L'Ami
Quatrième année. La rentrée vient d'avoir lieu à Hogwarts et chacun est occupé à renouer avec les amis des années passées. Renouer avec certains, mais aussi tourner le dos à d'autres, selon les cas.
Blaise Zabini se sentait maintenant très différent de l'enfant qu'il était à la fin de sa troisième année, car les vacances d'été lui avaient ouvert des horizons totalement nouveaux. Bref, grâce à la petite cousine australienne de sa mère, il avait à la fois perdu sa candeur d'enfant et sa virginité. Et ébloui par la révélation de la chair, il ne désirait rien tant maintenant que se livrer aux joies toutes nouvelles pour lui d'une exploration sensorielle méthodique de son corps. Finis les jeux de gamin, terminés les escapades de groupes ! Blaise rechercherait désormais la solitude à deux, les duos discrets dans les endroits peu fréquentés du château et du parc de l'école. Il était prêt pour des jeux moins innocents, pour les regards en coulisse chargés de sous-entendus, les baisers volés aux filles au détour d'un couloir, les confidences sentimentales à l'ami unique. Blaise n'avait eu jusqu'alors que des camarades, de bons camarades certes mais pas de ceux à qui l'on parle de ses premières amours et encore moins de ses fantasmes d'adolescent. Mais après ses expériences de l'été, il ressentait un besoin impérieux de confier ses joies et ses doutes à une oreille complice, un esprit plus mature qui le conseillerait et le soutiendrait, ou tout simplement serait prêt à recevoir l'initiation au noviciat tout frais de Blaise.
Repoussant sans ménagement les gamins farceurs qui le comptaient encore parmi les membres de leur bande, il observa l'un après l'autre tous les solitaires de la maison Slytherin et porta bientôt son dévolu sur l'inaccessible, le redouté Draco Malfoy. Flanqué de ses deux pseudo gardes du corps –certains disaient souffre-douleur, ou valets, attitrés—Malfoy arborait son air blasé habituel, et tout en lui criait qu'il s'ennuyait à mourir au milieu de ce troupeau bruyant de gamins chahuteurs. Blaise l'observa en silence, tout en dégustant son petit déjeuner, puis il prit sa tasse de thé, se leva et alla s'asseoir en face de Draco.
« Barrez-vous, les deux pots de colle ! » lança-t-il aux deux pots de colle, qui s'exécutèrent sans broncher, déjà parfaitement conditionnés à la maltraitance verbale de leur blond compagnon.Draco daigna à peine lever les yeux sur le nouveau venu. Il continua tranquillement de broyer du noir, tout en sirotant son thé, parcourant d'un œil distrait les nouvelles du matin. Blaise récupéra un exemplaire du Daily Prophet et copia son attitude sur celle de son vis-à-vis. Pas un mot ne fut échangé ce jour-là, bien que Blaise se fût mis à coller Draco comme son ombre. Il marcha à ses côtés dans les couloirs de l'école, s'assit à côté de lui en cours, partagea son livre de potions avec lui, comme si la chose allait de soi. Crabbe et Goyle, estomaqués, n'osèrent pas s'interposer et finissant par croire qu'un pacte inconnu d'eux s'était signé entre leur « ami » de toujours et le beau Zabini, ils s'éclipsèrent discrètement en quête d'une nouvelle existence à parasiter de leur lourde présence. Blaise installa ses affaires à la table de Draco et commença ses devoirs du jour, toujours sans un mot, sans un regard plus haut que l'autre à son partenaire. De son côté, Draco affichait 'indifférent' en toute sérénité blasée, exactement comme si Blaise avait été transparent.
Le lendemain, ils échangèrent un « 'jour » mal réveillé et vaquèrent de conserve à la routine quotidienne. Quelques mots vinrent naturellement former un début de conversation en cours de divination –c'était ça ou mourir d'ennui, qui avait le choix ? Pendant le cours de soins aux créatures magiques, ils partagèrent leur premier fou rire. La machine était en marche. Blaise Zabini se disait qu'il avait maintenant un ami. Quant à Draco Malfoy, il ne se disait rien du tout, il s'en fichait. Mais bizarrement, n'appréciant guère la nouvelle donne, son air blasé l'avait visiblement abandonné. Tout comme Crabbe et Goyle.
