A/N: Ce fanfiction comporte des situations matures, de la vulgarité, ainsi que de l'inceste. Je vous prierais de ne pas lire si vous n'aimez pas ce genre de choses. Les textes en italique viennent de chansons d'Utada Hikaru, une excellente chanteuse que je vous recommande tous.


Be my Last
distance

Maman, pourquoi
Vient-il un jour
Où nous devons détruire nous-mêmes
Les choses qui nous ont fait exister ?

- Quatre-vingt, cent, cent vingt, cent quarante, deux cent.
- On va se revoir, pas vrai ?
- Hmm.
- Bientôt, j'espère ?
- Hmm.

Première règle que j'ai apprise : pour vous évitez du trouble et des chicanes inutiles, dites aux gens ce qu'ils veulent entendre. De cette façon, ils vous ficheront plus rapidement la paix, et ils ne vous rabattront pas les oreilles avec leurs jérémiades.

- Tu m'aimes, pas vrai, Kitty ?
- Hm-mmm.

Malheureusement, certaines personnes ne semblent pas savoir lorsqu'il serait préférable pour eux de la fermer. La patience est une vertu, mais comme toute autre chose, il ne faut pas en abuser. D'ailleurs, les gens insécures semblent être les plus aptes à en profiter. Je ne devrais pas les blâmer, parce que nous avons tous nos petits problèmes, mais je semble les attirer comme des aimants. Et puis merde.

Je hais les présentations. Je ne sais jamais ce qui doit être dit, et encore moins comment ces choses doivent être dites. Bref, je m'appelle Kenneth, mais puisque tout le monde semble détester ce nom ou le trouver trop long à prononcer, (notez le sarcasme) je me reconnais plus facilement sous le surnom de Kenny. Je suis né le vingt-deux mars, ce qui fait que j'aurai dix-huit ans le printemps prochain. Pour les nuls en mathématiques, je suis présentement âgé de dix-sept ans. J'ai les cheveux d'un blond foncé douteux, les yeux pratiquement noirs, je mesure environ un mètre soixante-quinze, je suis un peu trop maigre pour ma grandeur, j'ai les dents croches… Je laisse libre cours à votre imagination. Je vis dans le « trou du cul du monde », comme le dit si bien mon père, c'est-à-dire à South Park, un petit village situé dans le conté de Park du Colorado, à environ quatre-vingt milles au sud de Denver. Bien que l'État du Colorado soit situé à la même latitude que l'État de la Californie, (j'adore la géographie) le climat de South Park descend facilement sous le point de congélation l'hiver. (l'explication est due au fait que le village est situé à l'orée des Rocheuses)

Pour être franc, j'aimerais quitter ce trou perdu un jour, préférablement après mes études collégiales. J'envisage d'aller étudier en Californie ou à New York, ou tout simplement à un endroit où les gens ne sont pas d'éternels rednecks et où l'on peut conserver un certain anonymat. Pour certains, le fait d'être connu de tout le monde de son village est une bénédiction, mais pour certains, c'est tout à fait le contraire. Je hais me plaindre, parce que je sais que cela ne sert à rien, et que plus une personne se plaint, plus elle y prend goût et vit de son malheur.

Ma famille fait partie d'un échantillon de gens que l'on se plaît à appeler « White trash » : nous sommes relativement pauvres et vivons de l'aide sociale. Mon père est un homme alcoolique qui est constamment sans emploi, dû, évidemment, au fait qu'il est souvent trop saoul pour se lever le matin et aller travailler. Ma mère aime boire aussi, mais pas au point d'être toujours ivre : elle préfère rester lucide pour crier des insultes à mon père et le blâmer pour le fait que nous ne sommes pas aisés. Lorsque j'étais jeune, mes parents semblaient plus près l'un de l'autre, même s'ils se chicanaient souvent. Maintenant, les choses ont changé et je me demande souvent pourquoi ils ne se séparent pas. Je crois que, même si ma mère refuse de l'avouer, elle demeure avec mon père parce qu'elle ne veut tout simplement pas rester dans la rue. J'ai longtemps cessé de me poser des questions à leur sujet, pas parce que j'ai peur de la vérité, mais tout simplement parce que cela ne me regarde pas. Il y a cependant une chose dont je suis certain : ma mère ne voulait pas d'enfants. Enfin… oui, peut-être en voulait-elle, mais pas à un si jeune âge. Elle m'a un jour dit qu'elle m'avait eu à l'âge de seize ans, ce qui fait vraisemblablement qu'elle n'a que seize ans de plus que moi.

