Bonjour à tous, voici la première partie d'un two-shot.
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Bonne lecture
CŒURS VIDES : partie 1
Castle se redresse brusquement dans son lit, la respiration haletante le cœur battant la chamade, réveillé en sursaut pour la même raison : SON cauchemar, celui qu'il fait toutes les nuits depuis maintenant quatre mois. Il porte ses deux mains tremblantes à son visage et essuie machinalement les larmes qui ont coulé pendant son sommeil. Il soupire et se laisse retomber sur son oreiller, il est épuisé.
Il regarde le rai de lumière qui tape sur le haut de la porte donnant sur son bureau, il doit faire jour depuis longtemps. Il tend le bras et à tâtons attrape sa montre, 13h17, encore la moitié de la journée de foutue. Cela ne le dérange pas, au contraire pourquoi s'en soucierait-il ? Il n'a tristement plus à rien à faire de ses journées. Il va pour la reposer mais loupe la table de nuit et elle tombe avec un bruit sourd sur le sol.
Encore un soupir, il est temps qu'il se lève, heureusement sa mère ne doit pas être là et il n'aura pas à supporter ses vaines tentatives pour le réconforter, ni à lire la peine et l'inquiétude dans ses yeux. Il s'en veut tellement de lui faire subir tout ça, ce n'est pas juste pour elle, sa mère n'a pas souffrir à cause de lui. D'un geste las il rabat la couette sur le côté, ce mouvement lui fait tourner légèrement la tête et son regard se pose sur la place vide et froide depuis des mois. Sa gorge se serre aussitôt, ses yeux deviennent humides.
Il ne peut pas rester dans ce lit, il se redresse vivement et balance ses jambes sur le côté, ses gestes sont si brusques qu'un de ses pied percute la bouteille de bourbon qui traîne près du lit la renversant. Celle-ci roule et va se briser contre un des pieds de la table de nuit. Le peu de liquide ambré s'y trouvant se répand sur le plancher et sa montre.
- Eh merde ! Maugrée-t-il en se levant.
Il ne s'en préoccupe plus et se dirige vers la salle de bain. Il prend une douche rapide terminant par un jet d'eau froide dans l'espoir que cela lui donne un semblant d'énergie. Une serviette serrée autour de la taille il se tient devant le lavabo les deux mains en appuis sur le bord, il regarde son reflet dans le miroir. Lui-même a du mal à se reconnaître, ses cheveux n'ont pas vu les lames d'une paire de ciseaux depuis plus de quatre mois, il a de plus en plus de cheveux blancs surtout au niveau des tempes. Ses yeux saphirs sont devenus gris et ternes, son regard reste inexpressif sauf au moment où le remord qui le ronge est trop grand, alors on peut y voir toute sa peine et sa détresse.
Il passe sa main sur ses joues émaciées recouvertes d'une barbe naissante, même le simple geste quotidien de se raser le décourage. Lorsqu'elle arrive au bas de son visage il s'arrête et fixe les cicatrices visibles sur le côté droit. Son regard se porte ensuite sur son épaule et descend sur son avant bras, eux aussi portent le souvenir hideux de ce jour maudit. Lors de son séjour à l'hôpital un médecin lui avait assuré qu'avec une bonne chirurgie reconstructrice, les marques sur son visage deviendraient presque invisibles, il avait refusé d'en entendre parler.
Une fois rasé, Castle ouvre l'armoire à pharmacie et y prend l'un des flacons orange qui s'y trouve. Il ouvre la boîte et verse les comprimés dans sa main, il s'apprête à remettre ceux qui sont tombés en trop dans celle-ci mais interrompt son geste. Il n'arrive pas à décrocher ses yeux des petits ronds blancs, il les ferme et resserre son poing. Il se dit qu'il suffirait de peu de chose pour que tout se termine : ses cauchemars, ses nuits d'insomnies où il s'assomme à coup de somnifères ou, comme la veille avec du bourbon.
D'autant plus simple qu'il a à portée de main tout ce qu'il faut, son médecin lui ayant donné le nécessaire pour soigner sa dépression. Il émet un rire nerveux et amer, comme si des médicaments pouvaient apaiser le mal qui le consume de l'intérieur un peu plus chaque jour et particulièrement aujourd'hui : la culpabilité.
