Livre I
Chapitre 1 : Le Prince caché
Dans la plus petite chambre du numéro 4, Privet Drive, un jeune garçon, dix ans tout au plus, examinait sa dernière œuvre assis sur un tabouret. Des nuances de bleus vifs, d'ors, d'oranges et de rouges venaient représenter la forme abstraite d'une fleur, rayonnant d'une intensité qui jurait avec l'aspect morne et monotone de son auteur. La peau pâle, maigre et habillé de vêtements défraîchis bien trop grands pour lui, seuls ses yeux, d'un vert intense,indiquaient un goût pour la beauté. Il contempla alternativement son canevas et sa palette, puis, avec une lenteur délibérée, il trempa son pinceau dans l'acrylique noire et le posa sur sa toile. D'une ligne continue et grêle, il compléta sa dernière peinture d'un simple nom.
Heinrich.
« Heinrich ! Le repas est prêt ! » monta une voix stridente de la cuisine.
Il se mit immédiatement à ramasser ses fournitures. Petits tubes de peinture acrylique, pinceaux, une spatule et sa palette. Il les amena à un large seau d'eau et se mit à les nettoyer minutieusement. Il serait malvenu de se faire sermonner sur tout l'égard qu'il fallait montrer envers les généreux cadeaux offerts par sa famille. D'autant plus s'agissant des seuls cadeaux qu'il pouvait espérer d'eux. Un simple coup d'œil dans la chambre, nue et morose, suffisait à le prouver. Un lit grinçant, une petite table, une chaise instable et une armoire (qui semblait incapable de décider si elle était blanche ou de la couleur du bois pourri) étaient ses seuls meubles (autrement dit, les meubles qui étaient déjà là quand il était arrivé trois ans plus tôt). Pas de photos, de posters, de jouets ou de livres. Les seules marques de sa personnalité étaient concentrées dans les quelques aquarelles qu'il avait lui même peintes, chacune avec son petit défaut qui la rendait invendable, et suffisamment bon marché à créer pour que sa famille ne les détruise pas à cause de son gaspillage délibéré de leurs cadeaux.
Il quitta sa chambre étouffante, s'arrêtant brièvement à la salle de bains pour se laver les mains et effacer une tâche de peinture de son nez. Pieds nus, il atteignit le bas des escaliers, et sauva de justesse ses orteils de l'écrasement lorsque Dudley, son cousin baleine, se précipita lourdement à la cuisine pour y entrer le premier.
« Fais gaffe, sauerkraut ! » railla le gros garçon sans même s'arrêter.
'Heinrich' grimaça dans son dos. Il pouvait encore entendre la télévision dans le salon, déversant le dialogue bruyant et ridicule de quelque super héros de dessin animé. Dudley avait-il attendu exprès qu'il descende juste pour l'embêter ? Probablement. Ce qui voulait dire que son cousin était de nouveau dans une de ses humeurs.
Il entra dans la cuisine, faisant attention à rester hors de portée de Dudley, et comptant bien en faire une habitude pour le reste de la journée. Sa tante Pétunia finissait tout juste la préparation du repas. Elle déposa une large tranche de rôti de bœuf, des carottes et quelques pommes de terre devant Dudley, s'extasiant sur son 'Dudlynouchet' comme sur un gros bébé, avant de se retourner vers lui. Sa mine renfrognée rendait son visage chevalin encore plus long, tandis qu'elle soulevait ce qui était probablement son assiette.
« Peinture? » demanda-t-elle.
'Heinrich' inclina la tête, comme s'il essayait de comprendre ce qu'elle voulait dire, puis leva sa main, faisant un signe signifiant 'un tout petit peu'. Elle grimaça et posa sa main libre sur sa hanche osseuse.
« Combien de temps? »
Ah, quel dilemme. S'il lui disait que c'était fini, il pourrait manger, mais il serait ensuite probablement envoyé dans le jardin, faisant de lui une cible facile pour les blagues infantiles et cruelles de Dudley. S'il lui disait qu'il lui fallait trop longtemps, il risquait de se faire renvoyer dans sa chambre sans manger, comme punition pour sa paresse. Après quelques instants de réflexion, il souleva deux doigts. La grimace de Pétunia ne diminua pas, mais elle lui tendit son assiette. Elle ne contenait que des carottes et des pommes de terre.
