Chapitre 1
En ce début d'octobre, une neige précoce tombait sur Cardiff et l'homme resserra son manteau, pressant le pas pour traverser la place en direction de l'office de tourisme. Lorsqu'il pénétra dans le petit bureau, il secoua la tête pour faire tomber les flocons qui s'étaient posés sur ses cheveux et baissa son col.
Il passa derrière le comptoir et alluma l'ordinateur puis se rendit dans la réserve. Il en revint lorsqu'il entendit le téléphone sonner.
– Ianto ? fit la correspondante.
– Oui, Tosh, que se passe-t-il ?
– Rien, je voulais juste te prévenir que je ne pourrai pas venir aujourd'hui.
– Tu as un souci ?
– Rien de bien grave, juste une toux persistante qui m'oblige à rester chez moi. Je vais faire venir le médecin.
– Tu veux que je demande à Owen de passer ?
– Il n'est pas médecin de ville, je ne vais pas le déranger pour si peu.
– Je suis sûr qu'il se fera plaisir de venir te soigner. Je l'appelle, ne t'en fais pas.
– D'accord, finit-elle par abdiquer. Je te remercie.
– Mais de rien, c'est bien normal, de plus, comment veux-tu que l'on se passe de toi ? répondit-il affectueusement.
– Charmeur, va ! fit-elle en riant, brusquement interrompue par une quinte violente.
– Tosh, ça va ? s'inquiéta le Gallois.
– Oui, répondit-elle quelques instants plus tard.
– Très bien, reste au chaud, je t'envoie Owen dès que je l'aurais eu au téléphone.
– Merci Ianto, fit-elle avant de raccrocher.
Le jeune homme retira son manteau et le posa sur le comptoir puis il composa le numéro de téléphone du médecin tout en lisant les mails qui étaient arrivés depuis la veille.
– Allo ? entendit-il après quelques sonneries.
– Owen, ne me dis pas que tu dormais encore !
– Si, pourquoi, tout le monde n'est pas comme toi ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
– Pourrais-tu aller voir Tosh ?
– Pourquoi, elle a un problème ?
– Elle tousse énormément et je pensais qu'il valait mieux que ce soit toi qui la soigne. Elle voulait faire venir un médecin de ville.
– Tu as eu raison, fit-il soudain beaucoup plus réveillé. Je m'habille et je passe chez elle. Je te tiens au courant.
– Merci Owen.
– Mais de rien, je suis médecin avant tout, dit-il avant de raccrocher.
Le Gallois sourit puis récupéra son manteau et ouvrit la porte menant à la base secrète. Quand il passa le sas, il leva les yeux vers le bureau de son leader et eut la surprise de n'y voir aucune lumière, soit Jack dormait encore, soit il était déjà sorti.
Le jeune homme posa son manteau sur le canapé et se dirigea vers la cuisine. Concentré sur la préparation de la première tournée de café, il n'entendit pas le Capitaine descendre les marches et venir le rejoindre.
– Bonjour Ianto, fit-il après l'avoir un instant détaillé.
Surpris, ce dernier fit un mouvement un peu trop brusque, la tasse lui glissa des mains et se brisa sur le sol. Il se baissa prestement en bredouillant des excuses et commença à ramasser les morceaux. L'immortel s'accroupit à son tour et l'aida à rassembler les bris, frôlant involontairement la main du Gallois. Celui-ci laissa échapper un petit soupir qui fit lever les yeux de son leader.
– Tu devrais être plus prudent, tu vas finir par te blesser, fit-il en souriant.
– Je suis désolé, je ne vous avais pas entendu, j'ai été surpris.
Le jeune homme se releva, n'osant pas regarder le Capitaine et jeta les morceaux dans la poubelle.
– Je vais devoir aller acheter d'autres tasses, il va nous en manquer, dit-il en saisissant un mug pour le remplir.
– Très bien, fais ce qu'il faut. Merci, finit-il en prenant la boisson que lui tendait Ianto.
Il quitta la cuisine et monta dans son bureau, laissant le jeune homme terminer de préparer la machine pour la tournée suivante.
Quand l'alarme du sas retentit, il tourna la tête et vit Gwen et Owen entrer, suivis de peu par Tosh, emmitouflée dans son manteau, un bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles. Il prit les tasses et s'approcha de ses collègues.
– Mais que fais-tu ici ? demanda-t-il à l'informaticienne, tu devrais être bien au chaud au fond de ton lit.
– Tu vois, je te l'avais dit ! Elle n'a pas voulu m'écouter, intervint le médecin. Elle est plus têtue qu'une mule.
– J'ai du boulot, il fallait que je vienne, plaida la jeune femme.
