La pluie dégouline sur mon visage, me lavant de mes larmes passées. Et pourtant, j'ai toujours cette boule dans la gorge, cette impression d'amertume qui me répète que j'ai loupé ma vie. J'entends les branches craquer sous mes pas, semblables au bruit des os que l'on pilent. Mais il ne faut plus que j'y pense, sinon, je vais encore souffrir. Oui, sans répit...
Mais pourquoi m'avait-il encore fait ça? Aimait-il donc me voir souffrir?
L'orage gronde au-dessus de moi, et les éclairs striant le ciel de leur éclat d'or, illuminant de façon brève et répétée le sinistre paysage qui s'étend autour de moi.
La nuit promet d'être mouvementée et peut-être que les morts sortiront bientôt de leurs cercueils pourris et damnés.
un soleil sous les éclairs de l'orage avec la pluie qui colle sur mon visage se mêlant à des larmes de rages
Si seulement tout ne s'était pas passé comme ça ! Si seulement le jour pouvait se lever, et le soleil apparaître à l'horizon pour me libérer de cette peur qui me vrille l'estomac ! Si seulement... Mais je sais que c'est impossible. Ce sera toujours ainsi désormais. La longue et lente nuit d'angoisse et les quelques heures de jour, avant de replonger de nouveau dans l'obscurité, le royaume incontesté de ces créatures.
Ces créatures qui dévorent les âmes blessées et ténébreuses. Elle se cachent dans l'ombre du Monde Du Centre, le monde des Hommes. Il faisait parti du Monde D'en Bas, il était démoniaque et j'étais angélique. Je l'aimais, il m'a trahi, m'a laissé, abandonné. A chaque fois il revenait, me blessait, mais je l'accueillais toujours à bras ouverts. Étais-je masochiste ? Voulait-il me tuer de douleurs sentimentales ? Ou bien tout simplement, étions-nous fait pour nous blesser l'un l'autre ?
Je ne saurais répondre à ces questions qui bouillonnaient en moi, et venaient me tourmenter à chaque seconde de ma misérable existence.
"Soucis de concentrations" répétaient mes professeurs avec lassitude. Mais c'est moi qui était lasse. Lasse de l'attendre à chaque coin de rue, lasse de chercher son visage dans les foules, lasse d'entendre cette accusation qui se répétait comme une chanson lancinante dans mon esprit détruit. Je l'aimais. j'en avais pleinement conscience. Mais à quel point ?
Au point peut-être de me jeter d'une falaise s'il me le demandait.
Oui, c'était cela. Me jeter d'une falaise. Mais dans ce pays désert, l'océan était bien loin, et les falaises inexistantes.
Je me relève et tends mon visage vers le ciel, implorant la lune de laisser place au soleil. Puis sans attendre une réponse qui ne viendrait jamais à ma prière muette, je me mets en marche. Je dois quitter la lande avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'ils ne sortent de leur trou et me déchiquettent de leur dents acérés. Quoique, cette fin serait sans doute préférable à celle qui se profile : mourir de chagrin et de désespoir.
Si je pouvais mourir dans ses bras, je le ferais. Dans ses bras froids et qui pourtant me réchauffent à chaque fois qu'ils m'étreignent. Oui, agoniser et partir entre ses membres pour moi c'était comme aller dans le Monde D'en Haut, le monde de la lumière. Je l'aimais tant, pourquoi me blessait-il autant ? Peut-être me haïssait-il en fin de compte.
Ma vie était macabre, fade, morose, lugubre, et surtout ennuyante. Je regarda le ciel cristallin, aux nuages épais crèmes, et le soleil qui brillait, et marcha encore, et encore, sentant mes cheveux usées par le soleil rasoir. Je tomba sur les genoux, et pensa encore à lui, malgré moi.
Les graviers me griffèrent la peau et je laissais aller mes larmes. Ces larmes qui me brûlaient les yeux. Terrible sentiment de solitude...
Je ne pensais qu'à lui et seulement à lui. Comment l'oublier lorsqu'on a vécu tant de choses ensemble ? Comment ne serais-ce imaginer le détester et effacer son visage de ma mémoire.
Mais je devais me relever et continuer, sortir de cette plaine. Les ronces s'accrochaient à ma peau et déchiraient ce qui restait de mes vêtements. J'avais peur. Peur de le perdre à jamais, et le seul moyen d'éviter ce drame qui mettra fin à ma vie aussi sûrement qu'un poignard dans mon cœur, c'était de courir jusqu'à la ville la plus proche et avertir le commissariat. Je n'avais que peu d'espoir, ils me traiteraient de folle, mais j'aurai tout essayer...
Le liquide salé se mélangeait à ma salive. Il me rappelait celui de l'autre fois. La première fois où je l'avais vu. Il pleurait. Maintenant c'était mon tour.
Il était le monstre, j'étais l'humain. Il était le coupable, j'étais l 'innocent. Il était la haine j'étais l'amour.
Il était Zoro et j'étais Sanji.
