1_ « Autant s'allier non ?»

Spy se réveilla en sursaut. Il venait de faire un rêve pour le moins étrange une histoire de kidnapping. Il grommela et se retourna dans son lit pour essayer de se rendormir. Il détestait se réveiller en pleine nuit. Selon lui, c'était de précieuses minutes de sommeil perdues.
Mais il ne put s'empêcher de se remémorer son rêve, notamment le passage où il était transporté dans un genre de cercueil pourvu de petits trous destinés à l'aération. C'est par ces derniers qu'il avait pu voir qu'on l'emmenait dans un étrange bâtiment aux couloirs totalement blancs avant de s'évanouir à nouveau. « Rendors-toi au lieu de revoir ça… y'a du boulot demain… » se réprimanda-t-il. Il fit le vide dans sa tête et relâcha tout son corps.
Il commençait à peine à replonger dans son sommeil lorsqu'une vive lumière blanche lui fit ouvrir les yeux. Il se redressa sur son lit et lançât :

-Mais qu'est-ce que… AAAAH !

Il n'était pas dans sa chambre. Les murs de béton avaient été remplacés par des parois en verre blindé formant un cube parfais avec pour seule décoration un panneau blanc. Le sol était aussi blanc que le mobilier aux formes arrondies et futuristes. D'ailleurs, il n'y avait qu'un lit, des toilettes et une table basse sur laquelle trônait une petite radio.
Spy ferma les yeux puis il les rouvrit. Il referma les yeux, se donna une claque et les rouvrit de nouveau. Non, il était bien réveillé et visiblement, le rêve précédent n'en était pas un. Il avait bel et bien été kidnappé et emmené… ici. Il se leva et constata qu'il était pieds nus et qu'il était habillé d'une affreuse combinaison bleue sur laquelle était marqué « Aperture ». En dessous, un débardeur blanc de la même marque et dans ses poches se trouvait un rouleau de gaze et un paquet de cigarette. Rien d'autre. Il posa ses « affaires » sur le lit et se dirigea vers les vitres. Sa cellule se trouvait dans une grande pièce en béton dont le sol se perdait plus bas dans la pénombre. La boite de verre était posée là, au milieu, sur une plateforme. L'homme en bleu distingua l'entrée d'un couloir en face mais il n'y avait ni escaliers ni passerelle pour y accéder.

-Merde… Il y a bien un moyen de sortir d'ici quand même !

Il n'y avait aucune porte à sa prison et même si le cube de verre ne comportait pas de plafond, il n'y avait que le vide qui l'attendait de l'autre côté. Il porta une main à sa bouche, impuissant, et remarqua qu'il ne portait pas non plus de masque.

-Ah merde ! Les chiens !

Il rouspéta encore un moment puis il prit le bandage sur son lit. Il le regarda quelques secondes en hésitant, puis il haussa les épaules. Il en déroula une bonne partie pour bander son visage, se créant ainsi un masque artisanal. « Ça devrait faire l'affaire. » se dit-il en contemplant son reflet dans les vitres.
Soudain, une voix féminine provenant d'un haut-parleur annonça :

-TOus les SUjets sont AUtoRISÉS à SOrtir.

Un cercle bleu lumineux se forma avec un son distordu sur le panneau blanc. Spy se retourna et le regarda avec curiosité et méfiance. À l'intérieur il pouvait voir l'image d'un couloir au bout duquel se trouvait un cube de verre. Il hésita un moment puis bougea les bras au-dessus de lui. Quelque chose bougea dans le cube. Cette fois il n'avait plus de doute, il s'agissait bien là d'un genre de téléporteur. Il alla récupérer le reste du rouleau de gaze et le paquet de cigarettes, puis il sauta dans le trou lumineux.
Il eut la sensation qu'une bourrasque de vent s'introduisait par ses deux oreilles pour retourner à l'envers tous ses organes. Ensuite, il rencontra le sol. Il se releva, encore un peu sonné par cet étrange voyage et massa le coude sur lequel il était retombé. Il se retourna pour voir un cercle orange au milieu duquel il pouvait observer l'intérieur de sa cellule. Il sourit et regarda autour de lui. Le couloir, entièrement couvert de carreaux noirs d'une matière inconnue, formait un coude. Il n'y avait pour l'instant qu'un chemin possible.
Le Français fit plusieurs pas et aperçu au bout une grande porte. Il courut jusqu'à elle et les deux battants s'ouvrir sur une tout petite pièce aux parois intérieure matelassées. Méfiant il entra dedans et comprit qu'il était alors dans un ascenseur lorsqu'il eut l'étrange sensation de descendre.
Les portes le libérèrent sur une vaste salle blanche surveillée par des caméras. Au milieu se tenait un étrange bouton rouge d'au moins un mètre de diamètre et en face une porte. Les deux éléments étaient reliés par une ligne en pointillé intégrée au mur et au sol. Au fond à droite, un cube solitaire en haut d'un escalier formé de plaques blanches.
Spy s'approcha d'abord du bouton et posa un pied dessus. Les points s'allumèrent et la porte s'ouvrit. Il enleva son pied et la sortie se verrouilla de nouveau.

