Disclaimer : les personnages appartiennent à Haruichi Furudate

Auteur : LilaCookies

Titre : Le gendarme et le voleur / Partie 1 : « La mauvaise foi se boit cul sec, avec aplomb »

Genre : OS, UA, romance, humour, yaoi

Rating : T

Commentaires : Cet OS est en deux parties, j'espère que vous passerez un bon moment à le lire. Bonne lecture.



Un chat noir sort d'une Twingo.

Il n'a pas l'air content, il a même l'air miteux, aussi miteux que sa petite voiture.

Le félin rumine et maudit silencieusement les cieux.

Il n'a -à aucun moment- considéré correctement son moyen de transport : sa Twingo, sa vieille Titine, son petit pot de yaourt adoré.

Bleue, rayée de partout, sans clim, avec un embrayage qui refuse de jouer son rôle une fois sur deux. Réussir à passer la première, sans qu'elle saute, relève trop souvent du miracle…

Il n'arrive pas à s'en séparer bien qu'il ait l'air d'un étudiant fauché dans ce petit tas de boue.

Il l'aime d'amour cette voiture.

Oui, le célibat t'impose parfois d'aimer ta voiture.

Le matou évalue avec mécontentement l'ampleur des dégâts en se regardant dans le reflet de la vitre.

Il grimace : son costume a pris cher pendant le trajet. Lui qui aime à tout moment être sobre et impeccable, son apparence lui donne de l'urticaire : les oreilles de chat sont toutes pliées, le pyjama noir est froissé et pour ajouter à son élégance, il a écrasé sa queue dans la portière, a roulé sans s'en rendre compte, elle se retrouve partiellement dépoilée et tordue.

Son mètre quatre-vingt et son corps élancé n'étaient déjà pas très crédibles dans ce costume pleins de poils, à présent il ressemble carrément à un chat errant, ridicule et mouillé.

Parce qu'évidemment il pleut et la Twingo prend l'eau.

Ce serait trop facile sinon.

Oui, la vie a décidé d'être une chienne ce soir, c'est moche pour un chat.

L'envie irrésistible de faire demi-tour le saisit : clairement, il n'est pas assez sociable et trop vieux pour faire une boum-party en costume de chat.

D'ailleurs qui donne encore ce genre de fête à presque trente ans ? Il connaît trop bien la réponse : ses amis…

Ses amis ?

En cet instant il serait prompt à les renier tel Judas.

Il devrait peut-être se faire adopter par de nouveaux copains ?

Cette idée est alléchante.

Une hésitation à rentrer chez lui -un quart de seconde- le rempli d'allégresse.

Juste un quart parce qu'il sait qu'il va y aller à cette fête ridicule.

Quand on est calme et réservé c'est fatigant de se faire de nouveaux amis, presque contre-nature.

Et puis, il a promis.

Il ne revient jamais sur ses promesses.

D'habitude il évite de promettre.

Il s'est fait piéger.

Il a bu du vin.

Il a bu une bouteille de vin.

Il fait donc l'effort.

La porte de la résidence est entrouverte : heureusement que le chat n'est pas un voleur…

Un écriteau l'informe gentiment que l'ascenseur est en panne.

Le sms qu'il a reçu indique que l'appartement est au sixième…

Ce serait trop facile sinon.

Le propriétaire de Titine ne rechigne jamais devant l'effort mais avec ce pyjama il va attraper une suée !

La seule fête qu'il accepte de faire cette année, se doit d'être un parcours du combattant.

Un soupir à fendre l'âme.

Un corps qui se résigne.

L'animal prend son courage à deux pattes et s'agrippe à la rambarde pour débuter l'ascension. Ses chaussons noirs tout doux, tout duveteux, glissent sur les marches de bois.

Habilité et concentration sont essentielles pour ne pas finir à terre.

Sa queue tordue se ballade et vient taper sur ses jambes ajoutant à son profond agacement.

Évidemment, au sommet, Kitty-Cat a les joues rouges et est au comble du déplaisir.

Il souffle et tente vainement de redonner une apparence décente à son costume en passant le plat de sa main sur le tissu poilu. Il remet en place les mèches noires de ses cheveux ébouriffés et repositionne le serre-tête oreilles de chat. Il cligne plusieurs fois sur ses yeux bleu nuit pour retrouver son calme et sa lucidité.

Sans chercher le félin trouve l'appartement : une musique déraisonnablement forte s'échappe de l'entrée pourtant close.

Le miteux minet plisse un instant ses yeux pour mieux entendre –ça parait logique.

« Here I am ! Rock you like a hurricane ! »

Il sonne à la porte, en se promettant de tenir au moins une heure.

Ça ne répond pas.

Il sonne une deuxième fois.

Toujours pas.

Un nouveau soupir.

Le chat pénètre dans l'appartement avec un mouvement énergique.

La musique heurte ses oreilles tandis qu'il pénètre dans un lieu entièrement plongé dans le noir.

