toujours trouver des points positifs à tout. Car sa sœur avait aussi la grande tendance à être dépressive en plus de son alcoolisme. C'était simple: chaque fois qu'Harriet se faisait plaquer par une de ses petites amies, elle tombait en dépression et prenait encore plus d'alcool. Il soupira, il était triste de ne plus avoir de contact avec sa famille, mais ils étaient « toxiques » pour lui. Il avait réussit à sortir de la misère lorsqu'il s'était engagé dans l'armée, et pour cela il avait dû couper les ponts avec sa famille, avec ce passé de cas sociaux qu'ils représentaient. Car en plus de leurs problèmes émotionnels et d'alcoolisme, ses parents étaient toujours fauchés, John ne comptait plus les descentes d'huissiers qui retiraient les meubles, les périodes sans eau chaude ni électricité, et le plus blessant pour un enfant: tous les Noël et tous les anniversaires sans cadeaux. Il n'avait même plus souvenir d'avoir jamais reçu un cadeau de la part de ses parents. Dès qu'ils touchaient leurs allocations, car bien-sûr ils ne travaillaient pas, ils utilisaient tout pour s'acheter de l'alcool, des médicaments et de la drogue. John ne partait jamais en vacances comme ses camarades pendant les vacances scolaires, ils n'avaient pas de vêtements tous neufs à la rentrée. En sommes, il avait eu une enfance désastreuse et traumatisante. Il s'était engagé dans l'armée dès le jour de son dix-huitième anniversaire, sa formation de médecin avait prit 3 ans et deux ans après il partait en Afghanistan.
John secoua la tête pour chasser ces pensées de son esprit et se mit à danser avec Daisy, une femme de 75 ans veuve et dont les enfants ne pouvaient pas s'occuper car ils vivaient à l'étranger. Il y avait d'autres animateurs: Joy, Mark, Hugh et Verra. Il sourit et ils se mirent à danser eux aussi avec des pensionnaires, certains danser entre eux, notamment les couples ou ceux qui étaient amis. John sourit, il aimait apporter un peu de vie à ces gens, il voulait les sortir de leur ennui. Daisy lui sourit et tapota sa joue d'un air maternel:
«-Vous êtes vraiment un bon garçon John. J'aurais aimé avoir un fils comme vous.
-Merci Daisy, j'aurais préféré vous avoir vous comme mère… croyez moi, répondit le médecin avec émotion.
-Oh… en effet les relations sont toujours difficiles entre les parents et les enfants.
-Mon père est alcoolique et ma mère dépressive. Ma sœur a hérité de ces deux côtés et moi je suis partit pour pouvoir échapper à ce destin.»
Daisy le regarda avec compassion:
«-Vous avez bien fait, vous êtes quelqu'un de bien.
-Vous êtes gentille.»
John serra la vieille femme dans ses bras, sa gorge était serrée, il ne parlait jamais de ses parents d'habitude. Daisy était une bonne personne, les mots étaient sortit tout seul, elle lui inspirait les confidences.
Sherlock se réveilla en sentant des mains l'agripper. Il ouvrit les yeux avec difficulté et vit des hommes en costume avec des oreillettes. Il soupira, des sbires de Mycroft sans aucun doute. Il se laissa faire, de toute façon il n'avait pas les moyens de lutter, ils étaient tous les deux plus grands et plus forts que lui. Mycroft était son frère aîné, ils étaient tous les deux très différents mis à part le fait qu'ils soient tous les deux très intelligents. Mycroft travaillait pour le gouvernement, enfin il était à lui seul le gouvernement Britannique. Il était roux, moche et gros. Les deux frères Holmes ne s'étaient jamais entendu, surtout depuis que Mycroft n'avait rien fait pour empêcher la mort de Barbe Rousse, le chien de Sherlock quand il était enfant. Leurs parents avaient décidé de piquer la pauvre bête, Sherlock avait lutté pour qu'ils changent d'avis, il avait demandé l'aide de son frère mais ce dernier n'avait rien fait. Sherlock ne lui avait jamais pardonné cet abandon. Barbe Rousse était le seul avec qui le brun s'était senti bien et lui-même. Son chien avait été le seul ami qu'il ait jamais eu.
Les hommes de Mycroft assirent Sherlock de force sur un fauteuil. Le brun grogna et retira vivement ses bras de leur emprise. Mycroft ne tarda pas à arriver:
«-Bonjour mon cher frère.
-Ne m'appelle pas comme ça, répondit Sherlock en levant les yeux au ciel.
-Arrête donc d'agir comme un enfant!
-Je n'agis pas comme un enfant! Que me veux-tu?
-Tu as encore prit de la drogue. Pourquoi fais-tu cela?
-Je m'ennuie. Et ce que je fais ne te regarde pas!
-Ce n'est pas une raison pour faire cela! Moi aussi je m'ennuie, pourtant je ne me drogue pas.