« Tu as intérêt à avoir fini d'ici là, ou tu peux aussi bien oublier le dîner.
- Danke, tante Pétunia. » dit-il en s'asseyant.
Il s'écarta le plus possible de la table, pour éviter les coups de pied de son cousin, et mangea dans un silence obstiné. Pétunia les rejoignit un instant plus tard, grignotant quelques carottes en feuilletant un magasine de beauté. Malgré la portion réduite d''Heinrich', Dudley finit son repas en premier et lui donna un coup de coude lors de son passage retour vers le salon, abandonnant ses plats sur la table. Quand il eut fini, il ramassa toutes les assiettes et se mit à les laver, avec les autres ustensiles de cuisine de sa tante.
Enfin, il reprit le chemin vers les escaliers et sa chambre, mais hésita devant sa porte. Ne l'avait-il pas fermée avant de descendre? Avec un sentiment d'angoisse soudain, il l'ouvrit complètement.
Dudley était assis, une parodie de réflexion profonde sur son visage, feuilletant un carnet de croquis. 'Heinrich' se figea, une sensation glacée s'installant dans son estomac. Ce carnet n'était pas son carnet de 'projets'. Le carnet des projets était large et à spirale, tandis que celui-ci ressemblait à un simple livre avec une couverture noire. C'était son carnet 'privé'.
« Hmmmmm, dit Dudley, observant une des images avec un intérêt particulier. Celle-là est pas trop mal. »
Le garçon grassouillet se tourna vers son cousin, inclinant le carnet pour qu'il puisse voir l'image. Une femme, vêtue d'une robe d'été et d'un chapeau, se tenait debout sous un arbre en fleurs, sa chevelure d'un rouge vif, et ses yeux d'un vert intense qui reflétaient parfaitement ceux d''Heinrich'. Elle souriait, d'un sourire mi-évasif, mi-rusé, qui l'époustouflait déjà quand il était encore en primaire. Maman.
« Elle est canon, dit son cousin, ramenant l'image vers lui-même. Elle a un peu l'air d'une salope, mais bon... Hé, tu sais ce que c'est qu'une salope, sauerkraut? »
La sensation de froid dans son ventre devint de l'acier, et l'acier se répandit dans sa poitrine, puis dans ses épaules, et enfin dans ses mains qui se serrèrent si fort qu'elles auraient probablement pu briser la pierre. Dudley lui lança un regard libidineux.
« Ah, ils t'auront au moins appris ça, hein, idiot? »
Brusquement, il arracha l'image du livre. Un des coins s'était déchiré, dangereusement proche de décapiter la superbe femme. 'Heinrich' fit un pas rapide en avant. Dudley empoigna ce qu'il restait de l'image à deux mains, lorgnant son cousin d'une joie sadique. 'Heinrich' s'arrêta.
« Ça t'embête pas si j'embarque ça, hein? Papa ne veut pas encore m'acheter de magazines pornos pour l'instant, mais ça, ça devrait me suffire pour quelques temps... »
L'acier se durcit encore plus, s'infiltrant dans sa tête, écrasant toutes ses pensées hormis celles de rage et d'horreur. Sa vue se voila de rouge, rouge comme le sang qui coulait maintenant entre ses doigts serrés. Dudley, stupide et arrogant, n'y vit que la rage impuissante habituelle, et rit, aveugle au danger. Dans un dernier excès de cruauté, il sortit sa petite langue rosâtre et lécha l'image.
Ce qui arriva ensuite, Dudley le revivrait dans ses cauchemars encore, et encore, pour le reste de sa vie. Même si les heures de thérapie et la répétition constante du mantra 'ce n'était qu'un mauvais rêve' lui permettraient de refouler cette peur pendant ses heures conscientes, chaque instant de sommeil lui remémorerait la terreur et l'incrédulité de ces moments, dans toute leur intensité. 'Heinrich', quant à lui, s'en rappellerait comme sa première utilisation volontaire de la magie. Il s'avança complètement dans la chambre. Le rire porcin de son cousin se tut brusquement lorsque la porte claqua violemment, sans jamais avoir été touchée. Pendant un instant, Dudley fut seulement surpris. La confusion se transforma en peur lorsque des flammes explosèrent du tableau accroché près de la fenêtre. Il fusa du lit, lâchant le carnet et le dessin. Il se précipita vers la porte, et 'Heinrich' savait qu'il aurait été violemment bousculé hors du chemin si les draps recouvrant son lit ne s'étaient pas soudainement emparés du gros garçon.
