Dans un recoin de l'établissement qui m'emploie, je suis dans mon bureau. Dos à la fenêtre qui éclaire la pièce, je peux observer en face de moi la porte d'entrée et, tout le long des murs, des étagères remplies de matériel : huiles de massage, perles, gros ballons, poupées, figurines de dessins animés, de quoi faire des bulles de savons, des instruments de musiques… un miroir recouvre le mur qui se situe à ma droite : ce dernier me renvoi mon reflet.

Je suis une jeune femme de 22 ans, les cheveux châtain coupés très court et mis en pétard, les yeux marrons qui sont, actuellement, cernés de noir du à la fatigue accumulée. Je suis vêtue d'un chemisier rouge (qui jure avec mes ongles verts) et d'un pantalon en lin gris. Je me décrirai comme banale habituellement mais là, je serai plus tentée de vous dire que j'ai le style « gothique épuisée d'avoir essayé d'échapper à sa condition de mortelle »…

Lorsque je commence à partir dans des descriptions aussi… rocambolesques, c'est que j'ai la nécessité de percevoir des vacances. Mais le devoir m'appelle.

Je contemple une dernière fois les cerceaux et les balles qui jonchent le sol pour rechercher désespérément le courage de terminer mes rapports de prise en charge. En effet, la réunion de synthèse commence dans trois heures et, avec le retard que j'ai accumulé (du fait de mon incroyable et très miséricordieux emploi du temps qui ne me laisse qu'une heure pour mes prises de notes), je n'ai qu'une seule envie : me jeter par la fenêtre. Ou ne pas aller à cette réunion.

Alors que je reprends ma plume, on toque à la porte. Et avant que j'ai pu dire « ouf », ma chère colocataire entre :

- Salut !

- Domi, je suis occupée. Dégage.

Ne se formalisant pas de mon ton, qui indique pourtant clairement mon humeur, Domi prend une chaise, s'installe devant moi, croise les jambes, pose son menton sur sa main et me regarde fixement avec son éternel sourire aux lèvres. Je sais que je ne gagnerai pas. Je lève mes yeux vers elle, lui transmettant par mon regard tous les sentiments que j'éprouve pour elle tout en poussant un soupir de lassitude.

Ses cheveux noirs de jais pris dans une queue, une tresse lui servant de couronne, vêtue d'une chemise blanche laissant plonger les cœurs dans un décolleté avantageux et d'une jupe rose qui laisse dépasser ses jambes misent en valeur par ses talons, ma sangsue me donne toujours autant envie de la taper.

- Domi, je sais que tes rondeurs font pâlir d'envie les hommes qui ont une multitude de prise grâce à tes bourrelets durant l'acte de copulation, mais je peux savoir pourquoi tes énormes fesses sont assises sur une de mes chaises ?

- Coralie, tu devrais essayer de te faire sauter.

Face à cette fameuse réplique, mon amie s'avance vers moi, écarte ma chaise de mes papiers et s'agenouille devant moi. Je la déteste quand elle joue à la maitresse d'école.

- Coralie, je connais ta situation. Tu n'aimes pas ton travail ici car cet imbécile qui te sert de chef de service ne fait que te rabaisser. Et toi, tu ne réponds pas. Donc, je me suis dit : comment aider ma meilleure amie ? En lui trouvant un nouveau poste !

Avec ses yeux pleins de joie et d'espoir, je devine sans beaucoup de peine que Domitille attend un remerciement. Mais vous ne la connaissez pas. Moi, oui. Et quand Domi se mêle de ma vie, toute joyeuse à vouloir faire mon bonheur, il n'arrive jamais quelque chose de bénéfique. La preuve : la dernière fois que je l'ais suivi aveuglément, je me suis retrouvée aux Etats-Unis pour exercer mon métier de psychomotricienne. Domi n'est que démesure. Mais je l'aime comme ça…

Poussant un soupir de lassitude, je ferme les yeux en posant ma tête sur mon dossier de chaise. Prenant ce signe pour ce qu'il est, un assentiment pour que mon amie m'explique son plan, Domi se lève et commence à faire les cents pas dans, ce qui était, mon logement professionnel :

- Tu te souviens que je donne des cours de musique dans une école spécialisée pour les surdoués ?

- Lorsque tu arrives à placer quelques phrases intelligibles entre « mon dieu Charles est trop beau ! » ou « je veux des enfants de lui » en passant par « je veux qu'il me prenne sur la table de la cuisine ! » ? Oui, je me souviens de quelques détails…

- C'est ça. Je discutais avec Charles de ton métier et il a dit que le doyen serait intéressé par ta profession. Il a commencé à me parler des mutants, de leurs difficultés d'intégrations de leurs évolutions corporelles dans certaines mutations etc… Et je me suis souvenue que la « cause mutant » t'interpelait depuis des années et que tu avais écris un mémoire parallèle sur ce sujet.