« Rock you like a hurricane ! »

Il avance de quelques pas à la recherche de la source musicale, de la lumière, des invités.

Évidemment il y a un tapis. Il le réalise trop tard et s'étale lamentablement par terre.

Ce serait trop facile sinon.

Face contre terre, les genoux et les coudes endoloris, il resterait bien là mourir mais une lumière aveuglante vient agresser ses yeux et la musique assourdissante se stoppe nette.

Une ombre se positionne au-dessus de lui et se marre à gorge déployée.

Devant l'offense le chat se relève tant bien que mal.

L'autre ne l'aide pas.

Il se retrouve le nez à cinquante centimètres d'un homme au regard bien trop brillant.

Se remettant de sa chute, il scrute le moqueur : un peu plus grand que lui, des cheveux poivre et sel dressés sur la tête, des bras larges croisés sur son torse, un rire à pleine dents blanches d'acteur américain, des yeux dorés complétement insensés.

Le souffle est un instant coupé.

Les muscles sont pris de tétanie.

On entend la foudre, non ?

Il ne manquait plus que ça : un avion de chasse non identifié qui se moque de lui. Le maladroit ne s'est jamais sentit aussi pouilleux de toute sa vie.

C'en est trop pour une seule soirée, il n'a pas signé pour Koh-Lanta et réplique acerbe :

- Ça vous amuse ?!

L'autre ne délaisse pas son sourire :

- Beaucoup.

- J'aurais pu me faire mal !

- Vous étiez vraiment trop drôle, affalé sur mon parquet. Ne soyez pas vexé, ça vous a sauvé la vie.

Le ton est amusé mais ferme et assuré.

- Pardon ?!

- Un cambrioleur, déguisé en chat qui se prend les pieds dans mon tapis, avouez que personne ne peut résister à ça ? C'est une nouvelle technique de diversion ?

- Hein ?

- Qui êtes-vous ?

Le jeune homme plisse ses yeux bleus –à force il devrait peut-être consulter un ophtalmo- et remarque derrière le sourire, un regard menaçant.

Il n'est pas homme –ou chat- à se laisser impressionner et corrige l'énergumène comme un enfant :

- Quand on demande son nom à quelqu'un, l'élémentaire politesse est tout de même de se présenter avant !

Les yeux dorés s'assombrissent, boudeurs :

- Vous êtes dans MON appartement.

- Ça, on ne risque pas de l'oublier ! C'est un obstacle pour être poli ? C'est vraiment le pompon !

- Plus personne ne dit « c'est le pompom »…

Le propriétaire des lieux se remet à sourire et un silence passe, le félidé a remporté ce premier round et il affirme avec aplomb :

- Je suis là pour la soirée déguisée.

- Que suis-je bête, cela explique en effet pourquoi vous vous êtes autorisé à entrer chez moi.

Il se frappe le front avec ironie dans un mauvais jeu d'acteur.

L'américain est peut-être comédien mais pour les mauvais téléfilms de l'après-midi.

- J'ai sonné deux fois à la porte mais avec votre musique de sourd dingue vous n'avez sans doute rien entendu !

Les deux hommes se toisent comme deux enfants dans la cours de récré :

- J'avais peut-être pas envie de répondre !

- J'avais peut-être pas envie d'attendre sagement que vous déniez vous pointer. De plus, votre porte était ouverte, je me suis senti invité !

- Oh vraiment ?!

Le chat déglingué ne sait pas s'il doit se sentir menacé ou s'ils sont en train de jouer. L'autre ne le laisse pas respirer :

- Reprenons, pourquoi êtes-vous chez moi ?

- Je vous l'ai déjà dit : je viens pour la soirée déguisée. D'ailleurs, il ne me semble pas que vous, vous soyez invité.

- Voulez-vous que je sorte de chez moi pour vous laisser la faire ?

- Vous êtes sûr que c'est chez vous au moins ?

- Ou vous être con ou vous me prenez pour un con, probablement les deux ! En tout cas, vous êtes le pire menteur que je n'ai jamais vu.

- Je ne mens pas.

- Votre excuse est nulle. Vous devriez en trouver une autre pour votre prochain cambriolage.

- Vous dites n'importe quoi. Quelle personne saine d'esprit viendrait commettre un vol en costume de chat ?

- Vous ne me semblez pas sain d'esprit.

- Vous ne me semblez pas très sympa.

Leurs regards s'affrontent.

- Il est nul votre déguisement. Qui oserait se rendre à une fête habillé en chat clodo, admettez que votre version est bien moins crédible que la mienne !

- J'ai eu quelques soucis…

- Lesquels ?

- Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Je confirme vous n'êtes pas très gentil. Genre, pas du tout même !

- Comment réagirez-vous si vous trouviez un chat pitoyable affalé sur votre tapis dans le noir ?

Le félin hausse un sourcil au « pitoyable » et esquisse un sourire pleins d'ironie :

- Très bien. Il y a visiblement une erreur sur les lieux, merci de votre accueil, je vais y aller maintenant.

