Chapitre 1 : Rêve ou réalité ?
C'était une journée magnifique. Une journée comme on les aime. Un soleil de juillet dardait ses rayons. Une légère brise soufflait.
Une jeune fille traversait le parc, d'un pas bien assuré. L'herbe même subissait les assauts de l'insoutenable chaleur et y laissait sa souplesse et sa couleur. La jeune demoiselle marchait sur cette mer de soleil craquante sous ses pas. Les quelques arbres donnaient une impression de fraîcheur de par la couleur encore verte de leurs feuilles. Etant restée un peu trop longtemps au soleil, rêveuse, elle se dirigeait vers un banc libre qui se profilait à l'horizon. Elle s'y assit en attendant que son malaise passe. Une certaine fraîcheur emplissait son corps petit à petit. Elle ferma les yeux un instant, et plongea dans le noir.
Toujours les yeux fermés, plongée dans ses pensées, elle entendit soudainement des voix, des pas, des cris, … Elle ouvrit les yeux, et se retrouva au milieu d'une rue remplie de monde et fut surprise par l'endroit, se demandant ce qu'elle y faisait. Prise de nausées de par l'odeur, elle se demanda si elle était encore dans un de ces rêves dont on ne veut pas sortir… En effet, sa vie n'avait pas été simple. Elle avait vécu des choses difficiles pour un être de cet âge. Elle avait toujours été considérée comme une adulte, depuis ses 5 ans… sa mère lui confiait le moindre de ses soucis, malgré son jeune âge. Cette jeune fille s'était occupée seule de sa mère gravement malade durant ses années de collège. Et, durant ces quelques secondes d'absence elle avait prié le Seigneur, Dieu tout-puissant, Jésus, de vivre désormais une vie normale, comme une jeune adolescente, de pouvoir enfin rejoindre ses amis, s'amuser, rencontrer du monde, avoir le temps de sortir plus souvent… Vivre une vraie vie.
Elle avait dû s'endormir sur le banc, et se retrouvait là, au milieu d'une rue bondée, en plein jour. Ne comprenant pas ce qu'il se passait elle réfléchissait… elle ne reconnaissait pas l'endroit. Les vitrines, les symboles... l'architecture... rien ne ressemblait à ce qu'elle connaissait déjà. Elle fixa un bref instant le ciel d'un bleu étincelant...
Une main ferme la releva. Son cœur battait son plein, sursautant après cette frayeur, elle regarda la personne qui l'avait surprise ainsi. Cette personne avait les cheveux mi-longs noirs, gras… Il avait l'air d'un homme vieux avant l'âge, sévère. Mais qui était-ce ? Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions, et eut l'étrange impression de passer dans un tuyau de caoutchouc interminable, lui donnant encore plus envie de vomir le repas précédant sa balade.
Ils atterrirent sur un chemin de fer, l'homme la tira hors des rails et la ramena de force sur l'herbe brûlée. Il avait l'air impatient, elle non. La jeune fille ne savait pas où elle était, et continuait à avoir peur. Il lui ordonna de le suivre, elle n'avait vraisemblablement pas le choix. Elle se leva difficilement, ils se frayèrent un chemin parmi les ronces. N'osant pas parler, elle se contenta de le suivre, tremblante. Le paysage ne la rassurait pas du tout. Ils suivirent un long mur de pierres presque noires, où grimpaient du lierre mélangé à la glycine, et des vignes en tous genres. L'homme sortit un bout de parchemin et marmonna quelques paroles quasiment inaudibles, et un haut portail en fer noir apparut, venant de nulle part. Après quelques secondes, l'homme lui demanda d'avancer, pour qu'il puisse fermer le portail derrière elle. Cette dernière obtempéra et avança. Elle regarda la haute et imposante grille se fermer sur elle. Elle avait cette impression d'oppression lorsqu'on voit un piège se refermer sur soi. Pour la première fois, elle prit la parole.
- Où sommes-nous ?
- Quelque part miss, répondit l'homme froidement.
