Seven Seas

Dame de Cœur

1 – Padma

La première année fut celle de la séparation.

Tout avait commencé un paisible après-midi d'août. Allongée sur le sable chaud, Parvati enduisait ses bras de crème solaire tandis que Pansy s'amusait à enterrer ses pieds. Plus loin, Padma jouait au ballon dans les vagues avec leur père, sous le regard amusé de leur mère qui ramassait des coquillages. C'était leur dernière journée de vacances, c'est pourquoi Parvati était plongée dans une douce mélancolie.

-Tu m'en mets dans le dos ? demanda-t-elle en se retournant pour offrir son corps enfantin à la caresse du soleil.

Affichant une moue septique, Pansy attrapa le tube. Après avoir essuyé ses mains pleines de sable, elle commença à enduire de crème luisante la peau de son amie.

-Je maintiens qu'un sort de protection solaire est bien plus efficace…

-Chuuuuut ! lui intima Parvati, en lançant des regards exagérément inquiets autour d'elles. Fais attention, tu ne dois pas parler de ça, nous sommes sur une plage moldue…

Pansy roula des yeux avec exaspération et protesta que personne ne l'avait entendue. Les deux fillettes entamèrent alors une longue conversation sur les différences entre le monde moldu et le monde sorcier. Bientôt Padma les rejoignit et elles partirent se promener sur de gros rochers qui bordaient la plage. La discussion dériva sur un conte que leur avait lu le père la veille, décrivant l'histoire tragique d'une jeune sorcière enlevée par un troll qui en était tombé amoureux.

Une brise s'engouffra dans les longs cheveux bruns de Parvati, les faisant tournoyer autour de son visage. Elle les repoussa avec un soupir de bien-être et inspira profondément. Parvati adorait par-dessus-tout l'odeur iodée de la mer, ainsi que la musique apaisante des vagues qui roulaient sur le sable. Les trois sorcières avaient passé des vacances formidables, Parvati se félicitait que ses parents aient réussi à convaincre les Parkinson de laisser leur fille venir. Après tout, elles se connaissaient depuis des années maintenant, s'étant côtoyées dès l'école maternelle. Elles s'entendaient très bien la plupart du temps, même si leurs caractères bien trempés les conduisaient à de nombreuses prises de bec.

Parvati, Padma et Pansy avaient comme point commun de posséder une imagination foisonnante, grâce à laquelle elles passaient des heures à s'inventer des vies rocambolesques. Les époux Patil s'étaient habitués à les voir serrées les unes contre les autres, se chuchotant des histoires emplies de monstres et de magie, l'air mystérieux. Ils observaient avec affection leurs filles aventureuses et romantiques, certains qu'elles auraient une existence aussi passionnante que les récits qu'elles leurs racontaient pendant les repas.

Les jumelles avaient décidé de devenir écrivaines, plus tard. Elles se spécialiseraient dans la mythologie. Padma était passionnée par les mythes moldus tandis que Parvati leur préférait l'imaginaire sorcier, point sur lequel Pansy la rejoignait sans hésiter. Pansy était fascinée par littérature sorcière et par la société magique. A plusieurs reprises durant ce séjour en territoire moldu, elle avait affiché sa réprobation envers le mode de vie des moldus, mais elle était bien élevée, aussi n'avait-elle rien dit.

Plongée dans ses pensées, Parvati ne vit pas tout de suite qu'elles s'étaient éloignées de la plage et des touristes, pas plus qu'elle ne remarqua les trois hiboux qui s'étaient posés sur un rocher. Le cri perçant de Padma attira cependant son attention. Son regard se posa alors sur les enveloppes attachées aux pattes des trois volatiles. Un sentiment d'excitation s'empara d'elle alors qu'elle reconnu son nom sur l'une des trois missives.

-Poudlard ! jubila Pansy en attrapant la lettre qui lui était destinée.

-Poudlard ! répétèrent les jumelles, riant aux éclats.

Après avoir dévoré le message provenant d'un certain professeur Minerva McGonagall, Parvati leva son poing au ciel en un signe de victoire. Padma lui adressa un sourire éblouissant, et Parvati se sentit soudain bouleversée. Dans quelle mesure leurs confortables existences allaient-elles changer ? Pour faire disparaitre l'appréhension qui montait en elle, Parvati attrapa sa petite sœur et la serra contre elle. En réalité, Padma n'était pas sa petite sœur, elles étaient nées le même jour mais Parvati pensait toujours à elle de cette façon. Elle éprouvait le besoin de protéger cette fillette qui lui ressemblait en tous points, comme une autre version d'elle-même, et pour qui elle éprouvait une affection sans borne.

Parvati desserra doucement son étreinte et croisa le regard de Pansy. Son cœur manqua un battement lorsqu'elle vit avec quelle intensité leur amie les observait. Pansy était toujours très sûre d'elle, déterminée, presque provocante. Pourtant en cet instant elle lui paru triste et vulnérable. Peut-être était-elle jalouse de ce lien qui unissait les jumelles, lien qui ne l'inclurait jamais malgré tous ses efforts en ce sens. Pansy était enfant unique. Prise d'un élan de compassion, Parvati attrapa sa main avec douceur et ébouriffa les cheveux bruns de son amie.