J'ai un frère plus vieux que moi et une sœur plus jeune. Mon frère, Kevin, n'habite plus avec nous depuis le jour de ses dix-huit ans. (il en a présentement vingt-et-un) Il est le cliché parfait des adolescents pauvres : il a arrêté l'école en dixième année, se drogue, change de travail régulièrement, etc. Peut-être que mon père a déteint sur lui, après tout. Pour être sincère, je n'ai jamais vraiment été près de lui. Je ne suis pas du genre à juger les gens, mais lui n'a jamais rien fait pour essayer d'améliorer sa situation future. Malgré cela, il lui arrive souvent de venir à la maison pour demander de l'argent à mes parents. Et ils lui en donnent. Même s'ils savent qu'il est drogué et alcoolique, ils lui donnent quand même de l'argent, avalant les mensonges qu'il leur dit du style : « J'ai trouvé un nouveau travail, et je compte même aller en désintoxication pour en finir avec mes problèmes ! ». Évidemment, tout ça est de la merde, parce que dès qu'on lui donne un peu d'argent, il se dépêche à la boire ou à se l'injecter. Pour être sincère, j'ai une énorme préférence pour ma petite sœur, Kylie. Elle ne nous ressemble pas vraiment : elle est timide et réservée, alors que moi et mon frère, nous sommes plutôt du style à dire ce que l'on pense sans la moindre gêne. D'ailleurs, elle a le besoin constant d'être rassurée pour n'importe quoi. Je ne la blâme pas : si je n'étais pas si apathique, je suppose que j'aurais le même besoin. Elle aime l'école et a un solide groupe d'amies. Elle m'a même avoué que, plus tard, elle aimerait être vétérinaire. Je suis conscient du fait qu'on a tous voulu l'être quand nous étions mômes, mais je me dis qu'elle est sur le bon chemin : à son âge, mon frère et moi n'avions aucune idée de ce que nous voulions faire plus tard.

À l'âge de quinze ans, j'ai décidé qu'il était temps pour moi de travailler pour aider ma famille lorsque la fin du mois arrivait. J'aurais pu décider de travailler dans un magasin de chaussures ou dans un restaurant, mais à mon âge, ce n'était pas possible. D'ailleurs, le fait d'être à temps partiel ne m'aurait pas permis de gagner un salaire suffisant pour faire une différence lors des paiements de comptes. Je ne sais pas si j'essaie de me justifier en disant ça, ou tout simplement de trouver une excuse valable pour pratiquer un tel boulot. Je suis un escorte dit « de luxe », c'est-à-dire que je me prostitue auprès d'hommes riches et aisés. Il est cependant important que je pointe que ces hommes ne sont pas tous des politiciens ou des avocats : certains d'entre eux font partie de la classe moyenne, mais sont prêts à tout pour s'offrir mieux qu'un racoleur de rue. Je ne ferai pas part du prix de mes services, tout simplement parce que je n'en suis pas fier. Certaines personnes oeuvrant dans ce domaine pourraient se vanter des montants exorbitants d'argent qu'elles gagnent, mais je n'ai aucune fierté à le dire. Pour mettre fin aux préjugés, je tiens à mentionner que les gens, garçon ou fille, qui pratiquent le métier d'escorte ne sont pas des gens dépourvus d'intelligence. Plusieurs seraient surpris d'apprendre qu'il ne faut non seulement pas un beau physique, mais qu'il faut aussi avoir une certaine facilité à mener la conversation et une culture générale. J'explique rapidement : contrairement à la prostitué dite « normale », c'est-à-dire celle que vous croisez dans la rue, l'escorte peut offrir ses services pour tenir compagnie aux gens qui se sentent seuls ou pour accompagner les gens importants lors de réunions ou soupers d'affaires. Il est donc important de faire bonne figure et de savoir parler correctement.