Elle le regarda un instant, ahurie par la réponse, puis ils se remirent en route. Les arbres envahissaient le terrain, ainsi que toutes sortes de plantes et de fleurs sauvages. Elle regarda autour d'elle, curieuse, mais l'étrange personnage avançait si rapidement qu'elle se rendit bien compte qu'il ne la laisserait jamais prendre le temps. Elle ne savait toujours pas où elle était, et la peur l'envahissait peu à peu. Elle essayait de se détendre en observant le paysage vert qui l'entourait. L'herbe était très haute, mais très verte, le vent la bousculait par-ci par-là, sur un rythme assez particulier. Des chants d'oiseaux parvinrent aux oreilles des deux personnes. L'homme sembla esquisser un bref sourire. Elle marchait près de lui, presque derrière lui, essayant de le suivre.
Le chemin se divisa en deux, ils prirent le chemin de gauche. Contrairement au second qui était bien aménagé, celui-ci était en terre et des ronces commençaient à dominer quelque peu le territoire, ainsi que de l'herbe et des fleurs… Un peu plus loin, la jeune fille remarqua un mur de pierres grises, ils le contournèrent et l'homme chercha ce qu'elle pensa être des clés dans son long manteau noir. Il sortit diverses choses de ses poches avant de pouvoir enfin ouvrir la petite porte en bois. Cette porte débutait directement sur des marches. La jeune fille fit une petite grimace, avant de, une fois encore, passer devant cet individu étrangement silencieux. Les marches furent difficiles à monter. Elle était essoufflée après une vingtaine de marches mais se força à continuer. De toute façon elle ne semblait pas avoir le choix ! Il la regardait de haut en bas, elle ne le supportait pas et lui avait d'ailleurs jeté un regard noir. Ils arrivèrent enfin dans un couloir assez lumineux. De grandes fenêtres imposantes sur le côté droit, et quelques mètres plus loin d'autres escaliers, eux plus grands. Toujours silencieux, l'homme passa devant et s'arrêta devant une statue. Celle-ci représentait un aigle impressionnant de part sa taille et son regard dirigé vers les deux arrivants.
Devant l'expression qui se dessinait sur le visage de la jeune fille, il demanda :
- Savez-vous où vous êtes ?
Elle le regarda un instant, il haussa le sourcil attendant une réponse. Se moquait-il d'elle ? Comment pouvait-elle savoir où elle était ? Il l'avait kidnappée et d'une manière qui lui redonna la nausée rien qu'en y pensant. Elle avala difficilement le relent de salive qui lui remontait.
- Pas vraiment, non.
Était-elle encore dans son rêve ou était-ce la réalité ? Tout en réfléchissant, elle monta les quelques marches derrière la statue. L'escalier en colimaçon n'était guère long. Ils arrivèrent devant une grande porte en bois de chêne avec des décorations en fer, en or et en argent qui s'entrelaçaient.
L'homme la poussa pour qu'elle avance en premier vers la porte. Il y frappa, et un « entrez » se fit entendre.
Le bureau était immense, l'entrée était remplie d'étagères avec des livres et énormément d'objets. La jeune fille regarda autour d'elle, scrutant chaque chose de sa place. Elle n'osait plus bouger, seuls ses yeux montraient sa surprise. La pièce ressemblait à un musée, où tout semblait fragile, même le sol. Figée, la jeune fille n'entendit pas les paroles que s'échangeaient l'homme et le propriétaire du bureau. En effet, l'homme l'ayant amené jusque là avait fermé la porte et s'était dirigé vers le bureau qui était à gauche de la salle, derrière une vitrine en verre, et à côté d'une immense fenêtre. La jeune fille jeta un rapide regard circulaire dans la pièce. Elle avait cette impression étrange que les tableaux qui représentaient tous des personnages, étaient vivants. Elle ferma les yeux. Cela ne pouvait être possible. C'était son imagination qui lui jouait un mauvais tour. Elle allait se réveiller. Il ne pouvait en être autrement. Elle finit par s'arrêter sur les deux personnes présentes. Elle sentit quelques secondes plus tard quelque chose s'accrocher à son épaule. Sursautant, elle regarda ce qui lui avait fait peur.