Quelques semaines s'écoulèrent, pendant lesquelles Blaise fit sa cour à Draco, discrètement mais efficacement. Etre présent mais jamais pesant. Savoir quand parler et quand se taire. Toujours aborder les conversations les plus anodines, mais le faire sur le ton de l'intimité. Etre d'humeur égale, ne pas attiser le tempérament coléreux de son ami. Il savait d'instinct comment se comporter avec le petit prince des Slytherins. Il était en passe de devenir le parfait ami. Déjà Draco ne pouvait plus se passer de lui. La compagnie de Blaise lui était devenue indispensable et, chose incroyable de la part d'un Malfoy, elle était appréciée. Il faut dire que Blaise avait en sa faveur certains atouts non négligeables qui faisaient de lui un compagnon recherché. Il était de mine plus qu'agréable –disons même qu'il était très joli garçon, avec sa silhouette mince et souple, son visage ovale aux yeux en amande, son teint légèrement hâlé, son épaisse chevelure sombre ondulant jusqu'aux épaules. Sa démarche et la manière qu'il avait d'incliner la tête vers ses interlocuteurs étaient inimitables. Il semblait tenir du félin, plus que de l'humain, toujours prêt selon son humeur à bondir sur sa proie ou à réclamer des caresses. Il avait un sourire particulier, calculé pour révéler une fragilité intérieure qui faisait fondre tous ceux à qui il était adressé. Il réveillait l'amour maternel chez tout ce qui portait jupons. Quant aux membres de la gent masculine, il leur troublait l'âme en leur donnant l'illusion d'une profonde empathie. Utilisé sur les plus retors, l'ombrageux Snape ou Filch le teigneux, il faisait immanquablement naître en eux des sentiments paternels d'une douceur insoupçonnée envers Blaise. Ceci était fort pratique car le jeune Slytherin mettait un point d'honneur à transgresser le plus possible les règles établies par les deux cerbères les plus notoires de l'école. Ainsi, tous, sans exception, tombaient dans les filets de sa séduction naturelle. En un mot comme en cent, on ne pouvait résister à Blaise Zabini.
Draco adorait quand Blaise faisait son numéro de charme. Il admirait cette facilité naturelle avec laquelle il chavirait les autres, cette maestria dont il faisait preuve pour se tirer d'affaire après chacun de ses tours pendables. Mais ce qu'il appréciait par-dessus tout, c'était qu'il n'avait jamais usé de ce don avec lui. Enfin, pas directement. Blaise jouait la carte de la subtilité avec Draco. Et la subtilité, avant toute chose, était son maître atout. Si pour le revêche professeur de potions ou cet imbécile de Filch un sourire suffisait, il s'en serait voulu d'user de ce moyen déloyal pour gagner l'amitié de Draco. Il ne cherchait pas à le tromper. Il ne voulait pas le séduire. Il le voulait purement et simplement pour ami.
Mais le jeune Malfoy n'était pas de caractère facile. A force de le fréquenter de plus près, Blaise s'était aperçu que les colères subites, les sautes d'humeur fréquentes et inattendues du blondinet, n'étaient pas du tout une preuve de force de caractère mais bien la marque d'une instabilité qui pouvait devenir dangereuse. Certes, la plupart de ces accès avaient pour origine un unique point focal : le jeune Potter. Qu'il ait été désigné champion ex aequo, et ce, malgré son âge, dans le tournoi de la Coupe de Feu n'arrangeait pas les choses. Blaise devait souvent déployer des trésors d'ingéniosité pour détourner l'attention de Draco de cet affront insupportable pour lui. Il lui fallut redoubler d'imagination dans l'invention de mauvais tours et il frappa sans vergogne dans toutes les directions, y compris chez les Slytherins, pour dérider son ami. Blaise Zabini était une petite peste, mais une peste tellement adorable. Le plaisir était double : l'originalité des mauvais tours et l'attitude si conciliante des victimes subjuguées par le charme Zabinien.
Blaise adorait tout particulièrement exercer son charme sur les jeunes sorcières. Il les piégeait grâce à son sourire, leur volait des baisers puis, pour le plus grand plaisir de Draco que le flirt n'intéressait pas vraiment, il les ridiculisait gentiment, en toute 'innocence' : les cheveux de la demoiselle se dressaient subitement sur sa tête, ses vêtements se décousaient d'un coup, ou des souris se mettaient à grouiller à ses pieds.
« Oh, pardon ! pardon ! Tu m'as tellement tourné la tête que ma baguette fait des siennes toute seule ! Je t'en prie, excuse-moi ! » Blaise tombait à genoux, décochait le sourire miracle et le tour était joué. La fille se croyait irrésistible et pardonnait tout. Elle accordait un autre rendez-vous, auquel le prétendu amoureux oublierait de se rendre, et Draco était mort de rire.
