Titre : De lames et de sang

Résumé : Respecté, craint, adulé ... le Caporal Rivaille ne laisse personne indifférent, et ce même si bien peu de gens peuvent se targuer de le connaître vraiment. Il suffit pourtant de grappiller les secrets pour découvrir l'Homme qui se cache derrière le titre.

Rating : Disons M pour ratisser large, on ne sait jamais à quoi s'attendre avec Rivaille dans les parages !

Disclaimer : Shingeki no Kyojin appartient à Hajime Isayama. Le Capitaine Krieger et les ''débris'' de l'état-major m'appartiennent ... même si j'accepte avec joie de céder tout le lot contre Rivaille \o/

En vous souhaitant une bonne lecture ^^


DE LAMES ET DE SANG

Chapitre 1 : Bas fonds

Utopia. Capitale du monde humain.

Erwin avait toujours imagé que se rendre un jour dans cette ville si particulière devrait être grisant mais pourtant, ça ne l'empêchait pas de déchanter lourdement maintenant qu'il s'y trouvait. La raison de sa présence ici n'était en rien réjouissante, et la pluie qui l'avait accompagné tout le long du voyage depuis le mur Maria lui collait salement le cafard. Sans parler de la condition des populations se succédant depuis les confins du royaume jusqu'à son centre … dépitant nivellement vers le bas. Vers un luxe tapageur s'affrontant à la misère humaine des plus pauvres districts. Vers une morgue honteusement affichée là où d'autres peinaient à concilier survie et fierté. La présence des titans grognant aux pieds du mur n'était décidément pas suffisante pour bonifier l'être humain … .

« Vous semblez bien sombre Lieutenant Smith, est-ce le temps qui jouerait sur votre moral ? »

La voix grave résonnant en face du blond lui fit instantanément relever la tête, et un demi-sourire vaguement amusé joua un instant sur ses lèvres en découvrant celui - plus franc et plus large - de son interlocuteur. De son supérieur également.

« Je ne vois en effet que cette solution, Capitaine. Mais la faune colorée d'Utopia devrait suffire à me rendre toute ma bonne humeur habituelle.

- À la bonne heure alors Erwin ! Après tout, il ne faudrait surtout pas que nos tronches de paysans mal dégrossis répugnent nos hôtes, je m'en voudrais éternellement sinon. »

Rires francs et regards de connivence de part et d'autre, le tout réussissant à délester le blond d'une partie de son stress sans plus d'efforts. Il fallait bien avouer que son supérieur hiérarchique avait le chic pour mettre les gens à l'aise en toutes situations, et celle-ci n'échappait nullement à cette règle. Fût-elle fort désagréable et placée sous de mauvais auspices … .

Quatre des dix escouades que comptaient les Bataillons d'Exploration avaient été massacrées lors de leur dernière mission, n'offrant même pas un seul survivant à porter aux nues ou à remettre sur pieds. N'offrant même pas un seul cadavre à pleurer et brûler dans un rassemblement fraternel. Tout ce qui restait de ces cent-vingt soldats, c'était le souvenir d'eux quittant le district de Klorane. L'air crispés ou dépités. La boule au ventre tandis que tous s'efforçaient de ne pas se retourner vers les portes de la ville tout en s'éloignant d'elles. Ça et les quelques affaires et chevaux retrouvés par l'escouade du Lieutenant Erwin Smith lors de sa mission de récupération.

Un bel échec en soit.

D'autant plus lorsque l'état-major siégeant à Utopia n'attendait guère qu'un prétexte plus ou moins bon pour dissoudre enfin son corps d'armée le plus mortifère et le plus décrié !

D'autant plus lorsque l'état-major siégeant à Utopia n'attendait guère qu'un prétexte plus ou moins bon pour s'offrir la tête du Capitaine Krieger qui avait présentement l'air de s'en moquer le plus royalement du monde, son visage marqué par les années de service affichant toujours son inénarrable sourire comme s'il se rendait aujourd'hui à la capitale pour y faire des emplettes en compagnie de son subordonné préféré. Sans doute auraient-ils préféré justement. Même si Erwin était bien le seul à trahir son malaise tandis que leur véhicule se stoppait enfin devant le siège des Brigades Spéciales dans le hennissement nerveux des chevaux apparemment rudoyés par un cocher n'ayant pour seule hâte que celle de rentrer chez lui.

Au-dehors, la pluie tombait toujours. Toujours aussi drue. Toujours aussi glaciale tandis que le futur condamné venait de se lever tout en ouvrant la porte, son regard perçant balayant aussitôt les environs tandis qu'un ricanement agita son corps lorsqu'il se rendit compte que leur comité d'accueil se résumait aux deux plantons collés devant la porte. Ah elles étaient belles, les Brigades Spéciales … .

