Une page de plus, tournée au moins pour la quinzième fois. Jamais il ne se lassera de parcourir ces lignes insouciantes...
Songeant que s'il revoit maître Jiraya, il lui demandera la date de la sortie du prochain volume (« La Furie du Batifolage »... Tout est dans le titre !), Kakashi Hatake, le Ninja Copieur du village caché de Konoha marche sous les arbres d'un pas tranquille. Il est midi passé de quelques minutes Des potagers sur le bord du chemin émanent les parfums des tomates mûries par les rayons du soleil estival.
Kakashi abaisse un peu plus le bandeau qui lui couvre déjà partiellement le haut du visage. Il préfère la fraîcheur de l'ombre, qui le maintient éveillé... Oh et puis zut, c'est la saison la plus morte de l'année, on est en temps de paix relative, et puis tous ces garnements de l'école des ninjas sont en cours. Le Jonin aux cheveux gris s'écarte du chemin d'un pas traînant et s'avance à travers champs. Les épis de blé sont tous jaunes, prêts à éclater, un vent tiède les fait doucement onduler. Kakashi marche quelques minutes, jusqu'à ce que les derniers toits de Konoha aient disparu derrière l'océan champêtre, puis s'arrête et regarde autour de lui. Hum... un beau petit rocher plat, déjà préchauffé, semble avoir été mis là juste pour lui. Décidément, l'appel est trop tentant. Kakashi s'étend de tout son long sur la pierre. C'est plutôt confortable... Il faudra se rappeler de sa position, pour tous ces moments de désoeuvrement où il n'a pour seul désir que de se retrouver seul avec ses pensées... Et son vieux bouquin tout écorné, évidemment.
Page 75... Reprenons.
Kakashi tente de lire un peu, mais le soleil est vraiment trop inquisiteur. Une douce torpeur commence à l'engourdir. Ce sont sûrement les ramen du repas qui étaient un peu trop copieux. Une bonne petite sieste digestive, et il n'y paraîtra plus !
Il ferme lentement les yeux. La lumière devient toute rose à travers ses paupières.
Pour une fois, cauchemars, ne hantez pas mon sommeil... prie-t-il tout bas, avant de s'endormir.
... Cette fois-ci, il aura le sourire aux lèvres
... ' FUTON ! Bise étourdissante !
Kakashi, après avoir lancé cette attaque, bondit sur ses pieds. La personne qui s'approchait a valdingué dans les herbes hautes, disparaissant de sa vue.
- Nan mais ça va pas ? s'exclame-t-elle.
Kakashi passe ses mains sur son visage.
- Bon sang, Anko, tu ne vois pas que je dormais ?
Elle se relève en s'époussetant. Elle porte un long manteau beige. Paradoxalement, c'est toujours en été qu'elle est la plus couverte.
- Justement, tu étais si mignon, je voulais m'approcher pour te réveiller en douceur.
- C'est réussi...
- En tous cas tu n'étais pas très prudent ! Si j'avais voulu, j'aurais pu te tuer sans que tu puisses esquisser un geste.
Kakashi s'étire, rempoche à contrecoeur le « Paradis du Batifolage ». Anko n'a apparemment pas l'air disposée à le laisser finir sa sieste.
- Bon. Qu'est-ce que tu me veux ?
Anko le regarde avec amusement.
- Tu n'as pas peur d'avoir une drôle de marque de bronzage, avec ton affreux masque et ton bandeau à la « rebelle » ?
- ...
- C'est bon, c'est bon, j'arrête de te charrier. Le maître Hokage veut nous voir.
Kakashi et Anko reviennent sur le chemin, le premier regardant obstinément ses pieds.
- Nous ?
- Ils nous a convoqués moi, toi, Asuma et Kurenai.
- La politesse veut que tu dises « moi » en dernier, tu savais ça ?
- Tu me cherches, Hatake ?
-...
Les deux ninjas arrivent dans le village. Les rues sont désertes, à l'heure la plus chaude de la journée. C'est donc sans rencontrer qui que ce soit qu'ils arrivent devant la maison d'Hokage le troisième. Kurenai et Asuma les attendent déjà, assis sur les marches du perron.
- Et bien, vous en avez mis, du temps ! s'exclame Asuma, l'air contrarié.
Anko hausse les épaules.
- C'est la faute de l'autre ébouriffé, qui dormait comme un loir.
Comme Kakashi lui jette un regard meurtrier, Kurenai tempère les choses.
- C'est bon, on est au complet, maintenant. On peut aller voir le maître Hokage...
Les quatre Jonin pénètrent dans la grande demeure, baissant instinctivement le ton dans ces lieux emprunts de la mémoire du village.
Quand ils arrivent devant la porte de la salle d'audiences d'Hokage le troisième, après avoir gravi plusieurs étages d'escaliers, Kakashi s'éclaircit la gorge avant que Kurenai ne toque.
- Dites, quelqu'un sait pourquoi le vieux nous a convoqués ?
Anko lui tapote la joue, amusée.
- On dirait bien que tu te réveilles, l'ébouriffé !
- Je crois que c'est une mission... Une mission collective.
- Merde...
Les trois paires d'yeux se posent sur Kakashi, qui vient de grogner cette parole.