Au bout de quelques minutes qui semblent durer des heures, il replace les comprimés de trop dans le flacon et n'avale que les deux prescrits. Il doit tenir la promesse qu'il s'est fait : vivre. Oh, pas dans le but d'essayer d'avancer et de reconstruire sa vie, non, mais pour se punir en étant obligé de supporter sa faute. C'est le prix à payer pour ne pas avoir été à la hauteur ce jour-là, pour ne pas avoir été capable de protéger cette magnifique personne chère à son cœur et qu'il chérissait et admirait comme le plus précieux des trésors. Mais en s'en allant, elle avait emmené avec elle une grande partie de lui et depuis cette pompe rouge à l'intérieur de sa poitrine ne sert qu'à le maintenir en vie, incapable de ressentir autre chose que de la culpabilité.
Il retourne dans sa chambre, il s'habille sans vraiment porter attention à ce qu'il choisit, aujourd'hui c'est pantalon noir et chemise anthracite à fine rayures blanches. Il serre sa ceinture au maximum, il a perdu plus de quinze kilos et tous ses vêtements sont trop grands, sa mère a renoncé à lui suggérer d'en acheter de nouveaux, à quoi bon ? Il ne sort plus de chez lui depuis longtemps sauf une fois par semaine, le dimanche à 14h00 précises il quitte le loft et se rend sur sa tombe. Quant à ses amis, il n'en a plus, la solitude est aussi le prix à payer.
Après le départ de Kate, Lanie, Javier et Kevin sont restés auprès de lui, mais avec le temps leurs rencontres se sont espacées, remplacées par des appels téléphoniques qui ne duraient jamais bien longtemps. Les silences gênés devenant de plus en plus fréquents. Castle ne leur en veut pas, il n'a pas fait grand-chose pour les retenir non plus. Même avec la meilleure volonté du monde comment aider, soutenir un ami qui refuse toutes marques de soutien. Si son souvenir est bon, c'est Ryan qui lui a téléphoné en dernier, il y a maintenant cinq semaines de cela. Il ramasse sa montre, en faisant attention à ne pas se couper avec les morceaux de verre et l'essuie avec la serviette de bain, heureusement elle est étanche.
Tout en la passant à son poignet il va dans la cuisine et se fait couler un café. La première gorgée est amère et son estomac se révulse, rien d'étonnant, il n'a rien mangé depuis…il ne sait même plus peut-être un jour ou bien deux. Il pose sa tasse et ouvre le frigo, il sort des œufs et du bacon, quelques minutes plus tard, il s'installe au comptoir devant son assiette, rien que l'odeur lui retourne l'estomac. Mais il se force, avale une bouchée, puis deux et a juste le temps de se précipiter vers la poubelle pour rendre le peu qu'il a ingurgité. Il se rince la bouche avec de l'eau, attrape sa tasse de café et se rend dans son bureau.
Il allume son ordinateur et ouvre sa boîte mail, il a seulement cinq messages, trois de Gina et deux de Paula, il ne se donne même pas la peine de les lire et les supprime directement. Quand finiront-elles par comprendre qu'il n'écrira plus ? Jamais, apparemment. Il s'avachit dans son fauteuil et boit son café en fixant son fond d'écran. Lentement il amène le curseur sur l'icône nommée « photos », il clique et lance le diaporama, dès la deuxième image les larmes ruissellent sur ses joues. Lorsqu'il est terminé, Rick éteint son PC, boit le restant de son café, il est froid, il grimace. Il regarde l'heure, 14h35, il est temps d'y aller. Il passe dans sa chambre, prend son veston en daim et sort, mais avant de partir il a quelque chose de spécial à prendre dans son « sanctuaire ».
Il monte à l'étage et s'arrête devant une porte munie d'un verrou. Il saisit la chaîne qu'il porte autour du cou et où une clef est accrochée. Il déverrouille le cadenas et entre dans la pièce, l'émotion est toujours aussi forte, il commence à trembler et atteint le fauteuil juste avant que ses jambes ne flanchent. Sur sa droite une commode sur laquelle il attrape un petit écrin qu'il glisse dans la poche intérieure de sa veste. Puis il prend le cadre qui s'y trouve, il est avec elle, elle sourit heureuse tout comme lui. Ni l'un ni l'autre ne pouvaient se douter que ce serait leur dernière photo, le drame avait eu lieu quelques minutes après qu'il ait tendu son téléphone à un promeneur et lui ait demandé de bien vouloir les photographier, ce que l'homme avait fait avec plaisir.
- Je t'aime tant mon ange, tu ne peux imaginer à quel point tu me manques.
Les larmes recommencent à couler alors qu'il se remémore ce jour : le samedi 6 avril 2016 à 17h10, même l'heure est gravée à jamais dans sa mémoire.
