Thémis

L'immense bureau était plongé dans un calme inhabituel. Les deux hauts-gradés, assis l'un en face de l'autre entre le bureau en bois de chêne, buvaient tranquillement un thé dont les plantes avaient été extraites directement de l'île des hommes poissons. L'une des fenêtres était ouverte pour rafraichir l'air ambiant particulièrement chaud en cette saison, faisant ainsi virevolter le fin tissu rosé qui les protégeait des rayons du soleil. Au loin, les deux amis pouvaient entendre les hommes travailler avec acharnement à reconstruire ce qui était quelques semaines encore l'imposant et respecté bâtiment de Marineford. La guerre au sommet avait pris fin il y a moins d'un mois. Et dans quelques heures ce serait la fin du fardeau que l'amiral en chef portait sur ses épaules depuis des années. Sa lettre de démission officielle, impeccablement emballée dans une enveloppe bleu ciel, trônait au centre du bureau, juste à côté du service à thé. Quand la vice-amiral eu finit sa tasse, elle prit la parole. Sengoku trempa un des gâteaux salés -qui avaient miraculeusement survécus à Monkey D Garp- dans son thé maintenant tiède.

-Ton commandement va me manquer. Dit-elle de but en blanc. Sengoku sourit, il était habitué au franc parlé de son amie.

- Il ne pourra pas changer grand-chose. Il va comprendre que la Marine est le pantin du Gouvernement Mondial et devra apprendre à leur obéir, tout comme j'ai du le faire. Expliqua lentement le futur ex amiral en chef, la bouche pleine.

-Ce gosse serait capable de se mettre le Cipher Pol à dos. Maugréa Tsuru en piquant un gâteau dans le sachet de son ami.

Sengoku sourit mais ne répondit pas. Dieu seul savait de quoi était capable le chien rouge.

Au bout de quelques minutes de silence où chacun des deux se resservirent du thé, Tsuru chuchota :

-Je m'inquiète pour les femmes de la Marine.

Sengoku détacha son regard de l'enveloppe qui allait le démettre de ses fonctions et plongea son regard dans celui de la femme.

-Être une femme dans la Marine était déjà bien compliqué avant, je n'ose imaginer comment cela va devenir avec Akainu au pouvoir.

Sengoku ne répondit pas mais hocha la tête lentement.

-Il nous considère comme des êtres faibles, inférieurs. Tu as entendu ce qu'il a dit la dernière fois quand il a su qu'il allait devenir amiral en chef ?

Sengoku essaya de se remémorer cet instant. Quand il avait annoncé officieusement qu'il souhaitait se retirer, cela avait plongé Marineford dans le chaos. La marine s'était alors divisée en deux : ceux souhaitant suivre l'amiral Akainu et ceux préférant mourir que de le voir devenir amiral en chef à la place d'Aokiji. Et il y avait eu ce combat ridicule entre les deux amiraux.

Sengoku soupira. L'avenir de la Marine s'annonçait bien sombre.

-J'ai bien peur que de moins en moins de femmes ne s'engagent à nos côtés à cause de ce monstre. Ce qui induit encore moins de femmes dans les rangs des hauts gradés… Finit Tsuru en avalant sa tasse fumante d'un traite.

-La Marine gagnerait à avoir des femmes hauts gradés, encore plus si c'est cet imbécile qui prend le pouvoir. Avoua Sengoku.

Sengoku essaya de se resservir mais la théière était vide. Il s'affala quelques secondes dans son fauteuil, laissant sa main glisser sur le pommeau de la chaise. Il savoura une dernière fois cette place, ce bureau baigné de lumière, ce grade…

Il se releva doucement, tout comme Tsuru qui venait de finir son troisième gâteau. Il s'empara de sa lettre de démission officielle cachée dans la magnifique enveloppe et ils quittèrent tout deux le bureau d'un pas lent.