La discrétion est une chose très importante, d'autant plus que la pratique de ce « métier » demeure illégale aux États-Unis. Pour les gens curieux de la façon dont un escorte procède pour se trouver ses clients, voici la réponse. Je fais partie d'une petite agence qui regroupe une dizaine d'escortes, tous des étudiants. (il y a des garçons comme des filles) L'agence en question a son propre site Internet, où il est possible pour les intéressés de s'enregistrer et consulter les profils des « employés ». On ne révèle jamais notre vrai nom : on n'utilise que des surnoms. Sur notre profil, on retrouve des photos et un formulaire de prise de rendez-vous. Si une personne désire nous rencontrer, elle remplie le formulaire que l'on reçoit ensuite dans notre boîte de courrier électronique. Habituellement, l'agence s'assure de la sincérité des clients et nous devons leur téléphoner avant de les rencontrer. Une fois que le rendez-vous est fixé, nous nous rendons préférablement dans un endroit public tel qu'un restaurant ou le centre d'achats. Une autre chose : dans le domaine de l'escorte, les clients sont souvent des habitués que l'on finit par connaître.

Les clients insécures me demandent souvent pourquoi je pratique un tel métier. Je ne sais jamais quoi répondre, même si, habituellement, je ne suis pas gêné avec les mots. Puisque je déteste mentir, je dirais que c'est, premièrement, pour l'argent facile, et deuxièmement, parce que je suis curieux de nature. Je suis un éternel pervers, mais je reviendrai sur ce sujet plus tard. Dans ce domaine, il faut être très à l'aise côté sexuel : disons que les gens ne sont pas là pour nous mettre à l'aise. Il faut aussi savoir jouer le jeu, surtout parce qu'on a pas le choix des clients. Certains m'ont dit que l'agence pour laquelle je travaille possède son propre forum de discussion où les clients, satisfaits ou non, peuvent échanger à propos de leur expérience et donner une côte à l'escorte qu'ils ont rencontré. Personnellement, ça ne m'intéresse pas. Je ne vis pas en fonction de ce que les gens pensent de moi. La vie que je mène avec les gens de mon âge m'importe bien plus.

Habituellement, je travaille trois soirs pendant de la semaine, ainsi que la fin de semaine au complet. Un soir, un client. Bien que mon salaire dépende du nombre d'heures passées avec l'homme qui me paie, je travaille rarement plus que trois heures, sauf le samedi et le dimanche. De cette façon, j'ai le temps de me reposer et mes résultats à l'école ne sont pas affectés par mon boulot. D'ailleurs, plusieurs resteraient surpris de savoir que le vendredi soir est le soir de la semaine où les escortes sont le plus en demande. Pour beaucoup de travailleurs, le dernier soir de leur semaine de travail est réservé à la détente, et surtout, à passer du temps entre copains. Certains se permettent cependant de modifier légèrement cette règle de tout bon travailleur qui se respecte et de se payer un escorte, en faisant naturellement croire à leur femme qu'ils vont prendre un verre avec des amis. Sans généraliser, je dirais que le sexe est une drogue aussi recherchée que la marijuana ou la cigarette. Il y a un nombre incroyable de gens qui ont besoin de ça pour être heureux. Je ne les blâme pas, puisqu'ils me permettent de me faire de l'argent, mais je sais qu'il y a bon nombre de gens comme moi, (des « travailleurs du sexe », comme certains nous appellent) surtout les filles, qui se sentent légèrement coupables d'être la raison pour laquelle une femme est cocue sans le savoir. Je crois que, avec le temps, même si deux personnes s'aiment vraiment, elles ont besoin d'aller voir ailleurs. La nature humaine est faite ainsi, comme les animaux qui se séparent après une vie de couple d'à peine un an. Malgré cela, plusieurs continuent de vivre un mariage qui baigne dans le mensonge et passent la soirée du samedi soir en famille, faisant croire à l'un et à l'autre qu'ils s'aiment encore. Jamais je ne me marierai.

