Voici ma petite contribution personnelle à la mode des slashs incluant des moutards pour donner de la consistance au couple qu'on a déjà fait coucher et dont on ne sait plus quoi faire d'autre. Ce craquage m'est venu en faisant la cuisine.
Il prend place quelques années après l'évasion, et si les scénaristes peuvent recoller la tête de Sara avec du scotch, je peux bien inventer un gilet pare-balles qui aura sauvé la peau de notre cher John Abruzzi...
Ne réponds pas à ton père
« A TAAABLE ! » tonna la voix de John à travers la maison.
Aussitôt, une joyeuse cavalcade se mit en branle à travers les couloirs et deux petites têtes-brunes déboulèrent dans la cuisine.
- Papa, Dino y veut pas m'rendre mon pistolet d'cowboy ! geignit le premier bambin.
- Qu'est-ce que je t'ai déjà dit sur l'importance de ne jamais laisser son arme accessible, mon p'tit gars ? répondit Abruzzi en posant une casserole de spaghetti sur la table.
- Oui mais y m'la piquée pendant qu'j'allais faire pipi !
- Un bon malfrat ne se sépare jamais de son arme.
- Mais c'est d'la triche ça joue p'us quand on va au p'tit coin !
- Ne réponds pas à ton père, trancha Theodore en arrivant dans la cuisine, assortissant sa directive d'une calotte machinale sur la tête du gamin.
Il était suivi d'un troisième garnement et tous deux avaient les mains maculées de rouge.
- D'où vous venez, comme ça ? lança Abruzzi avec une mimique agacée.
Bagwell jeta un coup d'œil à ses paumes puis répondit d'un ton dégagé :
- Oh, rien, je montrais à Jimmy Junior comment ouvrir un chat.
- Theodore, tu n'as pas encore occis le matou de l'étudiante d'en face ? Ca va faire le quatrième cette année… soupira-t-il avec résignation. Elle va finir par flairer quelque chose et attends-toi à ce qu'elle ne soit pas ravie-ravie quand elle découvrira qu'égorger les chats est l'un de tes nombreux passe-temps cruels et infantiles. Il ne faut jamais énerver une femme, ce sont des créatures instables et c'est pour ça que, Dieu nous garde, on n'en a pas à la maison.
Il se signa tout en remuant sa bolognaise bien chaude.
- Ouais, si tu veux mon avis celle-ci a surtout besoin d'un bon coup d'b…
T-bag fut interrompu par l'arrivée inopinée d'une planche à découper en travers de sa figure.
- Ouch ! s'exclama-t-il volontairement avec un air presque choqué.
- Pas de mots grossiers devant les enfants. On est pas chez les ploucs d'Alabama, ici, grogna le parrain avec une certaine hargne.
- John, tu me blesses… Allez, les mômes, on va se laver les pognes. Toi aussi, Gugul, précisa-t-il en tirant affectueusement sur les courtes boucles du pauvre petit qui boudait toujours à propos de son revolver volé.
- Mais je viens d'me les laver, j'revenais du petit coin !
- Ne réponds pas à ton père, répliqua Abruzzi en posant sa sauce sur la table.
Le moutard se mit alors à pleurnicher capricieusement sur l'injustice, l'immoralité et l'incohérence du monde.
- Tu vois, je t'avais dit qu'çui-là n'était pas de moi… lança T-bag en s'approchant de l'évier, saisissant au passage l'une des fesses du mafioso à travers son pantalon.
En un tournemain, il se retrouva cogné avec la dernière violence contre le placard à couverts, le visage mauvais de John à quelques millimètres du sien.
- Primo, Theodore, je t'ai déjà dit « pas devant les bambini » ! Et secundo, il serait en effet étonnant que la moindre oncette d'honneur ressorte de tes gênes bousillés par la consanguinité, mais ta fâcheuse tendance à décliner la paternité de ce gosse chaque fois qu'il se comporte comme un minable commence à me courir sérieusement.