Dudley poussa un cri assourdissant, brisant l'étau mental qui était en train d'écraser la peur et la surprise d''Heinrich'. Ses pensées et sentiments éclatèrent dans toutes les directions, le laissant faible et terrifié par tout ce qui était en train de se passer. On pouvait voir sur son lit la représentation ridicule d'un fantôme, un vieux drap grisonnant drapant quelque personne invisible. Sauf qu'il n'y avait là rien de ridicule. Une partie du drap s'était entortillée sur elle-même, formant des mains squelettiques qui tentaient de saisir et de griffer le garçon prisonnier, tandis que ce dernier les martelait inutilement. Dudley avait beau se débattre autant qu'il le pouvait, le drap spectral refusait de le relâcher, bien décidé, semblait-il, à l'attirer entièrement dans le lit.
'Heinrich' piétinait inutilement. Une partie de lui ne se pensait pas capable d'aider son cousin, en tout cas pas sans devenir la prochaine victime de cette ... chose. Et ce ne serait certainement pas son cousin qui irait l'aider si cela arrivait. Une autre partie lui murmurait que le dégoûtant petit Schwein l'avait bien mérité. Qu'il voulait que cela arrive. Qu'il avait fait que cela arrive.
Oh mon dieu, c'est lui qui avait fait cela.
Il ne savait pas comment, mais il en était certain. Il était devenu Carrie ! Luke Skywalker ! Ou encore cette fille dans Firestarter !
UN MONSTRE!
Une autre peur apparut, presque aussi terrifiante que de voir son cousin se faire étouffer par le linge de lit devant lui. La peur de son oncle quand il découvrirait son fils, mort étouffé dans la chambre du MONSTRE. Et comme pour se moquer de lui, il entendit alors des pas gravissant précipitamment les escaliers.
« Duddy? Mon bébé? Qu'est-ce qui se passe? entendit-il de la voix de sa tante.
- MAMAN! AU SECOURS! »
Un instant plus tard, la poignée de la porte se mit à s'agiter. Mais quel qu'il soit, le pouvoir qui l'avait claquée au début la maintenait maintenant fermée. Pétunia poussa un cri désespéré, donnant des coups de pied et jetant son corps maigre contre la porte. Tout aussi paniqué que ses proches, mais pour d'autres raisons, 'Heinrich' se força à bouger.
Il fit le tour de Dudley en courant, attrapant son carnet et le dessin représentant sa mère et sautant aussitôt en arrière au cas où le drap voudrait l'attaquer aussi. Il s'approcha de la fenêtre ouverte, complètement ignoré par le drap, prenant bien garde à éviter les restes calcinés du tableau, puis, pieds nus, fit ce saut qu'il rêvait de faire depuis trois ans.
Derrière lui, il entendit la porte céder finalement aux assauts de sa tante. Il ne prit même pas le temps de se demander ce qu'elle allait faire. Le sol montait rapidement à sa rencontre, et il se rappela au dernier instant de fléchir les jambes et de rouler sur lui-même lorsqu'il atterrit au milieu des arbustes. Il resta allongé quelques instants, assommé par l'impact et par ce qu'il venait tout juste de faire, avant de se relever avec raideur. Ses pieds étaient endoloris par la chute, mais rien n'était cassé ni même foulé. Aussi rapidement qu'il le put, il tituba hors du numéro 4, Privet Drive, priant pour que ce soit pour toujours.
Mr Dursley n'avait jamais été aussi furieux de sa vie. Et, étant un homme prompt à se mettre en colère, cela voulait certainement dire quelque chose. Alors qu'il était en train d'engueuler un imbécile quelconque au boulot, sa femme avait appelé. Elle semblait frénétique et pleurait, bégayant au sujet de 'Duddy' et de quelque chose que son affreux neveu lui avait fait. Rien de ce qu'elle disait n'avait de sens, mais il pouvait facilement deviner que ça concernait la bizarrerie Potter.