Avant que je ne puisse répliquer quoique ce soit, Domitille enchaine :

- Du coup, je lui ais donné ton mémoire et le doyen te propose un poste à temps plein !

- TU AS FAIT QUOI ?

- Tu m'aimes Coralie, ne l'oublies pas.

Je vais tuer Domitille. Je le peux. Je vais le faire.

- Je peux savoir de quel droit tu t'es permis de prendre mon mémoire sans ma permission en sachant que ce sujet me tiens à cœur ?

- Pardonnez-lui mais je l'ai trouvé très intéressant.

Un instant de flottement se passe lorsque je me retourne pour découvrir qui est mon interlocuteur. En réalité, deux hommes sont dans l'encadrement de mon bureau. Le premier est de taille moyenne, les cheveux bruns rejetés en arrière, les yeux bleus et est vêtu d'un pantalon de lin clair assortie à son veston, sur une chemise bleu ciel. Je reconnais de suite le type d'homme qui fait fantasmer Domi et, lorsqu'elle le rejoint toute guillerette, j'ai la confirmation de son identité : se tient devant moi, Charles Xavier.

Le levé de sourcil dubitatif qui rejoint ma conclusion, ainsi que la sensation de pouvoir lire dans l'esprit des gens me suffit à me dire trois choses :

- La première est que Charles est un mutant (confirmant mon hypothèse très non hypothétique vue les rumeurs qui circulent sur le lieu de travail de Domitille).

- La seconde est qu'il est télépathe.

- La troisième est que je suis télépathe.

Résignée quand à mon destin, j'invite les deux hommes à rentrer, refermant la porte derrière eux et indiquant, sur cette dernière, que je ne dois pas être dérangée. Le court chemin qui me mène derrière mon bureau me permet de détailler le second individu.

Grand, les cheveux châtains foncé, un pull à col roulé noir et un pantalon cintré de la même couleur, le visage relativement inexpressif, il est… canon. Et merde. Entre un télépathe qui a capté ma pensée (le levé de sourcil traduisant l'exactitude de cette dernière pensée), Domitille qui me connait et un sex-symbol qui me regarde, je ne suis pas sure d'arriver vivante à la réunion de synthèse…

- Vous êtes une mutante.

- Généralement les personnes donnent leur prénom pour se présenter Charles.

- Excuse-moi Coralie. Charles, Erik : Coralie. Coralie : Charles, Erik.

Le sourire timide qu'affiche Domi pour accompagner cette présentation suffit à me détendre.

- Félicitations messieurs, vous venez de sauver la vie de cette… fille dis-je en désignant Domi.

- Hey ! Je ne te permets pas !

- Tu n'es pas une fille ? Excuse-moi. Je trouvais ce terme plus adapté que « garce ».

Seule la langue que Domi me tend me répond. Dédaignant ma colocataire, je sourie aux deux hommes qui essayent de saisir les trames de notre relation. Je me souviens de la question de Charles et me décide à y apporter un éclaircissement :

- Oui, je suis une mutante. Tout comme Domitille. Je suis capable, en étant à proximité d'une personne, de m'approprier temporairement ses capacités les plus prégnantes. Je m'en imprègne pour ainsi dire. Si cette personne est une mutante, je peux alors me servir de ses pouvoirs. Je peux cumuler jusqu'à cinq pouvoirs en même temps.

- Actuellement, vous pouvez donc…

- Contrôler les champs magnétiques et la télépathie dis-je en complétant la phrase de Charles. Puisque je peux détecter les pouvoirs, je peux aussi les sélectionner et n'utiliser que ceux que je désire donc, celui de Domitille, je lui laisse. Il m'est incompatible.

- Il est très utile mon pouvoir !

- Râle pas princesse : pour toi, le fait de pouvoir transmettre des émotions et, en étant jusque-boutiste, manipuler les personnes grâce à ta musique, oui, c'est utile. Pour moi qui ne joue d'aucun instrument : non. Pourquoi êtes-vous ici ?

Il semblerait que mes changements brusque de sujet de conversation ne soit pas commun à mes deux interlocuteurs. Je leur laisse donc le temps de s'y habituer et, finalement, Erik prend la parole :

- Nous voudrions que vous veniez travailler pour nous. En tant que psychomotricienne.

- Nous avons lu votre mémoire et vous êtes tout à fait capable de gérer les difficultés de nos élèves. Qui sont, comme vous l'avez devinez, tous des mutants. J'avoue que je suis intrigué par le concept « d'image du corps affecté par le regard d'autrui et de »… Pourquoi cette hilarité soudaine ?