– Nous aurions pu te remplacer, fit le Gallois. Bon, va t'asseoir et reste tranquille, nous allons nous occuper de toi. Owen, tu lui as donné un traitement ?
– Oui, mais elle n'a pas été le chercher.
– Je vais y aller, de toute façon, je dois sortir pour acheter des tasses, j'en ai encore cassé une ce matin. Donne-moi l'ordonnance, Tosh.
– Je te remercie, fit-elle en toussant, mais j'y serais allée ce soir.
– Il vaut mieux commencer rapidement, je t'assure, ça ne me dérange pas.
– Que se passe-t-il ? entendirent-ils soudain.
Jack se tenait sur la passerelle et les regardait puis il descendit les marches et vint les rejoindre.
– Tosh, que fais-tu là, tu devrais être chez toi, tu n'as pas l'air en forme !
– C'est ce qu'on lui a dit, mais elle n'a pas voulu écouter, fit Gwen en s'approchant.
– Je vais aller lui chercher ses médicaments, fit Ianto en prenant le document que lui tendait sa collègue. Je n'en ai pas pour longtemps.
Il récupéra son manteau et quitta la base rapidement. Le Capitaine le regarda partir sans un mot puis se tourna vers la jeune femme.
– N'hésite pas à aller t'allonger si tu en as besoin. Nous sommes ici pour t'aider également.
– Merci Jack, mais ça va aller. Il faut simplement que ma toux m'oublie un peu.
L'immortel lui caressa doucement les cheveux puis s'éloigna pour aller voir le médecin. Gwen le regarda passer puis baissa les yeux sur son ordinateur, sentant une bouffée de chaleur remonter le long de son dos. Elle soupira doucement et ouvrit un fichier.
– Owen, tu penses qu'elle peut travailler ?
– Elle serait mieux chez elle, mais rien ne l'empêche de venir. Avec le traitement que je lui ai prescrit, elle devrait sentir une différence assez rapidement, il faut simplement qu'elle ne reprenne pas froid avant d'être guérie.
– Très bien, donc en cas d'intervention, elle restera ici, décida le Capitaine.
Il repartit vers son bureau. La Galloise se leva et monta les marches à sa suite. Une fois dans la pièce, elle ferma doucement la porte et s'approcha. Jack fut un peu surpris par sa présence mais ne dit rien.
– Tu m'as l'air fatigué, fit-elle en contournant la table.
– Non ça va, j'ai besoin de peu de sommeil, tu le sais bien. Tu as un problème ?
– Eh bien ! Je me disais que je pourrais t'inviter à aller boire un verre ou on pourrait se faire une sortie au restaurant.
– Et ton fiancé, il en pense quoi ? fit-il sans lever les yeux du dossier qu'il avait commencé à lire.
– Je peux très bien inviter un ami à dîner. Il le fait également, je ne vois pas pourquoi il serait jaloux.
– Peut-être à cause de tes sentiments pour moi, dit-il en la regardant.
– Je ne vois pas de quoi tu parles, se défendit-elle en rougissant un peu.
– Tu sais, je ne suis pas aveugle, mais il ne faut pas te faire d'illusions, je t'apprécie en tant qu'agent, mais il n'y aura jamais rien entre nous. Il va bien falloir que tu te fasses à cette idée.
– Pourquoi ?
– Pourquoi, quoi !
– Je sais que je te plais, mais tu ne sembles pas vouloir te laisser aller.
L'immortel resta silencieux en la détaillant. Elle était fiancée, pourquoi lui faisait-elle du rentre-dedans ? L'alarme du sas retentit et il se leva pour voir le Gallois entrer dans la zone informatique. Son regard s'illumina soudain et la jeune femme s'en rendit compte. Elle s'approcha de lui et le dévisagea puis baissa les yeux vers les postes où travaillaient ses collègues. Elle vit le réceptionniste donner un paquet à Tosh puis retirer son manteau et passer dans la cuisine pour déposer le repas. Pendant tout ce temps, le Capitaine ne l'avait pas quitté des yeux.
– C'est donc ça !
– Quoi ?
– C'est lui qui t'intéresse ! Permets-moi de te dire que tu fais fausse route !
– Et pourquoi ?
– Il est hétéro, tu devrais le savoir ! De plus, tu as descendu sa fiancée ! Pas sûre qu'il t'accorde plus d'importance que ça !
– Et alors, mater est interdit maintenant ! De toute façon, cela ne te regarde en rien. Tu ferais mieux d'aller reprendre ton poste, lâcha le leader, sérieusement agacé par son attitude.
Elle quitta la pièce et descendit l'escalier, jetant un regard mauvais à Ianto qui sortait de la cuisine avec son plateau.