Alors qu'il rentrait chez lui en voiture, après avoir pris sa journée et menacé de virer le département en entier si ne serait-ce qu'une seule personne décidait de lambiner pendant son absence, ses pensées tournaient en un cercle continu de colère. Il savait, il savait, qu'il n'aurait jamais dû accepter de laisser entrer ce gamin dans sa maison. Leur situation financière était peut être un peu tendue, surtout maintenant que Dudley prenait goût pour des jouets et des jeux de plus en plus coûteux, mais la bourse du gouvernement pour l'éducation du gamin et son compte en banque plutôt bien rempli étaient loin d'être suffisants pour couvrir tout le dérangement causé par ce misérable ingrat.
Déjà, il ne savait pas prononcer le moindre mot d'anglais à son arrivée. Ses parents, britanniques, n'avaient même pas eu la décence d'apprendre à leur rejeton la langue de la Reine! A cause de ça, ils pouvaient lui crier dessus et le sermonner toute une journée et il se contenterait d'incliner la tête et de les regarder d'un air confus. Ou, pire encore, il se mettrait à leur parler en Allemand de cette manière bizarre, et Mr Dursley savait qu'il ne disait rien de bon. Pétunia avait beau tenter de lui enseigner la langue avec la patience d'une sainte, il refusait simplement d'apprendre. L'envoyer dans une brave école Britannique devenait alors hors de question. Ils n'accepteraient jamais l'humiliation que cela leur apporterait.
Et comme si ce n'était pas déjà assez problématique, le gosse avait eu l'audace de refuser de prendre le placard sous les escaliers comme chambre. Quand ils avaient tenté de l'y envoyer pour la première fois, il les avait regardés avec une incrédulité totale. L'incrédulité avait rapidement été suivie par de la colère, puis par un refus obstiné de bouger. Ça n'avait pas bien gêné Mr Dursley, qui avait attrapé l'enfant, à peine plus gros qu'une brindille, et l'avait tout de même balancé dans le placard avant de le fermer à clé. Mais il s'était alors mis à faire un tel raffut ! Il avait crié, et il avait donné des coups de pied dans la porte, et ça avait été drôle pendant le premier quart d'heure, mais ensuite il ne semblait pas vouloir s'arrêter. Pendant toute la journée, puis toute la nuit, les empêchant de dormir, il avait crié et frappé. Même lui crier dessus et lui donner une bonne correction n'avait pas réussi à le faire taire. En fin de compte, Dudley, très grincheux, avait généreusement offert à son cousin la plus petite de ses chambres pour qu'il la ferme.
C'était arrivé il y a des années. Maintenant, la petite sangsue passait ses journées à paresser dans la maison et à peindre. Un passe-temps idiot, certes, mais un passe-temps dont sa femme, si intelligente, avait trouvé un moyen de profiter. C'était rageant, le nombre absurde d'idiots qui qualifiaient d'art les gribouillis d'un gamin et qui voulaient les acheter.
Et bien sûr, les parents du garçon étaient pires que tout. Quel parfait petit groupe d'aberrations ils avaient été. Avec leur signes de baguette stupides, leurs marmonnements incompréhensibles et leur cuisine à la bile de crapaud. Et où est-ce que ça les avait amenés? Chassés de leur propre pays (et bon vent !) par leur propre espèce répugnante ! Et même après ça, ils n'avaient pas pu se contenter de devenir normaux ! Il fallait bien sûr qu'ils s'installent et deviennent des artistes puants ! Des hippies! C'était à peine mieux que... que ces autres trucs.
Il n'en avait rien à faire de ce que pouvait dire sa sœur, comme quoi le gamin ne connaissait rien de toutes ces autres bizarreries. S'il savait comment peindre, alors il savait probablement les autres trucs. Et maintenant il venait juste de le prouver. Dès qu'il mettrait les mains sur ce morveux, il allait lui mettre une raclée jusqu'à ce que toutes ces idioties disparaissent, puis il utiliserait son compte en banque pour l'envoyer dans la plus minable, la plus misérable, la plus éloignée des écoles avec internat qu'il pourrait trouver.