L'une des choses que je trouve les plus difficiles dans mon métier est lorsqu'un de mes clients est une personne que je connaissais déjà en dehors du boulot. Un exemple rapide : il y a de cela quelques mois déjà, j'entrais dans l'hôtel où je devais rencontrer mon client, qui avait pris le temps de me spécifier qu'il portrait un foulard rouge pour que je puisse le reconnaître. (heureusement, il était le seul à en porter un) Ma surprise fut de taille lorsque je vis l'homme en question : il s'agissait du père d'une fille que je connaissais depuis le primaire, et qui était encore aujourd'hui dans bon nombre de mes cours. Lui, toutefois, ne sembla pas me reconnaître, et je ne fis d'ailleurs pas un exception pour lui révéler ma vraie identité. Ceci dit, il fut très gentil avec moi, et me dit même qu'il souhaiterait me revoir. À ce moment, je me suis demandé ce que penserait sa fille si elle apprenait que son père se payait en cachette un escorte. Évidemment, elle ne le saura probablement jamais, puisque je ne lui dirai pas et je doute que son géniteur paternel lui annonce. Et lorsque nous nous croisons dans la rue, nous ne nous adressons même pas la parole, puisque, en temps normal, nous ne serions pas supposés nous connaître. Ce serait d'ailleurs louche pour un adolescent de connaître un si grand nombre d'hommes.

Sans trop vouloir changer de sujet, je vais revenir sur le fait que je suis un éternel pervers. Comme je l'ai mentionné, pour exercer le métier d'escorte, il faut être un peu pervers de nature. C'est comme si une personne voulait devenir cuisinière, mais détestait faire à manger, ou comme si une personne désirait devenir chirurgienne, mais avait une peur maladive du sang et des maladies. Alors, oui, je suis pervers. Je suppose qu'un bon nombre de personnes affirmeraient que tous les adolescents de mon âge le sont, et elles n'auraient pas tort. Cependant, ce qui est différent avec moi, (et je ne m'en vante pas pour autant) c'est que je le suis depuis aussi longtemps que je puisse m'en souvenir. Je pourrais blâmer mes parents pour cela, puisqu'il n'était pas rare chez moi de voir des revues pornos sur la table du salon ou sur celle de la cuisine. Toutefois, je n'ai jamais vu mon frère leur jeter un coup d'œil, même si elles étaient facilement accessibles pour lui. Alors que moi… je pourrais presque dire que j'attendais le matin avec impatience et me levais avant tout le monde en espérant trouver quelque chose de nouveau à feuilleter. Un jour, j'ai même tenté l'impossible : m'en emparer d'une et la cacher dans ma chambre, tout en priant que mes parents ne s'en rendraient pas compte. La journée s'est écoulée, puis le lendemain, ainsi que le surlendemain, sans que mes parents ne semblent se douter de quoi que ce soit. Ce fut une énorme victoire pour mon cœur d'enfant de huit ans. Puis, au bout de quelques semaines, j'ai retenté l'impossible : enlever les pages centrales qui étaient des affiches et les coller sur les murs de ma chambre. Ma victoire cette fois-ci fut un peu plus amère : ma mère me passa un savon lorsqu'elle les vit, me demandant où je les avais trouvées, puis elle cria à mon père de venir voir. Ce dernier se contenta de faire un sourire en coin et de dire à ma mère un truc du genre : « Tu devrais être contente, Carole, au moins il deviendra pas pédastre ! » Le sujet fut clôt et depuis ce léger incident, je me mis à consommer de la porno sur une base régulière. Quelques mois plus tard, j'eus la confirmation que, même si je ne priais pas Dieu, lui m'aimait quand même : en fouillant pour un truc dont je ne me souviens pas dans le meuble de la télévision, plus précisément dans le compartiment des cassettes vidéos, je fis la découverte du siècle : un film pour adultes. Mon cœur battait la chamade comme jamais auparavant, plus que la fois où j'avais caché le magazine dans ma chambre. Il fallait absolument que je le regarde. En y pensant deux fois, je me suis dit qu'il était mieux que j'attende la nuit venue, lorsque mon père serait au bar et ma mère couchée. La journée me sembla durer quatre-vingt seize heures. Enfin, lorsque toutes les lumières furent éteintes et ma mère dans sa chambre, je descendis sur la pointe des pieds jusqu'au salon, ouvrit la télévision en prenant bien soin de mettre le volume sur muet, mis en marche le magnétoscope, sortit la cassette du compartiment, puis l'enfonçai d'une main tremblante dans le lecteur. Je ne pris même pas la peine de m'asseoir sur le sofa, de peur que ma mère surgisse d'en haut des escaliers. Au moment où les images se mirent à défiler devant mes yeux, je me suis dit que ma vie était enfin complète. D'ailleurs, la chance était vraiment avec moi cette journée-là puisque je réussis à visionner le film au complet sans le moindre petit pépin. Une fois terminé, je le remis à sa place et retournai dans ma chambre sans faire le moindre bruit.

