Une amitié sous la glace

A partir de quand cessèrent-ils d'être des adversaires, c'est difficile à dire. La vérité, c'est que probablement, ils ne l'avaient jamais vraiment été.

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Lorsque Marina décida de le contacter ce jour-là, elle n'avait vraiment pas trouvé d'autres solutions. Même si elle était plus sage et plus posée, elle répugnait tout autant que son équipage à faire appel à lui. Mais au fond d'elle, elle était sûre qu'il lui viendrait en aide, elle ne pouvait pas s'être autant trompé sur le lien qui semblait déjà unir les deux hommes.

- Ici, le Karyu, Commandant Oki".

Le silence. L'espoir. Un grésillement… L'Arcadia acceptait la transmission.

- Je vous écoute.

Sur l'écran central, le visage impassible du pirate. Bras croisé. Regard verrouillé.

- Le commandant Zéro a été fait prisonnier. Ils l'ont emmené sur la planète des glaces.

Quelques secondes de silence. Interminables.

- En quoi cela me concerne-t-il ?

Elle soupira, elle s'attendait à la réponse. Qu'espérait-elle ? Un instant, se rappelant qu'il s'agissait de pirates, elle fut même tentée de proposer une rétribution, puis se ravisant, elle craint finalement de se compromettre en agissant de la sorte. Elle choisit la franchise.

- Le Karyu est endommagé, nous n'avons pas moyen de nous y rendre.

Son lieutenant la fusilla du regard. Il n'avait jamais trouvé une once d'honneur dans le comportement de ces corsaires sans véritables valeurs morales. Avouer la faiblesse du Karyu aujourd'hui revenait pour lui à un message du genre « allez-y attaquez-nous, pillez tout, on ne peut pas se défendre ».

Sur l'autre navire, la réponse tardait à venir. Puis finalement…

- Il me semble que la flotte Terrienne ne manque pas de vaisseaux pour pallier vos problèmes. Qu'attendez-vous de moi ?

La réponse fusa vite. Marina contrôlait mal son stress.

- Vous savez bien qu'il est quasiment impossible de manœuvrer du côté de la Mer de Glace. A part le Karyu, il y a peu de navires capables d'un tel exploit !

- Qu'aurais-je à y gagner ?

Marina marchait sur le Pont de long en large, plusieurs murmures de ses soldats allaient dans le sens de la contestation. « On ne peut pas avoir confiance », « on ne va pas le payer en plus », « il va nous attaquer »… Elle serra le poing.

- Zéro vous faisait confiance !

Elle le regarda en face. Un sourire rapide était apparu sur les lèvres du pirate, il fit un léger signe de la main et avant de couper la conversation :

- Foutaises ! Vous n'avez pas d'autres choix que de quémander l'aide d'un Pirate. Vous n'avez donc plus aucun espoir ? Cela a du vous être difficile de faire cette demande…

Il laissa échapper un rire bref.

- Espèce de…

Trop tard. Arcadia avait coupé court. La liaison était rompue. Alors que son jeune lieutenant écumait toujours de colère contre le capitaine rebelle, Marina qui prenait pleinement conscience du peu de ressources qui leur restait, gardait le silence.

- Quel espoir pour Warrius ? murmura-t-elle finalement.

Ils s'arrêtèrent pour la regarder, ramenés à la juste réalité du sort inéluctable de leur commandant.

- Vous ne comprenez pas ? Si j'en suis venue à contacter l'Arcadia, c'est qu'on n'a aucune alternative.

De légères larmes contenues scintillaient sous ses paupières.

- L'Arcadia est en ligne. Lança soudain l'opérateur radar.

Elle se redressa et se ressaisit immédiatement.

- Ici, le Commandant Oki, je vous écoute.

- C'est entendu, je ferai le détour par la planète des Glaces.

Son cœur battait soudain.

- J'ai une autre requête.

Le corsaire fronça légèrement un sourcil et retint, d'un geste, le mouvement de Kei qui s'apprêtait à couper à nouveau la conversation. Il faut dire qu'Harlock ne brillait pas par les discours qui s'éternisent.

- Je vous accompagne !

- Négatif. Aucun soldat Terrien ne mettra un pied sur mon Navire. Vous m'avez appelé, je fais les choses à ma manière. Terminé.

On ne peut pas dire que les soldats du Karyu étaient rassurés. Ils semblaient tous se demander si cela n'avait pas été une erreur d'entrer en contact avec l'Arcadia.

- Et s'il s'y rendait pour mieux le tuer ? Il faut trouver une autre solution.

- J'ai confiance.

- En Harlock ?

- Non. J'ai confiance en Zéro, s'il pensait qu'on pouvait se fier à Harlock, il avait ses raisons.

Marina Oki aurait évidemment bien aimé montrer plus de convictions en affirmant ceci. Il fallait que les réparations avancent vite. C'était évident, ils ne pouvaient pas laisser le destin de leur commandant aux mains de ces hommes sans foi ni loi dont les intentions étaient toujours si difficiles à cerner…