Il ne savait même plus depuis combien de jours, de mois, d'années il marchait ainsi dans l'obscurité. D'ailleurs, il ne savait pas non plus où il allait. Il n'y avait que deux choses dont il était sûr : il devait continuer de marcher, et il avait soif, très soif.

Se diriger était plutôt simple : avancer vers le point le plus obscur, toujours. La pente était raide, bien qu'il ne vît pas ce qui se trouvait sous ses pieds et le faisait tant souffrir. Par moment, il apercevait des formes immobiles près de lui, des rochers sans doute. Lorsqu'il les croisait sur son chemin, il pouvait au moins s'y appuyer quelques instants.

Avancer ainsi dans l'obscurité ne l'effrayait cependant pas beaucoup. Il savait au fond de lui qu'une fois arrivé à destination, tout s'arrangerait. Ce n'était certes pas la raison qui lui faisait penser cela, mais il en était persuadé. Ce ne serait qu'un mauvais moment à passer. Mais il y avait la bête. Une présence qui le suivait depuis trop longtemps. Il lui arrivait parfois de tourner le regard et d'apercevoir sa silhouette, marchant à ses côtés. Et lorsqu'il tombait, il sentait la bête se rapprocher, et devait vite se relever pour ne pas avoir à l'affronter. Elle en avait contre lui : le tuer ou lui dérober quelque chose. Quoi qu'il en fût, elle ne le quittait jamais, et c'était pour lui une raison suffisante pour s'en méfier.

La soif se faisait de plus en plus présente. Il avait physiquement l'impression de se dessécher, que l'eau fuyait son corps à chaque nouveau pas.

Il tomba une nouvelle fois à terre. La douleur étant un peu plus intense à chaque fois. Mais en tentant de se relever, il sentit quelque chose de moite sous sa main gauche : de la boue. Une flaque de boue. Plongeant la tête dedans pour essayer de se désaltérer, il ne vit pas la bête se rapprocher de lui.

« Ça va, Monsieur Frodon ? »

Dans un sursaut, il se retourna et essaya non sans mal de se mettre en garde. Plus pour protéger sa flaque que lui-même. Il plissa les yeux. La silhouette de la bête se précisa lentement : une chemise, un pantalon, une bouclette, Sam. « Sam, mon fidèle Sam. J'ai trouvé de l'eau. »

« J'ai vu, Monsieur Frodon. »

« Sam, où sommes-nous ? Ton visage... »

« Allons, Monsieur Frodon. Relevez-vous, il faut avancer. »

« Oui, c'est vrai... Avancer... »