Petit à petit, les farces qu'il mettait en scène pour le bénéfice de Draco stabilisaient l'humeur de celui-ci. Leur intimité s'en trouvait renforcée. On les voyait souvent déambuler ensemble, le bras de l'un sur l'épaule de l'autre, éclatant de rire ou se parlant à voix basse. Le temps des confidences était arrivé. Un jour de fin d'octobre exceptionnellement doux où ils lézardaient au soleil, au pied d'un des dolmens surplombant le lac, Blaise aborda le sujet des vacances.
« Tu sais, c'était vraiment bien avec ma cousine Amanda. Tu n'imagines pas ce que c'est de tenir une fille dans ses bras, de la couvrir de baisers…
- Fiche-moi la paix avec ça, Blaise. J'ai d'autres chats à fouetter que de me frotter à ces harpies.
- Mais je t'assure que tu devrais essayer, » lui assurait Blaise. « Viens, si tu veux, je te montre comment on fait. J'ai eu l'air tellement bête quand Amanda m'a embrassé la première fois que je ne souhaite ça à personne. Je suis tombé à la renverse dans un massif de lys. J'étais couvert de pollen orange et j'étais tout décoiffé.
- Pauvre chéri ! Mais c'est terrible ! Ça a dû être très très humiliant, ricana Draco, qui se moquait souvent de la vanité de son ami.
- Ne joue pas à ça avec moi, Draco. Les autres si tu veux, mais pas moi, ton ami ! »
Blaise ne supportait pas que Draco joue de ses petites faiblesses. Pour lui, l'amitié exigeait que l'on traite l'autre comme soi-même. Mais ça, c'était son petit côté Gryffindor, quelque chose qu'il n'avouerait jamais à l'ennemi juré de Potter. Alors, il eut une inspiration. Il décida de prendre une douce vengeance, à la manière Slytherin, pour faire honneur à sa maison et cacher son petit défaut. Il plaqua Draco contre le dolmen et l'embrassa avec toute l'ardeur qu'il put conjurer. Il enfonça sa langue voluptueusement entre les lèvres de Draco et lui fit sentir toute la douceur de ce premier contact charnel. D'abord surpris par cet assaut pour le moins inattendu, Malfoy resta paralysé, incapable de réagir. Mais très vite, le sang lui monta aux joues et il se débattit pour se dégager. Blaise fit un pas en arrière, effaré à l'idée de ce qu'il venait d'oser. Les bras ballants, il plongea son regard dans celui de son ami et instinctivement, sa longue expérience de la séduction prit la relève. La tête inclinée, un sourire angélique aux lèvres en guise d'excuse, il haussa les épaules gracieusement, l'air penaud.
« Pardon, je ne sais pas ce qui m'a pris, » murmura-t-il de son air le plus innocent.
« Jamais ! Jamais plus tu ne t'approches de moi, Zabini ! » Draco était vraiment hors de lui. Est-il à ce point immunisé contre mon pouvoir ? se demanda Blaise, perplexe. Mais derrière ce masque furieux, il détecta soudain autre chose. La lèvre inférieure de Draco se mit à trembler. Des larmes montèrent à ses paupières. Il se mit à respirer bruyamment, pris d'une envie irrépressible de disparaître de la scène de sa honte. Pour la première fois de sa vie, Blaise paniqua. Son expérience de la psychologie humaine ne se conjuguait que sous deux formes : je séduis, tu te soumets. Et là, tout à coup, il était pris au dépourvu. Etant une créature essentiellement instinctive, il laissa son être agir. Il s'approcha de Draco, toujours figé sur place, et le serra contre lui.
« Tout va bien, ce n'est rien. Tout va bien. Calme-toi. » Les yeux plongés dans ceux de Draco, son pouvoir de séduction décuplé par le contact intime qu'il venait d'établir, il sentit son ami se détendre dans ses bras, enfin pris au piège de son charme naturel. Draco était vaincu. Il se soumettait à lui. Il l'enlaçait maintenant et posait ses lèvres sur les siennes, dans un baiser tendre et chaud. Blaise lui donna ce qu'il demandait.