Je dois cependant dire avec toute sincérité que j'ignore d'où me vient cette obsession maladive avec la pornographie. Je suppose qu'il s'agit d'un trait de caractère avec lequel on naît, que certains développent à l'extrême et que d'autres ne développent presque pas. Ceci dit, il ne sera surprenant pour personne d'apprendre que j'ai eu ma première relation sexuelle à l'âge de dix ans, avec une fille aussi dévergondée que moi. Curieusement, je ne m'en rappelle pas autant que j'aurais dû m'en souvenir. Ce n'était pas nécessairement mauvais, mais nous avions tous les deux la forte idée que la sexualité était comme la pornographie… nous nous sommes vite rendus compte que ce n'était pas le cas. Ce ne m'a toutefois pas découragé. J'ai recommencé plusieurs fois jusqu'à ce que j'aie quatorze ans, quand ma sexualité a pris un tout autre tournant. Jusqu'à ce jour, je ne m'étais pas vraiment questionné sur mon orientation. En fait, je peux même dire que, pour moi, le sexe, ça restait du sexe, que ce soit avec un homme ou une femme, et que ça n'importait pas. L'important, c'était le plaisir qu'on en tirait, pas avec qui et comment. En continuant dans les aveux, je n'ai aucun problème à dire que j'ai déjà atteint de multiples fois l'orgasme en me stimulant l'anus. Le plaisir était là, le reste ne m'importait pas. Pour en revenir où j'en étais, je venais d'avoir quatorze ans, c'était en mai, si je m'en souviens bien. J'étais seul dans le salon, ma mère, mon frère et ma sœur étaient déjà couchés. Évidemment, mon père était au bar et ne reviendrait probablement que le lendemain matin. Je regardais la télévision sans vraiment la voir, mais je refusais quand même d'aller me coucher puisque j'avais dormi avant le souper. Vers onze heures et demi, j'entendis la porte d'entrer s'ouvrir. Je ne pus m'empêcher de froncer un sourcil : il était déjà arrivé ? C'était quasiment impossible. Puis, des bruits de pas se firent entendre jusqu'à ce que je vois mon père apparaître dans le cadre de la porte. Il tenait un sac de papier brun dans sa main, ce qui était évidemment de la bière ou même de la vodka. Je m'attendais à ce qu'il me réprimande pour ne pas être couché, mais il se contenta de venir s'asseoir à mes côtés sur le divan en soupirant longuement. Au bout d'un instant, il me tendit mollement le sac qu'il tenait :

- Aller, Kenny, bois, t'es assez vieux pour ça d'toute façon.