- Pas si vite ! Avez-vous pris quelque chose dans cet appartement ?

Le chat manque de s'étouffer d'indignation.

- C'est une blague ? Tant qu'on y est vous ne voulez pas me fouiller non plus ?!

Le propriétaire s'approche dangereusement :

- Puisque vous m'y invitez…

L'ironie ne devait pas être suffisamment évidente…

Un pas en arrière.

Deux pas en arrière.

- Ne reculez pas comme ça, je ne vais pas vous faire de mal, juste vérifier votre histoire.

- Pour qui vous vous prenez ? Vous êtes flic ou quoi ?

Dos au mur. Littéralement.

- En effet ! Écartez les bras et les jambes !

Le ton autoritaire le surprend.

- Ça ne vous autorise pas à…

Il se tait incrédule.

L'autre saisit ses bras et les relève sans agressivité.

Décharge d'adrénaline.

Il n'a jamais frappé personne cependant son palpitant fait des bons prêt à défendre sa vie si le moindre geste dérape.

Il retient son souffle mais les mouvements demeurent délicats et précis.

Le policier palpe d'abord ses côtes, puis sa taille, descend le long des jambes. Une insolente odeur de musc vient titiller les narines du félin.

La chorégraphie est très professionnelle, avec un je-ne-sais-quoi de douceur, de langueur qui laisse le chat pantois.

Un silence vient conclure cette fouille, le voleur note le regard or qui s'attarde quelques secondes de trop dans ses yeux noir d'eau.

Le soi-disant policier semble subjugué au point d'en oublier d'être intelligent :

- Ce sont vos yeux ?

- Non je les ai volé dans votre appartement !

Retrouvant son sang-froid le chat repousse l'agresseur. Le geste sort le flic de son admiration :

- Ok. Aucun de mes biens n'est visiblement caché sur vous.

- Je me tue à vous le dire ! Il s'agit juste d'un malentendu, j'ai dû me tromper d'étage, voilà tout !

- Mouais.

Cet homme lui fait penser à un enfant, un enfant dangereux, un enfant qu'on n'arrive pas à cerner.

Le félin n'aime pas être ainsi dépourvu. D'habitude il cerne les gens au premier regard, c'est très perturbant :

- Vous venez de m'agresser sexuellement, c'est vous qui êtes en tort dans cette histoire.

Le propriétaire des lieux est soudain mal à l'aise, il se défend, indigné :

- Mes gestes étaient strictement professionnels !

Le chat le taquine au souvenir des yeux accrocheurs et accrochés :

- Vraiment ?

- Au risque de me répéter, vous êtes dans MON appartement, sans y être invité.

- A un moment donné vous n'aviez qu'à fermer à clef votre porte et rien de tout ceci ne serait arrivé.

- Je suis donc responsable de cette situation ?

- Absolument.

La mauvaise foi se boit cul sec, avec aplomb.

Le policier sourit en coin et son visage s'adoucit :

- Savez-vous au moins où vous allez ?

Le brun se demande s'il le teste encore et répond avec toute la sincérité qu'il a en stock :

- Bien sûr : 13 rue du Maréchal, appartement 603, sixième étage.

Le propriétaire des lieux le fixe puis éclate de rire, un rire chaud, tonitruant qui empli tout l'appartement. Un rire de gamin qui contraste avec les lignes masculines de sa mâchoire.

- Qu'y a-t-il ?!

- C'est l'immeuble d'en face.

- Ha ! Hein ?

Quand tu te sens con, mais alors vraiment con et qu'il n'y a plus de mauvaise foi à boire.

Le silence.

Face à la mine déconfite du presque-trentenaire, le rire repart de plus belle et redonne du poil à la bête :

- Cessez de rire ça peut arriver à tout le monde !

- Non je ne crois pas, à moins d'être un chat avec le sens de l'orientation d'une huître bouillie.

- Ce que vous pouvez être désagréable. Je rentre chez moi !

- Vous ne vous excusez même pas pour la gêne occasionnée ?

Sans un mot, il esquisse un pas vers la sortie avec un sourire pas du tout désolé.

Aïe.

Un deuxième pas.

Ouille.

Il grimace, tente de faire bonne figure mais l'autre a perçu le mal.

- Vous vous êtes blessé en tombant, n'est-ce pas ?

- Tout va bien. Je vais traîner ma carcasse « d'huître bouillie » jusqu'à la voiture.

- Vous n'êtes pas en état de marcher…

- Je ne suis pas en état de rester.

- Venez-vous assoir que je regarde !

Encore ce ton autoritaire et pourtant la démarche se veut gentille.

- Non.

- Ne soyez pas stupide, vous pouvez à peine poser le pied par terre.

A contrecœur, tentant de se draper dans le peu de fierté qu'il lui reste, le chat se laisse guider jusqu'au canapé.


A tout bientôt pour la suite si cette première partie vous a plu.