Le lendemain matin, Draco n'adressa pas la parole à Blaise. Il le bouda ainsi plusieurs jours, sans vraiment s'expliquer pourquoi. Plus vite il oublierait l'affront, mieux ce serait. Draco n'était pas du genre à réfléchir des heures aux raisons des pourquois, surtout si les pourquois pouvaient l'entraîner sur les terrains très glissants de la psychologie d'autrui. Blaise ne chercha pas à forcer son ami à reprendre le contact. Il le laissa tranquille, le temps qu'il digère ce qui s'était passé entre eux. Pour Blaise, ce qui n'était qu'une petite expérience de plus pouvait paraître terriblement choquant au jeune aristo, habitué aux bonnes manières et littéralement dressé à se conduire en gentleman en toutes occasions. Draco avait rejoint ses anciens acolytes, Crabbe et Goyle, et semblait prendre un plaisir sadique à les faire marcher à la baguette. Les deux idiots, ravis de voir leur patron s'intéresser de nouveau à eux, faisaient ses quatre volontés le sourire aux lèvres. Blaise observait à distance, et il attendait son heure. Il savait qu'elle viendrait : on ne résiste pas à Blaise Zabini. En attendant, il s'arrangeait pour faire ses devoirs dans des endroits que Draco fréquentait peu, ou à des heures qui n'étaient pas dans ses habitudes. Tout allait pour le mieux, il suffisait d'être patient.
Un soir, alors qu'il était à la bibliothèque à tenter de rédiger un devoir ennuyeux et difficile sur la nécessité de cueillir certaines herbes à des moments bien précis, plusieurs livres d'herboristerie ouverts devant lui et son parchemin qui avait l'air de refuser de se laisser écrire, il sentit quelqu'un s'asseoir à sa droite. Son premier réflexe fut de houspiller l'importun pour le chasser. L'air très mécontent, il tourna la tête et ses insultes restèrent coincées dans sa gorge. Draco le fixait, un sourire moqueur aux lèvres.
« Si tu voyais ta tête ! On dirait qu'on t'a piqué ta baguette ! Ferme la bouche, ça fait courant d'air !
- Tu …Tu vois pas que je travaille ? », rétorqua Blaise, tentant un air contrarié assez peu réussi.
- Tu veux un coup de main ? J'ai déjà fini le mien. Tu n'auras qu'à recopier. Sprout n'y verra que du feu. Tu changes un peu l'ordre des paragraphes et c'est bon.
- Je te remercie mais j'aime bien faire mes devoirs moi-même. Simple question d'amour propre.
- Imbécile. Tu veux que je te dise ? Il est mal placé, ton amour propre. Allez, viens, il faut qu'on parle et on ne peut pas le faire ici. On va se faire jeter.
- D'accord, j'arrive. »
Blaise remballa son parchemin et renvoya les livres se ranger sur leurs étagères respectives. Puis il quitta la bibliothèque sur les talons de Draco. Ils se dirigèrent vers le donjon et rejoignirent le dortoir des quatrième année, où ils savaient qu'ils seraient seuls à cette heure. Draco s'assit sur son lit et Blaise le rejoignit.
« Ecoute, je voudrais que les choses soient claires entre nous, » commença Draco.
- Quelles choses ?
- Laisse-moi parler ! » Le ton de Draco était impérieux, sans appel. Blaise se tut et se renfrogna. Tout ça ne présageait rien de bon, selon lui. L'humeur de Draco n'avait pas l'air d'avoir changé d'un iota.
« L'autre jour, ce qui s'est passé, enfin… entre nous, je veux que tu comprennes bien qu'il s'agit d'un accident. Je n'ai pas l'intention de te servir de jouet. Alors je te préviens que je ne supporterai pas d'être victime de tes sales petits tours dégueulasses. Tu aimes mater les filles et je sais que ça t'excite de les tripoter mais je te rappelle que je suis un mec. Alors pas de ça avec moi. »
Silence de Blaise.
« Quoi ? Tu as perdu ta langue ? »
Réponse sèche de Blaise : « Tu m'as demandé de me taire, je me tais.
- Crétin ! Débile profond ! Satané charmeur de minettes de merde ! »
Draco attrapa son oreiller et se mit à frapper Blaise de toutes ses forces. Blaise s'écroula sur le lit en riant, levant les bras pour se protéger des coups. Eclatant de rire, Draco s'acharnait sur sa victime qui criait déjà grâce. Puis il renvoya l'oreiller à sa place et se mit à chatouiller Blaise.
« Arrête ! C'est pas du jeu ! On ne chatouille pas un homme à terre, hoqueta Blaise entre deux crises de fou rire.
- Homme à terre ! Un, t'es pas à terre, t'es sur mon lit. Deux, t'es pas un homme, t'es qu'un sale gosse que ses hormones démangent un peu trop et t'as besoin d'une bonne leçon, petit pervers !