-Il parait que le château est grandiose, dit-elle d'une voix qui ne parut pas du tout naturelle. Ma mère m'a raconté qu'il y a des fantômes, des armures qui bougent et même un calamar géant au fond du lac ! Viens, on va lui demander comment se passe la Répartition. Elle me l'a expliqué une fois, ça a l'air vraiment impressionnant…

Ces paroles semblèrent réconforter Pansy, qui s'anima et conta à son tour les informations que lui avaient données ses parents sur le mystérieux château. Main dans la main, les deux fillettes prirent le chemin du retour. Devant elles, Padma courrait déjà vers leurs parents afin de leur annoncer la bonne nouvelle.

Elles allaient à Poudlard.

Le premier septembre, elles se séparèrent de leurs parents sur le quai 9 ¾. Une larme glissa le long de la joue de madame Patil, tandis que monsieur Patil regardait partir le train à locomotive rouge, fier comme un hippogriffe. Dans le train, les jumelles retrouvèrent Pansy en compagnie de trois garçons. Le plus petit d'entre eux, un blondinet à la mine pâle se présenta avec arrogance :

-Je m'appelle Drago Malefoy, voici Gregory Goyle et Vincent Crabbe. Ravi de faire la connaissance de si charmantes jumelles.

Padma et Parvati échangèrent un regard entendu, peu convaincues par la tentative de séduction de leur interlocuteur. De son côté, Pansy semblait ravie et se lança dans une discussion animée avec Malefoy. Tandis que Padma se retranchait dans la lecture d'un roman policier, Parvati observa le manège de Pansy, de plus en plus étonnée. Son amie ne tenait pas en place, minaudant et rejetant ses cheveux en arrière en un tic plutôt agaçant. Plus elle battait des cils et plus le jeune Malefoy gagnait en assurance. Parvati fut bientôt fatiguée par les inepties que celui-ci racontait sur sa riche et noble famille, à la réputation sans faille. Lorsque Malefoy et ses deux compagnons quittèrent le compartiment en vue de trouver Harry Potter, qui selon les rumeurs entrait également en première année, Parvati ne pu retenir un soupir de soulagement.

Pansy ne s'en rendit pas compte et s'exclama un enthousiasme débordant :

-Vous vous rendez compte, c'est Drago Malefoy ! Je l'ai déjà rencontré, bien sûr, sa famille et la mienne sont très proches mais c'est quelqu'un qu'il est toujours bon d'avoir dans son carnet d'adresses… Je suis sûre qu'il sera à Serpentard, comme toute sa famille. J'espère y être aussi ! Ce serait formidable d'être dans sa classe !

-Je ne l'ai pas trouvé très intéressant, intervint alors Padma, relevant le nez de son livre.

Vexée, Pansy lui lança un regard condescendant et répondit d'une voix pincée :

-De toute façon, tu ne risques pas d'être à Serpentard, toi. Tu es trop niaise.

Parvati sursauta et pris la défense de sa petite sœur. Elle sentit la colère bouillonner en elle, comme chaque fois que les deux sorcières s'opposaient. Ce qui était fréquent car à dire vrai, Padma et Pansy s'entendaient moins bien que Parvati et Pansy. Cette dernière pouvait parfois être assez orgueilleuse, alors que Padma avait un caractère plus effacé…plus gentil.

-Il n'y a pas que Serpentard, de toute façon, toutes les maisons ont leur qualité. Je ne sais pas quelle maison je préfèrerai…

-Serdaigle, clama Padma d'une voix tranquille. C'est une maison studieuse et respectable. Les meilleurs élèves sont à Serdaigle.

Sur ces bonnes paroles, elle replongea le nez dans son roman, sous le regard désapprobateur de Pansy. Parvati se tassa sur la banquette, laissant son regard errer au fil du paysage. Cette histoire de Répartition ne lui disait rien qui vaille.

La suite du voyage fut plus agréable. Trois garçons plus vieux entrèrent dans leur compartiment, dont deux jumeaux roux qui parurent réjouis de rencontrer des sœurs aussi ressemblantes que Padma et Parvati. Ils leur offrirent des dragées surprises de Bertie Crochue et proposèrent une partie de bataille explosive. Parvati s'amusa beaucoup, Fred et George étant très drôles, et charmeur pour ne rien gâcher. Pansy, quant à elle, s'était renfrognée et répondait du bout des lèvres aux questions posées par le troisième garçon, un certain Lee Jordan. Bientôt, Pansy annonça qu'elle devait aller aux toilettes et sortit. Elle ne revint pas.

Lorsque le train s'immobilisa enfin, il faisait nuit noire. Les deux sœurs suivirent la voix bourrue qui appelait les premières années, voix appartenant à un homme gigantesque qui les conduisit au bord d'un lac ténébreux. Parvati et Padma montèrent à bord de la même barque après avoir échangé un regard inquiet.