Mr Dursley rentra sa voiture dans l'allée de sa maison, ses phalanges blanchissant puis craquant alternativement, suivant qu'il serrait ou desserrait son volant. S'il n'était pas aussi furieux, il serait probablement en train de sourire d'anticipation. Enfin, enfin il allait pouvoir se débarrasser du petit mécréant, et la famille Dursley pourrait retrouver toute cette normalité parfaite qu'ils avaient tant appréciée auparavant.
Il monta les escaliers vers sa maison, sans retourner le salut amical d'un de ses voisins, et atteignit la porte. Avant même qu'il n'en touche la poignée, elle s'ouvrit. Un homme se tenait devant lui, grand, avec un nez crochu et vêtu d'un ensemble noir. Ses cheveux noirs étaient gras et lui arrivaient aux épaules, ce qui suffisait déjà pour obtenir la réprobation de Mr Dursley, mais en plus il avait l'audace de se tenir dans sa maison.
« Qu'est-ce... commença-t-il à beugler.
- Bonjour, Mr Dursley, l'homme sifflait presque,vous ne sauriez pas où se trouve votre neveu, j'imagine ? »
Les deux jours suivants passèrent lentement pour 'Heinrich'. Il erra sans but, se contentant simplement d'éviter Privet Drive. Toutes les maisons se ressemblaient, aucun jardin n'avait la moindre originalité, et les voitures dans les allées étaient génériques. Même si la monotonie n'avait pas été si complète, il n'avait de toute manière nulle part où aller.
Il dormit quelques courtes heures, d'un sommeil agité, dans des abris de jardin, s'y faufilant une fois les lumières des maisons éteintes, et s'éclipsant avant l'aube. La faim le prit tôt le matin suivant l''incident'. Il parvint à l'oublier jusqu'au soir, quand, incapable de résister plus longtemps aux besoins de son corps, il vola quelques tomates dans un jardin, se faisant l'effet d'un criminel à chaque bouchée.
Ses pieds se mirent à s'ouvrir et à saigner peu de temps après.
Avec chaque heure qui passait, la peur de la vengeance des Dursley était petit à petit étouffée par le sentiment d'impuissance à se débrouiller tout seul. Il n'avait ni vêtements, ni abri, ni nourriture. Il était sale, fatigué et affamé. Il n'avait aucun ami chez qui trouver refuge, et aucun voisin en qui il aurait assez confiance pour le prendre en pitié. Il ne pouvait compter sur personne, hormis...
Mais nom de dieu, comme il haïssait les Dursley !
Il les haïssait, mais avec le soir s'approchant, et l'air sentant la pluie, il se rendit compte qu'il avait besoin d'eux. Avec cette épiphanie misérable, il reprit le chemin vers le numéro 4, Privet Drive. Il fut vaguement surpris de voir la lampe du porche allumée. L'avaient-ils laissée pour lui ? Souhaitaient-ils qu'il revienne ? Il rit pour lui-même. Il était plus probable qu'ils ne voulaient pas donner l'impression que leur petit orphelin, qui les adorait tellement avait, en fait, fugué.
S'armant de courage pour affronter l'engueulade à suivre et, probablement, la pire raclée de sa vie de la part de son oncle, il s'avança vers la porte. Le bruit de voix stoppa sa main avant la sonnette. Il y en avait plusieurs, vagues et étouffées, mais clairement différentes du baryton tonnant de son oncle ou des tons stridents de sa tante. Les Dursley avaient-ils appelé la police ? Étaient-ils venus pour le retrouver, ou pour l'arrêter ? Existait-il une inculpation pour agression armée d'un drap ?
Avec un peu moins de certitude qu'auparavant, il pressa la sonnette. La maison devint soudainement silencieuse. L'inconfort s'installa dans son ventre, et l'envie de s'enfuir se fit plus pressante. Il tourna les talons pour le faire, mais la porte s'ouvrit et il fut hâlé dans la maison par le col. Poussant un petit cri de surprise, il tomba au sol, évitant de justesse le bord des escaliers. A quatre pattes, il se retourna vers son agresseur, s'attendant à voir son oncle.