Deux pattes noires munies de quatre « doigts » s'agrippaient fermement à son épaule. Les yeux marron de la jeune fille s'élevèrent alors vers le propriétaire de ces pattes. C'était un oiseau assez imposant, d'un rouge foncé et les ailes presque dorées. Les yeux de l'animal étaient profonds. Elle ne pu continuer sa contemplation plus longtemps.
- Approche, n'ai pas peur ! fit le deuxième homme.
Celui-ci parut encore plus âgé, il avait parlé sur un ton qui se voulait rassurant. L'autre venait de s'asseoir à une grande table de marbre où le propriétaire du bureau s'était déjà installé quelques minutes auparavant.
- Vous avez fait bon voyage ? demanda le plus vieux.
- Oui, je suis navré du retard, professeur, répondit l'autre. Mais je ne l'ai pas retrouvée tout de suite dans cette grande ville moldue, fit-il en grimaçant.
La jeune fille les regardaient, étrangement. Moldu ? Que signifiait ce mot… cela lui rappela vaguement quelque chose, mais son esprit était tellement embrouillé qu'elle avait du mal à réfléchir. Ne tenant plus debout, elle finit par s'avancer lentement vers un des fauteuils. L'homme âgé lui fit un signe de tête et elle s'assit. Ayant mal au dos après la marche qu'ils avaient faite, la station assise sembla la détendre un peu. Elle écouta les deux individus discuter, bien qu'elle ne comprenne pas tout. L'animal qui s'était perché sur son épaule y était toujours. Il était grand, mais elle ne sentait à peine son poids, ce qui la surprit. Elle leva doucement son autre main et tenta de caresser l'oiseau. Mais, celui-ci s'envola vers son maître, tout en dégageant une chaleur agréable dans la salle. Elle avait beau chercher dans ses souvenirs, elle ne reconnaissait pas cet oiseau. Son ancienne institutrice la réprimanderait certainement. Ce souvenir lui arracha un faible sourire.
- Bien, de toute façon, le plus important c'est qu'elle soit là maintenant, répondit le plus âgé, sur un ton qui mit fin à leur conversation.
- Sais-tu où tu te trouves ma grande ? demanda-t-il à la nouvelle venue en le regardant d'un regard si profond, qu'elle se senti immédiatement mal à l'aise.
- Eh bien… Pas vraiment, cet endroit me rappelle vaguement quelque chose, mais… répondit-elle, hésitante et essayant de soutenir le regard du vieil homme.
- En es-tu certaine ? En réfléchissant bien… ?
Cet endroit, ces personnes autour d'elle lui rappelaient vraiment quelque chose, mais elle se sentait épuisée. Elle essayait de réfléchir, mais en vain. Ses souvenirs étaient tellement flous qu'elle se souvenait à peine comment elle était arrivée jusqu'ici. Un des deux hommes lui versa de l'eau dans un verre, qu'elle regarda quelques secondes avant de se décider, méfiante. Elle finit par le boire, d'une traite. Une sensation de bien-être remplissait soudainement son corps. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle avait très soif. Cela devait faire environ trois heures qu'elle n'avait rien bu, et elle avait beaucoup marché au soleil.
- Réfléchis encore un peu, je suis certain que tu vas trouver… fit l'homme aux cheveux grisonnants avec un petit sourire. Veux-tu encore un peu à boire ?
- Oui, volontiers…
- Elle se tourna sur sa chaise, regardant la pièce, encore une fois.
- Alors ? s'impatienta celui qui l'avait ramenée dans ce bureau.
- Je crois savoir, mais… Je n'en suis pas sûre. Et je ne voudrais pas me tromper…
- Ici, personne ne se moquera de toi, même si tu dis la plus grosse bêtise du monde, ça je te le promets. Vas-y, dis-nous ce que tu penses…
- Le vieil homme avait-il lu dans les pensées de la jeune fille ? L'homme aux cheveux noirs la regardait intensément, et tapait ses doigts sur la table avec un certain rythme, qui s'approchait de l'énervement.
Elle eut une brève pensée pour sa mère… Comment allait-elle ?...
La jeune fille les regarda tous les deux, l'un après l'autre, en tournant la tête plusieurs fois. L'oiseau poussa un petit cri, comme pour l'encourager. Elle fixa son regard sur le vieil homme, et répondit…
