Réponds-moi. De l'autre côté

Note :

Comme vous ne tarderez pas à le comprendre, la présente fic débute vers la fin du jeu. Je l'envisage comme une version plus affirmée de l'idée de ma précédente fic sur ce jeu et basée dans le réel cette fois. J'avais aussi envie de me pencher sur l'organisation qui avait commandité Juli. Pour des raisons tenant à la nature de certains passages, à des éléments du scénario, j'ai dû par contre laisser à Ruvik son corps originel et ne pas lui donner celui de Leslie, comme dans le jeu.

Pour être honnête, je ne suis pas trop certain de la direction que je prendrai, mais j'avais envie de "retravailler" sur ce jeu qui m'a plu.


La chance finit toujours par tourner et les rôles, par s'inverser. Pire que Ruvik, personne ne pensait que ce fut possible. Pourtant, ça l'était.


Prologue :

Se trouver non loin d'une bombe qui explosait devait ressembler à ça. Tout était flou, semblait se mouvoir au ralenti. Du sang vous coulait sur le visage. Un sang âcre et brunâtre, souillé de poussière et de terre. Le jeune homme essaya de comprendre où il se trouvait, ce qu'il se passait, mais il lui était impossible de se concentrer. Rien que le bourdonnement incessant dans ses oreilles lui donnait envie de hurler. Ce dont il était incapable. Sa bouche était paralysée, ses lèvres comme collées l'une à l'autre. Des tapotements indistincts lui parvenaient peu à peu d'un endroit infiniment lointain.

Il cligna des paupières. Ce mouvement si ridicule lui coûta beaucoup trop. Une douleur lui vrilla le cerveau, alors que les sons se précisaient et s'amplifiaient. Ce bruit ! Insupportable ! Beaucoup trop fort soudain. Ses sens auparavant altérés revenaient lentement à la normale. Il porta ses mains encore tremblantes, malhabiles à ses oreilles, puis se boucha le nez en soufflant pour les déboucher. Lorsqu'il y parvint, le brouhaha explosa. Mais c'était nécessaire. Lentement, il quitta sa posture couchée et s'accroupit sur le sol sale, le souffle court, en alerte.

Il redécouvrait les sensations réelles. Les choses lui semblaient plus dures que dans son monde d'illusion. Il avait oublié que le verre coupait autant, que la nature exhalait cette curieuse odeur mêlant pourriture et parfum suave. L'air du vrai monde le faisait presque suffoquer. Pendant une minute, il crut s'asphyxier, juste le temps que son corps si longtemps abandonné et reconstitué ne se remette en marche. Alors il réalisa l'horreur de sa condition. Non. Le corps hôte, celui de Leslie ! Pourquoi n'était-il pas dans ce corps neuf et plus jeune ? Pourquoi avait-il retrouvé cette enveloppe brûlée exécrée ? Qu'est-ce qui n'avait pas marché ? Il jura ; aussitôt, il se figea. Etrange la sensation de ses lèvres remuant, et douloureuse aussi, les chairs abîmées se mouvant et réveillant les vieilles douleurs.

Son plan n'avait peut-être qu'imparfaitement fonctionné, mais il était vivant. Il était... ressuscité. A cette pensée, son torse squelettique se gonfla d'orgueil ; il se sentit de nouveau Dieu l'espace d'une seconde.

Puis il entendit des chiens aboyer, des hommes hurler. Il vit des voitures, entendit des sirènes. Paradoxalement, il savait où il était, mais n'en avait aucune idée, pas plus d'où aller. Ces lieux, il ne s'en rappelait qu'au travers de souvenirs qu'il avait modifiés, modelés, pour les insérer dans son monde. Il était perdu. Il n'était plus Dieu. Il redevenait une proie ; il le sentit, bien plus qu'il n'en avait la certitude. Son instinct lui commandait de déguerpir et sans se faire prendre. Il savait qu'il n'avait aucun ami ici, ni nulle-part ailleurs. C'étaitainsi depuis la mort de Laura ; il était seul contre le monde. Même ce Jimenez qu'il croyait son collègue l'avait trahi, allant jusqu'à lui ôter la vie. Tous des ordures.