-Huh ! Un jeu d'enfant ! J'imagine que je dois déplacer le cube sur cette plateforme pour passer sans que les portes se referment ! soupira l'homme en bleu.

En effet, après être allé chercher le cube et l'avoir posé sur la plateforme rouge, le passage se libéra et le visage bandé disparut de la vue des caméras de la salle de test.
Il arriva dans un nouveau couloir gris et blanc qui se terminait en T et décida de tourner à gauche sans plus de stratégie. Il n'y avait aucune indication et tous les corridors se ressemblaient. Spy n'avait vraiment aucune idée d'où il était et ce qu'il faisait là. Il ne savait même pas qui l'avait amené ici, tout du moins, personne dans sa listes d'ennemis ne possédait de tel domaine et tous auraient préféré de toutes façons le tuer ou le torturer plutôt que lui faire subir… « Qu'est-ce que je suis sensé faire au juste à part appuyer sur des boutons pour ouvrir des portes ? » se demanda-t-il.
Le Français abandonna ses interrogations et s'arrêta au milieu du chemin. Quelques mètres plus loin, au milieu d'un carrefour, un homme portant une combinaison orange essayait de se relever en s'aidant d'un cube similaire à celui que l'espion avait manipulé. En plissant les yeux, il put constater que l'individu portait un masque à gaz, et vu la couleur des vêtements, il devait s'agir du RED Pyro.
L'homme en bleu fut parcouru d'un frisson, se remémorant toutes les fois où l'incendiaire l'avait brûlé vif. Cependant, il n'avait pas de lance-flamme avec lui et semblait mal en point. Spy eut un sourire sournois et s'approcha d'un pas assuré :

-Eh bien, mon ami, comme on se retrouve ! Mais dis-moi, on dirait que tu n'as pas ton précieux joujou ! On dirait même que tu es blessé je me trompe ?

Le masque à gaz se tourna doucement vers lui et l'homme en orange se laissa retomber par terre, serrant le cube décoré en son centre d'un cœur rose. Trois larges tâches rouges s'étaient déployées sur sa cuisse. Oui, il était blessé. Le BLU rit :

-Tu es plutôt en mauvaise posture, monstre de foire ! Je n'aurais aucun mal à te tuer dans ces conditions-là, le sais-tu ? Tu es si… vulnérable ! Hahaha !

Il entendit un reniflement et le pyromane détourna la tête, laissant échapper un gémissement :

-Mmhmgffdrrr mgfmmfrrrmmmhgfr…

-Laisse tomber, phénomène, cracha le Français. Je ne comprends pas un traitre mot de ce que tu racontes ! Dommage d'ailleurs, car si c'était des supplications pour que je n'en profite pas pour te tuer, eh bien je ne les entends pas !

Il s'accroupi devant lui et lui maintint la tête pour qu'il le regarde.

-Je suis un gentleman, alors… une dernière volonté ?

Il ricana un moment puis il se tue. Pyro lui tendait le manche d'un couteau de chasse en reniflant de nouveau. L'espion fut plutôt surpris par ce geste. Il regarda son ennemi, l'air confus, et demanda :

-Tu es sérieux ? Tu veux que je t'achève ?!

L'autre haussa les épaules, l'air de lui dire de faire ce que bon lui semblait. Spy regarda le couteau, indécis, et se mit à réfléchir longuement. « Pyro a été attaqué et blessé, je devrais peut être m'informer là-dessus d'abord… Mais, je ne connais pas du tout cet endroit et j'imagine que je ne peux pas compter sur un quelconque Respawn si je meurs ici… Il va falloir être très prudent… S'aventurer seul ici n'est peut-être pas non plus la meilleure chose à faire… » pensa-t-il les mains croisées devant sa bouche, toujours accroupit devant le blessé. Il dévisagea le masque à gaz avec un air de dégout puis il lui dit :

-Écoute, Pyro, je te propose un marché.

-Mmh ?

-Tu m'aides à nous sortir d'ici et en échange je ne te tue pas jusqu'au prochain round entre RED et BLU, d'accord ? Après tout, nous avons un ennemi en commun, autant s'allier non ?

Cette proposition paraissait honnête, même venant de l'espion BLU, et l'incendiaire hocha la tête pour accepter. L'homme sournois joua avec le couteau et s'informa :

-Pourrais-tu me dire ce qui t'a attaqué ?

L'autre leva ses bras. Ses mains étaient cachées par des manches trop longues, tout comme ses pieds d'ailleurs, mais il parvint tout de même à désigner quelque chose de petit et de forme ovale.

-Ça ne m'avance pas tellement ça !

Pyro poussa un sifflement d'exaspération puis il imita, en faisant des gestes, le bruit que ferait une mitraillette. L'homme en bleu haussa un sourcil, l'air de ne pas comprendre, puis son visage prit un air inquiet :

-Des tourelles ?!