« Haut les cœurs Erwin. Si jamais j'arrive à les convaincre que ma tête est plus intéressante que les Bataillons d'Exploration, alors tu en deviendras le treizième leader. Un bon chiffre Erwin, alors haut les cœurs. »


La Ville Souterraine. Sa puanteur digne des égouts. Sa couche de boue recouvrant continuellement le sol quand bien même elle n'avait plus connue la pluie depuis bien des années. Cet endroit sordide lui donnait envie de se coller la tête contre le mur le plus proche, mais Erwin luttait toutefois de toutes ses forces pour ne pas laisser trop apparaître son agacement. Sa détresse aussi.

Comme il s'en était douté à l'instant même où lui et le Capitaine Krieger avaient été convoqués à Utopia, ce dernier avait été limogé la veille. Après un entretien de seulement trois heures avec l'état-major. Autant dire que l'affaire avait été expédiée sans la moindre once de discernement, mais si le destin du désormais ancien officier était bel et bien scellé, il n'en n'allait pas de même pour celui de son corps d'armée qui demeurait encore sur la sellette. Soumis aux seuls actes d'un Lieutenant Smith en passe de devenir lui-même Capitaine si jamais il réussissait à prouver sa valeur aux ''sages débris'' siégeant entre trois rangées de mur sans réellement se soucier des êtres de terreur rôdant à des centaines de kilomètres d'eux. Oisifs dérangés souhaitant s'amuser au détriment du blond qui pataugeait donc désormais allègrement dans la merde d'une Cité Souterraine apparemment impossible à reprendre des mains des voyous la peuplant !

« Nettoyez les tréfonds d'Utopia de sa lie et les Bataillons d'Exploration continueront à exister ! »

L'instruction avait claquée dans la grande salle comme un ordre tandis que les regards s'étaient déjà détournés de sa personne pour ne plus se fixer que sur l'un des hauts officiers sortant déjà un jeu de cartes afin que tous pussent enfin s'occuper un peu. Comme un ordre mais surtout comme une exhortation à les divertir en payant de sa personne qu'ils allaient prendre plaisir à voir se débattre dans les miasmes d'une criminalité dont tous se moquaient pourtant éperdument. Enfin, si ça les amusait et que c'était susceptible de rendre service à qui que ce fût le méritant, Erwin allait le faire.

Pas qu'il eut le choix de toutes manières … .

« Nous entrons ici sur le territoire des Doranen, Monsieur, alors vous devriez … vous voyez quoi … . »

Le tout expliqué d'une voix nerveuse par le soldat lui servant d'escorte, celui-ci ayant aussitôt empoigné fermement son fusil tout en tremblant légèrement. Manifestement, ce gamin aurait souhaité se trouver absolument n'importe où sauf ici, et le blond se força alors pour lui offrir son sourire le plus rassurant possible. Une jeune recrue stressée comme pour sa nuit de noce ne lui serait pas vraiment utile, alors autant rationaliser et accroître autant que possible leurs chances … mais leurs chances de quoi au juste ?! Erwin lui-même n'était pas sûr de l'avoir réellement compris, raison pour laquelle il appréciait encore moins ce bourbier dans lequel l'état-major lui avait enfoncé la tête sans pitié. Sans réelles instruction. Et sans l'ombre d'une information utile ! Le môme l'escortant avait toutefois su lui apprendre grossièrement la situation tandis que tous deux avaient cheminé tout en s'enfonçant sous le sol, lui dressant ainsi un portrait bien peu ragoutant de ce qui semblait grouiller sous la surface de la terre.

Depuis plusieurs années maintenant, deux factions rivales s'affrontaient pour obtenir la mainmise sur la Ville Souterraine. Deux gangs de criminels et de vauriens n'hésitant pas à s'entre-tuer pour une fraction de pouvoir supplémentaire destinée à asseoir leur domination de manière définitive sur les lieux. D'après les dires du gosse, Doranen et Valkerion ne valaient d'ailleurs pas mieux l'un que l'autre en matière de moralité, et c'était donc dans le plus grand des hasards que le blond avait opté pour la première de ces deux factions, descendant aussitôt vers son but en espérant pouvoir jauger des effectifs en présence le plus efficacement possible. Pour trouver une idée aussi, accessoirement … .