Mais il ne renoncerait pas. Il se trouverait une nouvelle forteresse, de nouveaux moyens de défense. Avec cet objectif en tête, il se redressa et enjamba les cadavres de ses victimes. Il traversa le couloir, grimaçant de douleur, avec tous ses éclats éparpillés de verre brisé lui rentrant dans les plantes de pieds. Il trouva exactement ce qu'il lui fallait : une issue s'ouvrant sur une zone dégagée et déserte. Déjà, les policiers entraient dans le hall. Il les entendait hurler des ordres. Il bondit au-dehors, se réceptionna par une roulade involontaire, mais qui permit d'épargner ses chevilles trop frêles. Il était enveloppé d'habits de patients tout ensanglantés. Si quiconque l'apercevait, il était fait. Il était probable que certains de ses "jouets", tels que Sebastian, aient survécu. Il ne devait surtout pas encourir le risque de croiser qui que ce fût. Tous devaient continuer de le croire mort et enterré.

Il appréhendait de courir, mais, étonnamment, tout lui revint instantanément. Il courut, comme si les meurtriers de sa soeur avaient été à ses trousses. De temps à autre, il trébuchait, mais, même s'il tombait, il se relevait toujours. A l'arrière de l'hôpital, il connaissait une sortie discrète, secrète, qui n'était déjà plus utilisée de son vivant. Enfin, de son ancien vivant. Il rit intérieurement. Il l'apercevait déjà. La promesse d'une vie nouvelle, de la liberté. Et pour de vrai cette fois-ci. Il vivrait enfin une vie libre, loin de la cave familiale, hors des murs d'un manoir dans lequel il devait rester caché, prostré. Emprisonné par un père ne voyant en lui qu'un monstre répugnant et honteux.

Il s'en approchait quand une détonation retentit et une violente douleur l'élança. Un coup de feu. On lui tirait dessus. Il serra les dents. Même s'il parvenait à s'enfuir, il était fichu. Ses crimes seraient dénoncés. Il serait recherché par la police ou par quelque organisation voulant travailler sur lui, comme un vulgaire specimen de recherche. Comme l'un de ces animaux qu'il charcutait dans son enfance pour s'entraîner. Il n'y eut pas de deuxième coup de feu, du moins pas tout de suite.

Intrigué, Ruvik se détourna, sans interrompre sa course folle pour la liberté, et aperçut une silhouette bien connue. Un homme à la face crispée par la haine et la colère, juste comme la sienne auparavant. Sebastian s'arrêta brutalement, sortit un fusil de précision et, froidement, comme s'il avait été à un entraînement sur cibles mouvantes, tira. La balle traversa le mollet de Ruvik, sans toucher heureusement d'artère ou d'os. Ruvik s'effondra, dans un cri étouffé de souffrance.

Il était de chair à présent ; les balles le touchaient, son sang se répandait. Il rampa véhémentement dans l'herbe, Sebastian marchant tranquillement vers lui ; il l'aurait. Ruvik pouvait le sentir exulter, même si Sebastian n'en laissait rien paraître. Une main le chope par le col, le souleva de terre aussi simplement que s'il était un fétu de paille. Ruvik en eut le souffle coupé ; depuis quand avait-il cette force-là ? Dans son monde, Ruvik était le plus puissant, le plus fort, le maître avec toutes les cartes en main ; ici, dans l'instant, c'était Sebastian. Le grand brun le garda debout, face à lui, sa poigne se raffermissant de plus en plus. Par défi, il le regardait droit dans les yeux, ce qui, auparavant, ne se faisait pas sans terribles conséquences. Aujourd'hui, plus rien ne se produisait.

- Tu t'imaginais quoi ? s'enquit Sebastian, la voix chargée de rancune. Que la chance finirait jamais par tourner ?

Ruvik n'était plus qu'un simple humain désormais. Il essaya pourtant de se concentrer, de ressentir de nouveau cette énergie qui le traversait avant. Bien sûr, aucune onde de choc, aucune décharge ne partit de son corps, qui ne se téléporta pas non plus, mais, durant un instant, il éprouva une sensation familière. Peut-être n'avait-il pas tout perdu. J'ai besoin de temps. Juste de temps, pour récupérer ce pouvoir qui était mien. Il fixa à son tour l'inspecteur. Oui, la chance avait tourné, mais elle tournerait bientôt de nouveau.


Un modeste petit prologue. Et non ce ne sera pas aussi simple que ça y paraît, contrairement à ce qu'on pourrait croire vu le résumé ;)

Merci aux lecteurs !

Beast Out