Le masque fit oui. Spy se frotta les yeux de son pouce et de son index. Il ne s'attendait pas à faire face à ce genre d'ennemis, d'autant plus qu'il n'avait pas de quoi saboter des tourelles et ce n'était pas avec un petit couteau qu'il allait pouvoir se défendre. Il regarda la jambe du pyromane et se rendit compte à quel point ils étaient vulnérables.

-Vulnérable, mais pas impuissant !

-Mmmh ? l'interrogea le RED.

-Euh… non rien, je pensai à voix haute. Il faut soigner ta jambe.

Le blessé secoua vivement la tête de droite à gauche.

-Allons, mon ami, tu ne vas tout de même pas continuer la route avec trois balles dans la jambe ! Laisse-moi voir, je peux peut-être les retirer !

Il refusa.

-Pyro ! Je ne vais pas te laisser dans cet état !

« Et j'aurai du mal à t'utiliser comme bouclier si tu es à la traîne » ajouta-t-il pour lui-même.

Il accepta enfin, plaçant ses bras derrière lui pour se maintenir en arrière. Le Français se mit de côté pour examiner la jambe les balles ne s'étaient pas enfoncées très profondément dans la chair, il pourrait facilement les enlever avec la lame du couteau de chasse. Il jeta un regard inquiet à son nouveau coéquipier.

-Ça risque de faire mal, alors serre bien les dents ! le prévint-il.

« Et puis, je ne vais pas me gêner, tiens ! » pensa-t-il. Il avait beau lui vouloir du mal, il s'appliquait à extraire la première balle en douceur. Il posa une main sur la jambe pour la maintenir, et de l'autre il appuya le plat de sa lame contre le rebord d'une des plaies. Il sentit la jambe se contracter sous ses doigts et un petit cri étouffé sortit du masque. L'acier plongea dans le trou de chair, glissant contre l'ogive de plomb jusqu'à en atteindre le bout. Cette fois, Pyro hurla en rejetant la tête en arrière. La lame bascula, les coudes du blessé touchèrent le sol et un tintement métallique indiqua que la première balle était sortie.

-Inspire et expire profondément, ça atténuera la douleur.

-RRRMMMMMHH ! RRFFGHRR MGGFREM GFMRREE MDFPPPHHT MFME !

-Je vais faire comme si je n'avais rien entendu et passer à la deuxième balle…

Il recommença la manœuvre. Cette fois l'incendiaire était allongé par terre, les mains sur les verres de son masque. Spy avait du mal à supporter les hurlements étouffés du RED. Non pas parce qu'ils étaient habituellement ennemi tous les deux, mais parce que ça lui faisait de la peine. Il n'avait jamais entendu le pyromane crier ainsi même lorsqu'il le poignardait. Évidemment, l'espion ne s'y prenait pas aussi bien que Medic, et lui n'avait pas d'arme fabuleuse qui guérissait tout et n'importe quoi. Lorsqu'il s'attaqua à la troisième balle, il fut surpris de voir la manche orange s'accrocher à sa jambe et d'entendre le monstrueux RED pleurer. Spy n'avait jamais considéré l'homme devant lui comme une personne, mais plutôt comme une chose, un monstre même. Personne ne connaissait son visage ni même son histoire. Personne ne savait ce qu'il disait ou avait dans la tête. Mais ce que tout le monde savait, c'est qu'il prenait plaisir à brûler tout ce qui l'entourait en riant ou grognant. Aujourd'hui, il le voyait souffrir, supplier et pleurer. Peut-être qu'il avait une part d'humanité en lui finalement. Lorsque le plomb tomba par terre comme les deux autres, l'homme en bleu frotta l'épaule du pyromane à terre.

-Voilà, c'est fini, l'ami, je n'ai plus qu'à bander ta jambe, tu veux bien maintenir ton pantalon relevé ?

L'autre essayait de calmer ses pleurs. L'espion soupira et se pencha pour passer ses bras sous l'homme en orange et le redresser doucement.

-Eh, eh ! Calme toi, c'est fini, s'attendrissait le Français.

Pyro hocha la tête en retenant quelques gémissements et releva son pantalon au-dessus de ses plaies, les mains encore tremblantes.

-Tu n'es pas aussi douillet d'habi…

Il s'arrêta lorsqu'il baissa les yeux sur la jambe de l'incendiaire. Son tibia et son mollet étaient marqués de plusieurs traces d'entailles et des marques rosâtres et fripés s'étendant sur sa cuisse attestaient qu'il avait été gravement brûlé récemment.

-Tu t'entraînes sur toi, dis-moi ? Ou tu es juste un grand maladroit ?

Le RED avait beau porté un masque, Spy se sentit fusillé du regard.

-Très bien, je ne poserais pas de question là-dessus. Libre à toi de t'amocher comme tu le souhaite après tout, ce n'est pas mon problème !

Il serra la bande blanche autour de la jambe du blessé et rabaissa le pantalon. Ensuite il fit passer un des bras du pyromane autour de ses épaules et il le souleva. Il remarqua alors à quel point son pire ennemi était petit il devait se pencher pour être à sa taille. Il entendit alors un marmonnement prêt de son oreille et pour une fois il comprit un « merci ».
Ce mot était si sincère qu'il ne put s'empêcher de sourire.