- Cache ta joie, surtout ! lui dit Asuma, le reproche perçant dans sa voix.
- Et bien, vous attendiez une invitation spéciale ?
- Maître Hokage... saluent les quatre ninjas à l'unisson, devant la silhouette de leur chef, dont la silhouette trapue s'encadre dans la porte ouverte.
La pièce est plongée dans la pénombre. L'Hokage s'installe dans un monceau de coussins, lieu favori de ses méditations. Sa longue pipe à la bouche, il regarde les quatre ninjas s'installer devant lui avant de se racler bruyamment la gorge.
- Voilà quatre Jonins bien désoeuvrés ...
- Oh, vous savez...commence Kakashi.
Il s'interrompt au coup de coude bien placé que lui donne Anko. L'Hokage sourit.
- On voudrait profiter du beau temps, n'est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas, vous allez pouvoir vous balader un peu.
Il leur lance à tous les quatre des rouleaux de parchemin, que les ninjas s'empressent de déplier.
- Une mission de Type A...
- Ca faisait un bail, tiens !s'exclame Anko, déjà toute enthousiaste.
Puis, comme Kakashi lui jette un regard désespéré.
- On va bien s'amuser !
Asuma hausse les sourcils.
- Se rendre chez cette Tran Shiroû est considéré comme une mission de type A ?
Hokage le troisième hoche la tête.
- Madame Shiroû est une ancienne notable de Konoha, qui a déménagé sur la côte après son mariage avec un riche banquier du Sud. C'est une femme de confiance, j'ai connu son père et son grand-père. Si elle fait appel aux Jonin de Konoha, c'est pour de bonnes raisons. Il semblerait qu'elle court un danger dont elle n'a même pas pu informer le messager qu'elle m'a envoyé. Comme elle est une amie de la famille, et que de plus elle a contribué financièrement à beacoup d'œuvres pour notre village, je ne peux la laisser dans le besoin.
Anko se lève d'un bond, toute heureuse.
- On va à la plage, alors ? Génial, j'avais pas bonne mine, ces derniers temps.
- Quatre Jonin pour une seule personne, ce n'est pas un peu trop ? Demande Kakashi, seul à être resté assis.
Le maître Hokage sourit en tassant le tabac dans sa pipe.
- Ca ne peut que te faire du bien, Kakashi. Tu me remercieras, après coup.
Remercier le vieux singe... C'est ça ! se dit tout bas le ninja copieur. Bon. Qu'est-ce que j'emmène ?
Le « Paradis du Batifolage », évidement. Une petite écharpe au cas où... Kakashi est un peu frileux, surtout les nuits d'été. Un masque de rechange...Ah, oui, un réveil. Ne pas oublier le réveil. Quelques billets roulés dans ses chaussettes fétiches, rouges à motifs en shurikens... En parlant de shurikens, quatre tous neufs seront les bienvenus. Allez, on les ajoute aussi. Un peigne... Ouais, mais ça sert à quoi, de nouveau ? Bon. On le prend quand même, sinon Anko et Kurenai vont râler parce que certains ne font aucun effort d'esthétique.
Tous les étuis à rouleaux sont pleins...Kakashi jette un œil à sa montre... encore un peu de temps pour un casse croûte !
- Héhéhé...
Kakashi débusque une ravissante pomme rouge dans un saladier. Elle est juteuse et croquante, ce qui donne au ninja aux cheveux d'argent des élans de lyrisme.
- Pomme verte,
Amère pour rester alerte...
(Kakashi est un grand ninja, mais un piètre poète...)
- Pomme rouge...
- Hé, tu te bouges ?
- ANKO ! Nomdedieudebordelde... On frappe avant d'entrer !s'écrie Kakashi en se couvrant précipitamment le visage avec une serviette de bain.
Anko, l'air diabolique, s'installe dans le canapé.
- Tu sais qu'on avait rendez-vous il y a un quart d'heure à l'entrée du village ?
- Qu'est-ce que tu fais chez moi, alors ?
- Je suis venue m'assurer que tu ne roupillais pas encore, l'ébouriffé.
Kakashi, qui a remis son masque, ferme son sac.
- C'est bon, je suis prêt !
Sur le chemin, Anko regarde l'heure.
- Toi qui es champion pour ça, il faudra que tu nous trouves une excuse pour le retard.
Kakashi, mal luné, ne répond pas. Anko sifflote tranquillement, puis s'interrompt.
- Dis-moi, ce n'était pas si grave, que je voie ton visage...
- ...
- Pourquoi tu gardes ce masque débile ? Tu sais qu'il t'amoche terriblement ?
Et je vais passer des jours et des nuits avec elle... songe Kakashi, maussade malgré la chaleur torride qui règne.
- C'est vrai, quoi, tu portes ça depuis que t'es gamin. Ca fait des années qu'on se connaît, et je n'ai jamais vu ta figure !
- ...
Anko s'agace.
- Si tu crois que le style « baroudeur taciturne et mystérieux » va te permettre de tomber les filles, tu te goures complètement, l'ébouriffé.
- ...
- Tête à claques !
- Voilà Asuma et Kurenai ' Kakashi agite la main, soulagé de les voir ' Hello la compagnie ! Désolé, mais on a aidé une vieille dame aveugle à trouver son chemin, alors...