Bagwell et Abruzzi s'étaient en effet mis d'accord pour laisser jouer le hasard lors de la dernière insémination artificielle illégale qu'ils avaient fait pratiquer pour leur compte. Cette décision découlait évidemment d'un unanime refus catégorique de céder l'honneur à l'autre, mais elle engendrait tout de même quelques prises de bec à l'occasion. Le prénom avait tout d'abord fait l'objet de nombreuses querelles et projections d'objets divers à travers la baraque. John, toujours fier de ses origines, voulait un héros de la mythologie gréco-romaine, afin de donner une trempe noble et puissante au petit dernier.
- Pourquoi pas Jason ? avait suggéré innocemment Theodore.
- Non, avait répondu le mafieux sans même prendre la peine de s'énerver. Il est hors de question que je donne le nom de l'un de tes anciens greluchons à mon fils, n'y pense même pas.
- Qui te dit que ce sera ton lardon ? Et puis Jason est un héros gréco-romain : c'est lui qui a mis la main sur la toison d'or, pour ta chétive culture personnelle.
- Tu parles, je vois l'genre de toison.
- Tu es abject, John, avait maugréé T-bag en se renfrognant.
- Je veux que ce garçon porte le nom d'un homme un vrai, pas d'une petite tafiole avec sa peau de mouton. Qu'est-ce que tu dirais de quelque chose comme Achille ou Hercule ?
- Je jure devant Dieu que si tu donnes un nom de corniaud à cet enfant, tu ne me baiseras plus pendant deux mois, avait raillé l'Alabamien, boudeur.
Après moult arguments rhétoriques, de nombreux affronts personnels, beaucoup de chantage pendant le sexe et quelques menaces à l'arme blanche, en désespoir de cause, on l'avait baptisé Caligula, le diminutif réducteur et dérisoire de Gugul étant bientôt adopté par T-bag. Cet empereur romain adepte de l'éloquence et de toutes les débauches cristallisait finalement assez bien les âmes de nos deux larrons, et préservait le bénéfice du doute.
Bagwell tortilla un peu des épaules pour tenter de se libérer de sa position inconfortable.
- Ca va, John, ça va… Je suppose qu'on saura jamais d'où vient ce petit bout.
Il tenta d'attendrir le parrain avec un sourire innocent et ce dernier l'envoya bouler sur le côté avec un grognement contrarié.
- Tout le monde à table avant que je sorte mon Beretta, ordonna-t-il d'un ton ferme.
Chacun s'activa pour lui obéir et T-bag se dévoua pour nourrir la nichée.
- Papa t'as mis plus de pâtes à Dino ! râla Jimmy, la mine acrimonieuse sous ses cheveux châtain hirsutes.
- C'est parce que Dino est l'aîné, mon biquet, il a le droit d'en avoir plus que les autres, répondit Theodore sur un ton anodin.
- C'est vraiment des conneries… grommela le bambin avant de se prendre une calotte attendue de la part d'Abruzzi.
- Si tu penses que ça te revient essaie donc de les lui prendre… glissa le sociopathe du coin des lèvres, l'air de ne pas y toucher.
Le conseil ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd et James plongea férocement sa fourchette dans l'assiette voisine, défendue par un Dino qui avait anticipé l'attaque. Les moutards ne tardèrent pas à croiser le fer avec leurs ustensiles et à éprouver leurs forces et leurs dextérités avec une sauvagerie qui faisait plaisir à voir. Même John, d'humeur un peu irritée, en retrouva le sourire.
- Ces p'tits gars vont devenir de vrais caïds, prédit-il en croisant les bras sur sa poitrine avec un petit air fiérot.
- Et tu verras, ce sera encore plus divertissant quand on leur retirera les couverts à bouts ronds… ajouta T-bag en couvant la lutte d'un regard attentif et appréciateur.
- Teddy… enfoiré d'malade, lança tendrement Abruzzi en lui servant un verre d'Asti.
Bagwell tourna vers lui un regard dangereux et enjôleur, levant son verre :
- A la Beauté, à notre coup bas au monde… et à la relève ?
- Salute, conclut le parrain en faisant tinter son verre contre le sien.