Au lieu de cela, son regard rencontra les yeux d'un complet inconnu. Grand et avec un nez crochu, les vêtements de l'homme auraient pu être mis à des obsèques. Bordel ! Ils ont appelé le gouvernement ! Ils vont me disséquer le cerveau !
« Jeune homme, l'homme commença, sa voix satinée malgré le dédain, étant donnée la taille minuscule de votre cerveau, je ne pense pas que quiconque serait capable de le trouver, encore moins de le disséquer. »
Il vient de lire mes pensées ! C'est trop... génial ! Enfin ça le serait s'il n'était pas aussi con à ce sujet.
« Surveillez votre langage, Heinrich. Vous avez déjà causé assez de problèmes pour contrarier un grand nombre de personnes... vous ne voulez pas m'ajouter à cette liste. Debout, et allez dans le salon. Nous avons beaucoup de choses à nous dire. »
Il se leva à contrecœur, esquiva l'inconnu et se rendit au salon. Il y avait là deux autres inconnus, un homme et une femme. Contrairement au premier inconnu, ceux-ci paraissaient beaucoup moins renfrognés. La femme avait la quarantaine, avec une robe bleue assez jolie et un ruban de la même couleur pour attacher ses cheveux blonds. Elle lui rappelait quelques-unes de ses institutrices en Allemagne, qui parlaient toujours doucement et rappelaient à tout le monde d'être gentil avec ses camarades. L'homme était plus âgé, avec des cheveux blancs épais et une moustache soignée, portant un tweed marron et une cravate rouge. Ils lui lancèrent tous deux un sourire rassurant lorsqu'il entra, et il sentit ses lèvres se crisper pour le retourner. Il garda néanmoins une expression neutre à la vue des Dursley.
Dudley respirait encore, heureusement, bien qu'il semblât assez blafard pour être pris pour un mort. Il regardait droit devant lui, sans rien voir, sans rien dire. Sa tante avait passé autour de lui un bras protecteur, lui frottant les bras et les épaules comme s'il avait froid, roucoulant doucement à son oreille et lui disant que tout allait bien. Vernon Dursley, par contre,... eh bien, 'Heinrich' était soulagé de ne pas se retrouver seul avec lui. Il lançait des regards furieux et mutins à la paire d'inconnus, et devint encore plus sombre lorsque son regard se posa sur 'Heinrich'. Puis, quand l'Homme Sombre entra dans la pièce, ses petits yeux pleins de méchanceté fixèrent soudainement le sol.
'Heinrich' s'écarta vivement de son chemin et prit place sur le bord de la cheminée, près de 'Mr Tweed'. 'Mrs Bleue' lui lança un sourire en coin et s'installa dans le fauteuil normalement réservé à son oncle. L'Homme Sombre se posta directement derrière le canapé occupé par les Dursley, ses mains venant se reposer directement de part et d'autre du patriarche. 'Heinrich' ne put s'empêcher d'admirer toute la dignité que l'homme parvenait à exprimer tout en irradiant autant d'intentions malveillantes. Son oncle n'arrivait jamais à passer pour autre chose qu'un phoque enragé, tandis que Pétunia donnait en général l'air d'avoir mordu dans un citron.
« Ah, bien, nous sommes tous là, dit la femme, sa voix tout à fait adaptée au travail avec les enfants, ou peut être les adultes trop timides. Nous avons eu peur que quelque chose vous soit arrivé, Mr Makowski. »
'Heinrich' lui lança un regard surpris. Je m'appelle Makowski maintenant ? Ce n'est même pas un nom Allemand ! L'Homme Sombre poussa un soupir d'impatience.
« Oui, oui, brûlé au bûcher et donné en pâture aux catholiques, ou quelque autre destin tragique. Mais puisque le pire de ce qui vous est arrivé semble être un bref passage dans un pays du Tiers Monde, pourrions-nous passer aux choses un peu plus importantes ?
- Allons, Mr Snape... commença sa tante.
- Professeur Snape.
- Professeur Snape, il ne sert à rien de lui demander quoi que ce soit. Il sait à peine parler Anglais. Il serait incapable de former une phrase complète, même si sa vie en dépendait.