- Pitié ! Pitié ! Je ne te toucherai plus ! Sauf si tu me le demandes, » ajouta Blaise, malicieusement. Ce qu'il lui valut une nouvelle attaque de Draco.
Enfin, à bout de souffle, celui-ci s'écroula aux côtés de Blaise et le fixant droit dans les yeux, il lui tendit la main.
« On fait la paix ?
- Je ne savais pas qu'on était en guerre, lui rétorqua Blaise.
- Si tu voyais le spectacle que tu offres en ce moment, tu ne dirais pas ça. Tu as tout du pauvre malheureux qui revient du front : tu es rouge comme une tomate, les cheveux en bataille, les fringues en l'air. Rhabille-toi ! Si quelqu'un entrait, ta réputation serait définitivement compromise. »
Draco s'appuya à la tête de son lit en souriant, pendant que Blaise se rajustait.
« Tu sais, je ne pensais pas à mal, l'autre jour. Je me suis juste un peu laissé emporter. Et puis, ça se fait, entre garçons, juste pour essayer, enfin pour s'exercer, si tu veux… enfin tu vois…
- Non, je ne vois pas. Je ne suis pas de ce genre, désolé.
- Mais ce n'est pas ça. C'est juste que comme tu es mon ami … Un ami, c'est fait aussi pour partager certaines expériences, et pas seulement les devoirs d'école. Et d'ailleurs les filles s'exercent entre elles aussi. C'est Parvati qui me l'a dit. Histoire d'améliorer leur technique, elle m'a dit. Tu vois, il faut prendre ça comme des travaux pratiques, pas comme quelque chose de sexuel. Désolé que ça t'ait fait de l'effet à ce point !
- De l'effet ! T'es malade ou quoi ? Ça m'a rien fait ! C'est juste que c'est dégoûtant.
- J'ai pas eu cette impression, murmura Blaise, sachant que sa remarque risquait d'être une remarque de trop.
- Et qu'est-ce que tu entends par là ? » répliqua Draco, fâché.
- Rien, j'ai juste …aimé ça et j'ai eu l'impression que toi aussi, c'est tout. »
Blaise risquait gros, il en avait conscience, mais son expérience lui avait appris qu'il faut toujours battre le fer tant qu'il est chaud et que c'est tout de suite après une chute de cheval qu'il faut se remettre en selle. Il avait baissé les yeux en murmurant sa réponse. Toujours laisser à l'autre l'apparence du contrôle de la situation, s'humilier devant lui pour déjouer sa méfiance et ainsi mieux resserrer les mailles de son piège. Blaise était infaillible à ce jeu. Il le pratiquait depuis toujours et il y était très doué. Draco se laissa prendre, comme tous les autres. Il le vit pâlir puis rougir, mal à l'aise et conscient que Blaise avait dit vrai.
« Tu n'es qu'un pervers. Tu sais, ça ?, bougonna Draco.
- Non, c'est faux. Mais j'ai les hormones en ébullition, tu as raison sur ce point. Alors rien de tout ça n'est de ma faute. Et puis, tu as une bouche a-do-ra-ble ! »
Ces derniers mots, il les ajouta d'un ton mi figue, mi raisin, en levant les yeux vers Draco pour une œillade assassine à travers ses longs cils noirs. Le fameux regard imparable de Blaise. Celui qui vous laisse tout chose, l'esprit vide. Celui qui vous distingue parmi toutes les merveilles du monde comme la seule à être digne de passion.
Draco ne répondit pas. Il était ferré. Blaise baissa les yeux lentement et attendit que sa proie reprenne ses esprits. Tout le plaisir de la chasse était dans l'alternance des coups de filet et des moments de pseudo liberté de la personne qu'il voulait séduire. La laisser croire en son libre arbitre. Et pendant que l'idée de la séduction faisait son chemin, relâcher un peu les filets. Pour serrer un peu plus fort, un peu plus près à la prochaine attaque.
« Je ferais bien de m'occuper de mon devoir, maintenant. Et si tu veux toujours m'aider… »
Le camarade de classe était de retour en toute innocence. La tension retomba. Draco se leva et ouvrit un tiroir de son bureau.
« Sers-toi. » Puis il quitta le dortoir, de sa démarche si délicieusement élastique, sous le regard appréciateur de Blaise.
Prochain chapitre: Où l'on voit Severus Snape se fâcher tout rouge contre son chouchou...qui n'est pas celui qu'on croit.
