L'Amant de Janus

Cette histoire rocambolesque laissa le sanctuaire sens dessus-dessous. Et pourquoi vous diriez-vous ? Le rôle des aînés n'y est pas anodin, mais L'Amour triomphe sur tout d'après la naïveté des Amants. Si un schizophrène masochiste se refuse à l'Amour, aurait-il assez d'audace pour repousser les avances d'un Protecteur ailé ? Et si un Poisson est à l'aise dans l'eau, ne souhaiterait-il pas lui aussi se noyer dans le sable comme un certain crabe ? Vous allez vous dire que ces histoires d'Hommes ont toute une fin conventionnelle. Mais ce n'est pas le résultat qui compte… Seule la façon dont on l'obtient importe. A tout ceux qui sont prêts à se saigner pour être aimé … cette aventure leur est dédicacée

Depuis deux ans maintenant, la vie du sanctuaire reprit son cours. Loin des incessantes guerres, une ère de paix régnait dans le domaine sacré de Pallas Athéné. Dans les douze maisons zodiacales, tout un chacun menait une vie normale … ou s'en rapprochait. Chacun n'avait-il pas un point de vue sur l'existence ? Encastré dans le troisième Temple, le Placide Saga s'abandonnait dans la lecture d'un livre, la peau de Chagrin alors que son jumeau lui se préparait à sortir. Depuis leurs retrouvailles, les deux frères ne s'étaient plus jamais quittés pour rattraper le temps perdu. La culpabilité de l'aîné l'empêchait de vivre normalement, favorisant une existence d'ermite. Son repos était mérité comme ceux des autres, mais cette usurpation atteignant la vie ainsi que dignité des Innocents peuplaient ses cauchemars. Impuissants face à cela, Le marina essayait tant bien que mal de le consoler, devenant l'unique personne qui communiquait avec lui.

« - Tu devrais t'amuser … T'enfermer n'arrangera rien Saga je t'assure. »

De sages paroles émanant de l'Éminent Kanon des Gémeaux, devenu très protecteur avec son frère Saga. Couchés sur un canapé, Le Gémeaux supportait le corps de son double en passant ses larges bras dans cette chevelure d'eau. Parfait tableau des vagues de lumière, emportant avec elle la douce brise marine. D'ailleurs ses doigts peignaient sa coiffe, avant d'en respirer l'odeur comme s'il s'agissait de l'encens. En guise de réponse un soupir, suivi heureusement d'une réponse à peine audible.

« - J'ai peur de le revoir … Je sais comment il réagira, mais sa compassion .. M'effraie. »

Aioros du Sagittaire, musculeux séraphin suivant les principes de l'Amour et de la Justice. L'évocation de son nom étouffait même le Gémeaux, qui ne s'était jamais pardonné sa mort. Là ses doigts se crispèrent pour froisser le vêtement de l'Arrogant, se mordant la lèvre inférieure à l'entente de ses propos. Baisant le front du serviteur d'Athéna, l'autre trentenaire se dégagea doucement de lui pour sortir. Non seulement Kanon avait besoin de se changer les idées, mais s'entretenir avec l'archer serait peut-être une bonne idée. Dans son long désespoir, l'autre jumeau étalé sur le canapé murmura entre ses lippes :

« - J'espère ne pas avoir dit quelque chose de travers ...

« - Non Saga, je reviens dans quelques heures … Shaka est disponible alors hésite pas à le voir … »

Kanon croyait parfois jouer le rôle d'entremetteur, tant le malaise de son frère le révoltait. Pourquoi son jumeau n'aurait pas accès à la paix intérieure ? Est-ce que les Dieux l'en priveraient longtemps ? Les mains dans les poches, le soldat doré partit donc de son Temple pour monter directement vers le Sagittaire. S'entraînant dans une pièce des environs, l'archer décochait ses flèches vers une cible. Les sourcils froncés et la vue impeccable, la pointe de l'arme perçait à chaque fois le centre. En tenue d'exercice, les vêtements de Kendo dégageaient l'étendue de son charme. Seul un pan du vêtement révélait la moitié de son torse ainsi qu'un bras musculeux, transparaissant sur le corps d'airain du centaure. Sentant le cosmos de son allié, une serviette essuyait les gouttes de sueur alors que l'autre saluait Kanon posé à l'entrée.

« - Quel bon vent t'amène Kanon ? Si tu veux, je vais te préparer à manger ou te servir à boire … »

Son altruisme légendaire fut accentuée par une voix fraîche, synonyme de bonne humeur et volonté. Tout le contraire de son dépressif de frère. En parlant de liens fraternels, le Lion ne tournait jamais longtemps en cage. Regardant un peu le plafond, le marin lui murmura :

« - Je voulais juste te voir … et prendre de tes nouvelles » Sa voix monocorde trahissait son inquiétude, qui ne passa pas inaperçue à l'oreille de l'étalon.

« - Entre alors, je m'en vais apporter des boissons fraîches … »

Remettant ses vêtements, le mâle choisit de servir deux verres avec une boisson assez forte, poliment refusés par le général des Mers. Que lui arrivait-il pour être aussi mesuré ? Un peu plus concentré, Aioros se tut pour mieux écouter les dires de son camarade.

« - Tout a l'air de bien se passer pour toi, d'après ce que j'ai vu …

« - Je n'ai pas de problèmes particulièrement … et toi sinon comment tu vas ? » Plus direct que son homologue, Aioros détestait tergiverser longtemps sur un sujet aussi délicat. Prenant un peu son aise, le marina lui déclara alors sans prendre de gants. Il en valait de la santé de son jumeau.