L'anxiété qui montait en Parvati s'envola tout d'un coup lorsqu'elle aperçût le château. Il surplombait le lac, gigantesque, ses hautes tours se hérissant dans le ciel. De la lumière émanait des fenêtres. Cette vision était tellement impressionnante qu'elle occupa les pensées de Parvati pendant les minutes qui suivirent. A ses côtés, Padma avait le regard perdu dans le vague et l'air rêveur, son imagination s'emballant après la vision de ce lieu magique où elles allaient passer sept années de leur vie.

Plus tard, dans la Grande salle, les deux sœurs furent éblouies par le plafond magique qui reproduisait le ciel étoilé. Serrée contre Padma, Parvati sentait son cœur battre à tout rompre alors que la Répartition s'opérait. Alors que le Choixpeau envoyait le fils Malefoy à Serpentard, elle attrapa la main de sa sœur et la serra fort contre elle. Les deux jumelles échangèrent un long regard ému qui trahissait leur appréhension réciproque. Elles avaient longuement discuté de ce moment là, ce moment où elles seraient peut-être séparées. Peut-être qu'elles n'auraient pas cours ensemble, peut-être qu'elles ne dormiraient plus dans la même chambre. Elles s'y étaient préparées, elles le savaient, mais cela ne rendait pas le moment moins difficile.

-Parkinson, Pansy !

Parvati reporta son attention sur la Répartition. Pansy s'avança d'un pas déterminé et s'assis sur le tabouret. Le professeur McGonagall posa le choixpeau sur sa tête qui, sans hésiter, l'envoya d'une voix forte à Serpentard. Rayonnante, la fillette fila jusqu'à la table qui l'applaudissait sobrement et s'assis aux côtés de ses nouveaux amis du train.

-Patil, Padma !

Parvati sentit la main de sa sœur lui échapper, tandis que Padma s'éloignait. A son tour, elle fut répartie à…

-Serdaigle !

La gorge de Parvati se noua lorsque sa sœur se dirigea, souriante, vers la table des Serdaigle. C'était le moment, celui où elles seraient séparées, toutes les trois. Lorsque le professeur McGonagall appela son nom, un murmure parcourut les rangs, et Parvati se sentit rougir sous les regards inquisiteurs. Il était rare de voir de vraies jumelles. Repoussant ses longs cheveux nattés en arrière, elle avança d'un pas décidé, pris une grande inspiration et s'assis sur le tabouret.

Une petite voix raisonna alors à son oreille.

-Hum, une autre Patil, intéressant… Un profil différent de la sœur, je pense que le mieux c'est… GRYFFONDOR !

La table des rouge et or l'acclamèrent chaleureusement. Parvati s'y dirigea lentement, abasourdie, reconnaissant les trois garçons du Poudlard Express qui lui adressèrent des signes joyeux. Elle n'était pas mécontente de sa nouvelle maison, Dumbledore lui-même était un ancien Gryffondor après tout. Seulement, la voilà séparée de sa petite sœur. Elle savait que cela risquait d'arriver. Elle le savait, objectivement cela n'aurait pas dû l'affecter, mais voilà, elle n'y avait jamais vraiment cru. Elle avait continué d'espérer que peut-être, elles pourraient effectuer leur scolarité ensemble.

Padma et elle… Padma et elle avaient toujours tout fait ensemble. Elles avaient vécu ensemble. Padma, Pansy et elles étaient désormais séparées, pour sept longues années. Poudlard, elles en avaient rêvées… La gorge inexplicablement nouée, Parvati jeta un coup d'œil à la table des Serpentard. Pansy y était assise en face de Malefoy, riant aux éclats aux paroles du blondinet.

-Potter, Harry !

Parvati sursauta et reporta vivement son attention sur la Répartition. Harry Potter, ça alors ! Comme ses condisciples, elle dévisagea sans vergogne celui que l'on nommait le Survivant. Il n'était pas bien impressionnant, tout petit et maigrichon qu'il était. Lorsque le Choixpeau l'envoya à Gryffondor et qu'il alla s'asseoir à côté de Fred et George, Parvati sourit. Peut-être qu'elle rencontrerait des personnes intéressantes, tout compte fait.

Le soir, elle rencontra les deux filles de son dortoir. L'une s'appelait Hermione Granger et paraissait effroyablement autoritaire. Heureusement, la deuxième était une sorcière vive et pleine d'humour qui portait le doux nom de Lavande Brown. Parvati sentait que le courant était passé entre elles.

Néanmoins lorsque le silence retomba sur le dortoir et que le silence s'instaura, uniquement brisé par la respiration de ses camarades, Parvati sentit la mélancolie l'envahir à nouveau. Blottie dans son lit aux couleurs de Gryffondor, elle songea à sa sœur, qui devait se sentir bien perdue au milieu d'étrangers. Chaque soir, elles se racontaient des histoires avant de s'endormir.

Lorsque Parvati parvint enfin à sombrer dans le sommeil, les lueurs de l'aube apparaissaient déjà. Une nouvelle année commençait, une nouvelle vie dans laquelle il lui faudrait apprendre à se débrouiller, seule.