Et une idée qu'il allait devoir trouver très vite pour éviter un massacre s'il devait en croire les bruits de combat et les cris de rage qui ne tardèrent pas à rouler entre les murs tandis que les deux hommes s'enfonçaient plus profondément sur le territoire ennemi ! Les petites ruelles parcourant la ville comme autant de veines étaient d'ailleurs tout autant un atout qu'un désavantage à ce stade-là, leur permettant une avancée certes discrète mais pour autant assez lente et hasardeuse. Quoi que, ironiquement, les râles douloureux étaient actuellement le meilleur de leur guide pour les conduire tout droit vers une scène qui tira un hoquet de terreur à la bleusaille tandis que Erwin l'alpagua par le bras pour le tirer en arrière et ainsi se dissimuler derrière un pan de mur miteux. S'offrant par la même occasion un point de vue parfait sur le combat qui se déroulait désormais sous leurs yeux. Et ce même si le mot ''d'exécution'' aurait bien mieux convenu !

Bloqués par un éboulement de pierres provenant sans doute du mur éboulé d'une baraque en ruine toute proche, cinq hommes se battaient avec hargne et désorganisation, deux d'entre eux gisant déjà dans la boue tandis que les deux autres s'échinaient à mettre à terre le dernier homme qui leur menait pourtant la dragée haute malgré sa taille.

Frappant avec une puissance que ne trahissait pas son physique apparemment menu.

Frappant avec une précision qui témoignait par contre parfaitement de ses aptitudes au combat.

« Rivaille ! »

Derrière le blond, le prénom venait d'être soufflé dans un gémissement presque douloureux tandis que le jeune soldat s'était encore plus rencogné contre le mur, s'y plaquant avec application comme s'il souhaitait disparaître entre les parpaings fatigués. Ses mains tremblaient d'ailleurs tant et si bien que la crosse de son fusil grelottait contre le cuir de ses bottes comme un écho au claquement de ses dents.

« Hey calme-toi, ça va aller. Est-ce que tu peux me dire qui sont ces types ? »

Regard paniqué pour toute réponse, et lorsque le bleu recula carrément de plusieurs pas comme piqué par un frelon, Smith comprit aussitôt que le calme régnant désormais sur l'endroit n'était pas bon signe. Tout comme la voix qui s'éleva un instant plus tard dans son dos.

« Tu es sur mon territoire, pécore. Tu as trente secondes pour en dégager ou sinon je t'étale par terre comme les quatre autres. »

Cet inconnu était sérieux à espérer ainsi sa fuite ? Son visage renfrogné semblait en tout cas l'indiquer maintenant que Erwin s'était retourné vers lui, sa haute stature rendant presque une trentaine de centimètres au jeune homme se tenant devant lui sans que cela ne fût suffisant pour vraiment le rassurer. Il émanait de ce ''Rivaille'' quelque chose de sauvage et de dangereux.

Venimeux presque.

« Et à qui ai-je affaire ?

- Le morveux a déjà répondu à ta question. Et il ne te reste plus que vingt secondes … .

- Lieutenant, c'est Rivaille ! Le chef en second des Valkerion ! On ferait mieux de remonter tout de suite à la surface ! » se mit alors à glapir le soldat tandis que sa voix montait progressivement dans les aiguës sous le coup de la peur, ses mains serrant avec force le bras du blond tout autant pour le traîner à sa suite que pour se planquer derrière lui.

« Chef en second des Valkerion hein ? Parfait dans ce cas, plus besoin de me casser la tête pour savoir où commencer ma mission … . Je suppose par contre que tu ne vas pas sagement m'écouter et que tu vas préférer jouer des poings avant toute discussion ?

- Lieutenant vous êtes totalement fou ! Il va nous tuer si on ne dégage pas maintenant ! »

Le gosse semblait vraiment être au bord de l'hystérie tandis que ses ongles se plantaient si fort dans la veste de Erwin que ce dernier les sentait pénétrer désagréablement sa peau, sa main libre venant alors décrocher chacun des doigts du soldat avec calme malgré la tension régnant. Le tout sans quitter Rivaille du regard un seul instant, et ce même lorsqu'il s'adressa à son compagnon d'infortune.

« Je vais m'occuper de ça, tu peux remonter à la surface. Je te rejoindrai dès que j'aurai fini, alors ne t'embête pas à m'attendre et rejoins plutôt ton baraquement. »

Nouveau glapissement désespéré retentissant dans son dos, et le jeune homme sembla un moment être sur le point de répliquer lorsque le regard de Rivaille le cloua sur place, le faisant littéralement s'étaler tête la première dans la boue lorsqu'il se retourna précipitamment afin de prendre ses jambes à son cou. Une débandade à peine repoussée de quelques secondes vu la vitesse fulgurante qu'il mit à se relever puis courir, le bruit précipité de ses pas ne tardant alors pas à se perdre au loin pour les laisser seul.

Seul face à la main que Erwin tendait désormais en direction de son vis-à-vis.