Il distribua les tasses et finit par le Capitaine qui avait repris sa place dans son fauteuil. Lorsque le Gallois tapa à la porte, il leva les yeux et lui fit un signe de la main tout en souriant.
– Merci Ianto, dit-il en prenant sa boisson.
Il en but une gorgée qu'il apprécia en fermant les yeux, sous le regard amusé du réceptionniste.
– Je voulais te demander, fais-tu quelque chose ce soir ? dit-il les paupières toujours baissées.
– Euh, non, rien de particulier. Avez-vous besoin de mes services ?
– Eh bien ! Je me disais que nous pourrions discuter un peu, je connais le reste de l'équipe, mais nous n'avons pas vraiment eu le temps de parler et je voudrais réparer cet oubli. Serais-tu d'accord pour qu'on le fasse ?
Ianto le fixa sans rien dire pendant quelques instants. N'ayant pas de réponse, le leader ouvrit les yeux et vrilla son regard dans le sien. Le Gallois sentit une douce chaleur envahir son corps et lutta contre l'impérieuse envie qu'il avait de s'emparer de ses lèvres.
– Ianto !
– Oui Monsieur ! fit-il redescendant brusquement de son nuage. Je peux rester, si vous le souhaitez, je n'ai rien de prévu aujourd'hui.
– Très bien, alors c'est entendu, lorsque les autres seront partis, tu viendras me rejoindre. Nous pouvons même dîner ensemble si tu n'y vois pas d'inconvénient.
– Aucun Monsieur, que voulez-vous que je commande ?
– Je laisse cela à ta discrétion. Fais comme tu veux, de toute façon, c'est pour discuter que nous allons nous voir ! fit-il pour le mettre à l'aise, tout en espérant que la soirée se terminerait par un rapprochement qu'il appelait de tous ses vœux.
– Oui, évidemment, fit-il. Je vais aller à l'office, j'ai quelques documents à exposer.
– Très bien. À tout à l'heure. Au fait, tiens, je t'avais emprunté ça, fit l'immortel en lui tendant le chronomètre.
– Merci, je me demandais où j'avais bien pu l'oublier, répondit Ianto en le glissant dans sa poche.
Le Gallois sortit de la pièce et s'arrêta un instant sur la passerelle. Après un rapide coup d'œil à l'immortel qui avait repris sa lecture, il descendit les marches et surprit le regard insistant de Gwen. Il se dirigea vers la cuisine ayant récupéré les tasses puis monta à l'office où il resta jusqu'au déjeuner puis il y retourna après avoir nettoyé et rangé la cuisine.
En fin d'après-midi, en entendant la voix de Owen, il ouvrit la porte du passage secret et ses collègues entrèrent dans le petit bureau.
– Bonne soirée Ianto, fit Tosh en sortant sur le quai.
– À demain, dit le médecin en la rejoignant.
Gwen s'arrêta près du comptoir et posa ses mains dessus. Elle fixait le Gallois qui la regarda à son tour.
– Tu as besoin de quelque chose ?
– Ne crois pas qu'il s'intéresse sérieusement à toi, tu ne seras qu'un amusement pour lui, lâcha-t-elle finalement.
– De quoi parles-tu ?
– De Jack et de ses intentions envers toi !
– Je ne vois pas…
– Arrête, ne fais pas l'innocent, le coupa-t-elle. Je vois bien comment il te regarde. Il n'a qu'une envie, celle de te mettre dans son lit !
– Et quand bien même ce serait le cas, en quoi cela te concerne-t-il ! fit Ianto en la défiant du regard.
Elle allait répondre quand elle entendit la porte s'ouvrir et Jack apparut.
– Pas encore partie Gwen ? Ton fiancé doit t'attendre, fit-il amusé par son visage décomposé.
– Si, j'y allais, je disais bonsoir à Ianto, répondit-elle en se sauvant.
Les deux hommes la regardèrent partir puis l'immortel s'approcha du comptoir, prenant bien soin de rester à distance du jeune homme.
– Tout va bien ? s'enquit-il.
– Oui, aucun problème.
– Que te voulait-elle vraiment ?
– Rien en particulier. Elle semble penser que vous auriez certaines intentions me concernant, fit-il en baissant les yeux sur les documents qu'il avait entre les mains.
– Oh, je vois. Et qu'en penses-tu ?
– En auriez-vous vraiment ? répondit-il en le fixant.
– Qui sait ! fit Jack avant de s'éloigner. Nous y allons ?
– Je vous suis, juste le temps de fermer le bureau, je vous rejoins dans quelques minutes.
Le leader le regarda un instant, essayant de savoir si l'éventualité d'un rapprochement serait envisageable puis s'engagea dans le couloir. Ianto passa commande pour le repas du soir, demandant une livraison pour 19 h puis verrouilla l'office et descendit dans le Hub. Il alla directement à la cuisine et prépara deux tasses qu'il porta dans le bureau de son Capitaine.