« C'étaient les premiers jours du printemps et le soleil avait décidé de faire une apparition remarquée. Il faisait donc relativement chaud, et ils avaient prévu de faire un petit tour à Central Park, leurs pas les avaient conduits jusqu'au zoo qu'ils avaient visité, main dans la main. Puis il avait vu le vendeur de barbe à papa, il s'était arrêté pour en acheter deux, elle l'avait remercié avec un large sourire et un baiser, ce qui l'avait fait rire.
Ils marchaient dans une allée, au milieu des arbres, elle était devant, lui disant d'aller plus vite quand leurs vies basculèrent à jamais. Castle entendit des hurlements d'avertissement et tourna aussitôt la tête pour voir d'où ils provenaient et ce qui les avait déclenché, il l'avait seulement quitté des yeux trois petites secondes et lorsqu'il se retourna se fut pour voir le Rottweiler se jeter à sa gorge et l'entendre pousser un cri de frayeur.
Il ne réfléchit pas un seul instant et se précipita sur le chien qui l'attaqua aussitôt, le mordant d'abord à l'épaule puis visant sa gorge, c'est là que Rick avait esquivé et que l'animal l'avait mordu au visage. Avec l'énergie du désespoir il avait réussi à parer une nouvelle attaque en mettant son bras en protection. Deux policiers à cheval qui patrouillaient tout près arrivèrent très vite, alors que l'un d'eux allait porter secours à la première victime, le second s'approchait suffisamment près pour viser le chien et l'abattre sans risquer de tuer l'homme qui commençait à s'épuiser.
Juste avant de perdre connaissance Rick avait vu la gorge déchiquetée de son amour, la mare de sang et l'air navré du policier et il avait compris qu'elle était morte.
Une enquête avait été menée, le propriétaire du chien fut retrouvé et condamné pour homicide involontaire et maltraitance sur animaux. La police avait découvert qu'il avait d'autres chiens qu'il entraînait spécialement pour des combats. Le rottweiler qui les avait attaqué s'était échappé de chez lui en début de journée »
Castle repose le cadre et quitte le loft, il est surpris en arrivant en bas de son immeuble de voir autant de monde, avant de réaliser que l'on est un jeudi et non un dimanche. Il hèle un taxi, lui donne l'adresse et se carre dans la banquette, regardant défiler sans les voir les rues de New-York. C'est la voix du chauffeur qui le sort de ses pensées, ce dernier lui demande s'il doit l'attendre, Rick lui répond que ce n'est pas nécessaire, le paie et descend du taxi. Machinalement il lève les yeux au ciel, au loin de lourds nuages noirs s'approchent, un orage ne va pas tarder à éclater.
Rick, le dos voûté, la tête basse, emprunte d'un pas lourd l'allée qui conduit à la tombe. Au fur et à mesure qu'il s'en approche sa marche se fait plus lente. Il sait qu'il va revenir anéanti, qu'à chaque fois c'est pour lui un calvaire à jamais renouvelé. Il est arrivé devant la pierre de marbre blanc, il voit tout de suite le bouquet de roses blanches, elle non plus ne l'oublie pas, comment le pourrait-elle ? Il ne l'a jamais croisée car elle vient toujours avant lui.
Il passe sa main doucement sur le haut de la stèle puis prenant le petit écrin il se met à genoux tout en lui parlant.
- Tiens, tu vois je n'ai pas oublié, j'ai un cadeau pour toi. Il a des trémolos dans la voix, je sais que tu avais repéré ce petit médaillon dans cette vitrine. Mais tu avais juste fait remarquer qu'il était très joli sans le demander ouvertement.
Il s'arrête un instant, ses sanglots prennent le dessus, d'une main tremblante il pose l'écrin devant la pierre.
- Bon… bon anniversaire mon cœur….je t'aime. Pardonne-moi.
Il essaie de se relever en prenant appui sur la stèle mais ses forces l'abandonnent et il retombe à genoux et craque totalement. Replié sur lui-même le visage dans ses mains, les épaules secouées par ses sanglots il ne fait pas attention à la personne qui s'avance vers lui, elle aussi en pleurs. Elle s'accroupit près de lui et pose une main sur son épaule.
- Ce n'est pas ta faute Rick.
Cette voix, il la reconnaîtrait entre toutes, il se redresse et tourne la tête vers la femme qui se tient près de lui.
- Kate ? Demande-t-il incrédule, comme s'il n'arrivait pas admettre ce qu'il voit.