« - Pour ma part je n'ai pas de problèmes .. Mais Saga ne sort plus de chez lui et cela m'inquiète … et ne me plaît guère. C'est comme si je le laissais mourir sous mes yeux, impuissants. » Sa voix sèche parut soudain plus triste. L'archer ailé le comprenait mieux qui quiconque car il aurait eu les mêmes réactions s'il s'agissait d'Aiolia.

« - Tu lui as demandé ce qui le tracassait ? Et la nature de ses soucis ? » Des questions qui lui paraissaient stupides, tant son lien avec Saga dépassait le cadre des mots. Son double, sa moitié souffrait le martyr et lui ignorait quoi faire.

« - C'est pourtant simple … Il souffre car il se sent coupable … De tout … La résurrection pour lui n'est pas l'opportunité d'être heureux mais de payer enfin ses crimes en se privant de tout bonheur. Et là tu vois … je ne sais pas quoi faire … » Ses poings se serraient sur ses cuisses fermes, alors que ses dents mordaient sa langue jusqu'au sang. Toute cette nervosité avait ému le Sagittaire, qui posa une main amène vers un des bras du Marina.

« - Il est dans sa nature d'expier des fautes passées, même si elles ont été lavées auparavant. Y aurait-il une chose qu'il aimerait faire en particulier ? » Sa voix exposait sa gentillesse, et surtout sa préoccupation pour son meilleur ami. Ancien confident, le Jupitérien par le passé n'ignorait pas cette facette de son ami, qui l'éloignait de ses faiblesses. En bon Gémeaux, il avait une fierté.

« - Rien ne l'intéresse … et te revoir lui fait vraiment peur. » Cette sensation Aioros l'avait ressenti auparavant mais n'en voulait pas à Saga. Si son compagnon le maintenait éloigné, le centaure n'y voyait aucun inconvénient. Depuis la fin brutale de leur amitié, le chevalier d'Or désirait la récupérer mais ne s'opposerait pas au souhait du Gémeaux.

« - Je vois … alors je ne le verrais pas … mais tu devrais le faire sortir et l'accompagner. Des promenades lui feraient du bien et si je le croise, je n'oserais pas le déranger … » Une réaction bien amicale, une contraction pliant les muscles de son cœur. Ne plus le revoir après autant d'années lui faisait un peu mal, mais pour le bien de ce palladium l'illustre bonhomme était prêt à tout pour le bien-être de Saga. Même à ne plus exister …

« - Tu n'y es pas obliger tu sais. Au contraire que vous recommenciez à communiquer est la chose à faire selon moi …

« - Le mieux est que cela se fasse tout seul. Forcer ne résoudra rien mais il se sentira obliger … tu vois .. » Là son ami avait raison, Kanon optant pour cette solution.

« - Je ne souhaite que le voir sourire tu sais … Bon, je vais monter et parler avec Aphrodite si cela ne te dérange pas que je passe ton Temple …

« - Vas-y, je n'y vois aucun inconvénient Kanon. » Une réponse courte et claire, le marina y répondant d'un hochement de tête. Se levant pour aller vers la sortie, le trentenaire tenait à lui dire ceci

« - Merci … pour ta compréhension … » Furent leurs derniers mots échangés, avant qu'Aioros ne reste seul. Fermant ses yeux un moment pour se concentrer, le Grec partit dans la salle de bain pour se laver. Les moments heureux passés aux côtés de Saga, leur baignade et fous rires d'enfants paraissaient si désuets ! La douche terminée, le bellâtre se vêtit donc en civil pour se diriger à Rodorio. En espérant ne pas troubler son ami Gémeaux, qui devait encore traîner sa souffrance comme un poids mort. Une chemise blanche et ouverte délivrait sa musculature, et son jean en avant ses la partie inférieure de son corps. Pendant ce temps, Saga s'était levé pour se dégourdir les jambes dans son salon. Combien de temps traînerait-il dans cette cage dorée ? A l'abri du Monde Extérieur si pourri … Ses pas le guidèrent donc vers la sortie de sa maison, ses prunelles céladons admirant l'Azur du ciel. Pourquoi ne pas rendre visite à Shaka ? Il n y avait qu'un Dieu qui pourrait lui apporter la réponse à ses questions ! Et le chaste flavescent avait les qualités requises pour ce genre d'exercice. Kanon se donnait tant de mal pour lui arracher un sourire, alors que lui trouvait le moyen d'être malheureux. Tout d'un coup des remords, et surtout sa culpabilité qui reprenait le dessus. Ne voyant même pas l'archer qui descendait les marches, ses pas le guidaient comme une âme perdu dans la sixième des maisons, rongés par ses pensées

« - Athéna pourquoi ? Pourquoi m'avoir pardonné encore une fois ? Méritais-je cette faveur de votre part ! Oh ma déesse … » La voir devenait une urgence, avant de faire un pas qui aurait du provoqué sa chute. Minime évidemment … mais quelque chose le sauva alors. Un souffle chaud, un cœur qui bat, un être vivant qui le collait contre son poitrail bombant de vie. Ses doigts récalcitrants serrèrent la fabrique du vêtement, ses yeux brumeux ne voyant rien. Mais sa peau sentait tout, cette variation de température et la constitution du chevalier. Levant alors ses prunelles, sa bouche s'entrouvrit, muette. Était-ce Aioros ? Ce héros, ce martyr ? Ses yeux brillants s'écarquillèrent sous l'expression bienveillante du mâle, alors que leurs deux minois étaient à une si courte distance l'un de l'autre. L'air du centaure était respiré à ce moment là par Janus, et celui de Janus par le centaure. Ses deux bras musculeux tenaient toujours la taille fine, sentant les mèches marines fouetter ses joues de bronze.

Qu'est donc allé chercher Kanon chez Aphrodite ? Et ces étonnants retrouvailles avec le sauveur .. Annonceraient-elles le début du bonheur ou de la décadence ?

A suivre …