- Vraiment ? Après trois ans sous votre tutelle, il a fait aussi peu de progrès ? C'est probablement pour cela que vous n'êtes pas professeur, Dursley, je suppose » railla Snape.
Pétunia rougit. Vernon, déjà rouge, devint pourpre et commença à se lever. Les mains de Snape se posèrent soudainement sur les épaules de l'homme, et l'effet fut immédiat. Mr Dursley se rassit, son visage aussi hanté que celui de son fils.
« Professeur... dit 'Mr Tweed' d'un ton réprobateur, alors que son visage exprimait l'amusement.
- Pourquoi ne tentons-nous pas quelques questions, nous verrons bien comment cela se passe. Voudriez-vous bien répondre à quelques-unes de nos questions, Mr Makowski? » demanda 'Ms Bleue'.
'Heinrich' se contenta de hocher la tête, peu habitué à ce qu'un étranger le regarde avec autant d'affection. Si elle se mettait à lui roucouler à l'oreille, il avait décidé qu'il s'enfuirait à la première occasion, cette fois pour ne plus revenir.
« Très bien, consentit Snape, et peut être même aurons-nous de la chance, et quelqu'un ici se décidera à nous dire la vérité. C'est un concept original, mais qui est généralement bon pour la santé.
- Hey, essayez-vous de traiter ma famille...
- La ferme. »
Mr Dursley se tut brusquement. 'Heinrich' eut du mal à réprimer un éclat de rire, mais y parvint assez rapidement lorsque ces yeux sombres se posèrent sur lui.
« La vérité, s'il vous plaît, jeune homme. Quel est votre nom.
- On vous a déjà donné son nom, c'est...
- Madame, si vous ne contrôlez pas votre langue, je vous la ferai avaler. Me suis-je fait comprendre? »
Étonnamment, elle parvint à rougir encore plus.
« O-Oui, Monsieur.
- Oui, quoi?
- Oui, professeur.
- Vous allez tous les deux rester silencieux jusqu'à ce que je vous adresse la parole. Il n'y aura pas d'autre avertissement, dit-il, sa voix douce comme la soie et aiguisée comme un rasoir. Il reporta son attention vers le sujet des discussions et le trouva absorbé à les regarder.
- Comment réussissez-vous cela, professeur? » demanda le garçon, sa voix teintée d'une trace d'accent allemand. Tout le monde dans la pièce, même Dudley, encore pâle, se tourna vers lui, surpris. Tout le monde sauf l'Homme Sombre, qui le regardait avec dédain.
« Il y a ceux qui recherchent la violence, jeune homme, et il y a ceux qui la vivent. Ceux qui la recherchent aussi médiocrement ne peuvent pas espérer se mesurer à ceux qui la vivent. Il en est de même pour les gens qui essayent et les gens qui font les choses. Ces personnes vivent à des niveaux complètement différents. Maintenant, votre nom.
- Harold James Potter. »
Une expression narquoise apparut sur le visage du professeur, et son expression se tordit en une parodie de sourire.
« Evidemment. »
Sauerkraut : Choucroute
Schwein : Porc
NdT : Bonjour, et bienvenue au premier chapitre de ma traduction (avec l'autorisation de l'auteur) de la fanfic 'Prince of the Dark Kingdom' de mizuni-sama. Vous pouvez retrouver la fic, en anglais, et toujours en cours d'écriture, sur : .net/s/3766574/1/Prince_of_the_Dark_Kingdom.
En plus de l'histoire elle même, je traduirai aussi les notes de l'auteur, que vous pourrez retrouver à la fin des chapitres, sous l'appellation NdA, et qui seront parfois suivies de mes propres explications, sous la forme NdT.
Comme je ne suis pas l'auteur, et que la fic est déjà très avancée, les suggestions sur l'histoire ou les personnages ne pourront pas être prises en compte (ce qui ne veut pas dire qu'elles ne seront pas lues). N'hésitez pas par contre à faire des remarques sur le style d'écriture que j'utilise pour la traduction, elles pourront m'être utiles, et à donner vos avis sur la fic, je les transmettrai à l'auteur.
Bonne lecture!
