Jeudi 3 juillet 1975.

Je courrais, comme si ma vie en dépendait. Effectivement, je crois que si je m'arrêtait de courir, oui, je mourrais. La terreur faisait fonctionner mon cerveau à toute vitesse, sans trouver aucun échappatoire possible. Je me croyais dans un rêve, ou plutôt dans un cauchemar, ceux dans lequel on cours, de toutes nos force, mais jamais assez vite, et qu'on finissait par se faire tuer. Mais ça avait l'air trop réel pour que ça soit un cauchemar. De longs frissons descendaient le ma colonne vertébrale, et je sentais la sueur glacée entre mes omoplates. Mes dents claquaient toutes seules, sans que je ne puisse les contrôler, ou les en empêcher. L'air qui s'échappait de mes poumons était glacé, et produisait pourtant d'énormes nuages de vapeur qui sortait de ma bouche, comme si je fumais. Il y a moins d'une minute, il faisait lourd, une chaleur insupportable, les étoiles brillaient dans le ciel, il n'y avait aucun nuage, la lune éclairait le sol, et la campagne murmurait. A présent, il faisait froid, un froid glacial, sournois qui mordait le visage et les doigts. Une brume épaisse s'était levée, qui empêchait de voir plus loin que le bout de son nez. Des nuages sortant de nulle part étaient apparus, cachant les étoiles et la lune pour me plonger dans le noir total. J'étais terrifiée, mais prête à défendre ma vie si il le fallait. Le sol avait gelé. Les quelques flaques d'eau qui restaient sur le sol étaient recouvertes d'une épaisse couche de glace. Les fleurs devenaient grise et sèches, elles mourraient. J'avais l'impression que toute la chaleur et la joie avaient quitté ce lieu, en l'espace d'un instant. J'étais tenaillée par la peur, et seules mes jambes m'obéissaient. J'avais vu... la mort.

Cette nuit j'avais décidé de faire le mur pour aller en boîte avec des copains, j'avais pas mal bu. Puis, en sortant du bâtiment, j'avais crus voir quelque chose de l'autre côté de la route. J'y avais été voir, légèrement intriguée. C'est là que je l'avais vue. Je n'avais pas hésité un instant, car je savais que c'était réel, et pas seulement du à mon taux d'alcool dans le sang. Car même en étant complètement saoul, on ne voyait pas la mort. Derrière moi glissait -oui, oui, apparemment, la mort ne marche pas- cette chose que j'appelai la mort car je ne savais pas ce que c'était. C'était grand, encapuchonné avec une cape déchirée et trouée. On pouvait juste voir ses mains, qui ressemblaient à deux grandes serres grises couvertes de croûtes visqueuses, et sa bouche horrible, énorme, qui cherchait à aspirer je ne sais quoi. J'entendais de longs râles rauques qu'il produisait. Une odeur de putréfaction remontait jusqu'à mes narines, ce qui me donnais des nausées et de grandes décharges d'adrénaline. C'était juste monstrueux, alors je courrais. Et à chaque fois que je me retournais pour voir si je l'avais distancé, elle me semblaient plus près de moi. Cela faisait plus d'un quart d'heure que cela durait, et j'étais épuisée, car je n'étais absolument pas endurante. Je pris mon courage à deux mains, et m'arrêta soudainement, fit face à mon adversaire. La chose n'avait pas prévu ça et me percuta violemment, en fouet. Je me mis à la frapper aussi fort que je pouvais. Je la frappais de mes mains, de mes pieds, me débattais, et cherchais à lui procurer le plus de mal possible, quitte à la tuer, sans aucune hésitation. Tout à coup, quelque chose gênât mes mouvements dans la poche de mon jean. J'y mis à toute vitesse ma main dedans, et je sentis un canif. Pourtant j'étais certaine de ne pas en avoir pris en partant de chez moi. Par pur instinct, je le sortis et transperçai la chose partout où je pouvais. La créature ria. C'était un rire atroce, qui glaçai même le sang de quelqu'un de très courageux. Il voulait dire « Ça ne sert à rien que tu coures, que tu crois que tu peux t'en sortir, ou que tu garde espoir, car tu vas mourir. ».

Puis, elle se pencha sur moi, comme pour m'embrasser. Je frémis d'horreur. Tout à coup j'eus comme l'impression que toute idée de bonheur ou de joie s'échappait de mon visage. Je me sentis vaciller et faiblir, cependant il était hors de question que je m'avoue vaincue. Si je devais mourir, ça serait dignement, et non pas en rampant comme un parasite. Tandis que je pensais ça, un magnifique oiseau argenté, surgissant de nulle part percuta mon agresseur en plein fouet. La chose s'enfuit, vaincue. Je me relevai en tremblant. Un nuage en forme d'oiseau l'avait fait fuir alors qu'il n'avait même pas frémit lorsque je l'avais lacéré avec mon couteau. J'étais stupéfaite, mais je devais partir, maintenant. C'est alors que je tombai nez à nez avec un vieil homme. Il était grand, portait des lunettes en forme de demi-lunes et avait une longue barbe blanche. Il portait des vêtements bizarres et tenait dans sa main un bâton. Une grande sagesse semblait le faire rayonner dans la nuit noire. Malgré son grand âge apparent, il imposait le respect. Il m'intimidait un peu. Cela m'étonnai de le voir, car je ne le connaissais pas, alors que je connaissais quasiment tout mes voisins. Il ne devait pas être du coin.

- Monsieur, vous devez partir, c'est dangereux ici. Partez, s'il vous plaît, suppliai-je presque.

A mon plus grand étonnement, il me tendit un morceau de chocolat et dit:

- Mangez ceci, mademoiselle, et venez avec moi. Vous ne risquez plus rien maintenant, il est parti et il ne reviendra pas de si tôt.

Malgré sa voix douce, on percevait une grande autorité dans sa façon de parler.

- Qu'est-ce que c'était ? Demandai-je immédiatement.

- Accrochez vous à mon bras, je ne peux pas vous l'expliquer ici.

Je le regardai droit dans les yeux, me demandant si je pouvait lui faire confiance. Je le jugai du regard, et pesais le pour et le contre, Malgré tout cet homme parraissait sûr de lui. Et j'avais faim. Je lui pris donc son bout de chocolat que je mangeais avec empressement. Ensuite, je m'accrochai à son bras. C'est alors que nous disparûmes soudainement.