« Tu en as dans le froc pour oser faire quelque chose comme ça, j'avoue que j'apprécie assez les hommes qui savent ce qu'ils veulent … et tu veux ? »

Prendre la parole ne s'était toutefois pas accompagné d'un serrage de main en bonne et due forme - même pas d'une esquisse de geste en direction du blond à vrai dire - mais celui-ci ne s'en formalisa pas outre mesure tandis que son bras retombait le long de son corps. Les animaux sauvages étaient toujours difficiles à apprivoiser, même s'ils daignaient ne pas mordre tout de suite.

« Te recruter. D'après ce que j'ai compris de la situation ici, les miliciens des Brigades Spéciales s'amusent à distiller les armes au compte-gouttes dans la Cité Souterraine histoire de vous voir vous écharper pour ces quelques miettes. Tu ne vas pas me faire pas croire qu'un type comme toi se contente de cette situation … ?

- Un type comme moi ? » reprit Rivaille d'une voix détachée et apparemment habituelle, ses deux bras se croisant bientôt sur son torse sans chercher à dissimuler le matériel militaire qu'il portait sur lui. L'équipement tridimensionnel n'était de toutes façons pas discret, même si cela n'enlevait rien aux capacités d'observation de son interlocuteur.

« Tu as la mort au fond des yeux, que dirais-tu d'aller la propager à l'extérieur des murs ? De casser du titan à la place de s'acharner sur des pauvres types qui rampent ici sans aucune fierté ? A moins que tu n'aies peur ? Ou alors que tu ne te complaises dans la boue ? »

Attaque à peine voilée mais terriblement osée, débitée d'un ton si calme et détaché qu'ils auraient présentement pu parler du prix des patates sur le marché.

Défi plus que risqué si jamais cet homme se révélait plus instable que son air blasé.

« Nhh … j'avoue que l'idée me tente bien, mais garde tes défis puériles pour toi. Je ne suis pas du genre à m'énerver pour un rien, tiens-toi le pour dit. »

Clair, net, précis. Sans un mot plus haut que l'autre ni véritable signe d'intérêt. Rivaille s'éloignait d'ailleurs déjà du Lieutenant sans un regard en arrière, ses pas se dirigeant vers la place centrale permettant de quitter la ville basse pour rallier Utopia.

« Inutile de perdre du temps Lieutenant Erwin Smith, je suis prêt à partir sur le champ. Ce sont tes supérieurs qui vont apprécier tes méthodes … . »

Sagacité était apparemment maîtresse sur leurs têtes respectives.

Sur celle de Erwin pour avoir su analyser correctement les va-et-vient de lourdes caisses en bois qu'il avait pu surprendre pendant ces deux jours passés dans les locaux de la Police Militaire. Pour avoir compris en un instant que les voyous fatigués de ce taudis ne tenaient certainement debout que grâce au charisme d'une poignée d'hommes dont faisait partie Rivaille. Rivaille qui avait embrassé ces déductions en un instant tout en servant déjà ses propres projets.

Et ce même si le-dit Erwin ne put s'empêcher de tiquer sur l'air vaguement satisfait qui retroussa un instant les lèvres de sa nouvelle recrue … .


« Nous nous sommes finalement débarrassé de ce Rivaille. Avec un peu de chance, il sera bouffé par un titan dès sa première mission et son cas sera définitivement réglé … .

- J'avoue que ce Smith a été étonnement utile dans cette affaire, à croire qu'il y tient vraiment à ses Bataillons d'Exploration !

- Pour sûr qu'il y tient, ce mec a l'air d'être aussi fêlé que Krieger !

- Krieger, Krieger, Krieger … au moins ce vieil emmerdeur ne viendra plus nous mettre des bâtons dans les roues. D'autant plus que Smith n'a pas l'air d'être de sa trempe : bien trop policé pour oser foutre ses mains dans la merde ! Sans compter que s'il a le malheur de faire confiance à l'autre chien fou, il ne tardera pas à se faire poignarder dans le dos … . »

Une funeste perspective qui sembla un moment figer l'assistance dans le silence, ces quelques officiers de l'état-major semblant alors cogiter sur tous les bienfaits du départ de ce démon souterrain.

Un fou et un inconscient. Ces deux qualificatifs ne faisaient absolument aucun doute dans leurs esprits.

« Par contre, j'ai l'impression que le Général Zackley tire la gueule depuis qu'il a appris la nouvelle. »

Nouveau silence planant sur la pièce. Plus lourd cette fois-ci.

Ou comment espérer ne pas avoir fait une belle connerie en laissant Rivaille s'échapper avec un mec certes raillé mais néanmoins suffisamment doué pour être toujours en vie malgré ses excursions extra-muros … .