-Grand bien te fasse! Bon, pourquoi être venu me chercher?
-Parce qu'il est temps pour toi d'agir comme un adulte. Tu va prendre un appartement et c'est non négociable.
-Tu plaisante j'espère?!»
Sherlock bondit du fauteuil, cette fois son frère était devenu fou. Il le regarda:
«-Pour l'amour du ciel arrête donc de t'empiffrer de gâteaux, il semblerait que le sucre te monte à la tête!
-Non le sucre ne me monte pas à la tête, tu va juste arrêter de faire n'importe quoi! Je m'inquiète pour toi.
-Première nouvelle!»
Sherlock quitta le bureau de son frère, il n'avait pas envie de le voir plus longtemps, surtout pour entendre ce genre d'âneries. Il retourna au squatte, toutefois une mauvaise nouvelle l'attendait: des hommes de son frère surveillaient pour qu'il ne puisse pas entrer. Il soupira et retourna voir madame Hudson, elle lui prêtait une chambre de temps à autre. Il avait aidé à ce que le mari de cette femme soit exécuté aux États-Unis, c'est pourquoi elle lui prêtait une chambre. Il monta les escaliers et se laissa tomber sur un fauteuil. Il devrait trouver un colocataire, car cette fois il sentait que Mycroft ne le lâcherait pas tant qu'il ne se serait pas exécuté.
John continua son animation de danse et reprit son portable en fin d'après-midi. Il rentra dans la chambre qu'il occupait. C'était une chambre de service, mais le chef de l'hôpital lui avait annoncé le matin même qu'il ne pourrait plus vivre ici, la chambre allait être réquisitionnée pour servir aux patients dorénavant. John se passa une main sur le visage, il n'avait nul part où aller. Le médecin alluma son ordinateur et se mit en quête d'une colocation, il n'avait pas les moyens de prendre un logement seul.
Après plusieurs heures de recherches inintéressantes, John tomba enfin sur une annonce qui piqua sa curiosité « cherche colocataire, urgent, doit aimer le violon, pas dérangé par de longs moments de silence et aimer le danger. Si ennuyeux passez votre chemin, si intéressant adresse: 221B Baker Street.». John sourit, c'était pour le moins étrange comme annonce, qu'entendait l'annonceur par « aimer le danger »? Il décida d'aller jeter un œil à l'adresse le lendemain. Il aimait le danger, alors c'était forcément une coloc pour lui, de plus son futur colocataire avait l'air très intéressant et drôle.
Sherlock grogna en entendant toquer à la porte alors qu'il dormait, pour une fois. Madame Hudson entra et lança de sa voix agaçante:
«-Debout Sherlock, quelqu'un est venu suite à l'annonce!
-Quelle annonce?
-Celle que vous avez mit sur internet au sujet de la colocation.
-Oh… cette annonce… très bien j'arrive.»
Sherlock se leva, enfila sa robe de chambre et vint dans le salon. Un homme blond se tenait à côté de madame Hudson, il regardait les lieux d'un air curieux. Sherlock le regarda et déduisit aussitôt plusieurs aspects de sa personnalité:
«-Je joue du violon, il m'arrive de rester plusieurs jours sans parler, et quand je m'ennuie il m'arrive de tirer des balles dans les murs. Je suis détective consultant, je suis l'unique au monde car j'ai créé ce poste. D'où venez-vous, Afghanistan ou Irak?
-Euh… quoi pardon?
-Je vous demande d'où vous venez, de l'Afghanistan ou de l'Irak?
-Oh, euh Afghanistan.
-Vous êtes revenu car vous avez été blessé.
-En effet.
-Vous étiez médecin militaire. Je le vois à votre posture militaire, et au fait que vous avez l'air habile de vos mains, que votre visage transpire la générosité et la compassion, et que vous empestez le gel désinfectant jusque là! De plus je peux aussi voir dans votre regard que c'est le passage mentionnant le danger ainsi que la tournure mystérieuse de mon annonce qui vous ont décidé à choisir celle-ci et non une autre.»
John resta un instant scotché, cet homme était pour le moins surprenant et bluffant:
«-Euh… vos remarques sont exactes. Vous avez fait des recherches sur moi?
-Vous pensez réellement que je n'ai que ça à faire?
-J'imagine que non, du moins je l'espère ce serait triste sinon. Et quel est votre nom?
-Sherlock Holmes.
-Enchanté, moi c'est John Watson.
-Épargnez moi les politesses navrantes. Vous aurez la chambre en haut à gauche, moi j'ai celle de droite.
-Euh… oui parfait.»
Madame Hudson fit visiter les lieux à John. Pendant ce temps Sherlock regarda l'évolution de son expérience dans la cuisine. Il se demandait ce que l'expérience colocation allait donner. L'idée d'un apprentissage permanent l'excitait au plus haut point, son côté scientifique était éveillé.