Celui-ci l'attendait, confortablement installé dans son fauteuil, les coudes sur les bras du siège, les doigts joints devant ses lèvres. Le jeune homme s'arrêta devant la table de travail, hésitant sur l'attitude à avoir.
– Assieds-toi, fit-il en prenant le café qu'il lui tendait.
Le Gallois obéit et prit une gorgée pour se donner contenance. La question de Jack lui trottait dans la tête et il ne savait pas si ce dernier avait demandé ça par jeu ou s'il avait vraiment envisagé que cela fut possible.
– Alors, parle-moi un peu de toi !
– Que puis-je vous dire que vous ne sachiez déjà, tout est dans mon dossier. Je suppose que vous l'avez lu.
– Effectivement, mais je ne pense pas que tout y soit inscrit ! J'ai pu voir toutes tes notations et les appréciations de ton ancien directeur, mais n'aurais-tu pas des choses plus personnelles qui pourraient m'aider à mieux te connaître.
– Pas vraiment Monsieur, mon quotidien se résume à Torchwood, rien de bien palpitant en dehors cela.
– Pas de petite amie ? fit Jack, le voyant soudain rougir légèrement.
– Non Monsieur. Plus rien que mon boulot.
– Eh bien ! Il faudrait que tu arrives à te changer les idées, je sais que tu as vécu un grand malheur et j'en suis le premier désolé crois-moi, mais tu devrais sortir avec d'autres jeunes gens. Tu finiras bien par trouver une jolie demoiselle qui ne sera pas insensible à ton charme, dit-il s'amusant de voir son teint s'accentuer vers un rouge plus soutenu.
Le Gallois se sentait mal à l'aise. Plaire à nouveau à une jeune femme n'était pas une chose qui l'intéressait pour le moment, il était bien plus attiré par un certain Capitaine qui ne semblait pas l'avoir remarqué. Cependant, depuis son embauche, il ne cessait de flirter avec lui, de laisser passer des sous-entendus plus qu'évidents. Mais Ianto n'osait pas laisser libre cours à cette envie qu'il avait de lui faire comprendre que ses intentions pourraient trouver une issue plus que favorable.
– Ok, changeons de sujet puisqu'il me semble que cela t'ennuie…
– Du tout Monsieur, simplement, je n'ai pas pour habitude d'exposer ma vie privée, le coupa Ianto.
– Donc, tu en as une !
– Si on veut, je vais au cinéma et je lis beaucoup. Mis à part cela, je passe mes soirées seul et…
Il se tut en surprenant le haussement de sourcil de l'immortel ainsi que son petit sourire en coin. Il en avait trop dit et se mordit nerveusement la lèvre inférieure.
– Seul ? insista le Capitaine.
– Oui Monsieur.
– Ianto, veux-tu me faire plaisir. Arrête de me dire Monsieur ou Capitaine, j'ai un prénom. Fais comme les autres, appelle-moi Jack. Tu veux bien ?
– Oui Mon… Jack, se rattrapa-t-il in extremis.
– C'est bien mieux comme cela !
L'immortel le fixa en souriant, s'amusant de la facilité avec laquelle il arrivait à le mettre mal à l'aise. Puis il se redressa et posa la tasse vide sur le bureau, se penchant par-dessus pour se rapprocher du Gallois. Celui-ci fixait toujours sa boisson, n'osant pas regarder l'immortel puis Jack se pencha un peu plus et tendit le bras pour passer sa main sous son menton, lui faisant relever la tête. Ianto eut un mouvement de recul accompagné d'un frisson qui lui parcourut l'échine et laissa échapper un soupir.
– Je te fais peur ? demanda le leader.
– N… non Monsieur !
– Ianto, qu'est-ce que je viens de te dire !
– Oui, pardon Jack, répondit-il en se levant.
– Alors, c'est ça, je te fais peur !
– Non !
– Tu viens de dire oui !
– Oui, pour votre prénom…
Ianto était de plus en plus perturbé et le Capitaine s'en rendit compte. Il finit par se lever et s'approcha de lui. Il posa ses doigts sur ses épaules puis les laissa glisser le long de ses bras. Le Gallois avait fermé les yeux, ses lèvres entrouvertes laissant échapper un soupir. Jack prit ses mains et caressa les paumes tout en avançant son visage. Ianto pouvait sentir l'odeur de sa peau, cette odeur qui l'enivrait chaque fois que son leader passait près de lui.
– Que penses-tu de la mise en garde de Gwen ? souffla l'immortel tout près de sa bouche.
– Je…
À suivre…