Je ne pus m'empêcher de le regarder avec un sourcil froncé. Voyant que je le fixais sans rien ne lui répondre, il roula les yeux et reprit la parole :

- J'ai fait la même chose a'ec ton frère quand y'avait ton âge. Les vrais hommes boivent, Kenny. Fais pas ta moumoune.

Ce que je ne voulais pas lui dire, parce que ça n'aurait eu aucune importance, c'est que j'avais déjà consommé plusieurs fois de l'alcool avec mes amis pendant des partys. Je me contentai donc d'hausser les épaules et de prendre une gorgée de ce que je déduis aussitôt comme étant de la vodka. À ce moment, je vis pour l'une des rares fois la fierté paternelle pétiller dans les yeux de l'homme à mes côtés. Bien que je ne compris pas exactement d'où venait toute cette reconnaissance, je ne pus m'empêcher de me sentir légèrement flatté. Mon père n'avait jamais été un homme qui démontrait ses sentiments, pas même aux personnes qui lui étaient proches. Je n'en ai jamais souffert, mais à chaque fois qu'il me démontrait la quelconque affection, mon cœur se remplissait d'une joie sans pareille. Sans vouloir l'avouer, je crois que j'ai toujours voulu que mon père me remarque et qu'il soit fier de moi. Cette fois-ci, j'étais servi.

- C'est bien, Kenny. T'es vraiment mon digne fils.

Mes joues prirent une teinte rosée devant ce compliment, ou était-ce à cause de l'alcool, je ne le saurai probablement jamais. Mon père sembla toutefois le remarquer puisqu'il m'ébouriffa gentiment les cheveux en ricanant. Une caresse amicale : elles étaient encore plus rares que les compliments. Pour faire une rapide comparaison, je dirais qu'elles étaient aussi rares que la probabilité qu'on a de trouver un billet de cent dollars dans la rue. Lorsqu'il retira sa main, je me dépêchai de rabattre le capuchon de ma veste sur ma tête, comme pour éviter qu'une telle bizarrerie se reproduise. Cependant, la vraie raison derrière mon geste était que je ne savais pas comment réagir face à cette démonstration d'affection inhabituelle. Pour le comble de mon malheur, il sembla le remarquer et posa une main sur mon épaule :

- Pourquoi tu fais ça, Kenny ? T'aimes pas ça quand j'suis gentil avec toi ?

Une légère spécification : mon père a toujours été gentil avec moi. Évidemment, il lui arrivait de m'ignorer, mais tous les parents le font, puisque aucun parent n'est parfait. Il ne m'a jamais battu, ni insulté. Ni moi, ni mon frère, ni ma sœur. Malgré le fait qu'il soit un pourri alcoolique qui batte ma mère, (je vais y revenir plus tard) il a toujours été gentil avec ses enfants.

- Non, j'ai jamais dit ça… c'est juste que…

Je me mordis la lèvre, ne sachant pas comment terminer mon explication. Je devais vraiment avoir l'air pathétique. J'ai toujours eu cette difficulté à trouver les bons mots devant mon père, peut-être parce que je lui parlais qu'en de rares occasions et qu'il m'intimidait. Bien qu'il nous appréciait, ce n'était pas son style de s'asseoir autour de la table et d'entretenir une discussion avec nous. Encore moins de passer une soirée en famille. Ça m'était égal, de toute façon, parce que les rares fois où nous avons essayé, mes parents se sont mis à se chicaner et à se taper dessus au bout d'une dizaine de minutes.

- C'est juste que quoi, Kenny ?