Je me tiens les côtes tandis que je tente de calmer mon fou rire. Au bout de quelques secondes, j'essuie les larmes de mes joues et réponds à Charles :

- Domi m'avait parlé de votre technique de drague intitulé : « le baratin pour les étudiantes »…

Apaisant d'un geste la réplique de ce dernier, je continue mon discours :

- Je sais, vous ne me draguez pas. (Et, histoire d'embêter mon amie): De toute manière, si c'était le cas, je me ferais tuer par Domi. Pas besoin de longues palabres : j'accepte votre offre.

- Pourquoi ?

Et zut. Je crois que je vais très vite devenir dépendante de ce regard. Je crois être tout à fait capable de réaliser des bêtises pour qu'Erik me regarde aussi suspicieusement. Etouffant un fou rire dans une quinte de toux peu convaincante, Charles essais tant bien que mal de redevenir sérieux. Moi, je me dirige vers le fond de la salle, prend un cousin et lui jette à la figue. Le regard étonné que lui adresse alors Erik ne fait que décupler son hilarité.

- Vous m'offrez un poste de psychomotricienne dans un cadre accueillant. En tout cas, qui n'est pas « ici ». Je serai avec Domitille. Je serais avec des mutants. Je pourrais étudier plus en profondeur mes théories développées dans mon mémoire tout en ne me servant pas de vos élèves comme « cobayes », je vous rassure de suite. Alors, oui, j'accepte dis-je en répondant à « ma tentation ».

Autant de suite lui attribuer un surnom équivoque.

Charles, ayant recouvert son ton cérémonial, se lève et me tend une main :

- Bienvenue chez nous, mademoiselle.

Son sourire cordial, ses manières de gentleman et la confiance qu'il inspire me mets de suite en garde. Charles est quelqu'un de confiance mais je sens qu'au fond de lui, un petit démon existe. Du genre manipulateur. Je sens que l'on va bien vite devenir amis lui et moi.

Au grand dame des autres personnes présentes dans cette pièce…

La réunion de synthèse s'éternise. Entre deux piques, entre deux pathologies, entre deux comptes-rendus, je fais le point sur ma situation. J'ai accepté un poste dans une école pour mutants et je vais travailler en compagnie de Domitille. Mes pensées dérivent vers mes futures prises en charges tandis que, dans la salle, le silence se fait. Je ne reprends le cours de la réalité que lorsque mon chef de service claque sa main devant moi. Je sursaute et rencontre le regard furibond de mon supérieur :

- La synthèse est-elle si inintéressante pour que vous ne lui accordiez pas votre attention ? ou est-ce parce que vous vous sentez supérieur ?

- Ni l'un, ni l'autre monsieur. Je me demandais juste pourquoi vous étiez obligé de nous torturer pour prendre votre pied. Les prostituées n'acceptent plus de vous prendre ?

Le silence catastrophé qui accompagne ma déclaration me fait réaliser pleinement la conséquence de mes propos. Mais, puisque j'ai commencé, autant finir. Une mort glorieuse m'attend. Enfin, j'espère…

- Puisque j'ai toute votre attention, monsieur, je souhaiterai vous faire part de ma démission. Il se trouve que je ne supporte pas qu'on me donne des ordres ou qu'on me manque de respect. Aussi, je vais rédiger ma lettre, chercher mes affaires et vous quitter.

Et dans un dernier élan de générosité, je fais une révérence avant de me séparer, définitivement, de mes collègues.

Ma lettre de démission mise en évidence sur mon bureau, je me saisie des cartons contenant mes affaires. Lorsque j'arrive au parking, j'ai la mauvaise surprise de voir mon ex-supérieur près de ma voiture. Ne lui prêtant nulle attention, j'ouvre le coffre, y dépose mes cartons et me dirige vers la portière conductrice.

Mais une main m'en empêche. Mon chef de service m'empêche de l'ouvrir et me fait face, furieux.

- Espèce de petite salope. Tu crois pouvoir quitter le service en m'insultant ? Je vais te détruire… dit-il en me serrant fortement le bras.

- Lâchez-moi. Vous faites mal.

- Tu vas comprendre ce qu'est la douleur…

Tandis qu'il lève sa main gauche pour me donner une gifle, je me saisie de la main qui me retient et lui fait une clef de bras, l'amenant sans douceur sur le sol. Une fois installée, je le maintiens au sol. S'il bouge, je le lui casse :

- Oh mon dieu, excusez-moi… Je ne vous avez pas indiqué dans mon CV que je pratiquais un art martial ? Vraiment navrée… Le bonjour chez vous ! conclue-je en m'installant au volant.