Je me contentai d'hausser stupidement les épaules, ayant l'impression d'être pris au bas du mûr. Il ne semblait pas comprendre que je n'avais tout simplement pas d'explication à lui fournir. Heureusement pour moi, il décida d'abandonner au bout de longues secondes de silence. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il pouvait penser de moi à ce moment. Je l'entendis soupirer une fois de plus, puis sa main qui était toujours posée sur mon épaule glissa jusqu'à ma nuque où il appliqua une certaine pression pour que je le regarde dans les yeux. Mon regard croisa le sien. Il ferma légèrement les yeux et approcha son visage du mien, m'incitant à faire de même en me rapprochant de lui.

Ce fut la première fois que j'eus une relation sexuelle avec mon père. Je ne veux pas entrer dans les détails. Sans pour autant m'en porter mal, je n'en tire aucune fierté. Mais puisque j'ai rapidement compris que cela ne servait à rien de se sentir mal, ça finit par m'être égal. Même si, habituellement, je suis fort sur les principes, en ce qui concerne ma relation peu orthodoxe avec mon géniteur paternel, je me contente d'en hausser les épaules. Je suis pleinement conscient que l'inceste est considéré comme un crime. Je suis également conscient que je ne devrais pas faire une telle chose.

C'est arrivé plusieurs autres fois par la suite. Il semble que, depuis que je me livre à de tels actes avec lui, mon père est moins enclin à boire et à perdre la tête. Au fond de moi, je me dis que c'est probablement une bonne chose, puisque toute la famille s'en porte mieux. Sauf ma mère. Alors que ma sœur ignore tout cela, (et c'est beaucoup mieux ainsi) ma mère en est au courant. Elle nous a déjà surpris en train de nous embrasser, et lorsqu'elle a exigé des explications de la part de son mari, il lui a tout avoué, sans le moindre remord. Si je ne méprisais pas ma mère à ce point, je suppose que je me sentirais mal pour elle. Personne ne mérite de vivre l'inceste. Je n'ose même pas imaginer comment une femme doit réagir lorsqu'elle apprend que son fils et son copain se livrent à de tels ébats. En ce qui concerne ma mère, lorsque mon père lui a avoué, elle s'est contentée de le gifler fortement. Ensuite, elle s'est tournée vers moi et s'est mis à m'engueuler. Depuis ce jour, lorsqu'elle parle de moi avec mon père, elle me désigne comme étant « son fils », comme si j'avais subitement arrêté d'être le sien aussi.

Je ne suis pas amoureux de cet homme. Peut-être que, au fond de moi, je le prends tout simplement en pitié, parce qu'il a mis une gamine de douze ans enceinte, parce qu'il n'a jamais réussi à concrétiser ses rêves, parce qu'il se sert de l'alcool comme béquille au lieu de faire face à ses problèmes, et parce qu'il a vraisemblablement l'impression que personne ne l'aime. Cela doit être très difficile de partager sa vie avec une personne que l'on n'aime pas. Je dis qu'il n'aime pas ma mère, puisqu'il la bat, mais s'il ne l'aimait vraiment pas, je suppose qu'il la mettrait à la porte. Je devrais la prendre en pitié, elle aussi. Ses parents n'ont jamais rien dit lorsqu'elle s'est mise à fréquenter un homme de dix-neuf ans alors qu'elle n'en avait que onze. Ils n'ont jamais rien dit lorsqu'elle leur a annoncé qu'elle attendait un enfant : ils se sont contentés de la jeter à la rue. Évidemment, avec un enfant dans les jambes, elle ne pouvait plus poursuivre ses études comme elle aurait été supposée le faire. Elle devait rester à la maison pour s'en occuper et veiller sur lui, alors que mon père travaillait à la quincaillerie du coin et dépensait presque la totalité de sa paie dans l'alcool. Lorsqu'elle le vit sous son vrai jour, elle se mit à le détester. Il lui avait fait de belles promesses qu'il ne réaliserait jamais. Il n'était pas exactement l'homme qu'elle croyait qu'il était. Et maintenant, elle était prise dans cette merde, avec un enfant à nourrir et aucune place où aller si jamais elle avait envie de partir. D'autant plus qu'il la battait régulièrement lorsqu'il revenait à la maison complètement ivre. D'ailleurs, les coups n'ont jamais cessé de pleuvoir sous leur toit. Encore aujourd'hui, il leur est fréquent de se frapper et de se claquer. Je pense que, sans qu'il veuille l'avouer, mon père cherchera toujours sa Lenore, une grande dame qu'il prétendra aimer mais qu'il aimera seulement pour l'énorme montant d'argent dont elle sera propriétaire. Une grande dame qui rendra l'âme avant lui et qui lui fera réaliser que ses sentiments étaient plutôt pour elle et non pour son compte en banque. Ma mère est un peu Lenore, lorsque j'y pense. Sans les dollars, bien entendu.

- Stuart ! Demande donc à ton fils s'il a un peu de pognon à nous prêter !

- Ta gueule, pauvre conne, c'est ton fils aussi ! J'ai pas pu l'avoir seul à c'que j'sache !

- Tu t'fous d'ma gueule ?! Tu veux pas lui d'mander parce que t'es trop lâche ! Tu préfères passer ta journée écrasé sur le divan à boire ta maudite bière à la place d'aller travailler et d'nous rapporter d'l'argent de toute façon !

Une situation qui fait partie du quotidien de la famille Mc Cormick. Même si mes parents sont probablement les deux personnes les plus égoïstes et détestables de la planète, je ne peux m'empêcher de les prendre en pitié et leur donner de mon argent pour qu'ils puissent vivre un peu plus aisément. Même si l'éducation qu'ils m'ont offerte n'était pas nécessairement la meilleure, je sais qu'ils ont fait leur possible pour m'offrir le meilleur. Je ne leur en veux pas. Ils m'ont très rapidement appris que l'on ne peut pas toujours avoir ce que l'on désire dans la vie. Toutefois, en me disant cela, je crois qu'ils souhaitaient que je prenne conscience du fait que, même s'ils n'ont pas réussis à avoir ce que eux désiraient, ce n'était pas une raison pour que je fasse la même chose et que je devienne comme eux. En fait, un soir, alors qu'ils semblaient tous les deux être à jeun, ma mère a avoué à mon père qu'elle aimerait que je sois un docteur ou un avocat, pour que je puisse avoir un revenu stable et une carrière solide. Je dirais que ce fut à ce moment que je me rendis compte que ma mère ne me méprisait pas comme je le pensais. Elle a toujours eu une préférence pour mon frère, et mon père aussi, d'ailleurs. Cependant, je pense qu'elle s'est rapidement rendue compte qu'il n'y avait rien qu'elle pouvait faire pour lui, à part lui donner de l'argent lorsqu'il venait lui en demander, à moitié saoul et à moitié défoncé. Elle s'est rendue compte que moi, contrairement à lui, j'avais des aspirations et souhaitait me sortir de la pauvreté dans laquelle j'ai grandi. Je sais qu'elle ne l'avouera jamais, par contre. Et ça ne me dérange pas.

Je n'échangerais jamais ma vie pour celle d'un autre. J'ai de bons amis, j'aime apprendre, mes résultats scolaires sont au-dessus de la moyenne et j'ai déjà une bonne somme d'argent d'économisée pour mes études supérieures. Je vois toujours le bon côté des choses avant d'en voir le mauvais. Je cherche constamment l'équilibre dans chaque situation que la vie me présente, histoire d'en profiter au maximum. Lorsque je suis à l'école, tous mes petits problèmes d'ordre familial restent à la maison. Je crois que je dois ma philosophie de la vie à mes amis, qui ont toujours été là pour moi. D'ailleurs, je privilégie l'amitié plus que toute autre chose. Je serais prêt à mourir pour eux s'il le fallait.

À dix-sept ans, je suis peut-être un prostitué et un fils incestueux, mais je suis aussi un adolescent comme les autres qui souhaite s'éclater au maximum et profiter de la vie qui s'offre à lui.


Ne cachons-nous tous pas des morceaux de colère réprimée ?