Une fois sortie de mon ancien lieu de travail, je laisse échapper un sourire puis un rire de joie. Je suis enfin libre. Mais avant de rejoindre mon appartement, je dois passer voir un ami…

J'arrive peu de temps après mon esclandre dans la banlieue de la ville. Il ne me reste que dix minutes pour me préparer psychologiquement. Je ne suis pas sure que mon ami apprécie mon nouvel emploi… Trêve de tergiversations. Je me gare dans l'allée qui mène à une maison individuelle, simple, bien entretenue. Les roses rouges qui m'accueille embaume l'air ambiant et me donne un peu de courage. Je frappe trois coups à la porte d'entrée qui s'ouvre, trente secondes plus tard.

- Bonjour Coralie.

- Bonjour Erik. Je peux rentrer ?

Erik Lensherr, dit « magnéto » s'efface pour me laisser accéder au salon. Me conviant à m'assoir, je découvre une nouvelle fois mon environnement. Une cheminée sur ma gauche entourée de deux bibliothèques, un bar issu des années soixante au fond de la pièce à droite, une arcade qui ouvre sur la salle à manger… rien n'a changé. Je m'installe plus confortablement dans les fauteuils de cuir tandis qu'Erik me rapporte un chocolat chaud. Il me le donne puis s'installe à son tour dans son fauteuil habituel. Il reprend sa tasse de thé commencée et en bois une gorgée avant de me demander les raisons de ma venue.

- Je n'ai pas le droit de rendre visite à un vieil ami ? lui répondis-je.

- Coralie, ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Alors, raconte-moi tout.

- J'ai démissionné.

Devant son levé de sourcil, j'explique tous les tracas qui me sont arrivés depuis deux semaines jusqu'à la proposition de poste, la mise au sol de mon chef de service (qui déclenche un fou rire) et ma venue. Mais lorsque je dois lui révéler l'endroit où je travailler désormais… Je n'ose plus trop prendre la parole.

- Coralie, je n'ai plus mes pouvoirs depuis l'affaire d'Alcatraz. Tu ne risque rien.

- Merci de me rassurer. Je vais travailler pour Charles Xavier. En tant que psychomotricienne. C'est d'ailleurs sa version de lui, en beaucoup plus jeune, ainsi que la tienne, qui sont venues me « recruter ».

Je n'ose pas lever les yeux de ma tasse de chocolat. Je me doute que cette nouvelle ne doit pas lui faire plaisir…

Lorsque « papy magnéto » prend la parole, son discours m'éclaire sur la situation actuelle :

- Tu sais qu'après la mort de Jean Grey, je me suis retrouvé sans pouvoir. Et que Charles Xavier était mort. En réalité, il a transférer son esprit dans le corps d'un homme dans le coma depuis cinq années. Ce transfert spirituel, qui s'est effectué au moment où le phœnix est décédé, a crée une faille spatio-temporel. En effet, Charles était connecté au phœnix grâce aux restes des barrières mentales qu'il avait placé dans l'esprit de Jean. Lorsque le phœnix est mort, son énergie est passée par Charles, entrainant sa réincarnation mais aussi une faille car Charles « devait » mourir. C'est pour cela qu'on a vu apparaitre nos versions plus jeune dans l'institut.

Je sourie en imaginant la scène. Je connais la suite : magnéto sans pouvoir disparait dans la nature, et je le retrouve à l'hôpital durant un stage de formation. Nous faisons connaissance et, lorsqu'il quitte mon service, nous gardons contact. Mais cela ne me dit pas s'il est « d'accord » pour que j'aille travailler à l'institut pour surdoués…

- Quelques mois plus tard, je dirais environ cinq mois, j'étais à mon rendez-vous quotidien avec les joueurs d'échecs. A ma table habituelle, Charles m'attendais. C'est comme cela que nous avons repris contact et que je peux t'expliquer les derniers évènements. Au sujet de ton emploi… C'est moi qui ais dit à Charles de t'engager. Il cherchait une psychomotricienne et toi un poste. Ayant lu ton mémoire et ta nature passionnée, je me suis dit que ce serait une bonne idée.

Je me précipite dans ces bras pour lui faire un câlin en le remerciant. Histoire de tout lui dire, je lui confie en rougissant que le « Erik Lensherr junior » me plaisait beaucoup. En riant, il m'a dit qu'il se doutait que ce dernier serait à mon goût.

- Coralie, tu peux me rendre un service s'il te plait ?

- Dis-moi d'abord ce que c'est…

- Ne juge pas Erik en te référant à mes actes. Et, si tu le peux, offre-lui une autre voie que celle que j'ai choisie. J'ai toute confiance en toi pour cela.

- C'est moi ou tu essayes de m'engager dans une relation sur le long terme ?

- On peut dire cela comme ça. Maintenant, retournes à ton appartement. Demain, tu a un nouveau travail à débuter.